25 Adar : Anecdotes édifiantes au sujet de la Rebbetzin ‘Haya Mouchka

25 Adar : Anecdotes édifiantes au sujet de la Rebbetzin ‘Haya Mouchka

La Rabbanit ‘Haya Mouchka Schneerson est née à Babinovitch, à côté de la ville russe « Loubavitch », un Chabbat, le 25 du mois de Adar en 1901. Elle était la seconde des trois filles du sixième Rabbi de Loubavitch, le Rabbi Yossef Yts’hak et de son épouse la Rebbetztin Ne’hama Dina Schneerson.

 

Quand elle est née, son grand-père, le cinquième Rabbi de Loubavitch, le Rabbi Chalom Dov Ber, qui était à l’étranger, télégraphia au Rayats et lui demanda de nommer sa fille « ‘Haya Mouchka », sur le nom de la épouse du Tséma’h Tsedek.
Durant la première guerre mondiale, en automne 1915, la Rebbetztin et sa famille voyagèrent à Loubavitch et s’installèrent à Rostov.
Lorsqu’ils étaient à Rostov, le Rabbi Rachab tomba malade et, la Rebbetztin ‘Haya Mouchka, alors âgée de 19 ans, s’occupa de lui affectueusement et passa ses nuits à ses côtés. Avant sa Histalkout en 1920, le Rabbi Rachab la bénit.

Durant les dures années du communisme, où son père le Rabbi Yossef Yts’hak menait une lutte héroïque, elle était toujours à ses côtés. D’ailleurs son père l’impliquait énormément dans son tRavail.
Jusqu’à Kastroma où il a été envoyé en exil, elle le suivi. Avant de quitter la Russie en 1927, elle s’engagea à épouser Rabbi Mena’hem Mendel Scheerson. Elle se maria un an plus tard, le 14 Kislev 1928, à Varsovie. A propos de ce jour bénit le Rabbi dira 25 ans plus tard : « C’est ce jour que je me suis lié à vous (les hassidim) et vous à moi » .

Après leur mariage, ils vécurent à Berlin jusqu’en 1933, puis à Paris. En mai 1940, ils quittèrent Nice. Au cours d’un bombardement, elle poussa un juif à terre, lui sauvant ainsi la vie. Plus tard, en racontant cette histoire, elle dit : « C’est vrai que je lui ai sauvé la vie mais, pousser un autre juif nécessite une Téchouva ».

Le premier mot de la bénédiction des Cohanim, « koh » (« ainsi », vous bénirez les enfants d’Israël1) s’écrit en hébreu avec les lettres kaf, hé, כ »ה, qui est aussi une manière de désigner le vingt-cinquième jour du mois.
Le 25 Adar 5736 (au printemps 1976), précisément le jour de son anniversaire, la Rebbetsin ‘Haya Moussia dînait avec le Rabbi dans leur appartement de Président Street, à New York, lorsqu’on sonna à l’entrée.  Leur intendant, le Rav ’Hessed Halberstam ouvrit la porte et réceptionna un beau bouquet offert à la Rebbetsin par l’organisation féminine « Néchei H’abad » ; ce bouquet était accompagné d’une lettre contenant des demandes de bénédictions.
Le Rav Halberstam donna les fleurs à la Rebbetsin et la lettre au Rabbi. Le Rabbi refusa de prendre la lettre en affirmant qu’elle était destinée à sa femme. Le Rav Halberstam insista alors en soulignant : « Cette lettre est pourtant bien pour le Rabbi, car elle contient des demandes de bénédictions » mais le Rabbi lui répondit : « Elle aussi peut bénir. »

Le Rav Halberstam remit donc la lettre dans les saintes mains de la Rebbetsin, pensant dans son for intérieur que, de toute façon, c’est par le zékhout du Rabbi, par son mérite, que la Rebbetsin peut donner des bénédictions. Le Rabbi, lisant dans ses pensées, lui rétorqua: « Mon épouse est capable de bénir par son propre mérite ».

Le Rav Halberstam se demanda : « Quelle est donc la différence entre la brakha du Rabbi et celle de la Rebbetsin ? ». Dès lors, s’engagea un dialogue :
Le Rabbi : « As-tu étudié Dérekh Mitsvotekha ?
Le Rav Halberstam : « Oui ».
Le Rabbi : « Quel chapitre? »
Le Rav Halberstam : “Celui concernant la Mitsva de la Téfilla ».
Le Rabbi : « Tu dois sûrement savoir la différence qui existe entre le niveau immanent de D-ieu, « mémalei kol almine » et le niveau transcendant de « sovev kol almine ». Les bénédictions que je donne tirent leur origine du premier niveau « mémalei kol almine », ce qui signifie que la personne doit aussi agir par elle-même afin que la brakha se réalise. En revanche, lorsque la Rebbetsin gratifie un être de sa brakha, la brakha se réalise automatiquement, même s’il ne fait rien pour cela, car elle procède du second niveau « sovev kol almine ». »
Cette capacité de la Rebbetsin à prodiguer des bénédictions ne fut révélée qu’à une poignée de gens. Lors du dernier discours que nous avons eu le mérite d’entendre du Rabbi le jour du yahrzeit de la Rebbetsin, il associa sa disparition au verset : Par ton intermédiaire, Israël sera béni, une allusion directe au fait que la Rebbetsin Haya Moushka était elle-même une source de bénédictions.
Quelques jours plus tard, le Rabbi ajouta : « Le 25 du mois est relié à l’octroi de toutes formes de bénédictions pour les juifs. »

L’épouse du Rabbi, la Rabbanit ‘Haya Mouchka eut plusieurs fois l’occasion d’accomplir de dangereuses missions.
Avant le mariage de la Rabbanit, son père, le précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak l’envoya plusieurs fois à la Yechiva Novardok qui fonctionnait clandestinement à Rostov, afin d’y apporter de la nourriture cachère et des bougies. C’était juste après la Révolution d’Octobre, quand de féroces combats déchiraient la population civile et que les gens étaient abattus dans les rues sans autre forme de procès. Confiante dans la nécessité absolue de ravitailler des jeunes gens désireux d’étudier la Torah, la Rabbanit ‘Haya Mouchka n’hésita pas à mettre sa vie en danger et à acheminer la nourriture et les bougies à cette Yechiva.

Après son mariage (en 1927), la Rabbanit s’installa avec le Rabbi à Berlin où il poursuivait ses études. Avec l’ascension des Nazis au pouvoir, tous deux s’enfuirent en France. Le frère du Rabbi, Rabbi Israël Arié Leib vivait également en France à cette époque et désirait s’établir en Terre Sainte, en Erets Israël qu’on appelait la Palestine. Pour cela, il avait besoin de certificats que seul le gouvernement allemand pouvait lui procurer. Le Rabbi voulut d’abord se rendre en Allemagne pour son frère mais sachant que les Nazis emprisonnaient à tour de bras tous les rabbins et notables juifs importants, la Rabbanit proposa de s’y rendre elle-même. Cela signifiait se jeter dans la gueule du lion mais elle n’hésita pas.

Quand elle arriva en Allemagne, les officiers nazis lui demandèrent de décliner son identité et celle des membres de sa famille. Quelle ne fut pas leur surprise quand elle déclara s’appeler Schneersohn, que son père aussi s’appelait Schneersohn (de fait, elle était une lointaine cousine de son mari) et même le nom de jeune fille de sa mère était Schneersohn. On la soupçonna de mentir (or, bien plus tard, la Rabbanit remarquait qu’elle n’avait jamais dit quelque chose qui ne soit pas vrai…). Les officiers nazis enregistrèrent sa déposition dans leurs dossiers tout en promettant que, dès qu’ils prendraient Paris (!), ils se mettraient à sa recherche ! Mais malgré leurs soupçons, elle réussit à obtenir les précieux documents…

Après la Histalkout (le décès) de son père, Rabbi Yossef Its’hak, ce fut elle qui persuada le Rabbi son époux de prendre sa succession, sachant fort bien ce que cela impliquerait pour elle. Elle restait éveillée jusqu’à ce que le Rabbi rentre, le soir, tard, à la maison. Et elle se levait tôt le matin pour prendre avec lui une tasse de café. Par tous les moyens possibles, elle assurait au Rabbi un maximum de sérénité, en évitant de lui causer souci et peine.

Quand elle faisait des courses, elle demandait à son secrétaire de l’emmener dans un centre commercial où personne ne la reconnaîtrait. C’est ainsi qu’un jour, elle se rendit dans un certain magasin pour acheter un manteau : or la Rabbanit de Satmar s’y trouvait justement elle aussi ! La dame accompagnant la Rabbanit de Satmar reconnut la Rabbanit ‘Haya Mouchka et en informa à voix basse la Rabbanit de Satmar. Aussitôt, celle-ci se précipita à la rencontre de l’illustre cliente, lui serra chaleureusement la main et entama avec elle une conversation animée et cordiale.
En quittant le magasin, la Rabbanit ‘Haya Mouchka déclara qu’elle ne se rendrait plus dans ce magasin où elle était maintenant reconnue.
Une autre fois elle affirma : « Je ne peux pas faire mes courses dans des magasins où on me connaît parce que les gens se croiraient obligés de m’accorder une attention particulière, ce que je ne souhaite absolument pas ! »

De fait, nombreux étaient les gens qui habitaient durant des années dans son quartier et qui ne l’avaient jamais vue. Nombreux sont ceux qui n’ont connu son visage qu’après son départ de ce monde, quand on publia de rares photos d’elle.

Telle était la Rabbanit ‘Haya Mouchka : l’exemple même de la dignité, de l’humilité et de la royauté véritable.

