Cette toile du porteur d’eau a été peinte au retour d’un voyage à Aditch, à l’occasion de la Hilloula de l’Admour Hazaken, le 24 Teveth.

 

La forêt représentée dans le tableau n’est pas sans évoquer le cadre naturel dans lequel se trouve le Ohel de l’Admour Hazaken à Aditch, et le porteur d’eau est inspiré par le personnage d’une vieille photographie de Roman Vishniac.

Roman Vishniac est un grand photographe, dont l’oeuvre rassemble de très nombreuses photographies sur le monde Juif en Europe de l’Est, le monde des Shtettls et des Guettos avant l’holocauste (une partie de ces photographies est éditée dans l’ouvrage intitulé ‘Un monde disparu’).

Le sujet du porteur d’eau revient régulièrement dans l’univers de la ‘Hassidout. Son intense simplicité sert souvent d’exemple aux enseignements du Rabbi. Tout particulièrement lorsque le Rabbi explique le lien pachout (simple), et essentiel, qui unit l’âme Juive à Son Père qui est dans le ciel, ainsi qu’il est dit dans de nombreux discours du Rabbi : ‘l’essence de l’âme Juive est enracinée dans l’Essence divine’.

Le Rabbi Yossef-Itzhak a raconté que lorsqu’il était au ‘Héder, et qu’il apprenait le ‘Aleph-Beïth’, son professeur lui enseigna que la lettre Aleph ressemblait à un porteur d’eau.

En effet, la lettre Aleph qui est composée par un Vav et deux Youde, est comme le bâton du porteur d’eau, qui ressemble à un Vav, avec ses deux sceaux accrochés à ses extremités, qui ressemblent à deux Youde.

Aussi, le porteur d’eau, qui par sa simplicité évoque l’essence même de l’âme Juive, est représenté par la lettre Aleph qui elle-même, selon l’enseignement du Rav Yoël Kahn, représente l’essence de toutes les lettres de l’Aleph-Beïth.

Les Sages ont en effet enseigné à ce sujet que la lettre Aleph qui est la première lettre du mot Ano’hi (Je suis L’Eternel), qui est lui-même le premier mot des Dix Commandements, contient toute la Torah.

Il apparaît donc que derrière son apparente simplicité, le porteur d’eau cache en réalité la force de l’essence de l’âme Juive. C’est certainement aussi pour cela qu’il apparaît parfois dans les histoires du Baal Chem Tov. On raconte même que le Rabbi Maharach fut nommé ‘Chmouel’ par son père le Tsémah Tsédek, car Chmouel était le nom d’un porteur d’eau que le Tsémah Tsédek voulut honorer en nommant son fils comme lui.

Par ailleurs, on peut se demander pour quelle raison la Torah parle ‘du porteur d’eau et du coupeur de bois’. Pourquoi la Torah place-t-elle le porteur d’eau à côté du coupeur de bois ?

Le porteur d’eau lui-même représente un Juif qui se consacre à l’étude de la Torah, car l’eau d’après les Sages représente la Torah. Le premier des deux sceaux représente la partie révélée de la Torah, et le deuxième, la partie profonde de la Torah.

Selon une explication du ‘Hassid Shimon Ben David, la présence du coupeur de bois à côté du porteur d’eau peut être expliqué au moyen de l’exemple donné par l’Admour Hazaken dans le livre du Tanya du bout de bois que l’on coupe en morceaux afin d’allumer un feu.

En effet, l’Admour Hazaken explique que le cerveau doit illuminer le cœur, qu’il ne suffit pas seulement de comprendre un concept divin, mais qu’il nous faut aussi ressentir ce que l’on étudie.

Parfois nous avons du mal à ressentir dans le cœur une chose que l’on a pourtant comprise. L’Admour Hazaken dit alors que la lumière du cerveau n’éclaire pas suffisamment nos sentiments, que notre cœur est semblable à un morceau de bois que l’on a jeté dans le feu mais qui ne parvient pas à s’enflammer car il est trop gros. Le Baal-Ha-Tanya préconise dans ce cas de couper le morceau de bois en petits morceaux, car ceux-ci brûleront sans difficultés.

L’enseignement est clair. Pour que l’enseignement de la Torah acquis par l’intellect puisse illuminer le cœur, il faut briser la grossièreté du cœur en petits morceaux.

Dans son discours intitulé Vé Atah Tetsaveh, le Rabbi parle longuement du fait d’avoir le cœur brisé (Katit lé Maor). C’est en ressentant dans le cœur l’intense amertume de l’absence du Machia’h, que l’on parvient à dévoiler la force de l’essence de l’âme (l’huile).

Ainsi, à la lumière de cette explication du ‘Hassid Shimon Ben David qui se fonde sur cet exemple de l’Admour Hazaken, nous pouvons comprendre à présent le sens de la juxtaposition dans la Torah du porteur d’eau et du coupeur de bois.

L’étude de la Torah doit être accomplie avec un cœur brisé. Un Juif doit ressentir continuellement le manque du troisième Temple, la présence du Machia’h, le désir du dévoilement de D.ieu dans ce monde. Si ce sentiment brûle dans le cœur d’un Juif pendant qu’il étudie la Torah, ou quand il accomplit un Commandement divin, alors sans aucun doute ce Juif ressemble à ce porteur d’eau qui apporte l’eau de la Torah aux âmes assoiffées dans le désert de l’exil, et il suscite le désir de D.ieu de dévoiler enfin Son Essence en ce monde.

Il y a beaucoup de choses à dire et à peindre sur le personnage du porteur d’eau. Cependant, du fait qu’il soit une évocation de l’essence de l’âme Juive, son portrait échappe aux limites que nous impose le cadre de ce monde matériel.

Le porteur d’eau appartient aux histoires ‘hassidiques, au Rabbi, à l’univers de la Hassidout, et une image seule ne pourrait le contenir.

 


‘Le porteur deau’, Huile sur toile, 1m50 sur 1 m.

 


La Photographie prise par Roman Vishniac, du porteur d’eau qui a servi de modèle.

 


Le photographe Roman Vishniac tenant l’une de ses Photographies.

 

Le Rav Yaakov Abergel, auteur du tableau