Par Dovid Zaklikowski / fr.chabad.org
En 1977, pendant cinq longues semaines, tous les membres du mouvement ‘Habad-Loubavitch, accompagnés de milliers de personnes dans le monde entier, ont prié anxieusement pour la guérison du Rabbi, Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, de mémoire bénie, après que celui-ci fut victime d’une crise cardiaque soudaine, d’une ampleur telle que les médecins doutaient qu’il puisse y survivre.
Le Dr Ira Weiss, un cardiologue basé à Chicago, se rendit à New York peu après cet incident pour devenir l’un des principaux médecins de l’équipe médicale du Rabbi.
Il a souvent déclaré que le retour du Rabbi à la vie publique à peine 38 jours plus tard fut, pour le moins, quelque chose d’extraordinaire.
« Le Rabbi a eu une crise cardiaque causant des dommages si importants que n’importe quel médecin se serait inquiété de la possibilité de survie dans un cas pareil », a-t-il affirmé dans une interview donnée à Jewish Educational Media (JEM). « On exclurait presque catégoriquement toute possibilité de retour au fonctionnement qui était celui du Rabbi. » Il considère que le rétablissement relativement rapide du Rabbi ne fut rien de moins qu’un miracle.
Le Rabbi eut la crise cardiaque pendant la célébration de Chemini Atséret dans la synagogue Loubavitch centrale, au 770 Eastern Parkway, située dans le quartier de Crown Heights à Brooklyn. La fête, marquée par des danses festives, a lieu à l’issue des sept jours de la fête de Soukkot et se poursuit avec Sim’hat Torah.
« Tout a commencé à 22h30, a rapporté le quotidien israélien Yediot Aharonot du 9 octobre 1977. Les célébrations ont été stoppées au milieu des danses, lorsque le Rabbi ressentit une vive douleur à la poitrine. »
La synagogue pleine à craquer se vida alors rapidement et certains fidèles brisèrent les fenêtres pour laisser entrer l’air frais.
« Quand la synagogue fut à moitié vide, le Rabbi demanda qu’on lui apporte une Torah, poursuit le récit du Yediot. À la stupéfaction de tous les présents, le Rabbi se mit à danser avec la Torah. »
Un tel comportement était en soi miraculeux, explique Weiss.
Tout au long de l’incident, et même après que le Rabbi soit allé se reposer dans son bureau, il refusa d’être emmené à l’hôpital.
S’exprimant en yiddish, le Rav Binyamine Klein, l’un des secrétaires du Rabbi, affirma que celui-ci tenait absolument à demeurer à Crown Heights.
« Le Rabbi déclara qu’il ne voulait pas aller à l’hôpital, a dit le Rav Klein. Nous ne savions pas grand-chose à ce moment-là, mais nous savions que la moitié du cœur du Rabbi ne fonctionnait pas. »
Une escorte de police
Au cours des premières heures, le Dr Weiss – qui avait été informé de l’infarctus du Rabbi par le Rav Yehouda Krinsky, un autre secrétaire du Rabbi – avait communiqué par téléphone avec l’équipe médicale du Rabbi à New York. Mais après avoir appris que le Rabbi refusait d’être transporté, il proposa de se rendre à New York pour diriger l’équipe.
« J’ai dit que… nous pourrions mettre en place l’équivalent d’une unité de soins coronariens au 770, explique le Dr Weiss. [Nous] fournirions des soins immédiats [pour lui], avec tout l’équipement d’une unité complète de soins coronariens dans un hôpital ordinaire tel que le New York Hospital ou le Mount Sinaï Hospital de New York. »
Après avoir atterri à New York le lendemain matin, le Dr Weiss, qui avait rédigé un manuel d’analyse du rythme cardiaque, fut escorté par la police au quartier général mondial de Loubavitch.
Il fut accueilli par la Rabbanit ‘Haya Mouchka Schneerson, l’épouse du Rabbi, de mémoire bénie, qui insista pour qu’il ne se rende pas auprès du Rabbi avant d’avoir fait le Kiddouch – la bénédiction traditionnelle sur le vin qui sanctifie une fête juive – et mangé quelque chose.