Un jour, la Rabbanit tomba et se brisa une côte. Elle aurait dû être opérée immédiatement mais cela n’était pas possible, à cause d’un autre problème de santé. Hospitalisée, elle souffrait énormément et était très pâle. J’organisais pour elle un roulement de trois infirmières privées qui s’occupaient uniquement d’elle, huit heures par jour.
A la fin du jeûne du 9 Av, nous avons appris que le Rabbi allait se rendre à l’hôpital. Je dois préciser que, durant toutes ses hospitalisations, je n’ai jamais pénétré dans la chambre de la Rabbanit afin de respecter son besoin d’intimité. Je restais dans le couloir afin d’être disponible pour les infirmières.
Après avoir entendu que le Rabbi allait arriver, je vis l’infirmière sortir bouleversée de la chambre. Des larmes coulaient même sur ses joues tandis qu’elle m’expliqua : « Jamais je n’ai vu une femme aussi extraordinaire. Quand elle a appris que son mari – le Rabbi – allait arriver, elle m’a demandé de l’aider à mieux s’habiller et à se maquiller afin de masquer sa pâleur et ne pas lui causer de peine ! »
Même après qu’elle eut quitté l’hôpital, nous avons continué avec des infirmières privées qui se succédaient à son chevet toutes les huit heures. Ceci dura environ un an. C’est moi qui m’occupais de tout et je demandai à la présidente de cet organisme privé de ne proposer que des infirmières particulièrement courtoises et discrètes.
Je dois préciser que jamais la Rabbanit ne m’avait demandé quoi que ce soit. Elle ne supportait pas d’importuner les autres bien que tous se seraient fait une joie et un honneur de lui rendre service.
Cependant un dimanche particulièrement froid et pluvieux, elle me téléphona : « J’ai un très grand service à te demander, s’excusa-t-elle, mais il m’est pénible de te déranger ! »
– Rabbanit, m’empressais-je d’affirmer, c’est avec joie que je ferai pour vous tout mon possible ! C’est un grand privilège !
– Voilà ! Je me sens beaucoup mieux mais il est déjà huit heures vingt et l’infirmière suivante n’est pas encore arrivée. En ce qui me concerne, cela ne me dérange pas mais mon mari refuse de quitter la maison pour se rendre au « 770 » tant que je serai seule. Pourrais-tu téléphoner au bureau des infirmières pour t’informer de la raison de ce retard ?
Tout en l’écoutant, je me disais qu’à l’étage, le Rabbi disposait d’une pièce dans laquelle il pouvait travailler, avec des dizaines, des centaines de livres à sa disposition. Mais la Rabbanit savait que du travail important l’attendait au « 770 », qu’il avait peut-être besoin de ses secrétaires, que des gens cherchaient probablement à lui parler… Pour éviter de faire perdre son temps au Rabbi, la Rabbanit avait fait une entorse à ses principes et, contrairement à son habitude, elle m’avait demandé un service…
Bien sûr, j’ai immédiatement téléphoné à la compagnie afin d’obtenir qu’une infirmière se déplace dans les plus brefs délais : nous lui avons payé le taxi et l’avons généreusement rémunérée afin de rassurer le Rabbi et la Rabbanit.

Un jour, un docteur arriva de Floride et sonna à la porte de la maison du Rabbi. Il apportait une corbeille de fruits et de fleurs pour le Rabbi, de son propre jardin.
Une femme lui ouvrit. Il lui tendit le panier en précisant : « C’est un panier pour le Rabbi en l’honneur de la fête de Pourim de la part de Docteur P. ». La femme le remercia et, pensant que c’était un livreur, partit chercher un billet de cinq dollars pour lui donner un pourboire.
– Non ! Je suis moi-même le Docteur P. et je n’ai pas besoin de pourboire ! s’écria-t-il.
– Alors venez ! Entrez !
– Qui êtes-vous ? demanda-t-il, curieux.
– Je suis la personne qui s’occupe de la maison, répondit-elle ; par ailleurs, je suis aussi la cousine du Rabbi.
Le Docteur se dit que c’était vraiment une très bonne idée que le Rabbi et la Rabbanit disposent d’une aide aussi agréable et d’aussi noble caractère, sans doute une femme d’origine russe à en juger par son accent…
Il lui raconta qu’il possédait un très beau jardin derrière sa maison et qu’il aurait tant voulu inviter le Rabbi et la Rabbanit chez lui. Ils jouiraient de tout le confort et d’une discrétion parfaite puisque le jardin était entouré d’arbres très serrés. De plus, en Floride, il fait chaud même en hiver etc… « Pourriez-vous transmettre cette proposition au Rabbi et à la Rabbanit ? »
Elle répondit avec beaucoup de naturel : « Je transmettrai vos paroles exactement. »
Ce docteur sortit, émerveillé : « Quelle femme remarquable. Quelle bénédiction que le Rabbi et la Rabbanit aient à leur disposition une femme aussi distinguée ! »
Il en parla à ses amis, les ‘Hassidim. Ceux-ci, suspicieux, l’écoutèrent et lui demandèrent plus de détails. Finalement l’un d’eux remarqua : « Ce devait être la Rabbanit elle-même ! »
– Pourquoi ne me l’a-t-elle pas dit ? protesta le Docteur P. Puis il réfléchit : « Elle m’a dit qu’elle s’occupe de la maison, et c’est vrai ; qu’elle était la cousine du Rabbi et c’est vrai aussi… »

Nous ne connaissons pas grand-chose de la Rabbanit ‘Haya Mouchka Schneerson. Elle tenait par dessus tout à ne pas se faire remarquer : quand elle allait au 770 Eastern Parkway, le quartier général du mouvement Loubavitch à Brooklyn, pour rendre visite à sa mère et sa sœur, elle veillait à ce que ce soit un moment où nul ne se trouvait alentour.
Pour elle, la discrétion était innée. C’est le propre de la fondation d’une maison : peu importe les apparences (d’ailleurs on ne les voit pas) mais sur elle repose tout le bâtiment…

En 1950, à la mort du précédent Rabbi de Loubavitch, les ‘Hassidim supplièrent Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, son gendre, de lui succéder. Mais il refusa de prendre la tête du mouvement. Ce fut son épouse, la Rabbanit ‘Haya Mouchka qui le persuada d’accepter cette charge écrasante quand elle déclara : « Je ne peux permettre au sacrifice personnel de mon père durant trente ans de s’arrêter ainsi ! » Elle savait mieux que quiconque ce que cela signifiait pour sa vie privée mais elle fit don de son mari et de sa propre vie au peuple juif.

La Rabbanit se rendait souvent dans une bibliothèque à Manhattan. Un jour, alors qu’elle présentait sa carte de membre, l’employée remarqua son nom et lui demanda :
– Êtes-vous de la famille du célèbre Rabbi, à Brooklyn ? »
– Oui.
– De quelle façon ? insista la jeune femme.
– C’est mon mari, avoua la Rabbanit.
L’employée se mit alors à se plaindre du Rabbi. Elle expliqua que, mariée depuis plusieurs années, elle n’avait pas d’enfant : « Sur le conseil de mes amis, j’ai fait l’effort d’aller voir le Rabbi ; il m’a bénie et m’a conseillé de m’engager à accomplir une Mitsva supplémentaire. En effet, me dit-il, la bénédiction agit comme la pluie qui peut rendre fertile un champ préparé et labouré. Je m’engageai à allumer les bougies de Chabbat le vendredi soir. Cela fait deux ans et nous n’avons toujours pas d’enfant !
La Rabbanit tenta de la calmer : « Moi non plus… »
Mais la bibliothécaire éclata en sanglots : « Je suis désolée pour vous mais moi, je suis une rescapée de la Shoa. J’ai survécu aux camps d’extermination et je suis la seule survivante de toute ma famille. C’est pourquoi il est si important pour moi d’avoir des enfants, afin que notre famille ne soit pas effacée ! »
La Rabbanit demanda : « Qu’est-ce que mon mari vous a dit, exactement ? »
– Il m’a dit d’allumer les bougies de Chabbat !
– C’est bien ce que vous faites ?
– Mais oui !
– Et comment le faites-vous ? continua la Rabbanit.
– Chaque vendredi, quand mon mari revient du travail, j’allume les bougies vers 19h ou 20h.
Patiemment, la Rabbanit expliqua qu’il fallait allumer les bougies avant le coucher du soleil, en accord avec les horaires imprimés sur les calendriers hébraïques.
La bibliothécaire avait écouté attentivement : elle s’engagea à allumer les bougies à l’heure voulue.
Dix mois plus tard, elle serrait son fils dans ses bras… Elle garda contact avec la Rabbanit et lui rendit même visite plusieurs fois.

 

Un jeune couple de Chlou’him (émissaires du Rabbi) eut le privilège de rendre visite à la Rabbanit avant son mariage.
Elle demanda au fiancé : « Êtes-vous le petit-fils du ‘Hassid, Reb… ? »
Il répondit par l’affirmative. Elle hocha la tête, joyeusement : « Dans ce cas, je suis sûre que vos enfants parleront le yiddish ! »
De nombreuses années passèrent. Le jeune couple n’avait toujours pas d’enfants mais ne désespérait pas : « Nous n’étions pas inquiets puisque la Rabbanit nous avait dit de parler yiddish à nos enfants : pour cela, il fallait bien que nous ayons des enfants ! Et nous étions sûrs que nous aurions plus qu’un enfant puisqu’elle avait parlé au pluriel : « Vos enfants ». Pas un instant nous n’avons perdu espoir puisque nous avions la bénédiction de la Rabbanit ! »
Après 14 ans de mariage, ce couple de Chlou’him mit au monde des jumeaux, un garçon et une fille. Ils les nommèrent Mena’hem Mendel et ‘Haya Mouchka.

 

 

La diffusion du judaïsme : un devoir vital

La diffusion du judaïsme : un devoir vital

Dans ce discours puissant basé sur le verset « Tu ne te tiendras pas passif pendant que la vie de ton prochain est en danger » (Lévitique 19:16), le Rabbi souligne l’obligation qui incombe à chaque Juif de s’engager dans la diffusion de la Torah et du judaïsme afin de « sauver » spirituellement son prochain. Faisant le parallèle entre le danger physique et le péril spirituel, le Rabbi exhorte à ne pas rester passif lorsqu’on voit un Juif s’éloigner du judaïsme, mais au contraire à tout mettre en œuvre, même au prix d’efforts importants, pour le rapprocher de la Torah et des Mitsvot. Cette mission, encouragée et soutenue par D.ieu, permettra d’accroître l’amour divin et d’amener la délivrance messianique.

 

 

Sur le verset « Tu ne te tiendras pas passif pendant que la vie de ton prochain est en danger » (Vayikra 19:16), Rashi commente: « En le voyant en train de mourir alors que tu peux le sauver, comme s’il se noie dans un fleuve, ou si un animal sauvage ou des bandits l’attaquent ».

De ce commentaire de Rashi, on peut tirer un merveilleux enseignement dans le service divin concernant la diffusion de la Torah et du judaïsme:

Il est écrit « Le sang (de ton prochain) est son âme », dont le sens spirituel est la Torah et ses Mitsvot, qui sont « notre vie et la longueur de nos jours ».

