Le jeûne du 10 Tevet résonne comme un signal d’alarme, nous avertissant que les lignes de défense peuvent céder et être percées, transformant un simple siège en catastrophe. Ce jeûne occupe une place unique dans le calendrier juif : c’est le seul qui peut tomber un vendredi. Alors que le calendrier hébraïque est conçu pour qu’aucun jeûne ne tombe la veille du Shabbat – afin de ne pas diminuer la joie de son entrée – le 10 Tevet fait exception, pouvant même se prolonger jusqu’au Shabbat.
Rabbi David Aboudraham, commentateur du livre de prières, cite un verset d’Ézéchiel : « En ce jour même, le roi de Babylone s’est approché de Jérusalem, en ce jour même. » Cette répétition nous enseigne que ce jeûne doit être observé précisément à sa date, contrairement aux autres jeûnes qui peuvent être déplacés par respect pour le Shabbat.
Aboudraham va plus loin : si le 10 Tevet tombait un Shabbat, il aurait préséance sur la sainteté du jour, comme Yom Kippour, le plus strict des jeûnes. Cette particularité le distingue même des jeûnes majeurs comme le 17 Tammouz et le 9 Av, qui sont reportés au dimanche lorsqu’ils tombent un Shabbat.
L’ennemi aux portes
Mais pourquoi le 10 Tevet revêt-il une telle gravité ? Ce jeûne commémore le début du siège babylonien autour des murailles de Jérusalem, alors que rien de dramatique ne s’était encore produit dans la ville ! Il faudra attendre deux ans et demi pour voir les murailles tomber le 17 Tammouz, conduisant à l’incendie du Temple le 9 Av. Comment le prélude peut-il être plus grave que l’événement lui-même ?
C’est précisément là que réside l’avertissement crucial : le siège des murailles scelle le destin de la ville. Ce qui apparaît comme une menace marginale et lointaine, contre laquelle on pense pouvoir se défendre le moment venu, constitue en réalité les prémices d’une destruction totale. Lorsqu’on permet à l’ennemi d’assiéger les défenses sur la durée, il finira par trouver la faille pour s’engouffrer.
Un principe militaire l’affirme : « La ligne de contact finira toujours par céder ». Une ligne de défense peut s’effondrer en un instant, tel un château de cartes. À un moment donné, l’ennemi exploitera une distraction pour percer les défenses. La destruction n’est alors plus qu’une question de temps. C’est pourquoi les prophètes ont accordé au 10 Tevet une gravité supérieure même au 9 Av, rappelant que le siège est la mère de toutes les catastrophes.
Le test de la première pensée
Au-delà de l’aspect militaire, dont la pertinence s’est dramatiquement confirmée après la tragédie du 7 octobre, cette leçon porte une signification profonde dans notre relation au divin. Le Rabbi de Loubavitch souligne que le mauvais penchant est un maître dans son art. Il commence par s’installer aux frontières de notre conscience, de manière apparemment innocente et inoffensive.
Il s’installe dans notre monde mental, nous persuadant que si l’action est interdite, la pensée reste permise. Nous n’avons rien fait de mal, nous ne faisons qu’imaginer l’interdit et nous délecter de ses implications. Le mauvais penchant excelle également à nous conduire dans des zones grises, à la frontière de la légitimité.
La tentation est subtile, et nous nous rassurons en pensant garder le contrôle, pouvoir reculer à tout moment. Mais la vérité est que dès qu’un processus s’enclenche, nous risquons d’être emportés dans un tourbillon d’événements impossibles à arrêter.
Les Sages de la Grande Assemblée ont enseigné : « Faites une barrière autour de la Torah. » C’est-à-dire, établissez des distances de sécurité pour ne pas vous approcher de la clôture du péché. En termes simples : la meilleure façon de résister à la tentation est de ne pas s’y exposer. Maintenir une distance de sécurité claire et comprendre que ce qui est interdit ne doit même pas être approché.
Selon les mots du Rabbi : « Quelle est la meilleure façon de surmonter les tentations ? Ne pas leur permettre le moindre accès. Dès qu’une pensée indésirable apparaît, l’écarter immédiatement de l’esprit. La clé est de détourner notre attention vers des pensées positives et lumineuses, de réfléchir instantanément à des actions bénéfiques pour soi et pour les autres, empêchant ainsi toute intrusion du mal dans notre monde intérieur. »