Au commencement de la Paracha Ki Tavo (26, 1, 2), il est écrit que ‘les enfants d’Israël, après qu’ils avaient eu conquis la terre, avaient l’obligation de prendre, de leurs champs, des prémices des sept fruits de la terre (le blé, l’orge, le raisin, la figue, la grenade, l’olive et la date), de les placer dans un panier, et de les apporter au Cohen dans le Beït-ha-Mikdache’.

Le Rabbi nous enseigne que cette Mitsva des prémices est à la base de notre service divin et de l’ensemble de tous les autres commandements. Aussi, nous pouvons nous interroger sur la particularité de la Mitsvah des prémices. En effet, nous remercions l’Eternel, et reconnaissons Ses bienfaits tout au long de notre vie, que ce soit dans nos prières, ou que ce soit dans les Bénédictions, que nous Lui adressons. Pour quelle raison la Mitsva des prémices, qui exprime aussi notre reconnaissance pour D.ieu, précède-t-elle dans notre Paracha tous les autres commandements divins ?

Le Rabbi répond que l’âme possède trois vêtements, la pensée la parole et l’action, et que la Mitsva des prémices a ceci de particulier que lorsqu’il accomplit cette Mitsva, un juif exprime sa reconnaissance vis à vis de l’Eternel, non pas seulement par la pensée, ou par la parole, mais il l’exprime par un acte, et ‘l’acte est essentiel’. En d’autres termes, la Mitsva des prémices exprime par un acte la prière de ‘Modé ani’ que l’on dit chaque matin, en ouvrant les yeux.

La Mitsva des prémices n’exprime pas seulement notre reconnaissance pour tous les bienfaits que l’Eternel nous dispense tout au long de notre existence. Le contenu profond de cette Mitsva est lié à la signification du mot bikourim : prémices. Le mot bikourim s’apparente au mot békhor qui signifie premier-né.

De fait, la Torah désigne les enfants d’Israël comme étant les premiers-nés de l’Eternel, car l’âme des enfants d’Israël a précédé la Création du monde. Dans le Dvar Mal’hout de la Paracha Ki Tétsé, le Rabbi nous enseigne que l’âme juive, du fait ‘qu’elle est véritablement une parcelle de divinité d’En-haut’, existait déjà avant la Création du monde et de tout ce qu’il contient.

C’est à cela que se rapporte l’enseignement de Rabbi Shimon Bar Yo’haï selon lequel ‘Le Saint béni soit-Il Israël et la Torah ne font qu’Un’, et Rabbi Shimon enseigne que trois liens les unissent, l’un avec l’autre. Il existe un lien entre le Saint béni soit-Il et la Torah, un lien entre la Torah et Israël, et par-dessus tout, il existe un lien direct entre le Saint béni soit-Il et Israël.

Le Rabbi souligne cependant que l’âme d’Israël précède la Torah, et que l’existence de la Torah ne dépend que d’Israël, car les juifs sont la raison de la Torah. Ainsi, dans une situation où un juif est en danger, l’Eternel nous ordonne de transgresser la Torah, s’il doit en être ainsi pour sauver la vie de ce juif (pikoua’h néfèch).

A l’opposé, l’existence de la Torah ne dépend que des juifs, que de leur accomplissement des commandements divins, lesquels représentent la Volonté du Saint béni soit-Il. C’est ce lien, ce lien essentiel qui unit l’Eternel à chaque juif, qui représente le contenu profond de la Mitsva des prémices.

Chaque juif est le premier-né de l’Eternel, et demeure lié à Lui d’un lien éternel, et lorsqu’un Juif apporte au Temple les prémices des fruits de son champ, il remercie L’Eternel, non seulement pour les bienfaits matériels qu’Il lui dispense, mais aussi et surtout, pour l’avoir fait Juif, pour lui avoir donné une parcelle de Lui-même au moyen de laquelle il a le pouvoir accomplir Sa Volonté bénie.

Le Tséma’h Tsédèk rapporte dans le Livre Or ha Torah sur la Paracha Ki Tavo un enseignement de la Guémara Sotah (46) dans lequel les Sages de la Torah comparent les Mitsvoth à des fruits. Autour de cette idée, le Tséma’h Tsédek explique que de même que la terre possède en elle-même la force de faire pousser des arbres et des fruits à l’infini, chaque Juif est capable de faire don de lui-même au-delà de toutes les limites pour sanctifier le Nom de D.ieu.

Dans le Hayom-Yom du 18 Elloul, qui est le jour de l’anniversaire du Baal-Chem- Tov et de l’Admour Hazaken, le Rabbi rapporte à son tour une explication du Baal-Chem-Tov sur le premier verset de la Paracha Ki Tavo (26, 1), qui s’accorde parfaitement à cet enseignement du Tséma’h Tsédek :

‘Et ce sera quand tu arriveras sur la Terre (le Pays) que l’Eternel ton D.ieu te donne en héritage, que tu en prendras possession et que tu t’y installeras.’

