Rachel représente la perfection, tandis que Léa représente ceux qui luttent pour écrire une meilleure version d’eux-mêmes. À la fin, Léa triomphe et gagne sur toute la ligne.

 

Rav Schneor Ashkenazi

C’est l’une des histoires les plus étranges de la Torah. L’homme cherche à épouser une femme mais se retrouve marié à sa sœur. La confrontation se répète en trois actes : la nuit du mariage, pendant leur vie elle-même, et lors de l’enterrement dans la grotte de Ma’hpela.

Yaacov arrive à Haran et rencontre Rachel au puits. Ils y voient un bon signe et conviennent de se marier. Pour plus de sécurité, ils échangent des signes convenus pour s’assurer que ce sera elle sous le dais nuptial et non quelqu’un d’autre. Cependant, la nuit des noces, une tromperie a lieu et Léa est substituée à Rachel. « Et voici que le matin, c’était Léa. »

Yaacov s’en tient à son plan initial et travaille sept années supplémentaires dans les champs pour pouvoir aussi épouser Rachel. Mais l’idylle ne dure pas longtemps. Rachel meurt jeune (que Dieu nous en préserve) et c’est Léa qui vit longtemps à ses côtés et élève ses enfants.

Le sort surprend une troisième fois lorsque Léa est enterrée aux côtés de Yaacov dans la grotte de Ma’hpela, tandis que Rachel est enterrée au loin, sur le chemin d’Ephrata qui est Bethléem.

Quelle est la signification de cette histoire, qui est essentiellement l’histoire du mariage qui a donné naissance au peuple d’Israël et à nous tous ?

Imparfaite

Quand la Torah décrit les différences entre les sœurs, elle choisit de souligner un paramètre physique et visuel : « Les yeux de Léa étaient délicats, et Rachel était belle de taille et belle de visage. » Cela aussi mérite éclaircissement : comment peut-on porter atteinte à l’honneur de Léa et raconter à tous les élèves de première année que ses yeux étaient défectueux ?! Ne suffit-il pas de dire que Rachel était « belle » et d’en déduire le contraire ?!

Voici une conception hassidique qui est une leçon de vie, après laquelle nous ne sommes plus les mêmes qu’avant (Likoutei Sihot 35/153) : La beauté symbolise une perfection symétrique. Rachel est descendue au monde parfaite. Elle est belle aussi dans ses qualités – indulgente, correcte, et elle transmet sa chance à sa sœur et à ses enfants.

Léa, en revanche, n’est pas parfaite par nature. C’est elle qui lutte pour écrire une meilleure version d’elle-même. Ses « yeux délicats » – selon les paroles de la Guemara (Baba Batra 123a), parce qu’elle pleurait sur son sort et luttait pour l’améliorer.

Si Rachel est la juste qui n’a qu’à embrasser le chemin écrit pour elle depuis les cieux, Léa est celle qui fait pénitence, qui réécrit le chemin de sa vie.

Yaacov le juste cherche à épouser Rachel la juste, ainsi sa vie sera parfaite et ses enfants aussi ressembleront à leur mère. Mais Dieu transmet un message opposé – Je n’ai pas créé un monde de parfaits, J’ai créé un monde de personnes qui se corrigent, qui produisent le bien elles-mêmes. Dieu dit à Yaacov et à nous tous : « Je peux tout créer Moi-même, mais la naissance du bien Je vous la laisse. Vous qui luttez avec l’obscurité, les pulsions et les émotions tumultueuses, vous pouvez porter la création à son apogée et créer du positif là où il ne rayonne pas naturellement. »

Adoucir l’amertume

L’écart entre Rachel et Léa est frappant chez leurs enfants : Rachel donne naissance à des fils qui, comme elle, sont beaux physiquement et spirituellement. Joseph, le beau de taille et de visage, et Benjamin, dont la Guemara dit (Baba Batra 17a) qu’il méritait de vivre éternellement et non de mourir.

En revanche, Léa donne naissance à toute la complexité émotionnelle tumultueuse des tribus : Ruben le colérique, Siméon et Lévi les violents, et Juda qui faillit face à Tamar et participe à la vente de Joseph. Mais les enfants de Léa apportent la repentance au monde. « Ruben fut le premier à se repentir », selon les Sages, et Juda est l’éternel guide des repentants, quand il étonne le monde en admettant sa faute envers Tamar, puis se tient courageusement face à Joseph et exige la libération de Benjamin.

Léa a enseigné à ses enfants que nous ne sommes pas parfaits, ce n’est pas le rôle des enfants de Rachel. Nous sommes destinés à donner à Dieu un nouveau type de satisfaction : ‘une tasse de thé avec de la menthe’, une amertume bien édulcorée qui élève vers le haut celui qui était considéré hors-jeu.

Et l’effort paie. Les Sages ont interprété : « L’aînée est Léa – ses dons sont grands. » Elle est « la mère joyeuse des enfants » : mère de Ruben l’aîné des tribus, mère de Lévi dont la descendance donna Moïse, Aaron et la famille des prêtres, mère d’Issachar dont la descendance donna les chefs du Sanhédrin, mère de Zabulon qui donna de sa descendance les soutiens de la Torah avec leur argent, et bien sûr, mère de Juda dont descendra le Messie fils de David, qui viendra nous délivrer très bientôt.