Le Rav Havlin est le Rav de la communauté Habad du 770 de Ramat Shlomo à Jérusalem.
Dans la tradition juive, l’étude de la Torah occupe une place centrale, considérée comme l’un des piliers fondamentaux de la vie juive. Cependant, cette étude ne doit pas être réduite à un simple exercice intellectuel ou à l’acquisition de connaissances. Les bénédictions récitées avant l’étude de la Torah jouent un rôle crucial dans cette compréhension, servant de pont essentiel entre l’homme et le divin. Cette leçon, riche en enseignements et en réflexions, nous invite à explorer la signification profonde de ces bénédictions et leur impact sur notre approche de l’étude sacrée.
וְהַעֲרֶב נָא ה׳ אֱלֹקינוּ אֶת דִּבְרֵי תוֹרָתְךָ בְּפִינוּ, וּבְפִי כָל עַמְּךָ בֵּית יִשְׂרָאֵל, וְנִהְיֶה אֲנַחְנוּ וְצֶאֱצָאֵינוּ, וְצֶאֱצָאֵי כָל עַמְּךָ בֵּית יִשְׂרָאֵל, כֻּלָּנוּ יוֹדְעֵי שְׁמֶךָ וְלוֹמְדֵי תוֹרָתֶךָ לִשְׁמָהּ. בָּרוּךְ אַתָּה ה׳, הַמְלַמֵּד תּוֹרָה לְעַמּוֹ יִשְׂרָאֵל:
בָּרוּךְ אַתָּה ה׳ אֱלֹקינוּ מֶלֶךְ הָעוֹלָם, אֲשֶׁר בָּחַר בָּנוּ מִכָּל הָעַמִּים וְנָתַן לָנוּ אֶת תּוֹרָתוֹ. בָּרוּךְ אַתָּה ה׳. נוֹתֵן הַתּוֹרָה:
Les Trois bénédictions et leur signification
Chaque matin, avant d’entamer l’étude de la Torah, les juifs observants récitent trois bénédictions distinctes. Ces bénédictions, loin d’être de simples formalités rituelles, sont considérées comme essentielles à la bonne approche de l’étude sacrée. Examinons-les en détail :
- La première bénédiction : « Béni sois-Tu, Éternel notre D.ieu, Roi de l’univers, qui nous a sanctifiés par Ses commandements et nous a ordonné concernant les paroles de la Torah. » Cette bénédiction fondamentale rappelle que c’est D.ieu lui-même qui a donné la Torah et ordonné son étude. Elle souligne la nature divine de la Torah et notre obligation sacrée de l’étudier.
- La deuxième bénédiction concerne spécifiquement la Torah orale. Elle met en lumière l’importance de la tradition orale dans l’interprétation et l’application de la Torah écrite.
- La troisième bénédiction se rapporte à la Torah écrite. Elle nous rappelle la valeur éternelle du texte biblique lui-même.
Ces trois bénédictions, dans leur ensemble, servent de rappel quotidien que l’objectif principal de l’étude de la Torah est de se connecter au divin, pas simplement d’acquérir des connaissances ou de développer une expertise intellectuelle.
L’Importance cruciale des bénédictions
L’importance de ces bénédictions est soulignée de manière frappante par un enseignement talmudique surprenant et provocateur : la destruction du Temple de Jérusalem serait due au fait que les gens n’ont pas récité ces bénédictions avant d’étudier. Cette affirmation choquante met en lumière l’idée que l’étude de la Torah sans l’intention de se rapprocher de D.ieu peut être non seulement vaine, mais potentiellement dangereuse pour la spiritualité individuelle et collective.
Ce concept nous invite à réfléchir sur la nature même de notre engagement dans l’étude de la Torah. Il suggère que l’étude sans intention spirituelle appropriée peut mener à l’arrogance intellectuelle, à la déconnexion de D.ieu, et ultimement à la destruction spirituelle, symbolisée par la perte du Temple.
Le lien avec la prière
Le Rabbi apporte un éclairage profond sur la question en expliquant que ces bénédictions sont récitées avant la prière du matin. Ce placement n’est pas anodin : la prière et l’étude de la Torah partagent le même objectif fondamental, à savoir établir une connexion intime avec D.ieu.
Cette proximité temporelle entre les bénédictions de la Torah et la prière du matin renforce l’idée que l’étude de la Torah est elle-même une forme de prière. Elle n’est pas simplement un acte intellectuel, mais un acte de dévotion et de communion avec le divin. Ainsi, les bénédictions servent de préparation spirituelle non seulement à l’étude, mais aussi à la prière qui suit.
Le pont entre le fini et l’Infini
Le Rabbi pousse plus loin la réflexion en expliquant que ces bénédictions sont le moyen par lequel un être humain limité peut entrer en relation avec un D.ieu infini. Cette idée profonde soulève la question fondamentale : comment un être fini peut-il se connecter à l’infini ? La réponse, selon le Rabbi, réside dans le fait que D.ieu lui-même a ordonné l’étude de la Torah à travers les Mitsvot (commandements).
C’est précisément parce que D.ieu a commandé cette étude que la connexion devient possible. Les bénédictions, en reconnaissant cette ordonnance divine, créent un canal de communication entre l’homme et D.ieu. Elles transforment l’acte d’étude en un acte de communion divine, transcendant les limites de la compréhension humaine.
