Il est notoire que, parmi les mois de l’année, le mois de Eloul est le plus approprié à l’introspection et l’examen de soi («‘hechbone hanefech») afin de rectifier les errements de l’année qui s‘achève et se préparer comme il convient à l’année nouvelle. À l’approche du mois de Eloul, il convient dès lors de s’interroger sur la façon dont cette introspection doit être menée et à quelles modifications de notre comportement elle doit donner lieu.

Cette année (5751 – 1991, Ndt), les deux jours du Roch ‘Hodech Eloul (la tête – le début – du mois) tombent Chabbat et dimanche. D’autre part, ce Chabbat-ci, qui précède et bénit le mois de Eloul, est le Chabbat de la paracha Ekev. Sachant que tous les détails de l’existence sont l’œuvre de la Providence Divine, nous pouvons déduire de cette construction du temps des directives quant à notre bilan personnel.

Deux voies

Dans la mesure où le mois de Eloul est celui du bilan récapitulatif de l’ensemble de l’année, il exprime d’autant plus le rôle de l’homme de servir son Créateur, notamment dans l’acrostiche formé par ses lettres «Ani Lédodi Védodi Li – Je suis à mon bien-aimé (D-ieu) et mon bien-aimé est à moi» (Cantique des cantiques, 6, 3). Ce verset exprime en effet le lien entre le Juif et D-ieu, soit dans le service de D-ieu à travers l’étude de la Torah et l’accomplissement des Mitsvot («Je suis à mon bien-aimé»), soit dans l’assistance que D-ieu prodigue à l’homme («mon bien-aimé est à moi»).

Le mois de Eloul enseigne donc qu’il ne convient pas d’attendre passivement que D ieu se manifeste, mais, au contraire, que l’essentiel et la base de cette relation est l’effort de l’homme, exprimé par le début du verset «Je suis à mon bien-aimé», auquel l’assistance divine fait suite.

Et bien que, pour pouvoir initier cet effort, nous recevions déjà une aide d’En-Haut (comme l’influence des Treize Attributs de Miséricorde divine qui sont révélés pendant le mois de Eloul), nous devons être conscients que là n’est pas l’essentiel : ce n’est qu’à travers l’accomplissement de notre mission par nos propres forces que nous pouvons mériter une manifestation divine qui soit intégrée et perceptible et d’une plus grande intensité («mon bien-aimé est à moi»).
(C’est la raison pour laquelle le nom Eloul – אלול débute par la lettre alef – א’ : cela indique que le travail doit débuter de «alef», la première lettre, c’est-à-dire le niveau le plus bas et c’est précisément ainsi qu’il est ensuite possible de progresser vers les niveaux suivants, le guimel, le dalet, etc, jusqu’au tav.)

Ceci étant établi, nous avons vu que la seconde partie du nom «Eloul», les lettres vav et lamed qui font allusion aux mots «Védodi Li – mon bien-aimé est à moi», représente l’aide que D-ieu apporte à l’homme. Cependant, dans la mesure où il s’agit également d’une partie du nom du mois du bilan du service de l’homme, il est clair que cela fait aussi référence à un niveau de ce service. C’est lorsque l’homme sert D ieu «d’En-haut», c’est-à-dire en faisant totalement abstraction des difficultés que le monde peut opposer à son service de D-ieu.

C’est pourquoi il y a deux jours de Roch ‘Hodech au mois de Eloul : pour nous enseigner qu’il y a deux approches du service de D-ieu : l’une commence le dimanche, c’est-à-dire le premier jour de la semaine, symbolisant la nécessité d’aller en progressant en s’élevant de degré en degré («du bas vers le haut») ; l’autre commence le jour du Chabbat qui transcende la Création, symbolisant le fait de ne pas prendre le monde en considération et d’accomplir d’emblée son service de D-ieu à la perfection («du haut vers le bas»).

L’âme et le corps

Ces deux approches du service de D-ieu existent depuis la Création du monde. En effet, celui-ci fut créé le premier jour (dimanche) pour enseigner à servir D-ieu «du bas vers le haut» et, d’autre part, les livres de Kabbalah enseignent qu’un Chabbat a précédé la Création du monde (Pardess chaar 4, chap. 7 et autres) dont la perfection a béni et investi les jours de la Création, enseignant l’approche «du haut vers le bas».