Voilà l’explication profonde de « Tu ne te tiendras pas passif pendant que la vie de ton prochain est en danger » – un Juif qui se trouve dans une situation de danger de mort spirituelle, à D.ieu ne plaise, un Juif qui a perdu la véritable vitalité, la vitalité dans les domaines du judaïsme, de la Torah et de ses Mitsvot, comme des « ossements desséchés ».

Rashi donne un exemple de cela: « comme s’il se noie dans un fleuve », car la raison pour laquelle il est arrivé dans une situation de danger de mort est à cause des « eaux impétueuses », faisant référence aux choses indésirables dans le monde, dans lesquelles il s’est immergé etc., jusqu’à finalement arriver à l’état de « se noyer dans un fleuve », à D.ieu ne plaise. Pire encore: « se noyer dans la mer » (selon les termes du Rambam et du Choulhan Aroukh), où le danger est encore plus grand que de « se noyer dans un fleuve ».

Donc, concernant une telle situation, la Torah dit: « Tu ne te tiendras pas passif pendant que la vie de ton prochain est en danger », c’est-à-dire lorsque tu vois un Juif dans une situation de danger de mort spirituelle, à D.ieu ne plaise, tu n’as pas le droit de rester passif et de « le voir mourir », à D.ieu ne plaise, puisque « tu peux le sauver »… Il dépend de toi de ramener son âme à la vie – en t’engageant dans la diffusion de la Torah et du judaïsme!

Le simple fait que tu aies vu – par la Providence Divine – un Juif dans la situation susmentionnée (« le voir mourir »), prouve que « tu peux le sauver », sinon pourquoi t’aurait-on montré cela ?! Il est inconcevable qu’on te l’ait montré uniquement pour que tu t’attristes… On doit donc certainement conclure que « tu peux le sauver », et c’est pourquoi on te l’a montré, afin que tu le sauves – par ton action de diffusion de la Torah et du judaïsme!

De plus, l’action de sauver ton « prochain » doit être réalisée sans aucune considération [personnelle], même lorsque cette action implique un risque personnel, « à cause d’un animal sauvage, de bandits, etc. » En d’autres termes, l’engagement dans la diffusion de la Torah et du judaïsme doit se faire de manière audacieuse.

Cependant, comme il craint malgré tout le danger que cela implique, le verset poursuit: « Je suis l’Éternel », c’est-à-dire que le Saint béni soit-Il est le véritable Maître du « fleuve », de « l’animal » ou des « bandits », et par conséquent, lorsqu’il part accomplir le commandement de D.ieu de sauver son prochain, il n’a rien à craindre de quoi que ce soit au monde!

Un autre point à ce sujet, « Je suis l’Éternel » – « fidèle à récompenser et fidèle à punir »:

Comme il y a le yetser hara (le « petit malin » – surnom de l’inclination au mal) qui tente de perturber ce service, il faut lui faire savoir que le Saint béni soit-Il est « fidèle à récompenser ». Comme il est dit dans les Pirkeï Avot (chap. 2): « Sache pour qui tu peines et qui est ton employeur qui te paiera le salaire de ton travail », « Ton employeur est digne de confiance pour te payer ton salaire ».

Et parfois, il faut rappeler au yetser hara qu’il y a aussi un « bâton »… « fidèle à punir », en effet, cela le dissuadera d’entraver et de gêner le travail d’un Juif pour sauver son prochain par la diffusion de la Torah et du judaïsme.

Cela constitue un encouragement et donne de la force à tous ceux qui s’occupent de diffuser la Torah et le judaïsme, et de propager les sources à l’extérieur – ils doivent savoir et se rappeler que s’engager dans la diffusion de la Torah et du judaïsme n’est pas une « belle mitsvah », mais un véritable sauvetage de vie, et nous avons reçu l’ordre: « Tu ne te tiendras pas passif pendant que la vie de ton prochain est en danger », « tu peux le sauver »!

Par conséquent, ils redoubleront certainement d’efforts et d’intensité dans ce travail, beaucoup les imiteront et s’engageront eux aussi dans la diffusion de la Torah, du judaïsme et des sources à l’extérieur, et comme mentionné, de manière audacieuse.

Puissions-nous, par nos actions et notre service de diffusion de la Torah et du judaïsme, avec un sentiment d’amour pour notre prochain, comme le commande la paracha Kedochim (à la suite de l’ordre « Tu ne te tiendras pas passif pendant que la vie de ton prochain est en danger ») « tu aimeras ton prochain comme toi-même », « c’est un grand principe de la Torah » – voir s’accroître la révélation de l’amour de D.ieu pour chaque Juif, car chaque Juif est le « prochain » du Saint béni soit-Il, comme le rapporte Rachi dans le traité Chabbat: « Ton ami et l’ami de ton père, ne les abandonne pas, c’est le Saint béni soit-Il ».

Et cela, véritablement de la manière de « tu aimeras ton prochain comme toi-même », c’est-à-dire, de même que le Saint béni soit-Il est l’Être suprêmement libre, comme il est dit « qui Te dira ce que Tu dois faire et comment agir » – ainsi, chaque Juif sera dans un état de liberté absolue.

Et immédiatement – nous allons accueillir Machia’h notre juste, chacun emmenant avec lui tous ceux qu’il a influencés et rapprochés du judaïsme, de la Torah et de ses Mitsvot, et eux-mêmes emmènent tous ceux qu’ils ont influencés, car ils sont devenus des « lumières pour éclairer », une « chaîne d’influences positives », et tous ensemble – « une grande assemblée reviendra ici », vers la Délivrance véritable et complète, puisse-t-elle arriver bientôt de nos jours, rapidement.

(Extraits d’un discours du Rabbi – Parachat Kedochim 5746)

25 Adar : Biographie de la Rebbetzin Haya Mouchka

25 Adar : Biographie de la Rebbetzin Haya Mouchka

Le Chabbat Vayakhel Pekoudé, le 25 Adar 1901 naquit la fille de Rabbi Yossef Yits’hak Schneersohn, fils unique du Rabbi Chalom Dov Ber, dans la ville de Babinovitch, proche du village de Loubavitch. Elle fut appelée ‘Haya Mouchka.

 

Dès son plus jeune âge, il était évident que son grand-père ne considérait pas sa naissance comme un événement banal. À cette époque, le Rabbi Chalom Dov Ber résidait à Varissafane, il envoya une lettre en précisant entre autres : « Du plus profond de mon cœur, je remercie le Tout-Puissant pour tout le bien qu’Il nous a prodigué et qui, dans Sa grande bonté, nous a fait vivre, nous a fait subsister et nous a fait parvenir à cette époque ! Qu’Il nous fasse également parvenir à d’autres nombreuses joies et de bonnes occasions ! »

Ce fut lui qui préconisa de lui donner le prénom ‘Haya Mouchka dans un télégramme spécial qu’il envoya à son fils : « Si on ne lui a pas encore donné de prénom, qu’elle soit appelée ‘Haya Mouchka, ce qui est correct à mes yeux. Certainement tu me feras savoir comment elle a été nommée pour le Mazal Tov ». Le prénom fut donné d’après la Rabbanit ‘Haya Mouchka, l’épouse du Rabbi Tséma’h Tsédek.

Dans d’autres lettres envoyées après qu’elle eut été nommée, on peut trouver d’autres allusions sur l’avenir de l’enfant : « Que Dieu fasse qu’elle vive longtemps et en bonne santé, matériellement et spirituellement, qu’elle soit une femme vertueuse, avec une véritable crainte de Dieu, que nous puissions tous avoir beaucoup de satisfactions d’elle spirituellement et matériellement ». « Qu’elle ait une véritable crainte de Dieu et qu’elle soit en tous points comparable à son arrière-grand-mère, la Rabbanit dont elle porte le prénom ».

Une éducation vers le dévouement total

Lorsque le professeur particulier engagé pour enseigner la Torah à la Rabbanit refusa de raconter des histoires de dévouement total qui brisent le cœur, Rabbi Yossef Yits’hak, son père, lui ordonna de le faire. Selon lui, cela lui inculquerait le dévouement dès son plus jeune âge.

Souvenirs d’enfance

La Rabbanit se souvenait avec précision de son enfance passée dans la maison de son grand-père et racontait plusieurs épisodes, notamment les prières émouvantes et brisées de son grand-père qui résonnaient profondément en elle. Elle mentionna également qu’elle était capable de répéter avec précision tout ce qui avait été dit dans la maison de son grand-père.

Des remarques pertinentes

Grâce à sa mémoire phénoménale, la Rabbanit se rappelait de l’aspect de son grand-père et affirma que le portrait du Rabbi Rachab n’était pas conforme, car l’aspect majestueux du Rabbi en était absent. Même lorsque Rav Na’houm Yits’hak Kaplan dessina un portrait du Rabbi Rachab et lui demanda son avis, elle répondit que les yeux étaient bien plus pénétrants en réalité et que la couleur de la barbe était bien plus claire. Une fois que des retouches furent apportées, la Rabbanit exprima sa satisfaction et garda le portrait toute une nuit dans sa maison.

La Rabbanit et le Fête de Pessa’h

La Rabbanit passa ses premières années dans la maison de son père et de son grand-père, où elle reçut une véritable éducation ‘hassidique. Son grand-père, le Rabbi Rachab, lui témoignait une affection particulière. Une fois, alors qu’elle courait et qu’elle se blessa, le Rabbi Rachab la ramassa et l’embrassa sur le front. Une autre fois, alors qu’elle avait seulement cinq ans, le Rabbi Rachab fut particulièrement attentif à ce qu’elle disait. C’était le dernier jour de Pessa’h en 1906 et elle jouait avec sa sœur dans la salle à manger. Obsédée par une grave question, elle demanda ce que représentait le dernier jour de Pessa’h. Sa sœur essaya de lui expliquer que c’était une fête comme les autres, mais elle n’accepta pas cette réponse, car elle avait remarqué que la bénédiction de Chéhé’héyanou n’était pas prononcée lorsque l’on allume les bougies de la fête. Le Rabbi Rachab écoutait leur conversation.

