Le Rabbi Rayats, une partie de sa famille et quelques ‘Hassidim, parmi les plus proches, ont été miraculeusement sauvés de l’enfer nazi. Après leur libération, ils ont réussi à atteindre Riga le dimanche 5 Tévet 5700-1940. Ils ont séjourné là-bas pendant près de trois mois, jusqu’au 24 Adar Richon, date à laquelle ils ont embarqué à bord du bateau « Le Dratinghalm » à destination des États-Unis.

Alors qu’ils étaient déjà à bord du bateau, le Rabbi Rayats a envoyé une lettre à un responsable communautaire de Jérusalem, lui demandant d’expédier de la Matsa Chemoura à Paris pour son gendre, le Rabbi.

Arrivé à New York le 9 Adar Chéni 5700-1940, le précédent Rabbi a entrepris de multiples démarches pour venir en aide aux Juifs encore présents en Europe. Il a particulièrement œuvré pour sauver les autres membres de sa famille, ses deux filles et ses gendres.

À partir de cette date, l’action de sauvetage du Rabbi a été directement menée par son beau-père, avec une abnégation sans limite et un profond désir d’aboutir à une issue positive.

Le transfert des documents à Paris

Avant l’entrée des Nazis à Paris au printemps 5700-1940, le Rabbi a réussi à se procurer un document prouvant son inscription dans l’armée française. Ce document lui permettait de circuler librement dans les rues sans être arrêté. À plusieurs reprises, des policiers l’ont interpellé pour vérifier son identité, mais ce certificat l’a préservé des recherches, des vérifications ultérieures et même d’une arrestation en tant que déserteur.

Le 25 Iyar 5700-1940, une réunion a eu lieu aux États-Unis entre l’avocat Butler et les représentants du Département d’État. Butler leur a demandé de télégraphier au consul à Paris pour vérifier si l’autorisation d’immigrer avait été accordée au Rabbi en tant que membre du groupe bénéficiant d’un visa exceptionnel.

Les représentants du Département d’État ont informé, au nom du consulat de Paris, que le dossier contenant les documents relatifs au visa exceptionnel du Rabbi, demandé à Riga, avait été transféré à Bordeaux, d’où il serait ultérieurement envoyé à Paris.

Peu après, le secrétariat du Rabbi Rayats a appris que le dossier du Rabbi était effectivement arrivé à Paris, mais qu’il y avait encore un problème pour lui délivrer un visa d’entrée aux États-Unis. Butler a alors demandé aux représentants du Département d’État de contacter le consul à Paris à ce sujet.

Le 28 Iyar, le consul a envoyé un télégramme précisant sa position pour la première fois. Il a déclaré ne pas être convaincu que le demandeur du visa exerçait réellement des fonctions rabbiniques, sachant qu’il possédait un diplôme d’ingénieur. L’avocat Butler a donc demandé aux responsables de l’association des ‘Hassidim ‘Habad de fournir d’autres documents justifiant que le Rabbi était bien en droit de demander un visa exceptionnel.

La fuite devant la tentacule nazie

Au début de Sivan, les Nazis prirent Paris et le Rabbi décida aussitôt de s’éloigner de cette ville. Un influent général de l’armée française lui proposa de le cacher dans sa maison, qui se trouvait dans les faubourgs de la capitale, jusqu’à ce que tout danger soit écarté. Ce général, qui était un ami, était, certes, animé d’une bonne intention, mais sa proposition dénotait surtout l’incapacité des Français, à l’époque, d’imaginer ce que pouvait être l’occupation nazie. Le Rabbi, pour sa part, anticipa le danger et déclina cette proposition. Il opta pour la fuite, franchit la frontière de la zone occupée et se rendit à Vichy.

Le Rabbi et la Rabbanit abandonnèrent Paris quelques jours avant la fête de Chavouot. Ils prirent place dans un des derniers trains qui quitta la ville. Après avoir traversé la frontière, au prix d’un immense danger, ils parvinrent à Vichy, à la veille de Chavouot.

