Au cours de notre période de crise actuelle due à l’épidémie de coronavirus, la communauté médicale demande aux gens de se mettre en quarantaine / de s’isoler de la société et de ne pas quitter son domicile, afin de ne pas être contaminé ni contaminer les autres.

Par le Rav Yaakov Goldstein  

Dans de nombreux pays, cela s’applique à l’ensemble de la population, que l’on soit ou non atteint de la maladie ou que l’on y ait été exposé.

Alors que les personnes qui ont attrapé la maladie comprennent la nécessité pour elles de s’isoler, les personnes qui n’ont pas été contaminé et qui ne sont pas exposées, se demandent si elles sont hala’hiquement obligées de suivre ces directives médicales de leur gouvernement  si cela vient au détriment de l’accomplissement de leurs devoirs religieux, comme la prière avec un Minyan, aller à Mikvé, et des choses similaires.

La base de cette forme de questionnement réside souvent dans une méconnaissance totale de la manière dont la Torah enseigne à agir au moment d’une épidémie. De la même manière, il n’y a pas de place pour le patriotisme religieux. Pour le jeûne à Yom Kippour, lorsque les médecins avertissent que le jeûne pour une telle personne pourrait être mortel, il n’y a pas non plus de place pour les exemptions religieuses pour permettre de défier les instructions de la communauté médicale qui sont là pour aider à prévenir la maladie et la mort de cette personne, de sa famille et de son voisinage.

Dans l’ensemble, les personnes vivant dans les localités dans lesquelles le coronavirus a frappé doivent tenir compte de toutes les instructions et suggestions de la communauté médicale et essayer autant que possible de rester chez elles, et isolées de la maladie, même au détriment des activités religieuses.

La Quarantaine dans la Hla’ha: [1]

Il est indiqué dans le Talmud, les Poskim [2] et le Zohar [3] que pendant une période d’épidémie, chaque individu doit aller en isolement ou en quarantaine.

Dans les mots du Talmud: [4] «Nos Sages ont enseigné: Quand il y a un fléau dans la ville, rassemblez vos jambes [c’est-à-dire fuyez] comme le verset [5] déclare« Et vous ne quitterez pas l’ouverture de vos maisons jusqu’à ce que matin… . Rava pendant les périodes de colère [Rashi = pendémie] fermait ses fenêtres.

Selon les termes de l’Alter Rebbe dans Hilhot Shemirat Hagouf Vehanefesh Hla’ha 13 : «Quand il y a une épidémie dans la ville, il ne faut pas marcher au milieu de la route étant donné que l’ange de la mort marche au milieu de la route, puisqu’il a maintenant la permission de passer. [6]

La première consiste à échapper à une ville lorsque l’épidémie commence pour la première fois, bien que si l’on ne s’échappait pas quand elle a commencé, il ne devrait pas s’enfuir vers sa fin. [7]  Au contraire , il faut se cacher dans des endroits cachés et ne pas montrer son visage sur le marché en raison du Mazikin, comme il est dit dans le verset [8] [ en ce qui concerne la pendémie qui a frappé l’Egypte dans la nuit du 15 Nissan] «Et vous ne quitterez l’ouverture de vos maisons que le matin. [9] « Pour expliquer pourquoi ce n’est qu’au début de la pendémie qu’on est chargé de quitter la ville, le Taz [YD 116: 5] écrit que c’est parce que la maladie s’est déjà propagée et que cela n’aidera plus à l’éviter en s’enfuyant, et de plus, sortir dans le public peut rendre quelqu’un vulnérable à la maladie étant que l’ange de la mort parcourt maintenant les rues sans limitation. [10] En effet, Rav Yosef Caro, le célèbre auteur du Choul’han Arou’h a fui la ville de Tsfat pendant une épidémie en 1572 et a vécu dans la ville voisine de Biriyah pendant l’intérim. Le célèbre kabbaliste, Rav Avraham Azulay écrit: [11] Il est sous-entendu du Zohar que le moyen le plus efficace d’échapper à une épidémie est de s’isoler dans sa chambre et, par conséquent, il est sans aucun doute approprié pour les gens de s’isoler pendant une période de pendémie et d’étudier la Torah, et Hashem le protégera.  »

Placer sa famille et ses enfants dans l’isolement : [12] La Shelah Hakadosh [13] écrit que quand il y a une épidémie dans la ville, chaque individu devrait aider ses enfants à fuir la ville et s’ils s’abstiennent de le faire, ils sont responsables de leur âmes.

