Alors qu’Israël est engagé dans un conflit majeur à Gaza, la menace grandissante du Hezbollah au nord préoccupe. Edy Cohen, fin connaisseur du monde arabe, livre une analyse sans concession de la situation.

 

Compte tenu de la situation explosive dans le nord et de la poursuite de la guerre à Gaza jusqu’à l’effondrement du Hamas, nous nous sommes entretenus avec l’orientaliste et chercheur principal du Centre Begin-Sadate, le Dr Edy Cohen. Le Dr Cohen est une figure bien connue dans le monde arabe, commentateur dans les médias arabes, et compte plus d’un demi-million d’abonnés. Natif de Beyrouth au Liban, il parle couramment l’arabe et est un expert du Hezbollah.
Il parle couramment l’arabe et comprend leur langue et leur mentalité. Son père a été assassiné au Liban par des organisations terroristes et il en a lui-même été expulsé.
Nous avons commencé par une question générale sur le Liban et sur ses années d’enfance dans ce pays alors dirigé par les chrétiens, jusqu’à l’arrivée du Hezbollah qui a imposé sa domination sur le Liban et dicte désormais la situation dans un pays qui était paisible et sans aucun affrontement sécuritaire avec Israël.

« Le Liban a été créé par les Français pour les chrétiens », commence le Dr Edy Cohen, et il ajoute : « Les chrétiens craignaient les musulmans, à cause des Ottomans qui avaient exterminé un million et demi d’Arméniens en 1915. Les chrétiens avaient très peur et ce sont eux qui ont demandé aux Français de leur créer un État. »

« Les Français ont créé un État et l’ont appelé Liban. Mon arrière-grand-père y est né. Les chrétiens ne savaient pas préserver le Liban et petit à petit les musulmans l’ont conquis, principalement à cause de la démographie : les musulmans ont eu beaucoup d’enfants, tandis que les chrétiens ont diminué. Au début de la guerre civile, la plupart d’entre eux se sont enfuis. Au départ, les chrétiens représentaient 70% de la population libanaise. Ces dernières années, ils ne constituent plus que 30%. »

Israël est confronté à un dilemme difficile. Nous entendons tous les jours que le Hezbollah lance des missiles ou des drones vers Israël. Les habitants du nord ont été évacués de leurs maisons. Israël doit-il frapper le Hezbollah avec force ou utiliser des moyens diplomatiques contre lui ?

« Ce sont les Iraniens qui ont créé le Hezbollah et se tiennent derrière lui. Les Iraniens créent des milices partout où il y a des chiites, afin de promouvoir leurs intérêts et ceux des chiites dans tout le monde arabe. Leur modèle de référence était au Liban et il a réussi. »

« Ce modèle a été reproduit en Irak, en Syrie et au Yémen. Ils ont aussi essayé de le reproduire à Bahreïn, mais là-bas il a échoué », précise le Dr Cohen.

Le Dr Cohen martèle le message : « Il est évident qu’Israël doit entrer en guerre. Que peut-on attendre d’autre, que les problèmes se résolvent d’eux-mêmes ? »

« Revenons au 7 octobre. Le Hezbollah avait installé deux tentes en territoire israélien. Il a tenté de provoquer, sans succès. Maintenant, il nous défie en tirant des missiles vers le nord du pays vidé de ses habitants. On ne peut pas attendre et leur laisser les rênes pour mener la guerre contre nous. »

Le Commandement de l’Intérieur nous prépare à des scénarios difficiles en cas de guerre avec le Liban. Comment peut-on éradiquer le Hezbollah ?

« Il n’existe aucun accord politique avec le Liban. On a déjà vu ce film avec le gouvernement de Lapid, il y a un an et demi, lorsque tout le monde était naïf et croyait qu’après la concession par Israël d’une partie de ses eaux territoriales au Liban, le calme régnerait pendant de nombreuses années. Toutes sortes d’ex-généraux soutenaient Lapid pour conclure cet accord absurde et fallacieux, dont nous voyons aujourd’hui les conséquences désastreuses.

