Traduit par hassidout.org

Le Rav David Aaron Neuman vit avec sa famille dans le quartier de Williamsburg à Brooklyn. Il raconte sa première rencontre avec le Rabbi en 1941 à Marseille.

Je suis né en 1934 dans le village de Vizhnitz, en Ukraine. Quand j’étais un petit garçon, mes parents ont immigré à Anvers, en Belgique. La Belgique comptait une importante communauté juive, quelques 50.000 Juifs vivaient à Anvers à l’époque et ils espéraient avoir une vie meilleure.

Malheureusement, notre séjour n’a pas duré longtemps. En 1940, les allemands ont envahi la Belgique et ont immédiatement commencé à déporter et à tuer des juifs. Les gens ont essayer de s’enfuir et nous nous sommes enfuis vers la frontière avec la France. Je n’avais que six ans à l’époque, mais j’étais assez mûr pour me rendre compte que notre survie dépendait de notre fuite.

Nous sommes arrivés à Marseille où vivait ma grand-mère et la sœur de ma mère. Un groupe de Hassidim Loubavitch vivaient là, et nous avons été accueillis chaleureusement. Mais le problème est qu’il n’y avait rien pour nous là-bas. Il n’y avait pas assez de nourriture et pas assez de logements pour gérer l’afflux de tous les réfugiés. Nous sommes passés de maison en maison, d’un endroit à l’autre. Quelques mois plus tard, les nazis ont envahi Paris, et la situation s’est alors empirée.

Au milieu de tout ce chaos et de ces bouleversements, ma famille a été obligée de se séparer. Ce n’est qu’après la guerre que j’ai pu revoir les membres de ma famille. Pendant ce temps, je ai été envoyé dans un orphelinat juif de Marseille où logeaient une cinquantaine d’enfants, dont le plus grand nombre avaient entre trois et quatre ans. Certains d’entre eux savaient que leurs parents avaient été tués, d’autres ne savaient pas ce qu’étaient devenus leur mère et leur père. Souvent, on entendait les enfants pleurer ou appeler leurs parents qui n’étaient pas là pour répondre.

Comme les jours passaient, la situation devenait de plus en plus désespérée, et la nourriture devenait de plus en plus rare. Nous étions de plus en plus affamés lorsque, au début de l’été 1941, un homme est entré dans l’orphelinat. Nous ne connaissions pas son nom, nous l’appelions « Monsieur ». Tous les jours, « Monsieur » arrivait avec des sacs de pain, des longues baguettes françaises, du thon ou des sardines et parfois, des pommes de terre. Il restait jusqu’à ce que chaque enfant ait mangé.

Certains des enfants étaient tellement découragés, qu’ils ne voulaient plus manger. « Monsieur » avait l’habitude de les prendre sur ses genoux, de leur raconter une histoire, de chanter avec eux, et de leur donner à manger. Il s’assurait toujours que tous les enfants avaient bien mangé. Avec certains des enfants, il s’asseyait à côté d’eux sur le sol, les cajolait et leur donnait à manger à la cuillère. Il était comme un père pour ces petits enfants malheureux.

Il connaissait chaque enfant par son prénom, mais nous ne connaissions pas le sien. Nous l’aimions et attendions avec impatience sa venue. Je me souviens d’un enfant qui était jaloux, il voulait aussi s’asseoir sur les genoux de « Monsieur » et écouter des chansons et des histoires. Il feignait de ne pas manger, afin d’attirer son attention.

« Monsieur » vint tous les jours pendant plusieurs semaines. Et je dirai que la plupart des enfants qui vivaient à l’orphelinat à ce moment là, lui doivent la vie. Sans lui, aucun de nous n’aurait survécu.

Finalement, ce fut la fin de la guerre, et j’ai retrouvé ma famille. Nous avons quitté l’Europe et avons recommencé notre vie. En 1957, nous sommes venus vivre à New York et à cette époque mon oncle, qui vivait à Anvers était devenu un Hassid Habad, il m’a suggéré de rencontrer le Rabbi de Loubavitch. Bien sûr, j’acceptai et programmai un rendez-vous avec le secrétaire du Rabbi.

A la date fixée, je vins au 770 Eastern Parkway et m’assis pour attendre mon tour. Je lus quelques psaumes et regardai le défilé d’hommes et de femmes de tous les horizons venus pour voir le Rabbi. Enfin, on me dit que c’était mon tour, et j’entrai dans le bureau du Rabbi. Le Rabbi, avec un grand sourire me salua immédiatement : « Dos de Dovidélé ? C’est Dovidélé ? »

Surpris, je me demandai comment le Rabbi connaisait mon nom ? Je faillis m’évanouir et c’est ainsi que je réalisai que je me trouvais devant « Monsieur » ! Le Rabbi était « Monsieur » ! Et il m’avait reconnu immediatement!. C’était absolument incroyable.

Plus tard, j’ai appris comment le Rabbi était venu à Marseille. Le Rabbi et la Rabbanite Haya Mouchka essayaient d’échapper à l’Europe nazie. Afin de fournir les documents nécessaires, ils faisaient des aller-retours entre Nice où ils vivaient et Marseille. Il avait entendu parler de l’orphelinat et était venu à notre secours.

J’ai entendu dire que, après le 3 Tamouz 5754, plusieurs carnets contenant des notes et des écrits ont été découverts. Ces notes recouvraient tous les aspects de la Torah, puisés dans la philosophie juive, la Kabbale et le Talmud. Beaucoup de ces notes ont été écrites au moment où le Rabbi se trouvait en France, au début de la guerre. Même au milieu de tout ce chaos, le Rabbi se consacrait à écrire des commentaires extraordinaires sur toutes les parties de la Torah.

Mais ce qui est encore plus remarquable pour moi, c’est qu’un Tsaddik d’une telle ampleur livrait des sacs de nourriture et se préoccupait de nourrir personnellement des petits orphelins. Il n’a jamais oublié que sauver des vies est la préoccupation majeure. Je serai toujours reconnaissant qu’il a sauvé la mienne et que grâce à lui, j’ai pu avoir beaucoup d’enfants, de petits-enfants et d’arrière-petits-enfants.

 

Le Rav David Aaron Neuman