La stabilité d’une société se fonde sur des lois qui instaurent la confiance entre les hommes. D’autres paramètres, il est vrai, sont nécessaires pour asseoir cette stabilité, mais la confiance possède l’avantage d’être un tremplin pour rapprocher les cœurs. C’est la raison d’être de la mitzva (1) de « Achévath avéda », l’obligation, pour chacun d’entre nous, de restituer un objet perdu à son propriétaire.

Pour le judaïsme, la restitution d’un objet perdu est bien plus qu’une bonne action car, comme l’envisage le Talmud, on pourrait dans de nombreux cas, garder un objet égaré par son propriétaire. Finalement, peut être que ce dernier a perdu l’espoir de le retrouver ! Mais cette perspective n’est pas du goût de nos Maîtres : même si plusieurs raisons pourraient nous permettre de garder cet objet, il est bien de le rapporter.

Le Rabbi nous en donne la raison : depuis la création du monde, D.ieu crée à chaque instant un univers parfaitement organisé. Ainsi, chaque créature, qu’elle soit minérale, végétale, animale ou humaine, participe d’un projet collectif. L’être humain, la créature la plus sublime de ce monde, possède une fonction et un but bien plus éminents qu’une simple fleur ou qu’un animal. Il vient au monde dans un lieu précis, dans une famille bien spécifique et avec des possessions qui lui sont exclusivement réservées.

Tout cet ensemble forme alors une architecture parfaite qui le conduit vers le but que D.ieu lui a assigné, en donnant une place active à chaque élément de cet ensemble. Mais si un individu perd un élément de ses possessions, il ne pourra plus mener à bien la mission confiée, puisqu’un élément sera manquant pour qu’il aille au bout de sa mission. Il devient alors impératif, pour un autre Juif, de rapporter à son prochain, l’objet que ce dernier a perdu. Afin qu’il puisse, dans sa plénitude, accomplir la tâche pour laquelle il a été créé.

Perdre son judaïsme

Mais le Rabbi va plus loin. Cette règle peut aussi s’appliquer sur un plan spirituel. La possession la plus noble d’un Juif, expliquent les commentateurs, c’est son judaïsme. Sans lui, le Juif n’est rien et sa vie perd toute sa raison d’être. Bien plus, lui et la sagesse divine sont indissociables parce que chacun d’entre nous possède, avec la Thora, une mission précise sur terre qu’il ne peut accomplir sans elle.

Si dès lors, du fait de l’assimilation, un Juif « a perdu » son judaïsme, il est de notre devoir de le lui restituer. Et comme le précise le texte de notre paracha, pour un objet perdu, il sera interdit, dans ce cas, de fuir cette obligation, en restant indifférent à sa perte ou en feignant l’ignorance : on devra tout mettre en œuvre pour lui rapporter le chabbath, Yom Kippour, la cacherouth ou les Téphilines qu’il aura perdus.

Recréer le lien

Mais il se peut que le propriétaire de l’objet perdu ne soit pas intéressé à récupérer sa perte. Et si l’on transpose cette problématique sur un registre spirituel, un Juif éloigné pourrait refuser qu’on lui rapporte sa perte : récupérer son judaïsme (perdu) ne l’intéresse pas !

Existe-il alors, pour celui qui a trouvé « le judaïsme perdu », une obligation de restituer cette perte spirituelle quand son propriétaire n’y trouve aucun intérêt ? Oui, doit être la réponse. Mais avec une nuance de taille : on ne pourra pas simplement rendre ce qui a été perdu. Il faudra aussi recréer chez son propriétaire le désir de vouloir retrouver le judaïsme, car l’exil n’est qu’un accident de l’histoire.

Même quand l’âme d’un Juif a été noircie par des siècles d’exil, son amour pour D.ieu ne s’est pas totalement éteint. Profondément, il désire recréer un lien avec D.ieu, car s’il lui manque ce qui fait la vitalité de son existence, comment pourrait-il mener à bien la mission pour laquelle il a été créé ? Et le Rabbi de rajouter : rapporter le judaïsme à celui qui l’a perdu n’est pas une option facultative (à l’occasion ou si l’on a le temps).

Dans notre génération, c’est une obligation pour chacun d’entre nous. On doit aller au devant de celui qui s’est écarté de la Thora et non attendre qu’il se manifeste à nous. Pour lui donner le mérite d’accueillir Machia’h avec dignité.

 

Note

  1. Les premiers versets du chap. 22 de Dévarim