Dans le ‘Dvar Mal’hout’ sur la Paracha Chemot le Rabbi rapporte l’histoire de Rabbi Eléazar Ben Azaria, qui lorsqu’il fut nommé chef du Sanhédrin à la place de Raban Gamliel déclara:
‘Me voici comme agé de 70 ans et pourtant je n’ai pas réussi à convaincre mes collègues de l’obligation de faire mention la nuit également de la sortie d’Egypte, jusqu’à ce que Ben Zoma l’ai déduit de ce verset: ‘Afin que tu te souviennes du jour où tu es sorti d’Egypte tous les jours de ta vie, ‘Tous les jours de ta vie’ vient inclure les nuits…’.
La première chose que fit Rabbi Eléazar Ben Azaria en tant que chef du Sanhédrin fut d’ouvrir l’accès à la Yéchiva à tous ceux qui le désiraient. Jusqu’alors la Yéchiva n’était réservé qu’aux élèves ‘dont le dedans est pareil à son dehors’, c’est à dire à ceux qui étaient parvenus à une parfaite dévotion, à ceux qui étaient parvenus à transformer en bien leur mal intérieur. C’est pourquoi le Rabbi compare la Yéchiva de Raban Gamliel au monde tel qu’il sera dans les temps messianiques, un monde dépourvu de mal puisque ‘le mal sera aboli de la terre’.
A l’opposé, la Yéchiva de Rabbi Eléazar Ben Azaria est semblable au monde tel qu’il est aujourd’hui. Le mal est présent en exil, et notre mission est de nous attacher à le transformer. Aussi Rabbi Eléazar Ben Azaria n’excluait personne de sa Yéchiva, même celui qui n’était pas parvenu à se débarasser totalement du mal, même celui qui ‘n’était pas au dedans comme au dehors’ avait sa place dans sa Yéchiva. Bien au contraire, sa présence à la Yéchiva se justifiait par le fait qu’elle serait pour cet home imparfait une aide, afin d’accomplir sa mission de faire de l’exil une demeure pour l’Essence divine.
L’attitude de Rabbi Eléazar Ben Azaria s’oppose donc totalement à celle de Raban Gamliel, et d’une certaine manière cette attitude n’est pas sans évoquer celle des premiers ‘Hassidim. Le Baal Chem Tov, le Maguid et l’Admour Hazaken furent aussi les premiers à permettre l’accés, à tous ceux qui le désiraient, à l’étude de la partie profonde de la Torah. Il n’était plus question que cette étude soit réservée à une élite.
Aussi, on peut trouver que le contenu profond de la déclaration que fit Rabbi Eléazar Ben Azaria, lorsqu’il fut nommé à la tête du San’hédrin, s’accorde parfaitement à l’enseignement du livre du Tanya.
En effet, Rabbi Eléazar Ben Azaria declare: ‘Me voici comme un homme agé de 70 ans’, alors qu’il n’était en réalité agé que de 18 ans. L’Eternel fit un miracle, et pendant la nuit, 18 rangées de poils blanc apparurent sur la barbe de Rabbi Eléazar Ben Azaria. Or, ce n’était pas seulement son apparence physique qui changea. Le Rabbi explique qu’il faut 70 ans de la vie d’un homme pour parvenir à transformer l’âme animale en une âme de sainteté. Lorsqu’il y parvient, un Juif accède alors à la ‘vision du divin’. La force de l’âme animale, une fois purifiée, s’unit à la force de l’âme divine, et ne constitue donc plus un écran qui nous empêche de voir le Divin qui se cache dans ce monde matériel. Or, c’est en une seule nuit que Rabbi Eléazar Ben Azaria, par ce miracle divin, parvint à cette vision.
Plus encore, Rabbi Eléazar Ben Azaria, contrairement à son prédécesseur, s’attachait à ‘mentionner la sortie d’Egypte pendant la nuit’. Cela signifie qu’il désirait transformer ‘la nuit’, qui représente l’exil, en lumière. C’est précisément la mission de chaque Juif telle que celle-ci est décrite dans le livre du Tanya.
L’Admour Hazaken y explique longuement que le mal est parfois très enfoui dans le monde et en nous-mêmes. Aussi il commence son ouvrage en disant que ‘même si tout le monde te dit que tu es un Tsaddik, tu sera à tes propres yeux comme un racha’.
‘Comme un racha’ désigne le Bénoni. Un Juif ne doit pas être ‘racha’ à ses yeux mais ‘comme’ un racha.
De fait, le Bénoni est comme le Tsaddik, car comme lui il ne commet jamais la moindre faute, mais il est aussi comme le racha, car comme lui il n’est pas encore parvenu à se débarrasser totalement du mal qui est en lui.
De la même façon Rabbi Eléazar Ben Azaria ne dit pas qu’il est agé de 70 ans, mais il déclare qu’il est ‘comme’ un homme agé de 70 ans, c’est à dire que bien que l’Eternel lui ait permis d’accéder à la vision du divin en une seule nuit, Rabbi Eléazar Ben Azaria considére qu’il est ‘comme un Tsaddik’, c’est à dire un Bénoni, qui n’est pas encore parvenu à faire disparaître totalement le mal de la partie gauche de son coeur.
D’autre part, selon le principe que ‘Moché c’est Israël et Israël c’est Moché’(Rachi, ‘Houkat, 21, 21), tant que les enfants d’Israël ne sont pas tousparvenus à transformer le mal en bien, alors cela signifie que Rabbi Eléazar Ben Azaria non plus n’y est pas parvenu! C’est pour celà qu’il se considérait lui-même comme étant un Bénoni! Tant que le monde n’était par parvenu à la Délivrance finale, Rabbi Eléazar Ben Azaria ne se considérait que ‘comme un Tsaddik’, et non pas ‘un Tsaddik’, et il se devait donc d’ouvrir l’accés de sa Yéchiva à tous ceux qui désiraient faire de ce monde une demeure pour l’Essence de D.ieu.
Cette attitude de Rabbi Eléazar Ben Azaria exprime le fait qu’un Juif doit continuellement ‘aller de prodiges en prodiges’. Le Rabbi nous enseigne dans le Dvar Mal’hout que même le monde d’Atsilout, qui est pourtant le monde le plus élevé demeure limité car il n’est qu’un ‘monde’. La Délivrance finale représente l’abolition de toutes les limites, même celles du monde d’Atsilout. C’est en ce sens que le Rabbi nous enseigne l’importance de ‘sortir de l’Egypte de la Sainteté’.
Les sages qui s’opposaient à l’avis de Ben Zoma, auquel se rangent Rabbi Eléazar Ben Azaria et le Rambam, estimaient que l’homme en était incapable. Cependant Rabbi Eléazar Ben Azaria maintenait le contraire. Son histoire est donc mentionnée par le Rabbi dans le ‘Dvar Mal’hout’, car le Rabbi lui-même nous enseigne à sortir de l’Egypte de la Sainteté, de ‘convaincre nos collègues’ d’en faire autant, afin de transformer l’obscurité la plus profonde en lumière, et plus encore que celà, afin de comprendre et de ressentir véritablement que la nuit fait partie de la lumière, que l’origine de l’obscurité est plus élevée que celle de la lumière, et que notre mission est de le dévoiler. Afin de provoquer la venue du Machia’h, très bientôt et de nos jours avec l’aide de D.ieu.