Cette question avait déjà été posée quarante ans plus tôt par le Rabbi Rachab lui-même. Quand il l’entendit, il décida de révéler lors du repas de la fête ce qui lui était arrivé quand il était enfant, en 1865, lors du repas de fête chez son père, le Rabbi Maharach. Il avait demandé à son père pourquoi le dernier jour de Pessa’h était un jour de fête. Son père s’était tourné vers son frère et lui avait demandé de répondre, mais il ne sut pas quoi dire. Sa sœur, Dvora Léa, qui était assise à côté de leur mère, déclara qu’elle savait répondre. Son père lui demanda d’expliquer que lorsque les Juifs respectent les sept jours de Pessa’h en s’abstenant de manger du ‘Hametz, ils peuvent alors célébrer le dernier jour de Pessa’h comme un véritable jour de fête. Elle expliqua que tous les Juifs se réjouissent d’avoir réussi à éviter cette grande faute de manger du ‘Hametz à Pessa’h. Rabbi Zalman Aharone, qui était présent lors de ce repas de Pessa’h 1906, poursuivit l’histoire en déclarant que leur père était très heureux de cette réponse et s’exclama : « Dvora Léa ! Tu as une bonne tête ! ». Après cela, ils allèrent rendre visite à leur grand-père, le Rabbi Tséma’h Tsédek, et leur père lui raconta toute l’histoire. Le Tséma’h Tsédek approuva l’explication de Dvora Léa en disant que c’était une bonne explication, puis il donna une explication plus approfondie sur le sens du dernier jour de Pessa’h. Tout ceci fut raconté par le Rabbi Yossef Yits’hak lors du repas du dernier jour de Pessa’h en 1940.

Des lettres rares du Rabbi précédent, père de la Rabbanit

La Rabbanit était aussi très liée à son père, Rabbi Yossef Yits’hak comme on le verra encore de nombreuses fois par la suite. Nous en avons la preuve par ces lettres vraiment très spéciales. Quand la Rabbanit atteignit l’âge de douze ans en 1913, le Rabbi et son épouse étaient en voyage à l’étranger. La Rabbanit lui avait envoyé une lettre de salutations et le Rabbi lui répondit avec une lettre spéciale dans laquelle il lui demandait de raconter en détails sa situation :

Barou’h Hachem, Mardi 2nd jour de Mena’hem Av 1913

 ma chère fille, Moussia qu’elle vive longtemps !
C’est avec plaisir que j’ai reçu ta lettre de salutation.
Ecris en détails ce que tu apprends et tout. Sois en bonne santé et heureuse tout au long d’une bonne existence. C’est ce que te souhaite ton père qui s’occupe de toi.

Dans un télégramme qu’il lui envoya depuis Pétrograd (St Pétersbourg) pour son quinzième anniversaire, Rabbi Yossef Yits’hak lui écrivit (traduction libre du russe) :

Pétrograd 25 Adar 1916

Ma fille chérie et précieuse, Moussia, qu’elle vive longtemps,
Ma fille chérie, à l’occasion de ton anniversaire où tu atteins l’âge de quinze ans, je suis heureux d’exprimer la bénédiction paternelle de D.ieu et les souhaits de tes parents. Que D.ieu t’accorde une longue vie, de la chance et une réussite extraordinaire dans ce que tu entreprends et dans tes études. Sois toujours heureuse, sois en bonne santé, ma chérie.

 

La Hassidout et la Kabbale

La Hassidout et la Kabbale

 

 

Par Rav Nahum Grinwald

Une image du hassidisme et de la Kabbale

Sur la relation entre la Hassidout et la Kabbale et si l’on peut dire que la Kabbale explique la Hassidout. Par Rabbi Nahum Grinwald, édité par Rabbi Shneur Zalman Ruderman.

Beaucoup a déjà été écrit pour tenter de définir l’essence de la doctrine hassidique, et pourtant ce sujet n’a pas encore été épuisé dans tous ses aspects et nuances. La difficulté à épuiser le sujet provient à la fois de son ampleur quantitative vaste et complexe, et surtout de sa nature subtile et abstraite. On peut comparer dans une large mesure la difficulté à définir l’essence du hassidisme, qui a revitalisé des concepts fondamentaux du judaïsme et insufflé une vitalité renouvelée dans les cœurs ainsi que dans l’étude de la Torah et l’accomplissement de ses commandements, à la difficulté de définir le concept de ‘vie’ en général.

Une autre raison de la difficulté à définir de manière complète et globale l’essence du hassidisme est que la Hassidout n’est pas venu au monde comme une doctrine élaborée et détaillée qui aurait été formulée avant sa révélation et sa mise en pratique, mais qu’il est apparu comme un mouvement de vie bouillonnant et actif, dont les idées se dévoilent et se clarifient au fur et à mesure de son avancée.

Nous non plus, dans notre article présent, ne prétendons pas faire ce qui n’a pas été fait jusqu’à ce jour et ce qui semble impossible à faire. Dans cet article, nous délimitons notre tentative de clarifier des points concernant l’essence du hassidisme à un seul sujet – la relation et le lien entre la Hassidout et la Kabbale.

À première vue, il semble que la Hassidout s’appuie sur la Kabbale. la Hassidout cite abondamment la Kabbale, explique des concepts de la Torah cachée et s’en sert même pour fonder certaines de ses idées.

À la lumière de cela, on peut se demander si la Hassidout est une ‘continuation’ de la Kabbale et n’est en fait qu’un autre maillon dans la chaîne de la Kabbale depuis le Zohar et les kabbalistes d’Espagne et la Kabbale du Ramak, jusqu’à la Kabbale de l’Ari et de ses disciples ? la Hassidout n’est-il finalement que le ‘commentateur’ de la science kabbalistique sans aucune innovation propre ? Et peut-être que le rôle du hassidisme est uniquement de ‘traduire’ le langage élevé et abstrait de la Kabbale en concepts et instructions dans le service divin ?

Ces affirmations sont-elles vraies ? Seulement certaines le sont-elles ? Ou peut-être qu’aucune ne définit correctement l’essence du hassidisme dans ce contexte ?

Nous devons donc revenir au point de départ et clarifier de manière fondamentale la nature du système de relations et d’influences réciproques entre la Hassidout et sa doctrine d’une part, et la science kabbalistique d’autre part.

Précisons d’emblée qu’on ne trouvera pas les réponses à ces questions de manière explicite dans les sources anciennes du hassidisme, car comme on le sait, la Hassidout ne définit pas directement son but et son objectif. Sur ce point, la Hassidout ne dit pas les choses de façon tranchée et claire en présentant l’ancien face au nouveau, ce qui était face à ce qui s’est ajouté. Nous trouverons les solutions à ces questions entre les lignes, dans les combinaisons de mots, dans les points de jonction entre l’ancien et le nouveau et dans les polémiques qui ont eu lieu aux débuts du hassidisme. À partir d’eux, nous pourrons apprendre sur le développement de la voie et de la doctrine hassidiques et obtenir quelques indices pour répondre aux questions qui nous occupent.

Un de ces passages se trouve dans une lettre de Rabbi Schneur Zalman de Liadi, auteur du Tanya (Iggeret HaKodesh du Tanya, chap. 25, à la fin de l’explication sur « Imrei Binah » dans le testament du Rivash), qui a été écrite comme une lettre d’explication à la communauté de Vilna, l’un des foyers les plus ardents de la controverse des opposants (mitnagdim) contre les hassidim :

« Et que l’auditeur ne me soupçonne pas de penser que j’ai compris les paroles de l’Ari pour les dépouiller de leur matérialité, car je ne suis venu que pour expliquer les paroles du Baal Shem Tov et de ses disciples selon la Kabbale de l’Ari, d’autant plus que ce sujet ne relève pas de la science de la Kabbale et des mystères de D.ieu, mais des choses révélées à nous et à nos enfants pour croire d’une foi complète dans le verset explicite qui dit : « Ne remplis-Je pas les cieux et la terre ? dit l’Éternel », que nul verset ne doit être pris en dehors de son sens littéral, et c’est aussi une foi simple parmi le peuple d’Israël en général et transmise par leurs saints ancêtres qui marchaient avec intégrité devant D.ieu sans sonder par l’intellect humain la question de la Divinité, qui est infiniment au-delà de l’intellect, pour savoir comment Il remplit toute la terre ; c’est seulement récemment que certains sont venus sonder cette question, et on ne peut la rapprocher de leur intelligence qu’à l’aide de prémisses tirées des écrits de l’Ari, dépouillées de leur matérialité comme je l’ai entendu de mes maîtres. »

Qui explique qui ?

Ce court passage, bien qu’il ne vienne qu’en conclusion et en annexe d’une explication profonde et complexe sur l’enseignement célèbre du Baal Shem Tov concernant « Il n’y a rien d’autre que Lui », renferme en son sein des contenus profonds et fondamentaux touchant à l’essence de la doctrine hassidique et son approche. En examinant minutieusement ce passage et en analysant chaque phrase et expression, on peut y trouver une sorte de document rare et préliminaire de Rabbi Schneur Zalman sur la singularité du hassidisme, sur sa relation à la Kabbale, sur le point de vue des opposants au hassidisme et sur des principes de base du judaïsme, comme nous l’expliquerons ci-après.

Sur la base de ce passage et à l’aide d’autres passages similaires, ainsi que de quelques brèves déclarations dispersées dans les écrits et discours de Rabbi Schneur Zalman que nous citerons plus loin, il est possible de composer une image partielle, du moins, qui nous aidera à obtenir des réponses sur le sujet traité dans notre article.

Tout d’abord, il faut noter que dans la citation ci-dessus (d’Iggeret HaKodesh chap. 25), nous trouvons apparemment une source explicite à une assertion plutôt étonnante de Rabbi Shalom Dov Ber Schneersohn de Loubavitch concernant l’essence du hassidisme. Voici ce qu’a dit Rabbi Shalom Dov Ber: « Le monde pense que la Hassidout est un commentaire de la Kabbale. Mais ils se trompent, et la Kabbale est un commentaire du hassidisme ».

Et apparemment, ce sont aussi les propos de Rabbi Schneur Zalman, l’auteur du Tanya, explicitement : « Car je ne suis venu que pour expliquer les paroles du Baal Shem Tov et de ses disciples selon la Kabbale de l’Ari ». Il s’avère donc que ce n’est pas la Hassidout qui vient expliquer la Kabbale, mais au contraire, les enseignements hassidiques sont expliqués et élucidés selon la Kabbale. Ces propos sont très étonnants, comme nous l’avons dit, et avec l’aide de Dieu ils seront expliqués dans la suite de notre exposé.

