Noé est couronné dans la Torah d’éloges remarquables, plus que toute autre figure biblique avant ou après lui. Les méritait-il vraiment ?
La Bible ne distribue généralement pas de compliments à nos grands personnages. Le récit se concentre sur la description de leurs actions et du cours de leur vie, sans leur attacher de titres élevés exprimant leur grandeur.
Par exemple, Mathusalem, l’homme qui vécut le plus longtemps dans l’histoire. Rachi révèle (7:4) qu’il s’agissait d’un juste, dont les jours de deuil retardèrent le déluge de sept jours. Mais la Torah ne lui attribue aucun titre. ‘Hanokh est présenté dans les paroles de nos Sages comme une personnalité pure et mystérieuse, qui ne pouvait habiter dans les dimensions de ce monde. Son âme s’éleva aux cieux et devint un ange parmi les anges du service divin sous le nom de Métatron, qui siège devant le Trône de Gloire et écrit le livre des souvenirs célestes. Mais la Torah se contente d’une description voilée : « ‘Hanokh marchait avec D.ieu – et il n’était plus, car D.ieu l’avait pris. »
De même, l’histoire de la vie d’Abraham, Moïse, David et Salomon et des autres grands de notre peuple se concentre uniquement sur les événements de leur vie et n’inclut pas d’éloges ou de compliments résumant leur personnalité exceptionnelle.
L’Exception de Noé
À l’exception d’un seul cas dans toute la Bible : Noé. Notre paracha sort de l’ordinaire pour le décrire avec des titres élevés, qui se répètent encore et encore : « Noé était un homme juste, intègre dans ses générations, Noé marchait avec D.ieu… Et l’Éternel dit à Noé : Entre, toi et toute ta maison dans l’arche, car je t’ai vu juste devant moi dans cette génération. »
Difficile à croire, mais Noé est le seul dans toute la Bible à être décrit comme « juste », un titre qui est devenu de nos jours une expression courante. Même pour Joseph, il n’est dit qu’en allusion : « Pour avoir vendu le juste pour de l’argent, et le pauvre pour une paire de souliers » (Amos 2:6), mais l’expression « Joseph le Juste » n’est jamais explicitement mentionnée.
Le Pouvoir des Mots
Comment Noé a-t-il mérité ce que d’autres n’ont pas mérité avant et après lui ? Il convient également de demander : pourquoi les principaux éloges sur Noé ne sont-ils dits que dans notre paracha et non déjà dans la paracha Bereshit qui décrit les 500 premières années de sa vie ?
Le Rabbi de Loubavitch présente un message éducatif puissant (Likutei Sichot 5/45) : les grands mots étaient destinés à transformer Noé en une telle personne. Les compliments ne reflétaient pas la réalité, mais étaient destinés à la créer.
Noé faisait face à une mission historique de sauver l’humanité. Il devait se tenir seul face à ses voisins et connaissances et construire une arche qui le sauverait des eaux – tout en déclarant leur mort. Il devait faire face aux autorités gouvernementales, aux organisations écologiques et de protection des animaux, et construire une structure extraordinaire capable d’accueillir des milliers d’animaux, qui y habiteraient à l’étroit pendant une année entière.
La Force Cachée des Compliments
Mais Noé ne se voyait pas ainsi. Il n’était pas énergique et diligent comme Abraham, ni un leader courageux comme Moïse. Noé n’était juste que « dans ses générations » – seulement par rapport aux gens corrompus de son époque, alors que « dans la génération d’Abraham, il n’aurait rien valu ».
C’est pourquoi, juste avant qu’il n’entreprenne la mission de sa vie, D.ieu lui insuffle de la confiance en soi et proclame à ses oreilles encore et encore : « Tu es un juste parfait », tu es parfait, différent et unique de tous ceux qui t’entourent. Tu es destiné depuis l’aube de la création à être le sauveur de l’humanité. L’homme grandit à la mesure des paroles prononcées à son égard. Les grands mots créent de grandes personnes.
Ne Jamais Décourager
La conception juive est que les mots créent la réalité et ne font pas que la refléter. D.ieu a créé le monde entier par la parole, et ainsi les grands mots révèlent la grandeur de l’homme et la mènent à sa réalisation.
Un homme sage a dit un jour : « Un bâtiment se construit avec du ciment (mélet), et un homme se construit aussi avec du MeLT – Milim Tovot (bonnes paroles) ». Cela est particulièrement pertinent lorsqu’il faut réprimander un enfant pour un comportement négatif ; il est alors crucial de séparer les actes de l’enfant de sa personnalité qui est pure. Ce n’est pas lui qui est problématique, mais son comportement ponctuel qui nécessite une amélioration.
C’est ce que souligne le Rabbi de Loubavitch dans une lettre de l’hiver 5721 (1960) : « Je voudrais ajouter un point supplémentaire qui apparaît également avec emphase dans les écrits hassidiques, c’est que lorsqu’on réprimande des enfants, le parent ou l’enseignant doit veiller à ne pas éveiller chez l’enfant un sentiment d’impuissance ou de désespoir, à D.ieu ne plaise.
L’enfant ne doit pas avoir l’impression qu’il n’est pas lui-même digne et que tout est perdu, etc., et que par conséquent, il peut continuer à faire tout ce qui lui passe par la tête. Au contraire, il faut encourager le sentiment de l’enfant qu’il est capable de surmonter les difficultés qui se dressent devant lui grâce à la force de volonté et à la détermination. »