Avant de quitter Paris, le Rabbi fit un discours, par lequel il prit congé de ses connaissances. Il encouragea ceux qui restaient, leur souligna à quel point il était indispensable de s’en remettre à D.ieu, de Le servir dans toutes les situations. De fait, aucune preuve n’était nécessaire pour établir qu’il était effectivement possible de remplir cette dernière condition. Il suffisait, pour s’en persuader, d’observer le comportement du Rabbi lui-même.

A l’époque, les Juifs de Paris parlaient d’ores et déjà des miracles du Rabbi. Tous connaissaient sa fierté d’être Juif, son attitude sans compromis, le don de sa propre personne dont il faisait preuve pour mettre les Mitsvot en pratique de la meilleure manière qui soit.

L’espoir en la venue prochaine du gendre du Rabbi aux Etats Unis était si fort que les statuts officiels de l’association des ‘Hassidim ‘Habad, ratifiés le 19 Tamouz 5700-1940, mentionnaient déjà son nom parmi les vingt membres de son conseil d’administration, placé sous la présidence du Rabbi Rayats.

L’accumulation des difficultés

Le Rabbi et la Rabbanit ont passé quelques mois à Vichy. Ensuite, le beau-frère du Rabbi, le Rav Chmaryahou Gurary, a informé l’avocat Butler le 26 Av qu’ils avaient quitté cette ville et s’étaient installés à Nice, dans le sud de la France. Nice était alors sous la domination de l’Italie et de nombreux Juifs s’y étaient réfugiés à l’époque.

Dans sa réponse au Rav Gurary le 30 Av, Butler a indiqué qu’il n’avait toujours pas obtenu l’accord du consul à Paris et qu’il avait demandé au Département d’État de transférer le dossier du Rabbi à Nice. Ce transfert a été effectué.

Le 20 Elloul, les représentants du Département d’État ont déclaré avoir reçu un télégramme du consul à Nice, dont les frais d’envoi avaient été payés par le Rabbi lui-même. Le consul exprimait son intention d’accorder au Rabbi et à la Rabbanit des visas exceptionnels. Cependant, il était alors difficile de quitter le territoire français.

Le 12 ‘Hechvan 5701-1940, ceux qui étaient engagés dans ce sauvetage ont appris que de nouvelles difficultés étaient survenues pour obtenir le visa d’entrée aux États-Unis. En effet, les autorités américaines, après avoir reçu la réponse du consul à Nice, ont procédé à un nouvel examen du dossier. Le consul avait remarqué que le Rabbi était ingénieur, qu’il avait des connaissances en physique et qu’il était également « journaliste » en raison de sa contribution au périodique HaTamim. Par conséquent, il préconisait l’attribution d’un visa ordinaire plutôt qu’un visa exceptionnel, qui était spécifiquement lié aux fonctions rabbiniques.

Par la suite, le consul américain à Nice a également posé des problèmes pour accorder un visa ordinaire. Il a exigé un nouvel engagement financier, arguant que celui figurant dans le dossier n’émanait pas d’un membre de la famille et qu’il n’était pas précisé combien de temps ce soutien financier serait accordé au Rabbi.

En réponse à ces informations, l’avocat Butler a informé les responsables de l’association des ‘Hassidim ‘Habad le 14 ‘Hechvan qu’il prévoyait de poursuivre ses interventions auprès des plus hautes instances du Département d’État afin de maintenir la position antérieure et d’obtenir l’accord pour que le Rabbi obtienne un visa exceptionnel malgré les difficultés soulevées par le consul. Butler a réaffirmé son intention de procéder de cette manière le 22 puis le 28 ‘Hechvan.

Parallèlement aux actions de l’avocat Butler, en coordination avec l’association des ‘Hassidim ‘Habad, le précédent Rabbi a fait intervenir un autre responsable communautaire, un avocat dynamique établi à Washington et fils d’un important ‘Hassid, du nom d’Acher Rabinovitch. Ce dernier avait réussi à intervenir avec succès pour son propre sauvetage.