Laissons pour l’instant ce ‘midrash merveilleux’ dans les paroles de Rabbi Shalom Dov Ber (et qui semblent même trouver un appui dans les paroles de Rabbi Schneur Zalman citées) et revenons à notre analyse fondamentale – le système de relations entre la Hassidout et la Kabbale.

Eh bien, d’un autre côté, il semble clair que la Hassidout (et cela est encore plus marqué dans la doctrine de Rabbi Schneur Zalman) se considérait comme le grand commentateur de la Kabbale de l’Ari, en particulier dans le domaine de l »abstraction’ – « pour les dépouiller de leur matérialité ».

Rabbi Schneur Zalman a reçu cela de ses maîtres, comme le suggère la fin de ce passage : « Et on ne peut la rapprocher de leur intelligence qu’à l’aide de prémisses tirées des écrits de l’Ari, dépouillées de leur matérialité comme je l’ai entendu de mes maîtres. » C’est-à-dire que la façon et la méthode pour dépouiller les choses de leur matérialité, Rabbi Schneur Zalman les a reçues de ses maîtres (« comme je l’ai entendu de mes maîtres »), les pères du hassidisme.

C’est ainsi également, semble-t-il, qu’écrit Rabbi Schneur Zalman ailleurs (Iggeret HaKodesh, chap. 15), que l’abstraction des sefirot lui a été transmise : « Il est notoire que l’explication des paraboles et allégories dans les paroles des Sages et leurs énigmes concernant les sefirot, je l’ai reçue des bouches des saints d’en-haut. »

[Cette précision donne aussi une explication et une logique à la ‘justification’ de Rabbi Schneur Zalman lorsqu’il écrit « Et que l’auditeur ne me soupçonne pas de penser que j’ai compris les paroles de l’Ari pour les dépouiller de leur matérialité, car je ne suis venu que pour expliquer les paroles du Baal Shem Tov et de ses disciples. » En effet, à première vue, quelle réponse donne-t-il à la critique à son encontre ; en quoi le fait d’abstraire les paroles de l’Ari dans le but « d’expliquer les paroles du Baal Shem Tov et de ses disciples » permet-il de repousser le ‘soupçon’ selon lequel « je pense avoir compris les paroles de l’Ari pour les dépouiller de leur matérialité » ?!

Mais à la lumière de ce qui précède, il semble que l’essentiel de l’accent de Rabbi Schneur Zalman se trouve à la fin de ses propos, à savoir que la voie et la méthode pour abstraire de la matérialité les écrits de l’Ari, il les a reçues de ses maîtres (« comme je l’ai entendu de mes maîtres »), et c’est donc en quelque sorte « ce n’est pas contre moi que vous vous plaignez »].

Le fait mentionné, que la Hassidout Habad voyait (parmi ses rôles) la nécessité de mettre en garde contre la matérialisation des paroles de l’Ari, n’est pas nouveau. On en trouve un exemple dans le Likoutei Torah (Suppléments à Vayikra, sur le verset « pour comprendre ce qui est écrit dans Otzrot Haïm ») : « Et c’est pour cette raison que le saint de D.ieu, le Baal Shem Tov, a dit qu’en étudiant les livres de Kabbale, il faut veiller à ne pas se représenter les choses de façon littérale, que les dix sefirot sont appelées D-i-e-u ou divinité etc. et aussi à ne pas être attiré par les appellations matérielles qui y sont mentionnées. »

Un autre exemple, dans les discours de Rabbi Schneur Zalman (Inyanim, p. 318) : « Et le Baal Shem Tov se plaignait de ceux qui étudient la Kabbale sans savoir en abstraire la matérialité. »

De même, Rabbi Menahem Mendel Schneersohn, le Tsemah Tsedek, écrit dans son livre Derekh Mitsvotekha (‘Racine du commandement de la prière’, p. 230) : « Et c’est pour cette raison que le Baal Shem Tov a ordonné de ne pas étudier les livres de Kabbale, car celui qui ne sait pas en abstraire la matérialité se matérialise beaucoup par cette étude lorsqu’il se représente la Divinité selon des attributs particuliers dans sa pauvreté d’esprit » (et voir là-bas encore, qu’il écrit : « L’intention n’est pas le corps de la sefira lui-même comme certains kabbalistes l’ont imaginé, et c’est une conception très matérialiste »).

En vérité, ces choses sont de notoriété publique. Les discours de Rabbi Schneur Zalman et même le livre du Tanya lui-même sont remplis de ce point – éloigner toute matérialisation, à D.ieu ne plaise, des concepts et idées de la Kabbale. Comme l’écrit Rabbi Schneur Zalman dans le Tanya chapitre 48 : « Et le sens n’est pas entourer et environner d’en-haut dans une notion d’espace, à D.ieu ne plaise, car la notion d’espace ne s’applique pas du tout au spirituel, mais cela signifie entourer et environner d’en-haut dans le sens d’une révélation d’influence. »

Les citations ci-dessus prouvent clairement que la Hassidout s’occupe effectivement d’expliquer correctement des concepts de la Kabbale ainsi que de nier leur matérialisation. Cette conclusion semble en totale contradiction avec les propos de Rabbi Shalom Dov Ber selon lesquels « Le monde pense que la Hassidout est un commentaire de la Kabbale ; mais ils se trompent, et la Kabbale est un commentaire du hassidisme » (ainsi qu’avec les propos de Rabbi Schneur Zalman ci-dessus : « pour expliquer les paroles du Baal Shem Tov et de ses disciples selon la Kabbale de l’Ari »).

Comment donc concilier ces propos les uns avec les autres et comment est-il possible que la Hassidout explique la Kabbale et en même temps soit expliqué par elle ?

Un changement de contenu ou seulement de style ?

Avant de chercher à élucider ces choses en profondeur, nous devons prendre connaissance de quelques autres citations traitant de l’essence de la Kabbale et de son lien avec la doctrine hassidique :

Dans les Lettres de Rabbi Schneur Zalman (chap. 34, p. 86), il écrit au sujet du ‘Likoutei Amarim’ du Maguid de Mézeritch : « Le livre Likoutei Amarim et ses semblables dont le fondement est dans les montagnes saintes des saints de l’Ari », c’est-à-dire que la Hassidout du Maguid est enraciné dans les enseignements de l’Ari.

Qui plus est, nous trouvons que Rabbi Schneur Zalman compare carrément les paroles du Baal Shem Tov à celles de l’Ari, et selon lui leur contenu est identique et seul leur style diffère :

Dans les discours de Rabbi Schneur Zalman (Inyanim, p. 328), il est écrit : « Il y a encore une autre appellation pour la lumière infinie mentionnée que l’Ari a appelée le nom de Malkhout de l’Infini béni soit-Il… Et c’est pourquoi l’Ari a appelé l’éclat de la lumière infinie bénie soit-Il le début de la ligne du nom de Malkhout de l’Infini béni soit-Il qui est Son grand Nom béni et tout est un, c’est évident. Et le Baal Shem Tov l’a appelé par la parabole des lettres selon le rapport de l’annulation de l’Infini béni soit-Il qui fait exister les mondes d’Atsilout, Beria, Yetsira, Assiya par rapport à l’essence de la Lumière émanante bénie soit-Elle en Elle-même. » (Cette parabole du Baal Shem Tov est celle rapportée par Rabbi Schneur Zalman dans le Tanya chapitre 20).

Et ailleurs dans les discours de Rabbi Schneur Zalman (année 5563 vol. 1 p. 310) : « Voici que le Baal Shem Tov a revêtu tout cela d’une parabole (dans laquelle est revêtue l’allégorie profonde des secrets de la Torah que Rabbi Haïm Vital explique dans tout le livre Ets Haïm en une parabole), à savoir la parabole de l’échelle en colimaçon (qu’on appelle shvindl treppe). »

Et encore dans les discours de Rabbi Schneur Zalman (165, p. 214) : « Mais en vérité, selon la Kabbale de l’Ari (et du Baal Shem Tov et du Maguid de Mézeritch), ce qu’écrit le Ramak que l’enchaînement de cause à effet concerne les vases, selon la Kabbale de l’Ari etc. c’est très en bas, plus bas que les vases, seulement dans la notion des palais, là se trouve la notion d’enchaînement de cause à effet. »

Il s’avère donc, comme nous l’avons dit, que selon Rabbi Schneur Zalman, souvent le Baal Shem Tov et l’Ari expriment la même idée, seulement le Baal Shem Tov, à sa manière (dans ses merveilleuses paraboles et son style unique), exprime la profondeur de l’intention de l’Ari.

Dans ce contexte, il est très intéressant de mentionner et de souligner que dans les propos de critique acerbe du saint Rabbi Avraham de Kalisk (propos qui expriment l’approche hassidique générale de l’époque, qui n’allait pas dans le même sens que la méthode Habad) envers Rabbi Schneur Zalman, il dit : « Et pour ma part, je n’ai pas trouvé satisfaction dans le fait que Rabbi Schneur Zalman fasse entrer le soleil dans son fourreau, c’est-à-dire qu’il revête les paroles du saint Rabbi de Mézeritch, qui sont les paroles du saint Baal Shem Tov, dans les paroles du saint Ari, car bien que tout aille au même endroit, le langage de la Torah est à part et le langage des Sages est à part. » C’est-à-dire que selon Rabbi Avraham de Kalisk, toute tentative de comparer les paroles de l’Ari à celles du Baal Shem Tov et du Maguid de Mézeritch (et donc de tous les continuateurs de leur voie dans la Hassidout) est une innovation ‘habadique’ et ne provient pas de l’école du Maguid.

À première vue, les propos de Rabbi Avraham de Kalisk sont très étonnants, car quiconque ouvre les livres du Maguid et les livres de Rabbi Menahem Mendel de Vitebsk ainsi que les livres des autres pères du hassidisme, y trouvera facilement un usage abondant des paroles de l’Ari intégrées naturellement dans leurs propos ?!

Une continuation de la Kabbale ?

Pour renforcer encore les choses :
Celui qui étudie la doctrine hassidique Habad peut en effet avoir l’impression que son sujet principal est d’expliquer des concepts et idées de la Kabbale. Car la doctrine Habad est parsemée de concepts de l’Ari comme le ‘tsimtsoum’, ‘Adam Kadmon’, ‘Akoudim’, ‘Nekoudim’, ‘Atik’, ‘Arik’, ‘Partsa’, ‘Atsilout’, ‘sefirot’, ‘lumières’, ‘vases’, ‘Tohu’ et ‘Tikoun’.