Médecins, ambulanciers et personnes travaillant en première ligne pour aider les personnes touchées par l’épidémie : le Rav Avraham Azulaiy [14] souligne que par une longue épidémie qui dure 3-4 mois, ces personnes qui travaillent en première ligne pour aider les malades et enterrer les morts doivent continuer leur travail sacré et de ne pas s’inquiéter de la pendémie et du fait qu’ils ne suivent pas le protocole d’isolement, comme «Shomer Pesaim Hashem».

Questions à Hashkafah

Pourquoi dois-je me mettre en quarantaine et agir comme si je pouvais fuir la colère de D.ieu? Si je suis censé tomber malade, cela arrivera de toute façon et sinon je vivrai de toute façon. Tout a déjà été décidé à Roch Hachana et Yom Kippour, alors quelle est la valeur de tout cela fuyant la réalité et sabotant la vie et l’activité religieuses?

En effet, cette question même a été abordée par Gedolei Haposkim et Mefarshei Hatorah. Rabbeinu Be’hayeh dans la Paracha de Korach [15] explique que s’exposer à la maladie provoque naturellement une infection par elle, et donc même s’il ne méritait pas de recevoir initialement la maladie, cela ne lui donne pas une protection de la recevoir face à une exposition ouverte. Un précédent pour cela peut être trouvé dans la Torah concernant la femme de Lot, que bien qu’elle ait été destinée à être sauvée avec son mari, mais comme elle s’est retournée, elle ‘est exposée au châtiment de Sodome, et a également perdu la vie. Une autre raison de l’exigence de s’isoler est que les ‘Hazal [16] déclarent qu’à une époque où l’attribut du jugement s’exprime dans le monde, il ne fait pas la différence entre un Tsadik et un Rasha, et donc s’exposer à la pendémie peut lui coûter la vie même s’il n’était pas destiné à mourir.

Le Rashbash à Techouva 195 [17] a également abordé cette question et expliqué en détail que tous ceux inscrits à Roch Hachana dans le livre de la vie survivront à l’épidémie même s’ils ne s’échappent pas de la ville, tandis que tous ceux qui sont inscrits dans le livre de la mort mourront de l’épidémie même s’ils s’échappent de la ville. Cependant, il est possible que certaines personnes aient été laissées dans les limbes à Roch Hachana et à Yom Kippour et n’aient été inscrits ni pour la vie ni pour la mort, et c’est pour ce groupe de personnes que fuir la ville et s’isoler peut aider à sauver leurs vies. Il écrit une parabole à ce sujet : un certain État s’est révélé rebelle contre le roi et le roi a décidé d’envoyer une armée pour détruire tous les rebelles. Il a donc ordonné à son armée de tuer tous les rebelles de la ville et tous les rebelles qui se seraient enfuis dans la clandestinité. Il a également ordonné que tous ses fidèles serviteurs soient protégés même s’ils restent dans la ville. Cependant, ceux qui ne sont pas des rebelles mais qui ne sont pas non plus des serviteurs du roi n’ont pas reçu la protection du roi et, par conséquent, s’ils sont restés dans la ville, ils s’exposent à la mort.

Comment est-il possible de fermer une synagogue, un Mikvé et des Minyanim de Tefila. Ne devrions-nous pas faire Messirout Nefesh et faire confiance à D.ieu, même en cette période d’épidémie?

S’il est certainement vrai que pendant les périodes de persécution religieuse, les juifs étaient prêts à donner leur vie pour apprendre la Torah, se rassembler dans les sybagogues pour prière et faire fonctionner les Mikvaot et les Yéchivot, néanmoins, ce n’est pas le cas concernant une épidémie. La même Torah qui nous demande, lors de persécutions religieuses, de renoncer à nos vies pour le bien d’Hachem et de ne transgresser aucune des Mitsvot, nous ordonne également de transgresser la Torah quand elle implique une urgence médicale.

