Mon beau-père et maître, le Rabbi, a décrit la relation du Baal Chem Tov avec les personnes simples. Ce sont des individus qui, pour différentes raisons, ne pouvaient pas étudier la Torah ou pratiquer les Mitsvot de la meilleure manière possible. Il les chérissait et cherchait leur proximité.

Pour introduire son récit, le Rabbi a évoqué la merveilleuse explication du Maguid de Mézéritch, donnée après la disparition du Baal Chem Tov de ce monde. Selon lui, si le Baal Chem Tov avait eu conscience de l’impact de sa proximité avec les personnes simples pendant sa vie sur terre, il l’aurait fait d’une manière totalement différente et plus élevée.

Après avoir introduit son propos ainsi, mon beau-père et maître, le Rabbi, raconta l’histoire suivante. Une fois, alors qu’il prenait son repas de Roch ‘Hodech, le Baal Chem Tov semblait pensif et sans joie. Ses disciples, sachant ce qu’il fallait faire dans de telles situations pour améliorer l’état d’esprit de leur maître, tentèrent diverses méthodes. Cependant, cette fois, ils n’y parvinrent pas.

Un homme simple du nom de Reb David arriva alors. Le Baal Chem Tov l’appela et l’invita à s’asseoir à côté de lui. Il partagea avec lui une tranche de pain, après avoir récité la bénédiction du Ha Motsi, « Il fait sortir le pain de la terre ». C’est seulement alors que le Baal Chem Tov retrouva sa joie.

Les disciples du Baal Chem Tov, qui avaient observé toute la scène, étaient surpris et étonnés. Malgré tous leurs efforts, basés sur les voies de la Torah, ils n’étaient pas parvenus à réjouir le Baal Chem Tov. Comment cet homme si simple avait-il réussi là où ils avaient échoué ? Le Maguid de Mézéritch, l’un des disciples, partageait leur étonnement.

Le Baal Chem Tov, voyant la surprise de ses disciples, confia une tâche à Reb David pour s’expliquer en son absence. Une fois que Reb David eut quitté la pièce, le Baal Chem Tov dit : « Je vais vous dire qui est Reb David ».

Reb David était un homme pauvre, ayant de grandes difficultés à gagner sa vie. Il économisait toute l’année, sou par sou, pour pouvoir acheter un bel Ethrog pour la fête de Soukkot. Quand il en acheta un, il rentra chez lui rempli d’une immense joie. Cependant, son épouse, éprouvée par la grande pauvreté dans laquelle ils vivaient, ne pouvait comprendre que son mari puisse se réjouir d’un Ethrog aussi cher. En dépit de la tristesse de son épouse et de sa famille, la joie de la Mitsva qui animait Reb David n’était pas amoindrie. Prise d’amertume, sa femme saisit l’Ethrog et le mordit, le rendant ainsi inapte à la Mitsva.

Voyant cela, Reb David ne se mit pas en colère, il resta calme. Il n’avait plus beaucoup de temps avant le début de la fête et se dit : « Finalement, elle a raison. Comment un homme aussi simple que moi pourrait-il posséder un Ethrog aussi beau ? ». Il n’avait pas les moyens d’en acheter un autre et ne voulait pas mettre en gage un de ses objets. Finalement, il gagea l’un de ses objets chez un non-Juif, ce qui lui permit de contribuer à l’achat d’un Ethrog communautaire.

Selon le Baal Chem Tov, une telle épreuve n’avait pas eu lieu dans le monde depuis le sacrifice d’Its’hak. Reb David l’avait surmontée ! Il n’était pas affecté par la perte de son bel Ethrog et n’avait même pas conscience d’être soumis à une épreuve. Il pensait simplement qu’il ne méritait pas un Ethrog aussi beau.

(Discours du Rabbi, Chabbat Parchat Beaalote’ha, 9 Sivan 5727-1967, suite)

Le Pouvoir de la Simplicité
Dans un monde de plus en plus complexe et axé sur le savoir, l’histoire de Reb David rappelle la valeur inestimable de la simplicité. Contrairement à ses disciples plus érudits, Reb David parvient à réconforter le Baal Chem Tov avec une authentique humanité qui ne nécessite pas de grande érudition ou de connaissances en théologie. Cette simplicité n’est pas une faiblesse, mais une force, une manifestation directe de ce que le Baal Chem Tov a toujours prêché : le divin réside dans chaque interaction humaine, aussi modeste soit-elle.

Le Sacrifice Personnel
L’épisode de l’Ethrog est éloquent à bien des égards. Reb David n’a pas seulement fait un sacrifice financier en économisant pour acheter un bel Ethrog; il a également fait un sacrifice émotionnel en ne laissant pas la réaction de sa femme l’affecter. Il a su garder son calme et sa foi inébranlables, même face à l’adversité. Ce type de sacrifice, qui n’est pas uniquement rituel mais émotionnel et spirituel, est ce qui fait de lui un individu exceptionnel aux yeux du Baal Chem Tov. Le Baal Chem Tov le compare même au sacrifice d’Its’hak, soulignant ainsi la grandeur de l’acte de Reb David.

Le Sens Profond de la Joie
La joie n’est pas seulement un sentiment éphémère, mais un état d’être qui peut transcender même les circonstances les plus difficiles. Reb David, malgré la perte de son précieux Ethrog et les défis de sa vie quotidienne, trouve une joie authentique dans l’acte de Mitsva. Il n’est pas nécessaire d’être riche ou érudit pour ressentir une telle joie; elle provient de la qualité de l’engagement, de la sincérité de l’intention et de l’authenticité de l’acte.

L’Universalité des Enseignements Hassidiques
L’histoire de Reb David et du Baal Chem Tov nous montre que les principes fondamentaux du la Hassidout, tels que l’importance de la joie, du sacrifice et de la simplicité, sont universels. Ils ne sont pas limités aux érudits ou à ceux qui ont une pratique religieuse intensive, mais sont accessibles à tous. C’est là une puissante leçon d’humanité et de spiritualité, un rappel que la grandeur peut se trouver dans les actes les plus simples et que chaque individu a sa place dans le grand puzzle de la création divine.