Au cœur de la Paracha Béhaalote’ha se trouve un épisode bouleversant : la rupture de Moïse avec le peuple d’Israël. Cette scène, d’une intensité dramatique rare, nous renvoie à notre propre quête de sens dans un monde en perte de repères. Elle recèle une leçon spirituelle d’une brûlante actualité, une invitation à transcender nos désirs les plus bas pour accéder à une existence plus riche et plus lumineuse.
En cette heure grave où notre peuple est secoué par les vents contraires de l’histoire, je ressens le besoin impérieux de partager avec vous une méditation à la fois intime et universelle. Au cœur de la Paracha Béhaalote’ha se love un épisode d’une intensité dramatique rare : la rupture de Moïse, ce colosse de la spiritualité, avec le peuple d’Israël. Une rupture dont les ondes de choc se propagent à travers les siècles, jusqu’à nous toucher en plein cœur, en cette période si douloureuse.
Moïse, l’homme qui a tenu tête à Pharaon, qui a ouvert les eaux de la Mer Rouge comme on ouvre un rideau de scène, qui a gravi le Mont Sinaï pour recevoir la Torah des mains mêmes du Créateur, cet homme d’une stature morale et spirituelle hors du commun, est soudain terrassé par un désespoir sans nom face aux récriminations incessantes et à l’ingratitude abyssale des Hébreux. Eux qui ont été les témoins privilégiés des miracles divins, qui ont été nourris chaque jour par la manne céleste, les voilà qui se lamentent comme des enfants capricieux. Ils réclament de la viande, du poisson, les oignons et l’ail d’Égypte, comme si leur mémoire s’était soudain rétrécie aux dimensions d’un estomac insatiable, oublieux des merveilles dont ils ont été gratifiés.
Face à cette régression spirituelle d’une amplitude inouïe, Moïse vacille sur ses fondements. Lui qui a toujours pris la défense de son peuple envers et contre tout, jusqu’à risquer sa propre vie, le voilà qui jette l’éponge, qui déclare forfait, submergé par une lassitude infinie. « Seigneur, je ne peux plus, je ne veux plus porter sur mes épaules ce fardeau écrasant, cette responsabilité démesurée. Ce peuple est indigne, obnubilé par ses désirs les plus grossiers, incapable de s’élever au-dessus de ses instincts les plus bas. Plutôt mourir que de supporter plus longtemps ce spectacle affligeant ! »
Au-delà du drame humain qui se noue sous nos yeux, cette scène recèle une leçon philosophique et spirituelle d’une brûlante actualité. Nos Sages, à l’image du grand Rambam, nous enseignent que le judaïsme, dans son essence, ne cherche pas à nier ou à réprimer nos désirs et nos pulsions, mais au contraire à les raffiner, à les sublimer, à les transfigurer. Un an après le don de la Torah, après avoir été illuminé par la Révélation, après avoir contemplé la Présence divine, les Hébreux auraient dû avoir goûté à une nourriture spirituelle autrement plus savoureuse et substantielle que les oignons d’Égypte. Mais non, leur palais reste désespérément frustre et insensible aux délices incomparables de l’étude et de la prière, de la connexion avec l’Infini.
Pire encore, Moïse comprend avec une acuité terrifiante que s’ils s’obstinent à rejeter les voies royales de l’élévation, s’ils s’enlisent dans la fange de la matérialité, leur existence tout entière ne sera qu’une interminable frustration, une longue et amère déconvenue. Car celui qui a effleuré ne serait-ce qu’une fois les cimes éthérées de l’esprit, celui dont l’âme a frémi au contact du divin, ne peut plus se contenter de nourritures terrestres, d’ersatz sans saveur. Il est condamné à une nostalgie dévorante, à une quête éperdue et sans fin qui ne trouvera jamais sa résolution dans les plaisirs illusoires et éphémères de ce monde.
Cette histoire n’est pas qu’une simple parabole, une allégorie lointaine et désincarnée. Elle parle de nous, de chacun d’entre nous, de cette soif d’absolu qui nous tenaille, de cette tentation si humaine de chercher des échappatoires faciles dans un monde privé de repères et de sens. À nous de prendre notre destin spirituel en main, de rattacher inlassablement notre âme à sa source vive en méditant chaque jour, chaque instant, les paroles sacrées de la Torah. Faisons de notre étude une ascension jubilatoire, un pont jeté vers l’éternité, un rempart inexpugnable contre les tentations du désespoir et du chaos.
En ces temps d’incertitude et de doute, où l’horizon semble se dérober sous nos pas, puissions-nous être dignes de l’héritage spirituel de Moïse, cet humain qui a côtoyé le divin. Puissions-nous, à son image, transformer nos épreuves en opportunités de dépassement, en tremplins vers la lumière. Transcendons la pesanteur du monde et faisons de nos existences un sanctuaire où résonnera, comme un chant triomphal, la mélodie de la Torah. Ainsi, méritons-nous de voir bientôt la fin de nos tourments et le lever de l’aurore de la délivrance.
Que la paix et la sérénité soient sur Israël et sur le monde ! Amen.