Ces deux approches se retrouvent chez chaque Juif :
Le corps fut créé à partir de la terre et, pour le raffiner et l’élever, il est nécessaire de mener un long et profond effort. En revanche, l’âme d’un Juif est totalement au-delà des limitations de ce monde, étant une parcelle du Divin «mamach – concrète» comme le dit le Tanya, c’est-à-dire qu’elle garde son caractère divin même lorsqu’elle est revêtue du corps, ici-bas, dans le monde matériel et «concret». Et, de par les forces de son âme, le Juif peut s’affranchir de la nécessité de progresser petit à petit et peut d’emblée exiger de lui-même de servir D-ieu à la perfection, d’une façon qui relève du «Chabbat», d’une façon «céleste», jusqu’à accomplir des merveilles et toucher à la perfection messianique, «le jour qui sera entièrement Chabbat et repos pour la vie éternelle» (fin du traité Tamid).

Il ressort de tout ce qui précède que le Juif doit toujours servir D-ieu sur deux plans :
D’un côté, il doit toujours servir D-ieu de façon structurée et ordonnée, en progressant étape par étape. Et cela doit toujours être le cas, même dans des jours aussi élevés que Yom Kippour ou Sim’hat Torah (et pour preuve : ces jours sont également intégrés au déroulement de la semaine qui est progressif).

D’un autre côté, un Juif doit toujours, même les jours profanes, servir D-ieu «du haut vers le bas» en accomplissant son devoir à la perfection en puisant dans les forces de son âme le niveau de «Chabbat» qui est en soi. (À l’instar de Chammaï qui vivait toute la semaine en fonction du Chabbat, réservant toute nourriture de qualité qu’il trouvait en semaine pour «l’honneur du Chabbat».)

D’un point de vue général, on retrouve ces deux niveaux dans deux catégories au sein du peuple juif : le service divin de certains Juifs est essentiellement l’étude de la Torah, qui est au-delà du monde, alors que celui de certains autres est axé sur le rapport au monde à travers l’exercice de leur profession.
Quel est le plus important ?

Dans la mesure où, comme nous l’avons dit plus haut, l’essentiel est l’effort du Juif («Je suis à mon bien-aimé») et l’assistance divine n’intervient que dans un deuxième temps, ainsi en est-il en ce qui concerne les deux approches du service de D-ieu : l’essentiel et la base est précisément lorsque l’homme sert D-ieu avec sa dimension physique qu’il élève «du bas vers le haut» et ce n’est qu’ensuite que vient le service de D-ieu avec son âme.

C’est pour cela que, parmi les deux jours de Roch ‘Hodech Eloul, c’est le second qui est essentiel alors que le premier est considéré comme faisant encore partie du mois de Av qui précède. Le second jour, qui est le principal, tombe (en 5751 – 1991, Ndt) en effet un dimanche, premier jour de la semaine faisant allusion au service «du bas vers le haut», alors que le premier jour de Roch ‘Hodech, qui est secondaire, tombe un Chabbat qui fait allusion au service «du haut vers le bas».

La raison à cela est simple :
Puisque D-ieu souhaite avant tout que ce monde-ci, le monde matériel, soit raffiné et élevé, il est clair qu’il est nécessaire d’accomplir cette tâche au sein du monde et en fonction de ses paramètres. Il est vrai que ce travail exige beaucoup de temps et d’efforts et qu’il faut avancer étape par étape, mais il n’est pas possible de sauter directement à des stades plus élevés, car on s’apercevra en définitive que le monde n’est pas apte à en soutenir la révélation.

Certes, chaque Juif a reçu une âme particulièrement élevée qui peut accomplir son œuvre «du haut vers le bas», mais cela ne peut que venir s’ajouter à l’essentiel qui est le travail «d’en bas». (C’est pourquoi nous comptons les jours depuis la création du monde – le dimanche – et non depuis la création de l’homme – le vendredi : pour indiquer que l’essentiel dans le service de D-ieu est d’élever le monde matériel.)

Il ne faut pas croire que, de cette façon, l’élévation finale sera moindre. Au contraire, c’est précisément ainsi que nous parviendrons à la révélation de l’Essence de D-ieu («Atsmout ouMahout»).