Les Américains, avec l’aide de leur représentant Hochstein, tentent de nous amener à une sorte d’accord avec le Hezbollah. Peut-on seulement lui faire confiance ? Ce ne sont que balivernes et sottises. Aujourd’hui, il dit une chose, demain il dira : « Cours après moi, je veux prier à Al Aqsa. » Ses exigences risquent de nous conduire à une situation intenable. Il ne faut céder à aucune idée qui à terme mènerait à la victoire du Hezbollah. Un accord politique ne fonctionne pas avec une organisation terroriste. »

Le Liban est un jeune pays avec beaucoup de conflits. Y-a-t-il une chance qu’il parvienne à déloger le Hezbollah de son territoire ou en réalité le Hezbollah a-t-il conquis le Liban par le biais des Iraniens ? Comment réagit la majorité du peuple libanais aux agissements du Hezbollah ?

« Le peuple libanais chrétien s’oppose résolument au Hezbollah, bien sûr, mais en fait c’est lui qui contrôle tous les paramètres dans le pays et dicte les décisions », dit le Dr Edy Cohen, et il ajoute : « Il ne fait aucun doute que le Liban a été conquis par l’Iran. Les gens du Hezbollah – leur loyauté aux chiites, leur endoctrinement, leur idéologie religieuse, parlent d’Al Abi Talib, cousin de Mahomet et mari de Fatima, de Hussein. Aujourd’hui les chiites sont loyaux au Guide Suprême iranien Khamenei, qui équivaut au Pape. C’est une organisation religieuse extrémiste délirante ».

Comment faut-il discuter avec cette entité extrémiste ? Le Dr Cohen est catégorique : « Nulle discussion diplomatique avec eux, seulement par le biais de bombardements. »

« Il ne peut y avoir d’accord avec une organisation terroriste qui veut nous détruire. (…) Aucun accord ne tiendra, pas même une minute, comme celui signé par Lapid. »

Pourquoi Nasrallah ne lance-t-il pas une guerre plus intense contre Israël ?

« Selon ce que Nasrallah lui-même a dit, la majorité du peuple libanais ne veut pas de destruction. Certains, en particulier les chrétiens, disent : Ce n’est pas notre problème. Ce sont les Palestiniens qui ont causé notre guerre civile en 1975. Les musulmans ont un peu de sympathie, mais c’est tout. Ils ne veulent pas détruire leur État pour une quelconque sympathie.

Personne ne veut la guerre, et Nasrallah le premier. Il veut maintenir la situation à feu doux, pour pouvoir dire à l’étranger qu’il agit pour les Palestiniens. En fait, Nasrallah craint que le Liban ne soit détruit dans une guerre.

Si le Liban est détruit, qui financera sa reconstruction ? Les Saoudiens ne sont pas avec lui, les pays du Golfe non plus. Il hésite donc car il sait qu’il va perdre. Actuellement, il gagne sur tous les fronts. Il ne fait pas la guerre, mais il passe pour se battre contre Israël. »

Israël a échoué face à la propagande anti-israélienne dans le monde musulman. Le fait que des millions de personnes en Europe et aux États-Unis pensent que nous sommes les agresseurs contre les Arabes est la preuve que nous avons échoué. En tant qu’expert mondial en communication, que pensez-vous que nous devrions faire ?

Le Dr Cohen dit avec chagrin : « Il ne fait aucun doute que nous avons échoué en matière de communication dans le monde. La communication avec le monde arabe est différente de celle avec le monde occidental. Nous avons échoué, pour de nombreuses raisons, mais la principale est que nous n’investissons pas dans la communication. Nous avions un ministère qui a été fermé.

Nous devons faire plus de propagande que de simple explication. De la propagande, pas seulement de la communication. Que signifie même la communication ? Expliquer quoi ? Que le Hamas nous a tués ? (…) Israël ne veut pas le faire. C’est le problème. Elle ne veut pas. Elle a peur. Peur du mot propagande.

