A la lecture de la vie des Patriarches, on serait tenté de dire que leur histoire s’apparente à l’existence mouvementée des fondateurs d’une nation. Mais cette vision n’est qu’une illusion : derrière cette confusion se cache un ordre d’une profonde intelligence où chaque élément participe d’un ensemble divin.

Avraham, Its’hak et Yaakov vécurent il y a plus de 3600 ans. La tradition talmudique (1) rapporte que chacun des trois patriarches institua l’une des trois prières quotidiennes : Avraham fixa celle du matin (Cha’harith), Its’hak, celle de l’après midi (Min’ha) et Yaakov, celle du soir (Arvith).

Des siècles plus tard, le chiffre 3 se retrouve avec les deux Temples et le prochain qui sera édifié lors de la délivrance messianique.

Cette permanence du chiffre 3 n’est bien sûr, pas l’effet du hasard. Bien plus, nos Maîtres révèleront le lien profond qui reliera chacun des trois patriarches avec chacune des trois prières et chacun des trois Temples.

 

Une lumière exceptionnelle

Avraham est le seul patriarche qui connaîtra une existence sans obstacles et sans grandes difficultés. D.ieu lui promettra une « bonne vieillesse » au point même qu’Yshmaël, son fils rebelle, reprendra le droit chemin avant que le patriarche ne quitte le monde.

Cette clarté caractérise, Cha’harith, la prière du matin, qui est dite au lever du jour et l’on sait qu’après la nuit, la luminosité du nouveau jour possède une valeur bien plus grande que celle du jour, du fait qu’elle vient après l’obscurité de la nuit.

Il en fut de même pour le premier Temple qui bénéficia d’un éclat divin exceptionnel. La tradition rapporte qu’il fut construit par des hommes qualifiés de Tsaddikim (des Justes) sous l’impulsion de Shlomo, l’homme le plus sage de l’humanité. Pour Its’hak, le second patriarche, on change de registre. Sa vie ne sera plus aussi linéaire et rayonnante que celle de son père. Son fils ainé quittera le judaïsme et il sera très affecté par le conflit qui opposera ses deux fils.

Cette obscurité naissance rappelle la prière de Min’ha qu’il institua. Cette prière est dite quand la lumière du jour décline et laisse place, peu à peu, aux ombres de la nuit. Le second Temple qui lui correspond n’avait plus la sainteté du premier. Comme Min’ha, il était entre le jour et la nuit puisqu’il fut construit par des Juifs qui avaient quitté l’exil de Babylone et qui donc, revenaient vers D.ieu.

 

Un Temple intérieur

On retrouve chez Yaakov une similitude très forte entre sa vie et Arvith, la prière du soir. Rachi remarque que sa vie est marquée par de nombreuses souffrances : son conflit avec Essav, son frère, ses vingt ans passés chez Lavane, le rapt de sa fille Dina, la disparition de Yossef et d’autres encore.

Ces tourments obscurcissent sa vie à l’instar d’Arvith qui est dite dans la nuit. Jusque là, le rapport est évident mais comment lier cette obscurité avec la lumière qu’apportera le troisième Temple ?

La réponse met l’accent sur la continuité de l’histoire juive : obscurité et lumière ou exil et délivrance, ne sont pas des temps cloisonnés.

Bien au contraire. Ils sont profondément liés, au point de dépendre l’un de l’autre. Ce qui signifie, en peu de mots, que l’éclat de la lumière messianique dépend de l’effort de chaque Juif durant l’exil (l’obscurité) pour rester attaché au Créateur.

Yaakov est lié au troisième Temple parce que sa capacité à affronter l’adversité, sans jamais abdiquer ses convictions, provoque l’édification du troisième Temple.

On l’aura compris : Yaakov, au-delà du personnage historique, c’est le Juif de l’exil qui parviendra à se hisser au-delà des difficultés de l’existence juive pour édifier son Temple intérieur qui conduira à la construction du troisième Temple. Très prochainement.

 

Note

  1. Début du quatrième chapitre du traité Béra’hoth