En résumé, le mois de Eloul présente trois approches du service de D-ieu : 1. «Ani Lédodi – Je suis à mon bien-aimé», le service «du bas vers le haut», limité en fonction des capacités du monde, mais qui a pour avantage d’exercer une influence en profondeur ; 2. «Védodi Li – mon bien-aimé est à moi», le service «du haut vers le bas», une attitude que rien ne limite, mais qui ne pénètre pas le monde ; 3. «Eloul», la conjonction des deux approches précédentes, de sorte que le service illimité de D ieu pénètre également le monde.

Faire le bilan

Nous comprenons maintenant la façon dont il convient d’établir un «bilan de soi» au cours du mois de Eloul :
Il faut tout d’abord dresser le bilan de son service de D-ieu «du bas vers le haut» : savoir combien d’efforts on y a consacré et dans quelle mesure on est parvenu à raffiner son corps et le monde autour de soi.

Ensuite, il faut faire le bilan du service «du haut vers le bas» qui doit découler de son âme divine : accomplir les commandements divins sans se soucier des limitations induites par son existence corporelle ou par le monde matériel.

Et, en plus de cela, il faut savoir que, même lorsque l’on parvient à accomplir la volonté de D-ieu à la perfection en faisant fi des difficultés, il est nécessaire de faire pénétrer cela dans sa dimension physique et dans le monde entier afin qu’eux aussi servent D-ieu parfaitement.

Telle est la tâche de chaque Juif au mois de Eloul : relier le «Ani» (soi-même) à «Dodi» (D-ieu), mais ensuite se soucier que «Dodi» soit «li», à soi, c’est-à-dire que les niveaux les plus élevés soient liés et intégrés au monde matériel de sorte que celui-ci atteigne la perfection.

Nous pouvons, dès lors, comprendre le lien de ce qui précède avec la paracha que nous lisons ce Chabbat, Ekev :
Le terme «Ekev» possède deux sens : le sens simple est que D-ieu va accorder une rétribution pour l’accomplissement de Ses commandements («Vehaya ekev tichmeoun – Suite à votre obéissance à ces lois […] Il bénira le fruit de tes entrailles et le fruit de ton sol…» (Deutéronome 7, 12-13)) ; Rachi, cependant, donne une autre interprétation : «Ekev» désigne, parmi les commandements, ceux auxquels l’homme attribue peu d’importance et qu’il a tendance à négliger, à «piétiner» de son «talon» qui se dit en hébreu «ekev».

Deux questions se posent face à ces deux interprétations : 1. pourquoi Rachi n’a-t-il pas traduit ce mot selon le sens le plus simple et le plus évident ?, 2. quel est le rapport entre ces deux interprétations ?

La réponse à cela est que D-ieu récompensera certes l’accomplissement de Ses commandements (comme l’enseigne la première interprétation), mais la façon d’y parvenir est précisément en commençant par les «petites» choses, les commandements que l’homme «foule de ses talons». Rachi a donc choisi cette interprétation pour enseigner que là est l’essentiel et la base du service divin et que ce n’est qu’en passant par là que l’on peut ensuite parvenir à la perfection.

La génération de la délivrance

Cet enseignement est lié de façon particulière à la période actuelle et à notre génération, la génération de la délivrance (comme il est de coutume ces derniers temps de relier chaque sujet à la délivrance messianique) :
Notre époque est appelée dans le Talmud «Ikvéta deMéchi’ha – le talon du Messie», expression qui revêt deux significations : 1. Il s’agit de la génération la plus basse de l’histoire de l’humanité, comme le talon qui est la partie la plus basse du corps (et c’est pour cela qu’elle est marquée par l’accroissement de l’insolence et d’autres maux), 2. Elle est «ekev», la fin de l’exil dans laquelle le Machia’h va arriver incessamment.

La relation entre ces deux sens est que, comme nous l’avons vu plus haut, c’est précisément du fait que cette génération est la plus basse, que l’œuvre du peuple juif pour l’élever marque la dernière étape de l’exil et son parachèvement, ce qui nous amène ensuite immédiatement à la délivrance complète, à l’ère messianique dans laquelle il y aura l’association parfaite du «haut» et du «bas».

Ad mataï – Jusqu’à quand ?!

Le bilan auquel un Juif doit aujourd’hui parvenir est que, d’après tous les comptes et d’après tous les signes que D-ieu a inscrits dans Sa Torah, la délivrance messianique aurait déjà du intervenir depuis longtemps !