Il en va de même de la décision des Poskim dans les lois de Yom Kippour qui stipulent que si quelqu’un est malade et que le jeûne mettrait sa vie en danger, alors il doit manger. « S’il ne le fait pas, il est tenu pour responsable du déversement de son propre sang, que D.ieu vengera contre lui. [18] »

En conséquence, dans cette période de pandémie, toute expression de don de soi pour une activité religieuse publique qui contredit les instructions médicales, est une perversion du véritable sens de Messirout Nefesh qui est uniquement appliquée dans un cas de persécution religieuse. dans un cas de pandémie, la Torah ordonne  qu’il doit abandonner la Mitsva pour garder sa vie.

Y a-t-il jamais eu un précédent dans l’histoire juive dans lequel les synagogues et les Mikvaot ont été fermés en raison d’une épidémie?

Il ressort de la décision du Talmud et des Poskim rapportée ci-dessus que si les gens avaient pour instruction de s’isoler chez eux ou de s’échapper de la ville, la ville restait sans Minyanim ni Mikvaot en fonction. En outre, à l’époque de l’épidémie de choléra, le Rav Akiva Eiger avait ordonné le respect de certaines restrictions de fréquentation des synagogues pour Rosh Hashanah, ce qui a empêché de nombreuses personnes d’assister aux prières même pendant les grandes Fêtes. [19]

Pourquoi Hashem empêcherait-il les juifs de venir à la synagogue et de s’immerger dans un Mikveh et de Le servir correctement?

De toute évidence, nous ne connaissons pas les calculs du Ciel et quelles sont les intentions de D.ieu. Cependant, tout est certainement pour le bien, et par conséquent nous devons certainement trouver un dérivé positif de cet événement, et le message possible que D.ieu nous envoie. Dans une prière seul, on est certainement capable de redoubler d’énergie, de passer plus de temps àau service de D.ieu et à prier à haute voix sans crainte de réaction ou de perturbation des fidèles. Peut-être que Hashem veut que nous nous concentrions sur une forme plus profonde de prière et nous a donc envoyé ce message. Certes, si chaque individu améliore sa façon de prier pendant cette période, cela aidera à capitaliser sur le Gam Zu Letovah que Hashem a certainement à l’esprit.

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[1] Concernant la définition d’un fléau dans la Hala’ha: Voir Mic-‘haber OC 576: 2 concernant l’établissement d’un jour de jeûne [ratio de 3: 500 de la population employée est morte en trois jours et que s’il y a un fléau dans tout Israël, tout le monde jeûne et s’il y a un fléau dans une région du monde dans laquelle les gens voyagent vers et depuis, alors toutes les destinations de voyage doivent jeûner]; 576: 3 [Que même si le fléau vient des porcs, ou des gentils, il faut jeûner]; M ”A 576: 2 qu’aujourd’hui nous ne jeûnons plus en raison du danger;
[2] Hil’hot Shemirat Hagouf Vehanefesh Hla’ha 13; Rama YD 116: 5; Voir Ze’her David Mamar Alef chapitre 39 p. 98
[3] Voir Zohar Vayakhel p. 197; Vayera p. 107b
[4] Braita Bava Kama 60b
[5] Chemot 12:22
[6] Admour ibid; Taz YD 116: 5; Braita Bava Kama 60b
[7] Admour ibid; Rama YD 116: 5; Maharil 50; Maharshal Yam Shel Shlomo Bava Kama ibid
[8] Chemot 12:22
[9] Admour ibid; Bava Kama ibid; Zohar Vayakhel p. 197
[10] Voir aussi Rashal ibid; Iyun Yaakov Bava Kama ibid; Voir cependant Torah Temima Chemot 12 note de bas de page 195; Zivcheiy Tzedek 2: 116
[11] ‘Hessed Leavraham Mayan ‘Hamishi Eiyn Mishpat Nehar 28, introduit
[12] M « A 576: 3; Beir Heiytiv 576; M « B 576
[13] Shaar Haosiyot Ere’h «Dere’h Erets» 14
[14] ‘Hessed Leavraham ibid
[15] Ramené à Hagahot Rabbi Akiva Eiger YD 116: 5
[16] Bava Kama 60a
[17] Introduit à Pischeiy Teshuvah YD 116: 8
[18] Admour 618: 11
[19] Voir Igeret Sofrim 29