Il ajoute avec un sarcasme cinglant à propos de toute la gestion de cette question : « Il n’y a pas d’investissement. Pas d’investissement dans les gens, pas de cours. Pas d’apprentissage de l’arabe si nous parlons du monde arabe. La situation est lamentable et reste lamentable. Netanyahu ne croit pas en la communication, je te le dis. Il croit en lui-même pour expliquer. C’est l’explicateur international : il ne croit pas en les autres. (…) Le ministère des Affaires étrangères est contre moi. J’ai supplié de les aider pendant la guerre. J’ai supplié « Aidez-vous de moi », j’ai des centaines de milliers d’abonnés. Je fais des vidéos tout seul. Personne ne me reconnaît, personne ne demande. J’ai supplié pour les aider. Ils n’ont pas répondu. Ils s’en fichent. Il n’y a pas de conscience. Pas de volonté de s’occuper de communication. »

Les musulmans conquièrent l’Europe et les États-Unis sans être inquiétés et alimentent des actes antisémites contre les juifs du monde, d’autant plus que ces pays cèdent aux exigences des musulmans. Que peut-on faire contre ce phénomène ?

« Oui, l’Europe est conquise. Les États-Unis sont conquis », dit le Dr Cohen, et il ajoute : « La tête du serpent, c’est le Qatar. L’argent qatari achète des hommes politiques, construit des mosquées.

Je ne sais pas comment lutter contre la montée de l’antisémitisme en Europe ou aux États-Unis, mais le principal à retenir est que nous devons combattre le Qatar qui injecte d’énormes sommes d’argent pour attiser l’antisémitisme contre les Juifs. Je ne comprends pas pourquoi nous courrons toujours après le Qatar alors que toutes les négociations pour la libération des otages se déroulent sur son territoire.

Le Qatar est la tête du mal. Il achète des politiciens dans le monde entier. Il achète des gens, construit des mosquées. Ce sont les Qataris qui propagent l’islam radical. Nous devons d’abord lutter contre le Qatar.

Je ne comprends pas pourquoi nous ne fermons pas immédiatement Al-Jazeera, qui propage le mal contre nous. Notre réflexion n’est pas bonne. »

Gaza et le Liban, le Hamas et le Hezbollah – communiquent-ils entre eux sur la manière de procéder contre Israël ?

« Bien sûr », dit notre éminent interviewé, et il précise : « Le Hezbollah n’est pas seulement contre Israël, il collabore avec le Hamas. Dans l’opération Gardien des Murs, ils ont mis en place un quartier général commun. Ils l’ont appelé la salle de guerre des factions palestiniennes.

Il s’agit d’un QG reliant Gaza, le Yémen, le Liban, la Judée-Samarie, les factions palestiniennes et le Hezbollah. Ceci constitue en fait la guerre multi-fronts. »

Sommes-nous naïfs en acceptant toutes sortes d’accords avec le Hamas alors qu’il dicte ses exigences pour la restitution des otages ?

« Évidemment, nous sommes naïfs », s’exclame l’orientaliste Dr Cohen. « On ne doit mener aucune négociation avec des organisations terroristes. En conséquence de ces pourparlers, ils pourraient continuer à enlever des Juifs et demander en échange des rançons de plus en plus exorbitantes. Notre stupidité est sans limite. On court en Égypte, on court au Qatar qui se moque de nous tout le temps. On ne doit pas céder à tous ces crieurs qui réclament un accord maintenant. Cela ne fait que nous éloigner de la victoire et de la libération des otages. »

Mon interlocuteur craint-il pour sa vie car l’ensemble du monde arabe suit ses publications ?

« Je ne crains rien mais je suis prudent, dit-il. Oui, quand j’étais à l’étranger, ce n’était pas sympathique, j’ai essayé de ne pas entrer dans des endroits où il y avait des Arabes. Mais je n’ai pas peur, les menaces contre moi ne font que me renforcer. »

Compte tenu de tous ces éléments, mon interlocuteur pense-t-il que nous pourrons vivre en sécurité après avoir maté le Hamas, ou si nous cédons aux exigences américaines pour que le Fatah contrôle Gaza, la situation pourra-t-elle revenir à la normale ?

« Même si nous matons le Hamas, nous devrons toujours agir pour arrêter le transfert d’armes du Soudan et de l’Égypte. Il y aura toujours des organisations qui voudront nous tuer. Même après avoir vaincu le Hamas, il reste beaucoup de pain sur la planche. Et si nous traversons cette passe avec le Hezbollah, dans quelques années il resurgira avec de nouvelles exigences. Malheureusement, nous ne pourrons pas nous reposer sur nos lauriers. »