Dans une lettre qu’il a adressée à Rabinovitch le 6 Kislev 5701-1940, le Rabbi Rayats écrivait : « Malheureusement, toutes les grandes promesses qui vous ont été faites, toutes les douces paroles qui ont été prononcées devant vous, n’ont pour l’instant eu aucun effet. Je suis profondément blessé et cela me cause une immense peine. » Dans la suite de sa lettre, il demande à Rabinovitch d’intervenir auprès du consul à Nice pour obtenir un visa d’immigration aux États-Unis pour le Rabbi, ainsi qu’une autorisation de quitter la France.

Le 13 Kislev 5701-1940, l’association des ‘Hassidim ‘Habad a envoyé une lettre au consul à Nice, à laquelle était joint un « certificat de fonction rabbinique » établi pour le Rabbi. Le Rabbi Rayats était en contact permanent avec lui par des télégrammes, en utilisant le nom « Avram » comme destinataire.

Deux jours plus tard, le 15 Kislev, le Rabbi Rayats a écrit à Rabinovitch, faisant référence à la lettre contenant le « certificat de fonction rabbinique » et lui demandant d’obtenir de la part du Département d’État la promesse qu’il exercerait des pressions sur le consul à Nice pour que cette démarche soit couronnée de succès. La lettre se termine par une bénédiction : « Puissions-nous être sauvés, que nos filles et nos gendres arrivent de la manière appropriée, avec succès, tant sur le plan matériel que spirituel. »

Dans une autre lettre datée du même jour, le précédent Rabbi écrit également : « Les difficultés s’accumulent, comme en témoigne le fait que plusieurs mois se sont écoulés depuis la promesse d’accorder une autorisation au Rav Mena’hem Schneerson et à son épouse. Pour l’instant, rien de tout cela n’a encore été obtenu de manière positive. »

Les visas d’entrée aux Etats Unis

Le 22 Kislev, Acher Rabinovitch est venu de Washington à New York pour rendre compte au Rabbi Rayats de ses actions visant à sauver son gendre. Le lendemain, dans une lettre datée du 23 Kislev, le précédent Rabbi a précisé son sentiment quant à l’avancement de la procédure en écrivant : « Pour ma part, je ne suis pas encore tranquillisé. »

C’est à peu près à la même période que le Rabbi a demandé le transfert de son dossier d’immigration de Nice à Marseille. À l’époque, aux États-Unis, la raison de cette demande n’était pas connue, et le Rabbi Rayats a interrogé le Rabbi à ce sujet par un télégramme daté du 14 Tévet.

La raison de cette demande n’a pas encore pu être établie avec certitude. Cependant, la consultation d’ouvrages historiques ultérieurs décrivant la personnalité du consul américain à Nice permet de comprendre qu’il était antisémite et ne manquait pas d’occasion de nuire aux Juifs. En revanche, le consul de Marseille était un ami des Juifs.

Cette demande a été transmise à Washington par le Rav Chmaryahou Gurary, qui s’est rendu personnellement dans cette ville le 19 Chevat. L’avocat de l’association des ‘Hassidim ‘Habad, intervenant au plus haut niveau, a réussi à faire envoyer tous les éléments du dossier à Marseille. Il en a informé par télégramme le consul américain de cette ville.

Le 21 Chevat, l’avocat a communiqué par lettre au Rav Chmaryahou Gurary l’information suivante : le Département d’État a précisé au consul de Marseille qu’il n’était pas nécessaire d’exiger un engagement financier une fois l’immigration réalisée. En effet, il a été établi que cette question était réglée.

Dans de tels cas, précise l’avocat, le consul se conforme généralement à la position adoptée par le Département d’État. Malgré cela, l’ancien engagement financier a également été envoyé à Marseille, mais le consul n’en a pas été informé par télégramme afin de ne pas ralentir la procédure en attendant ce document.