Il est vrai que la doctrine Habad est aussi remplie d »instructions’ dans le service divin et de conclusions concernant la mise en pratique, découlant de tous ces sujets kabbalistiques, mais on pourrait encore avoir l’impression que son but central est d’expliquer la Kabbale.

Pour clarifier : la Hassidout utilise abondamment l’idée basée sur le verset « De ma chair je contemple Dieu ». Selon cette idée – qui apparaît déjà dans les écrits de l’Ari – la structure du corps humain et la structure de son âme sont comme un reflet de l »ordre d’émanation’. C’est-à-dire que le corps et l’âme de l’homme sont une ‘parabole’ de la Divinité. On peut donc les contempler et à partir de cette contemplation atteindre des perceptions concernant les sefirot supérieures. Et on peut aussi, à l’inverse, déduire de ce qui est dit dans la Kabbale sur les sefirot supérieures des choses concernant l’homme.

Dans la doctrine hassidique Habad, on s’occupe principalement du premier aspect, c’est-à-dire apprendre de la structure (corps et âme) de l’homme sur les sefirot supérieures – « De ma chair je contemple Dieu ». Par exemple, lorsqu’on parle du sujet du ‘tsimtsoum’ dans la Kabbale de l’Ari, on peut l’apprendre à partir de ce qui se passe dans l’âme humaine. La parabole courante pour cela est celle de l’influence d’un maître à un disciple. Le maître ne peut pas transmettre ses idées profondes au disciple telles quelles, car le disciple n’est pas un ‘réceptacle’ pour cela. Il ‘contracte’ donc son intellect et seulement ensuite transmet un simple ‘reflet’ de ses idées profondes au disciple. Et de là nous apprenons sur le sujet du ‘tsimtsoum’ qui s’est produit dans le processus de création des mondes.

Dans la Hassidout général, on utilise aussi l’analogie entre les sefirot supérieures et l’homme, mais là cela se fait principalement dans le sens inverse (de haut en bas). Là le sujet du ‘tsimtsoum’, par exemple, constitue une directive dans le service de l’homme. À savoir : si tu veux te rapprocher de Dieu béni soit-Il, tu dois ‘contracter’ et annuler ta propre personne.

Il semblerait donc, apparemment, que tant selon la doctrine Habad que selon la doctrine du hassidisme général, la Hassidout est une ‘continuation’ de la Kabbale. Certes, il l’explique et rapproche ses concepts de l’homme, mais fondamentalement la Hassidout et la Kabbale ne font qu’un !

Mais si c’est vraiment le cas, nous devons nous demander : la doctrine hassidique n’est-elle qu’un ‘changement de formulation’ ? Se pourrait-il que toute la doctrine hassidique ne soit que différentes paraboles (« Voici que le Baal Shem Tov a revêtu tout cela d’une parabole ») des propos de l »Ets Haïm’ ?!

Interprète ou système à part entière ?

La conclusion qui se dégage de tous les exemples ci-dessus n’est pas du tout exacte. la Hassidout n’est pas un commentaire de la Kabbale. Il est vrai (comme nous le verrons plus loin) qu’à travers la Hassidout des questions difficiles de la Kabbale sont expliquées et clarifiées, mais ce n’est pas dans ce but (expliquer la Kabbale) que la Hassidout est venu au monde. la Hassidout n’est pas à la Kabbale ce que Rashi est à la Guemara, ce que le Maharsha est à Rashi et Tossefot et ce que le Kesef Mishné est au Rambam. Pour cela, il existe de nombreux commentateurs de la Kabbale de l’Ari, comme certains livres du Ramhal qui sont avant tout une explication et un commentaire de la Kabbale de l’Ari, ainsi que des livres plus anciens dont le ‘Shaar HaShamaïm’, ‘Vayakhel Moché’, ‘Shomer Emounim’, ‘Yosher Levav’ et ‘Shaarei Gan Eden’. De même, les livres des sages de Jérusalem et d’Espagne comme le ‘Hasdei David’ du Rashash et les livres des sages d’Espagne des dernières générations comme le ‘Shemen Sasson’. Ces livres sont destinés à expliquer les écrits de l’Ari ainsi que d’autres livres de Kabbale.

Qu’est-ce donc que la Hassidout ? Il est très difficile de répondre à cette question, comme nous l’avons déjà souligné au début de notre exposé. Dans ce contexte, mentionnons ici un fait fascinant : lorsqu’ils préparaient la publication de l’admirable livret ‘La nature de la doctrine hassidique’ (imprimé pour la première fois en supplément de l »Encyclopedia Habad’ vol. 1), ils pensaient d’abord l’intituler ‘L’essence de la doctrine hassidique’. Mais Rabbi Menachem Mendel Schneerson a ordonné de remplacer le mot ‘essence’ par ‘nature’. Apparemment, la raison en est qu’on ne peut pas expliquer l »essence’ du hassidisme dans un livret, aussi complet et profond soit-il… Et nous avons déjà écrit plus haut que la tentative de définir l’essence du hassidisme équivaut à tenter de définir l’essence de la vie. la Hassidout est un mouvement qui englobe toute la vie de l’homme et son service. Il est ‘essentiel’ et donc pénètre dans chaque point de la Torah, de ses mitsvot, de l’âme humaine et de son service.

Mais on peut parler de la ‘nature’ du hassidisme. Eh bien, la ‘nature’ du hassidisme tourne autour de deux axes centraux : a) enseigner qu' »il n’y a rien d’autre que Lui » au sens littéral, c’est-à-dire qu’il n’existe aucune réalité en dehors de Dieu, mais que la Divinité est tout et que tout est Divinité. b) que l’identité principale d’un juif est son âme et qu’elle est « réellement une partie de Dieu d’en haut ». Et ces deux fondements traversent comme un fil rouge, de manière explicite ou implicite, toute la doctrine hassidique, ses idées et ses directives dans le service divin.

la Hassidout a donc ses propres idées et elles ne découlent pas de la Kabbale. Et c’est sa nature – de présenter et d’expliquer ses propres idées. Pourquoi donc trouvons-nous dans la Hassidout une occupation très étendue de concepts de la Kabbale ?

Lorsque la Hassidout a besoin de concepts et d’idées de la Kabbale, ce n’est que pour s’en servir et à travers eux clarifier ses idées centrales (mentionnées). C’est-à-dire qu’à travers l’idée qu’il apporte de la Kabbale, il cherche à renforcer le fondement d' »il n’y a rien d’autre que Lui » ou le fondement que l’âme du juif est « réellement une partie de Dieu d’en haut ».

Et parfois la Hassidout apporte des concepts de la Kabbale pour expliquer comment ils ne contredisent pas ses idées ci-dessus. C’est-à-dire qu’il s’agit de concepts qui à première vue pourraient être interprétés comme une contradiction aux idées ci-dessus, et la Hassidout les apporte et les explique de manière à ne pas constituer une contradiction à ses idées.

En d’autres termes : la Hassidout a son propre message et ses propres idées et on peut ‘vivre’ avec elles et selon elles même sans approfondissement et occupation détaillée de concepts de la Kabbale. C’est ainsi qu’a procédé la Hassidout général depuis ses débuts. Il s’est en effet contenté d’idées courtes et abstraites qui enflammaient les cœurs pour le service divin, son amour et sa crainte.

En revanche, la doctrine hassidique Habad est d’avis qu’il faut ‘décomposer’ les idées élevées et profondes et les faire descendre plus bas, jusqu’à ce qu’on puisse les revêtir dans l’intellect humain (et nous n’entrerons pas ici dans les multiples raisons qui sous-tendent cette approche).

Pour cette raison, la doctrine hassidique Habad a besoin de concepts de la Kabbale, pour les deux raisons citées plus haut (pour prouver et expliquer à travers eux ses propres idées ou pour éliminer une apparence de contradiction avec elles). Et parce qu’elle s’occupe ainsi d’expliquer des concepts de la Kabbale, on a l’impression erronée que c’est le sujet principal du hassidisme – expliquer la Kabbale. Ceci, comme nous l’avons dit, alors que c’est l’inverse qui est vrai : la Hassidout se sert de concepts de la Kabbale pour expliquer ses propres idées.

Entre Kabbale et Hassidisme

Clarifions encore plus la différence entre hassidisme et Kabbale et disons que non seulement ce sont deux ‘doctrines’ différentes, mais que (d’un certain point de vue) elles sont même opposées l’une à l’autre !

Comme nous l’avons dit, le sujet du hassidisme est d’expliquer et de nous faire réaliser qu' »il n’y a rien d’autre que Lui » au sens littéral. Car bien qu’à nos yeux matériels il semble que le monde est une réalité concrète, nous devons croire et savoir que le monde n’est pas une ‘réalité’ mais de la Divinité ; qu’il n’y a aucune réalité et existence (spirituelle et sublime ou matérielle et physique) en dehors de Lui (ce sujet est en soi difficile, mais il est l’essence de la foi du hassidisme et c’est le principe du hassidisme, il faut l’examiner encore et encore car tout s’y trouve).

En revanche, la Kabbale s’occupe principalement de la révélation de Dieu à travers la ‘couronne’ et les dix sefirot, et ces dix sefirot ont des ‘lumières’ et des ‘vases’, et elles ont des définitions précises. Cela est encore plus marqué dans la Kabbale de l’Ari, qui à première vue traite du ‘tsimtsoum’ (« l’espace du vide ») et ensuite de l’émanation sous la forme d’un ‘corps humain’ depuis ‘Adam Kadmon’, en passant par ‘Atik’ et ‘Arik’ avec le ‘brisement des vases’ et la ‘dispersion des étincelles’ et les dix sefirot.

Et apparemment, cette description de la révélation de la Divinité telle qu’elle est définie par des définitions (aussi élevées et abstraites soient-elles) s’oppose totalement à la foi en la simplicité absolue d' »il n’y a rien d’autre que Lui », c’est-à-dire qu’il n’y a aucune existence (même pas spirituelle, suprêmement élevée) en dehors de l »essence’ elle-même !

Il s’avère donc (comme nous l’avons dit) qu’en surface, non seulement la Hassidout et la Kabbale ne sont pas identiques, mais ils sont même opposés l’un à l’autre !