« Elle fut dès le début très protectrice envers moi », dit le Dr Weiss qui devint plus tard le médecin personnel de la Rabbanit. « J’ai dit à la Rabbanit : “Je suis vraiment venu pour m’assurer que tout va bien pour votre mari.” »
Lorsqu’il est entré dans le bureau du Rabbi, le Dr Weiss avait prévu de ne pas lui dire le pire.
« Il est vraiment inhabituel que quelqu’un survive à ce type de crise cardiaque ou redevienne fonctionnel, car… une grande partie de la force contractile du cœur a été perdue, explique le médecin. Alors j’ai décidé de ne pas dire tout cela au Rabbi, mais je voulais lui dire qu’il avait eu une crise cardiaque. »
Le Rabbi, toutefois, voulait plus d’informations.
« Il voulait savoir ce qui s’était passé, se souvient le Dr Weiss, et j’ai expliqué que l’une de ses principales artères s’était obstruée et que l’ECG avait montré une anomalie significative. »
Deux jours plus tard, à l’issue de la fête de Sim’hat Torah, le Rabbi fit un discours via microphone depuis son bureau transformé en chambre d’hôpital. Le discours adressé aux personnes réunies dans la synagogue en contrebas fut entendu par voie téléphonique dans le monde entier.
Au cours des semaines suivantes, le Rabbi utilisa ce même dispositif pour prononcer une série de discours le samedi soir.
Retour au travail
Bien que plusieurs semaines allaient s’écouler avant que les médecins ne l’autorisent à rentrer chez lui, le Rabbi avait immédiatement repris la correction de ses discours. Le Rav Yoel Kahn, responsable de la transcription des discours du Rabbi, raconta que son équipe avait d’abord cherché à alléger le travail du Rabbi.
« La première chose que nous avons décidée après la crise cardiaque du Rabbi, raconte le Rav Kahn, s’exprimant en yiddish, fut de rendre [les transcriptions] moins complexes et comportant moins de notes, afin d’éviter une fatigue inutile au Rabbi. »
Cependant, le Rav Kahn relate que lorsque ses collaborateurs se rendirent compte que la complexité et la profondeur des discours du samedi soir du Rabbi n’avaient en rien diminué, ils ont poursuivi leurs compilations sans relâche. Dans sa chambre d’hôpital improvisée, le Rabbi corrigeait les brouillons et ajoutait des notes.
Le Rabbi tint également à continuer de répondre aux lettres personnelles qui lui étaient adressées.
« Lorsque nous avons demandé aux médecins si nous avions pris la bonne décision de continuer à soumettre au Rabbi les synthèses de ses discours pour qu’il les corrige, dit le Rav Kahn, ils ont répondu que lorsque le Rabbi travaille dessus, ils ne voient aucune différence dans ses battements de cœur. [Mais] quand le Rabbi lit des lettres personnelles, c’est là que son rythme cardiaque devient anormal. »
Le Rav Klein raconte néanmoins : « Le Rabbi voulait continuer à répondre personnellement aux lettres. Le Rabbi a dit que si on ne les lui apportait pas, il irait prendre le courrier lui-même. »
Au cours de la première année après sa maladie, le Rabbi écrivit de nombreuses lettres. Le Rav ‘Haïm Shaoul Brook, membre de l’équipe de rédaction travaillant actuellement à la publication des discours inédits du Rabbi, a annoncé que ces lettres, allant de réponses concernant la vie personnelle des correspondants à des réflexions érudites et novatrices sur la Torah, seront bientôt publiées par la maison d’édition Kehot.
« La crise cardiaque marque le point de départ d’un regain de vigueur dans les activités du Rabbi qui s’est poursuivi pendant les 15 années suivantes », ajoute le Rav Brook.
Le Dr Weiss dit que le Rabbi n’a pas diminué son activité jusqu’à ce qu’il souffre d’un accident vasculaire cérébral en 1992. À bien des égards, dit-il, le Rabbi semblait être plus énergique après la crise cardiaque qu’avant.
« D’un point de vue médical, il était vraiment comme un géant, comme une personne très forte, comme si la crise cardiaque n’avait pas eu lieu, explique-t-il. C’était au-delà de mes attentes les plus folles. »