En particulier après les «trois semaines» lors desquelles on a étudié les lois relatives à la construction du Temple et nous nous tenons aujourd’hui au Chabbat qui bénit le mois de Eloul dans lequel le Roi – D-ieu – «sort aux champs» et accueille chacun avec joie et bienveillance, et nous nous trouvons ici au «770» en compagnie de nombreuses dizaines de Juifs, nous avons donc le droit et la grande responsabilité de nous écrier et d’exiger de D-ieu «Ad mataï ?! Jusqu’à quand ?!».

Car, en vérité, étant donné que nous avons achevé notre tâche dans cet exil, comment est-il possible que le Machia’h ne vienne pas encore ?!…

Il est possible que la raison à cela tienne dans la réponse que le Machia’h a faite au Baal Chem Tov lorsque celui-ci lui a demandé «אמתי קאתי מר – Quand viendras-tu, Maître ?» : «לכשיפוצו מעינותיך חוצה – Lorsque tes sources se répandront à l’extérieur». Ainsi, au fil des époques, les Rabbis de ‘Habad se sont-ils consacrés à la diffusion des sources du Baal Chem Tov aux quatre coins du monde. Et, en plus des développements et des approfondissements extraordinaires qui ont été apportés à l’enseignement de la ‘Hassidout, il y a eut une diffusion telle que cet enseignement est parvenu à chaque communauté et à chaque cercle au sein du peuple juif et dans le monde entier.

Et depuis que la ‘Hassidout à été traduite en de nombreuses langues, nous sommes parvenus à une situation où chaque Juif sur cette terre, quelle que soit la langue qu’il pratique et le milieu auquel il appartient, est relié potentiellement (au moins) à la ‘Hassidout et aux sources du Baal Chem Tov, de façon à pouvoir l’étudier par soi-même.
Et, puisque le Machia’h n’est pas encore venu, il est possible qu’il y ait une catégorie de Juifs à laquelle la ‘Hassidout n’est pas encore parvenue. J’ai pensé qu’il y a en fait une sorte d’écriture dans laquelle la ‘Hassidout n’avait pas été traduite : il s’agit de l’écriture en «Braille» qui permet aux non-voyants de «lire» un texte en reconnaissant des signes spécifiques à travers le toucher.

Il s’agit là véritablement de «diffusion des sources à l’extérieur», car le fait même que l’on n’ait pas encore traduit la ‘Hassidout en Braille, malgré tout ce qui a été fait jusqu’à présent, montre bien qu’il s’agit d’une dimension véritablement «extérieure».

Le Braille a été conquis !

Cependant, ces derniers jours, il y a eu une nouveauté importante : le Tanya, œuvre centrale de la ‘Hassidout, a été imprimé en Braille !
Et même si le livre n’est pas encore parvenu à tous les non-voyants du monde, le fait même qu’il existe offre à tous les Juifs qui ont besoin de ce biais un accès à l’étude de la ‘Hassidout.

En particulier dès lors que ce livre est parvenu au «770», la maison de mon beau-père, le Rabbi (précédent, Ndt), à partir de laquelle nous avons eu le mérite de poursuivre son œuvre et qui est l’origine de la diffusion de la ‘Hassidout dans le monde entier.

Il faut également souligner que le Tanya est appelé la «Torah écrite» de la ‘Hassidout, de sorte que toute la ‘Hassidout est contenue dans ce livre.

Concrètement, il faut donc que se fasse immédiatement la délivrance messianique !

Alors, les non-voyants guériront de leur infirmité et verront clairement (Midrache Béréchit Rabba § 95). Ils guériront même avant tous ceux qui ont besoin d’une guérison et verront comme tout le monde (Midrache Téhilim 146, 8). En outre, il ne sera plus nécessaire de lire lors de l’ère messianique, car le Machia’h enseignera à tous à travers la vision, de sorte que tous verront les sujets profonds de la ‘Hassidout et n’auront donc pas besoin de les lire dans des livres.

Que D-ieu fasse que, grâce à l’étude du Tanya en Braille, ils soient immédiatement guéris, dans l’instant qui précède la délivrance, et qu’ils puissent déjà étudier la Torah dans les meilleures conditions jusqu’à la révélation de la «Nouvelle Torah qui sortira de Moi» lors de l’ère messianique.

Et l’essentiel : que la délivrance par notre juste Machia’h vienne immédiatement.

Pour l’élévation de l’âme de Tsion ben Sim’ha ז »ל et la guérison complète de Zaïra bat Fortunée תבלחט »א