[Certes, nous trouvons des kabbalistes antérieurs au hassidisme, comme le Ramak, le Shlah et le ‘Shefa Tal’, qui ont eux aussi exprimé leur crainte d’une compréhension matérialiste et anthropomorphiste des paroles de l’Ari, mais leur crainte provenait principalement du grand principe du judaïsme (comme l’a statué le Rambam dans les Lois du repentir chap. 3 et l’a même établi comme l’un des 13 principes de foi) selon lequel Dieu n’a pas de corps ni d’apparence physique, à Dieu ne plaise. Mais du point de vue du hassidisme, les choses sont infiniment plus graves, car selon la Hassidout, il n’y a absolument aucune réalité en dehors de l' »Essence elle-même » !

C’est pourquoi nous voyons (comme nous l’avons cité plus haut) que c’est justement le Baal Shem Tov qui a mis en garde avec sévérité contre la matérialisation : « Et c’est pour cette raison que le saint du Seigneur, le Baal Shem Tov, a dit qu’en étudiant les livres de Kabbale, il faut veiller à ne pas se représenter les choses de façon littérale, que les dix sefirot sont appelées D-i-e-u ou divinité etc. et aussi à ne pas être attiré par les appellations matérielles qui y sont mentionnées. »]

La Kabbale dans la perspective du Hassidisme

Y a-t-il vraiment une contradiction conceptuelle réelle entre la Hassidout et la Kabbale ?

C’est là que la Hassidout intervient et explique la Kabbale d’une manière qui concilie les deux orientations opposées mentionnées. C’est-à-dire que c’est précisément dans la Kabbale que se trouve la foi hassidique, et c’est précisément la Kabbale de l’Ari qui exprime encore plus la simplicité de l’essence. Et non seulement cela, mais ce sont justement les explications du hassidisme qui fournissent des réponses aux grandes questions de la Kabbale de l’Ari.

En ‘titre’, on dira que la Hassidout explique comment dans chaque sefira et aussi dans l’acte du ‘tsimtsoum’, dans la révélation d »Adam Kadmon’ et dans les autres concepts de la Kabbale, c’est l »essence’ qui s’exprime. C’est-à-dire que la compréhension des concepts de la Kabbale dans leur interprétation définissante et limitative est une compréhension erronée; et qu’en réalité eux aussi expriment la ‘simplicité de l’essence’ et ne s’opposent pas, à Dieu ne plaise, à l »unité de Dieu’.

Pour expliquer cela, prenons ici quelques exemples de concepts kabbalistiques tels qu’ils sont expliqués dans la doctrine hassidique. Ces exemples nous illustreront comment la Hassidout ‘introduit’ l »essence’ dans le monde de la Kabbale (il est clair que les choses sont écrites ici de façon concise et celui qui veut les comprendre en profondeur doit les étudier dans leurs sources dans la Hassidout).

a) Le Tsimtsoum. À première vue, le tsimtsoum expliqué dans la Kabbale de l’Ari, selon lequel la lumière infinie s’est contractée, est un concept qui contredit l’approche du hassidisme, car comment l »essence’ pourrait-elle se contracter (un mouvement physique, à Dieu ne plaise), et surtout, comment un « espace vide » pourrait-il se former alors qu' »il n’y a rien d’autre que Lui » et que « toute la terre est remplie de Sa gloire » ?!

De manière complexe et multiforme, la Hassidout explique et innove que ce que la Kabbale appelle ‘lumière infinie’ ne fait pas référence à l »essence’, car on ne peut même pas lui attribuer l’attribut (sublime) d »infini’. Mais en disant ‘lumière’, la Kabbale fait référence à une révélation de l »essence’. Et c’est seulement là, au niveau de la ‘lumière’ (la ‘révélation’) qu’on peut parler de ‘tsimtsoum’. En revanche, l »essence’ est simple et dépourvue de toute définition, ne serait-ce qu’en guise de parabole et d’allégorie.

Qui plus est, lorsque nous disons « espace vide », c’est seulement par rapport à la ‘lumière’, mais l »essence’ est dépourvue même d’une définition d »existence’. Et lorsqu’il est dit « Ne remplis-Je pas les cieux et la terre ? », le « Je » fait référence à l »essence’ dont on ne peut même pas dire qu’elle est cachée et ne brille pas, car ce sont des descriptions qui ne s’appliquent qu’à la ‘lumière’.

De plus, l’acte même du ‘tsimtsoum’ et de l’occultation n’est pas un ‘retrait’ car on ne peut pas parler de retrait par rapport à l’infini, mais c’est en fait une expression et une ‘révélation’ et un renforcement de l’essence, car lorsque la ‘lumière infinie’ brille, l’essence ne s’exprime pas pour ainsi dire elle-même, et donc le tsimtsoum est une expression de l’essence dans la lumière qui en émane. Et donc il n’y a pas vraiment ici d' »espace vide », à Dieu ne plaise, car l’essence s’y trouve exactement comme avant le tsimtsoum.

Nous voyons donc que tout le sujet profond et subtil du ‘tsimtsoum’ est expliqué dans la Hassidout en clarifiant le point de l »essence’ qui est encore au-delà de toute nature de la ‘lumière’, et donc il ne s’agit pas seulement d’une ‘abstraction’ du tsimtsoum comme d’autres l’ont expliqué (que le ‘tsimtsoum’ n’est qu’une occultation etc.), mais de la transformation du ‘tsimtsoum’ lui-même en quelque chose d »essentiel’ !

b) La Ligne. Selon l’Ari, la ‘ligne’ est la ‘lumière’ de Dieu qui s’étend dans l »espace vide’ après le ‘tsimtsoum’ de la ‘lumière infinie’, lorsque Dieu est revenu et a fait briller et émané une « mince et étroite lumière » de la lumière précédente, et cette lumière brille dans toute l’émanation et dans tout le monde d’Atsilout. Cette lumière est certes une émanation de la ‘lumière infinie’, mais après être passée par l’étape du tsimtsoum, elle ne brille donc pas dans toute son intensité infinie de l’infini.

Mais ce point nécessite une explication : d’un côté, si c’est la ‘lumière infinie’, comment peut-elle apparaître comme une ‘mince ligne’, et si ce n’est pas la ‘lumière infinie’, comment peut-on dire à son sujet « Il est revenu et a fait briller », ce n’est donc pas la même lumière infinie mais quelque chose de nouveau ?!

la Hassidout explique que c’est justement dans la ‘ligne’ qui est la ‘ligne médiane’, l’attribut de Tiferet, que brille l »essence’. Nous n’entrerons pas ici dans la profondeur des choses, disons seulement que le fait que l »infini’ ne soit pas capable de se contracter et de briller aussi dans un endroit limité, est en soi une sorte de ‘limitation’ et remet en question son titre d »infini’… Mais dans l’acte du ‘tsimtsoum’, la ‘lumière’ a été nourrie de la force de l »essence’ et désormais cette ‘lumière infinie’ a le pouvoir de briller même comme une ‘mince ligne’ (et limitée).

C’est-à-dire que c’est justement le fait qu’elle soit une ‘mince ligne’ qui indique une force encore plus élevée que l »infini’, et cela indique qu’en son sein réside l »essence’ et c’est pourquoi elle a le pouvoir d’apparaître comme une ‘mince ligne’.

c) Adam Kadmon. Comme nous l’avons dit, l’une des innovations de l’Ari est l »ordre d’émanation’ sous la forme d »Adam Kadmon’, et les écrits principaux de l’Ari traitent de la description des révélations et émanations qui découlent et émanent d »Adam Kadmon’. À première vue, décrire la Divinité sous la forme d’un ‘homme’ semble être une description très anthropomorphique, et cela est en effet très étonnant !

Mais selon la Hassidout, le concept d »homme’ renferme une idée profonde d’abstraction de toute matérialité, et au contraire, rien de mieux que le concept d »homme’ pour exprimer l »essence’. Comment ?

L’essentiel est ceci : si nous comparons la principale différence entre l’homme et l’animal, elle s’exprime ainsi : les animaux – et de même (toutes proportions gardées) les anges – n’ont qu’un seul trait. Ils n’ont pas de multilatéralité. Chaque animal a été créé avec le trait particulier et spécifique dont il ne peut dévier ni à droite ni à gauche. Le corbeau est cruel, le chien affectueux, etc. Le corbeau ne peut pas faire un acte de bonté et le chien ne peut pas faire un acte d’intellect. En revanche, la nature humaine s’exprime dans sa diversité et les contradictions qu’elle renferme. L’homme possède des forces divers et même opposés, et tous sont capables d’agir en harmonie et en complémentarité.

Comment est-ce possible ? la Hassidout explique que la nature humaine est une nature très abstraite, une essence si cachée que sa source ne se trouve que dans l »essence’ occulte dans la non-existence. Et c’est de là que découle la capacité de l’âme humaine à contenir et à combiner des traits différents et même opposés.

C’est donc le sens lorsque l’Ari appelle l »émanation’ – ‘homme’. Selon l’Ari, l’émanation qui est sous la forme d’un ‘homme’ est une expression de l »essence’ précisément. Il s’ensuit que des expressions comme ‘homme’ et ‘visage’ ne sont pas une anthropomorphisation et une matérialisation, à Dieu ne plaise, mais exactement l’opposé – le terme ‘homme’ exprime l’abstraction la plus élevée qui soit !

À la lumière de cette merveilleuse explication, de grands fondements et principes de la Kabbale de l’Ari s’éclairent. Les paroles de l’Ari qui à première vue semblent parler d »homme’, parlent en fait de l’absence de toute réalité, que cette appellation (‘homme’) exprime justement.

d) La sefira de Hokhma. La sefira de Hokhma est la première des dix sefirot supérieures. C’est-à-dire que c’est le premier niveau où nous parlons de la Divinité comme d’un ‘intellect conscient’, car ce qui est au-dessus de la sefira de Hokhma ne peut absolument pas être qualifié de ‘sagesse’.