La question de l’absence de bénédiction après l’étude de la Torah
Pourquoi, contrairement à d’autres Mitsvot, ne récite-t-on pas de bénédiction après l’étude de la Torah ? L’explication fournie est profonde et révélatrice : l’étude de la Torah n’a pas de fin définie. Elle est censée être un processus continu, se déroulant tout au long de la vie.
Cette perspective souligne la nature unique de l’étude de la Torah dans la vie juive. Contrairement à d’autres actes religieux qui ont un début et une fin clairs, l’étude de la Torah est vue comme un engagement permanent, une conversation continue avec le divin qui ne s’arrête jamais vraiment.
La métaphore de la colonne vertébrale
Dans une analogie frappante, le Rabbi compare ces bénédictions à la colonne vertébrale du corps humain. Cette métaphore souligne l’importance fondamentale de ces bénédictions dans la vie spirituelle juive. Tout comme la colonne vertébrale soutient le corps entier et permet tous ses mouvements, ces bénédictions soutiennent et donnent sens à toute l’étude de la Torah qui suit.
Cette comparaison va plus loin : de même que la colonne vertébrale n’est pas considérée comme un organe distinct mais comme une partie intégrante et essentielle du corps, ces bénédictions ne sont pas simplement un ajout à l’étude de la Torah, mais en font partie intégrante, donnant vie et direction à toute l’étude qui suit.
L’étude de la Torah comme moyen de connexion divine
Un point central de la leçon est l’insistance sur le fait que l’étude de la Torah ne doit pas être faite uniquement pour acquérir des connaissances ou pour des raisons intellectuelles. L’objectif principal, rappelé par les bénédictions, est de se connecter à D.ieu à travers cette étude.
Cette perspective transforme radicalement notre compréhension de l’étude de la Torah. Elle n’est plus simplement un exercice académique ou une quête de savoir, mais devient un acte de dévotion, une forme de méditation sur la parole divine, et un moyen de se rapprocher de D.ieu.
Le danger d’une étude sans intention divine
La Hassidout met en garde contre le danger potentiel d’étudier la Torah sans l’intention de se rapprocher de D.ieu. Cette approche est comparée à un « poison » spirituel si l’étude est faite uniquement pour des raisons égoïstes, comme se vanter de ses connaissances ou gagner en prestige.
Cette mise en garde souligne l’importance de l’intention dans l’étude de la Torah. Elle nous rappelle que même l’acte le plus sacré peut devenir problématique s’il est abordé avec des motivations inappropriées. Les bénédictions servent ainsi de garde-fou, nous rappelant constamment l’objectif véritable de notre étude.
L’unicité de la prière et de l’étude de la Torah
Un aspect fascinant de la leçon est le parallèle établi entre la prière et l’étude de la Torah. Alors que d’autres Mitsvot nécessitent une bénédiction pour rappeler leur connexion avec D.ieu, la prière et l’étude de la Torah sont intrinsèquement des actes de connexion avec le divin.
Cette observation souligne le statut unique de ces deux activités dans la vie juive. Elles ne sont pas simplement des actes religieux parmi d’autres, mais des formes directes de communication et de communion avec D.ieu. Les bénédictions de la Torah, dans ce contexte, servent à nous rappeler cette nature unique et à nous préparer spirituellement à cet acte de communion.
Impact sur la pratique quotidienne
La compréhension approfondie de ces bénédictions a des implications pratiques significatives pour la vie quotidienne juive. Elle invite chaque individu à aborder l’étude de la Torah avec une conscience renouvelée, à voir chaque moment d’étude comme une opportunité de connexion divine.
Cette perspective peut transformer l’expérience de l’étude, la rendant plus significative et spirituellement enrichissante. Elle encourage également une approche plus holistique de la vie juive, où l’étude, la prière et l’action sont toutes vues comme des aspects interconnectés d’une relation continue avec D.ieu.
Conclusion
La Hassidout souligne que l’étude de la Torah, bien qu’intellectuellement stimulante et académiquement enrichissante, ne doit jamais perdre de vue sa dimension spirituelle fondamentale. Les bénédictions quotidiennes servent de garde-fou contre une approche trop académique ou détachée de l’étude sacrée.
Elles nous rappellent que chaque mot de Torah étudié est une opportunité de se rapprocher du divin, transformant ainsi l’acte d’étude en une profonde expérience spirituelle. En fin de compte, ces bénédictions jouent un rôle crucial dans la vie juive, assurant que l’étude de la Torah reste un acte de dévotion et de connexion avec D.ieu, plutôt qu’un simple exercice intellectuel.
Dans un monde où la connaissance est souvent valorisée pour elle-même, cette leçon nous invite à une compréhension plus profonde et plus spirituelle de l’étude de la Torah. Elle nous rappelle que la véritable sagesse ne réside pas seulement dans l’accumulation de connaissances, mais dans la façon dont ces connaissances nous rapprochent de notre source divine et transforment notre être.
Ainsi, les bénédictions de la Torah ne sont pas simplement des mots récités par habitude, mais des clés ouvrant les portes de la compréhension spirituelle et de la connexion divine. Elles nous invitent chaque jour à aborder l’étude de la Torah non seulement avec notre intellect, mais avec notre cœur et notre âme, faisant de chaque moment d’étude une expérience de rencontre avec le divin.