Dans une lettre du 26 Adar 5701-1941, la Rabbanit a fait savoir que le consul américain avait enfin promis d’accorder des autorisations d’immigration aux États-Unis à tous les deux. Lorsqu’ils les recevraient, poursuivait-elle, ils entreprendraient eux-mêmes les démarches nécessaires pour obtenir les documents requis.

L’espoir est revenu à ce moment-là, et le Rabbi Rayats a écrit dans une lettre du 9 Nissan : « Notre fille ‘Haya Mouchka et son mari, le Rav Mena’hem Mendel, se trouvent encore en France. Mais nous avons bon espoir qu’après Pessa’h, ils arriveront enfin ici. »

Effectivement, le 2 Nissan, le Rabbi et la Rabbanit ont reçu à Marseille leurs visas d’immigration pour les États-Unis. Ainsi, une grande partie de cette difficile opération de sauvetage a été couronnée de succès.

L’obtention des billets et le voyage en bateau

Le départ du Rabbi et de la Rabbanit vers les États-Unis devait se faire par le Portugal. Cependant, des difficultés sont survenues, comme décrit dans une lettre du précédent Rabbi datée du 8 Iyar 5701-1941, où il dit : « Mon gendre, le grand érudit Rav Mena’hem Mendel Chlita Schneerson, et ma fille, son épouse Mouchka, se trouvent actuellement à Nice. Dieu merci, ils ont réussi à obtenir des autorisations d’immigration dans ce pays. Le problème qui subsiste est l’obtention de visas de transit portugais et de billets pour un grand bateau, en classe économique, pour la première date disponible. » Les interventions du précédent Rabbi ont permis d’obtenir ces visas de transit et ces billets.

On raconte qu’après avoir obtenu des places sur un bateau qui devait être le dernier à faire ce voyage, ils ont soudainement reçu un télégramme urgent du précédent Rabbi, les enjoignant, de manière surprenante, de ne pas monter à bord de ce bateau. Par la suite, il a été appris que ce bateau avait été capturé par les Italiens.

Il fallait donc trouver d’autres billets, ce qui était pratiquement impossible dans les conditions de l’époque. Finalement, grâce à l’intervention du Rav Morde’haï Bistritski, qui résidait aux États-Unis, il a été possible d’obtenir ces billets. Ce dernier possédait deux places pour un voyage en bateau qu’il avait achetées pour ses beaux-parents, le Rav Lévi Lugwir et son épouse Ra’hama. Le couple Lugwir s’était enfui d’Anvers et était arrivé à Nice, mais leurs visas de transit par le Portugal leur avaient été refusés, de sorte que les billets ne leur étaient d’aucune utilité. Malheureusement, le couple Lugwir a été par la suite assassiné dans le camp d’extermination d’Auschwitz.

Le gendre des Lugwir, touché par la peine du Rabbi Rayats, qui n’avait pas les moyens d’acheter des billets pour sa fille et son gendre, a accepté de donner les billets qu’il possédait pour le Rabbi et la Rabbanit. Par la suite, le précédent Rabbi lui a demandé d’accepter que ces billets lui soient remboursés. En effet, il avait l’intention de les payer de sa propre poche.

Le 17 Sivan 1941, le Rabbi et la Rabbanit ont pris place à bord du paquebot « Surpa Pinta » qui quittait Lisbonne, au Portugal, en direction des États-Unis. Ce voyage était particulièrement dangereux, et c’est par miracle que le bateau a échappé aux tirs des nazis. Pendant le voyage, le Rabbi a envoyé un télégramme à son beau-père pour le prévenir qu’ils avaient quitté les eaux territoriales de l’Europe.

Traduit par le Rav Haïm Mellul – Editions du Beth Loubavitch

 

Résultat de recherche d'images pour "Serpa Pinta hassidout"
Le Surpa Pinta