Selon la Hassidout, Hokhma n’est pas seulement une ‘intelligence’, mais elle indique une ‘abnégation’. Le mot ‘hokhma’ est composé des mots « koah mah » (la force du ‘quoi’, c’est-à-dire de l’abnégation) et c’est là sa véritable essence. Car pour parvenir à une nouvelle intellection, à une nouvelle illumination, celui qui devient sage doit aspirer à sortir des limites de sa sagesse et parvenir à une abnégation totale (car s’il reste dans ses limites existantes, il ne pourra pas atteindre une nouvelle sagesse !). Il s’avère donc que la sagesse, par son essence même, s’élève au-dessus de toute limite, et ce en s’annulant elle-même totalement. Et plus l’abnégation sera profonde, plus la nouvelle sagesse atteinte sera élevée.

En cela, la Hassidout explique (et dans le Tanya chap. 35 en note, ce fondement est expliqué au nom du Maguid de Mézeritch) les paroles de l’Ari selon lesquelles dans la sefira de Hokhma brille l’infini lui-même (et ailleurs il est même expliqué que dans Hokhma brille le niveau d »Atik Yomin’ – une appellation pour l’expression de l »essence’), car en réalité la sagesse est une réalité qui est tout entière… l’absence de réalité.

Ces quelques exemples (mais représentatifs) nous permettent de comprendre comment la Hassidout se sert de concepts de la Kabbale pour expliquer et clarifier ses propres idées (comme ci-dessus) et comment ce faisant, il fournit aussi une nouvelle explication à ces concepts de la Kabbale, une explication qui concilie la Hassidout et la Kabbale là où ils semblent se contredire.

Explication des propos de Rabbi Schneur Zalman

À la lumière de ce qui précède s’expliquera ce que nous avons cité plus haut des propos de Rabbi Schneur Zalman, que les paroles du Baal Shem Tov sont les paroles de l’Ari, et par exemple ce qu’il a écrit (Discours de Rabbi Schneur Zalman, Inyanim, p. 328) : « Il y a encore une autre appellation pour la lumière infinie mentionnée que l’Ari a appelée le nom de Malkhout de l’Infini béni soit-Il… Et c’est pourquoi l’Ari a appelé l’éclat de la lumière infinie bénie soit-Il le début de la ligne du nom de Malkhout de l’Infini béni soit-Il qui est Son grand Nom béni et tout est un, c’est évident. Et le Baal Shem Tov l’a appelé par la parabole des lettres selon le rapport de l’annulation de l’Infini béni soit-Il qui fait exister les mondes d’Atsilout, Beria, Yetsira, Assiya par rapport à l’essence de la Lumière émanante bénie soit-Elle en Elle-même ».

Et selon nos propos, il ne s’agit pas seulement d’un changement de style ou d’une belle parabole qu’a faite le Baal Shem Tov, mais ces paroles expriment l’idée centrale que nous avons expliquée : d’une part, il y a ici une innovation du hassidisme sur la Kabbale et d’autre part, à travers cette innovation s’explique aussi un point de la Kabbale.

En effet, celui qui examine ces paroles du Baal Shem Tov – telles qu’elles sont expliquées dans plusieurs endroits des écrits de Rabbi Schneur Zalman dans ses discours et brièvement dans le Tanya chap. 20-21 – constatera que cette explication et parabole du Baal Shem Tov sont l’essence même du point d' »il n’y a rien d’autre que Lui » de la manière la plus élevée, et que tout le but de la ‘parabole des lettres’ n’est que d’expliquer comment, bien que le monde semble être une ‘réalité’ et une ‘existence’, en vérité il est néant et annulé totalement par rapport à la Divinité. Et sur cela, Rabbi Schneur Zalman dit que les paroles de l’Ari sur « Malkhout de l’Infini » expriment le point d' »il n’y a rien d’autre que Lui » du Baal Shem Tov ! C’est-à-dire que celui qui méditera et comprendra les choses en profondeur découvrira qu’à l’intérieur des paroles de l’Ari est cachée l’idée d' »il n’y a rien d’autre que Lui » du Baal Shem Tov.

Il en va de même pour le deuxième passage (Discours de Rabbi Schneur Zalman, Inyanim, p. 328) : « Voici que le Baal Shem Tov a revêtu tout cela d’une parabole (dans laquelle est revêtue l’allégorie profonde des secrets de la Torah que Rabbi Haïm Vital explique dans tout le livre Ets Haïm en une parabole), à savoir la parabole de l’échelle en colimaçon ». Ici aussi, l’intention n’est pas seulement d’apporter une autre parabole, mais dans cette parabole du Baal Shem Tov est cachée une expression de sa conception de la voie du service divin selon sa sainte voie. C’est-à-dire que cette parabole exprime la foi du Baal Shem Tov, mais en même temps selon cette parabole s’expliquent aussi toutes les paroles de Rabbi Haïm Vital dans son livre Ets Haïm.

Et apparemment, à la lumière de ce qui précède s’explique bien le passage que nous avons cité au début : « Et que l’auditeur ne me soupçonne pas de penser que j’ai compris les paroles de l’Ari pour les dépouiller de leur matérialité, car je ne suis venu que pour expliquer les paroles du Baal Shem Tov et de ses disciples selon la Kabbale de l’Ari… Et on ne peut le rapprocher de leur entendement qu’à l’aide de prémisses tirées des écrits de l’Ari, dépouillées de leur matérialité comme je l’ai entendu de mes maîtres. » Car en effet il y a ici les deux choses à la fois : d’un côté, la méthode du Baal Shem Tov et de l’autre, une explication des paroles de l’Ari.

L’apport de la Kabbale au Hassidisme

Nous avons déjà expliqué précédemment les principales raisons pour lesquelles la Hassidout – bien qu’étant une doctrine ‘à part entière’ – intègre dans ses propos des concepts et des idées de la Kabbale et les explique même. Nous avons expliqué que c’est pour renforcer et fonder les principes hassidiques centraux qu' »il n’y a rien d’autre que Lui au sens littéral » et que l’âme du juif est « réellement une partie de Dieu d’en haut », et aussi pour éliminer une apparence de contradictions venant de la Kabbale.

À cela il faut ajouter et proposer une autre raison, à savoir que la Hassidout avait (aussi) besoin de la science kabbalistique du fait de son caractère abstrait et élevé. Pour ‘couler’ la Hassidout dans des cadres ordonnés et lui donner un caractère de doctrine talmudique organisée, la Hassidout s’est aidé du monde conceptuel de la Kabbale.

C’est-à-dire : en principe, on aurait pu exprimer les idées du hassidisme dans un style court et original sans s’occuper largement de tous ces concepts et fondements de la Kabbale. Mais comme nous l’avons dit, le lien avec la Kabbale, tout en expliquant et en abstrayant ses concepts, a ‘servi’ la Hassidout.

Et on peut peut-être en trouver une allusion dans les propos de Rabbi Schneur Zalman que nous avons déjà cités plus haut, propos adressés aux opposants au hassidisme de l’époque (Iggeret HaKodesh, chap. 25) : « C’est seulement récemment que certains sont venus sonder cette question, et on ne peut la rapprocher de leur entendement qu’à l’aide de prémisses tirées des écrits de l’Ari, dépouillées de leur matérialité comme je l’ai entendu de mes maîtres. » C’est-à-dire que Rabbi Schneur Zalman a ‘dû’ s’aider de « prémisses tirées des écrits de l’Ari, dépouillées de leur matérialité », ceci afin de « rapprocher » les idées du hassidisme de « l’entendement » de tous ceux « qui sont venus récemment ».

Bien sûr, aux raisons ci-dessus il faut ajouter ce qui est connu, à savoir que selon la méthode Habad, il ne faut pas se contenter du service divin dans l’acte et même pas seulement dans le sentiment du cœur, mais il faut introduire la Divinité dans chaque recoin, y compris dans l’intellect humain. C’est pourquoi la Hassidout Habad explique (sur la base des idées du hassidisme en général) des sujets de la Kabbale et les dépouille de leur matérialité, afin d’introduire la Divinité (et en particulier l’idée d' »il n’y a rien d’autre que Lui ») à l’intérieur de l’intellect humain.

Il s’avère donc que sur la question de « la relation et le lien entre la Hassidout et la Kabbale », nous découvrons une triple relation entre ces deux ‘doctrines’ :

a) La Kabbale comme doctrine à part entière et la Hassidout comme doctrine à part entière.

b) la Hassidout tel qu’il éclaire la Kabbale d’une lumière nouvelle.

c) L’apport de la Kabbale pour fonder les idées du hassidisme, pour revêtir les idées du hassidisme dans l’intellect humain et pour couler les idées du hassidisme dans un cadre talmudique ordonné.

Cette triple relation n’existe que dans la doctrine Habad. Il est vrai que les autres courants du hassidisme utilisent aussi des concepts de la Kabbale et en tirent même des instructions dans le service de l’homme, mais ils ne s’occupent pas d’une explication profonde et d’une abstraction de ces concepts. Ce sujet est, comme nous l’avons dit, la méthode de Habad telle que Rabbi Schneur Zalman l’a reçue de ses maîtres.

Selon cela, nous comprendrons aussi la critique du saint Rabbi Avraham de Kalisk que nous avons citée plus haut, à l’encontre de Rabbi Schneur Zalman : « Et pour ma part, je n’ai pas trouvé satisfaction dans le fait que Rabbi Schneur Zalman fasse entrer le soleil dans son fourreau, c’est-à-dire qu’il revête les paroles du saint Rabbi de Mézeritch, qui sont les paroles du saint Baal Shem Tov, dans les paroles du saint Ari, car bien que tout aille au même endroit, le langage de la Torah est à part et le langage des Sages est à part. » Et nous nous sommes étonnés, les livres du Maguid de Mézeritch et de Rabbi Menahem Mendel de Vitebsk et des autres pères du hassidisme (général) ne sont-ils pas eux aussi remplis de citations des paroles de l’Ari ?!

Mais à la lumière de ce qui précède, nous comprendrons que selon l’approche du saint Rabbi Avraham de Kalisk, la Hassidout a certes ‘adopté’ des concepts et des idées de la Kabbale, mais uniquement en fonction des besoins et de la capacité à en tirer des instructions et des voies dans le service divin ; non pas pour les expliquer en profondeur et certainement pas pour comparer et rapprocher les paroles du Baal Shem Tov et du Maguid avec celles du saint Ari (« revêtir les paroles du saint Rabbi de Mézeritch, qui sont les paroles du saint Baal Shem Tov, dans les paroles du saint Ari »). Cette voie, comme nous l’avons dit, est la voie unique de Rabbi Schneur Zalman qu’il a transmise à toutes les générations après lui.