Le Baal Chem Tov explique que la ‘Terre’ (Erets) est de la même étymologie que ‘Méroutsa’ (Empressement) et ‘Ratson’ (Volonté). Dans ce cas, ‘arriver sur la Terre que l’Eternel ton D.ieu te donne en héritage’, signifie qu’un Juif parvient, grâce à ses efforts et à son travail, à recevoir comme don de D.ieu, la Volonté.

De fait, la Volonté est un don d’en-haut, et celui qui ressent en lui-même le profond désir de s’attacher à D.ieu et d’accomplir Ses Commandements, dans la plus grande soumission et le plus grand amour, peut estimer que cette Volonté qui l’anime n’est autre qu’un don qu’il a reçu de l’Eternel.

Ainsi, le Rabbi explique dans le Hayom-Yom au nom du Baal-Chem-Tov, que lorsque l’on a mérité d’être animé par une telle Volonté, on doit alors ‘prendre possession et s’installer sur cette Terre que l’on a reçu en héritage’, c’est-à-dire que l’on doit intérioriser ce que l’on a obtenu, en le faisant descendre ici-bas de façon définitive.

Le Rabbi souligne ici l’importance ‘d’intérioriser ce que l’on a obtenu’, c’est-à-dire que nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour faire de nous-mêmes des réceptacles capables de recevoir des dévoilements divins supérieurs. ‘Intérioriser la Volonté’ signifie dans ce cas que nous devons nous préparer pour recevoir cette force, afin que celle-ci ne soit plus comme ‘ajoutée’ à nous-même, mais qu’elle fusionne véritablement avec notre personnalité, notre intellect et nos sentiments.

Cette idée qui revient sans cesse tout au long de l’année dans le Dvar Mal’hout et dans les discours ‘hassidiques du Rabbi consiste à recevoir et à intégrer dans les limites que nous impose le corps une lumière qui dépasse totalement les limites. Ainsi, la ‘Terre’ que nous devons atteindre, n’est autre que la Volonté de servir D.ieu et de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour provoquer la venue de notre Juste Machia’h. A ce sujet, il ressort de l’enseignement du Tséma’h Tsédèk qui est rapporté dans le Or ha Torah sur la Paracha Ki Tavo qu’il y a deux sortes de ‘Volonté’, deux niveaux de la ‘Terre’.

Le Tséma’h Tsédek explique qu’un Juif doit tout d’abord ‘arriver sur la Terre’, c’est-à-dire qu’il doit avant tout dévoiler la Volonté que l’on acquiert par ses propres efforts. C’est le premier niveau de la Volonté, la Volonté ‘inférieure’ qui naît de notre propre réflexion et au moyen des forces de notre intellect et de nos sentiments.

Cette Volonté se dévoile au moment de la récitation de la prière du Chéma, après avoir médité à la grandeur du Saint béni soit-Il, en récitant les louanges de ‘Psoukeï de Zimra’. Or, c’est précisément cette ‘Volonté inférieure’ qui constitue le réceptacle et l’étape nécessaire pour entrer sur la ‘Terre supérieure’, c’est-à-dire pour accéder au niveau de la ‘Volonté supérieure’ que l’on reçoit de D.ieu, ainsi qu’il est dit : ‘La Terre que l’Eternel ton D.ieu te donne en héritage’.

C’est ici le point essentiel qui est au centre de cet enseignement. ‘La Terre supérieure’ est un don de l’Eternel aux enfants d’Israël, et elle représente ‘la Volonté simple (Ratson ha pachout) que possède chaque Juif. Cette Volonté qui est au-delà de l’intellect, consiste à faire don de soi-même aux moments où l’on dit ‘E’had’, et ‘Tu aimeras l’Eternel ton D.ieu de tout ton pouvoir’ (prière du Chéma).

Cette ‘Terre’ qui est l’objet de notre désir le plus profond, est l’expression de notre amour pour D.ieu de ‘tout notre pouvoir’. La ‘Terre supérieure’ est l’expression du lien le plus profond qui unit l’Essence de l’âme d’un Juif à l’Essence divine. Dès-lors, à la lumière de ce qu’il vient d’être dit, nous comprenons à présent l’enseignement du Rabbi selon lequel ‘faire tout ce qui est notre pouvoir pour provoquer la venue de notre Juste Machia’h’, signifie que l’on doit tout d’abord aimer l’Eternel au moyen de nos propres forces et en repoussant continuellement nos propres limites.

Nous mériterons alors que l’Eternel nous élèvera et nous permettra de devenir un réceptacle capable de recevoir en cadeau l’amour de D.ieu ‘de tout notre pouvoir’, le niveau de la Terre et de la Volonté supérieures, qui n’est autre que le dévoilement de l’Essence divine dans nos pensées, nos paroles et nos actes.

A l’évidence c’est par notre attachement au Rabbi que nous parvenons à ce dévoilement. C’est par notre attachement à ses enseignements que nous aurons le mérite de recevoir en cadeau la ‘Terre supérieure’, dans notre cœur, et de manière concrète, avec le dévoilement du Machia’h, et du troisième Temple à Jérusalem, très bientôt et de nos jours, avec l’aide d’Hachem.