Vous êtes le trésorier d’une association dont l’objectif, en lien avec le bureau Lubavitch européen, est de rompre l’isolement des Juifs vivant dans certaines zones isolées du pays, éloignées des grandes métropoles. Comment est né ce projet, Jonas Gabizon ?

Le projet a été initié par le Rabbi de Loubavitch dans les années 40. Il a constaté qu’après la guerre, de nombreux Juifs étaient isolés dans des régions françaises dévastées. Il n’y avait pas de synagogue ni de structure communautaire pour leur apporter des services.

Qu’en est-il aujourd’hui, par rapport à l’évolution des communautés dans des métropoles comme Paris, Nice, Marseille, Strasbourg, qui comptent beaucoup de Juifs, mais aussi d’autres endroits plus isolés que l’on oublie parfois ?

Notre association a pour but de visiter les villes où il n’y a personne, les petits villages et les petites bourgades qui n’ont pas de communauté, de service communautaire, ni de centre communautaire. Nous souhaitons leur apporter une aide matérielle et spirituelle.

Est-ce que cela nécessite la présence d’une synagogue sur place ou pas forcément ?

Pas forcément, notre association a la capacité de réagir partout en France. Nous existons depuis 5 ans et nous sommes en mesure d’intervenir n’importe quand. Lorsqu’on est appelé pour un enterrement ou une veillée funèbre, nous y allons. Notre force est de pouvoir nous rendre sur le terrain et d’apporter aux gens l’aide dont ils ont besoin.

Comment êtes-vous accueilli par ces Juifs qui n’ont pas forcément l’habitude de ces activités communautaires et qui vous voient arriver, vous et vos collègues ?

Généralement, l’accueil est exceptionnel. Nous appelons avant d’arriver et lorsque nous arrivons, l’accueil est très émouvant. Parfois, ce sont les seuls Juifs que certaines personnes ont vu depuis des décennies. Voir une présence juive, partager un moment de judaïsme, de cohésion et d’union, permet de rompre la solitude, car il y a beaucoup de gens isolés dans de nombreuses régions françaises. C’est un moment unique et exceptionnel à la fois pour les bénévoles qui participent et pour les personnes qui reçoivent cette aide.

Rencontrez-vous beaucoup de gens en souffrance, Jonas Gabizon ?

Il y a énormément de gens en souffrance, beaucoup connaissent un antisémitisme parfois constant dans certaines régions. Par exemple, une dame au nom juif très reconnaissable subit un antisémitisme très lourd. Elle reçoit des croix gammées sur sa boîte aux lettres dans une région de France, la Lorraine. D’autres personnes n’osent pas dire qu’elles sont juives par peur de mauvais voisinage ou de mauvaises relations avec les autres personnes qu’elles côtoient.

Pour autant, est-ce qu’elles refusent de vous accueillir, de vous rencontrer et d’échanger avec vous ?

Lorsque nous nous rendons sur place, nous sommes généralement une équipe de 4 à 5 personnes. Nous prévenons toujours de notre arrivée pour que les personnes que nous allons rencontrer soient informées à l’avance. Cette prévention avant notre arrivée nous permet de rompre la barrière qui peut exister avec ces personnes, en montrant que nous sommes là pour eux et que nous voulons les aider. Cela facilite également la communication et l’organisation des services que nous offrons. De plus, cette méthode nous permet de mieux préparer notre intervention et de nous adapter à leurs besoins spécifiques. C’est une façon de leur montrer que nous sommes à leur écoute et que nous sommes là pour les soutenir.