C’est avec une grande tristesse que nous avons appris la disparition de M. Daniel Uzan le 25 février 2023. Il a été l’un des piliers fondateurs du Beth Loubavitch de Paris et son engagement envers le Rav Chmouel Azimov a été remarquable. En sa mémoire, nous avons décidé de partager avec vous une interview qu’il a accordée il y a quelques années, où il évoque son parcours et sa participation active dans la « révolution française » du Rabbi pour rapprocher les Juifs de la Torah. Nous espérons que cet entretien permettra de rendre hommage à son action et de perpétuer sa mémoire.
Dès 1963, le Rabbi appelait les Juifs de France à se rapprocher de la Torah. Une mission qui a mobilisé des jeunes élèves de la Yechiva de Brunoy dont le Rav Chmouel Azimov.
En 1968, le Rav Chmouël Azimov, de retour en France après son mariage, devint le Chlia’h du Rabbi à Paris. Il avait déjà influencé de nombreux jeunes étudiants juifs à se reconnecter avec leur judaïsme.
Parmi les premiers membres de cette équipe se trouvaient David Uzan et son épouse, qui ont eu plusieurs rencontres avec le Rabbi et contribuèrent grandement au développement des institutions du Beth Loubavitch.
M. Daniel UZAN est né le 16 novembre 1949 – 24 Hechvan 5710. Il se rapprocha du mouvement ‘Habad grâce aux cours de Torah dispensés par le Rav Chmouel Azimov et les Chlou’him du Rabbi (qui étaient les seuls à cette époque à s’occuper de la jeunesse juive). Il participa activement à ces cours pendant un an puis décida que le moment était venu de se rendre chez le Rabbi.
Quelle était la première fois où vous étiez le Rabbi ?
Mon premier voyage chez le Rabbi était à ‘Hannoucah en 1971. J’y suis resté une dizaine de jours. J’ai eu la chance de rentrer en Ye’hidout dans le bureau du Rabbi. La Ye’hidout dura dix minutes, ce qui représentait beaucoup de temps ! (La Ye’hidout d’un Ba’hour durait en général moins de deux minutes…). Lors de la Ye’hidout, je ressentais une grande Kedoucha, une crainte révérencielle, j’avais même peur de m’exprimer… Aux questions du Rabbi je répondais le strict minimum. Il y avait tout simplement une sorte de crainte du Rabbi. Par ailleurs, je ne voulais pas «voler» le temps précieux du Rabbi. Le Rabbi faisait tout pour instaurer une ambiance agréable afin que je me sente à l’aise.
De façon générale, lors de mes Ye’hidout avec le Rabbi (ainsi que celles de la majorité des membres du groupe), le Rabbi parlait en français. Il arrivait parfois que le Rabbi commence en français et continue en anglais ou en hébreu.
Pouvez-vous partager avec nous cette première Ye’hidout ?
Il est écrit dans Hayom Yom que la Avoda d’un ‘Hassid est fixée selon sa première Ye’hidout. J’ai eu la chance lors de ma première Ye’hidout le Rabbi me dise explicitement le but de ma vie.
Le Rabbi me dit ainsi : « Votre tâche principale (« your main purpose ») est de renforcer le ‘groupe’ et d’être en contact avec le Rav Azimov ».
Je demandais alors au Rabbi si je devais enseigner au Talmud Torah. J’étais étudiant à cette époque, mon emploi du temps était très chargé et cela n’était pas facile pour moi. Le Rabbi répondit ainsi : « Le Talmud Torah est une Mitsva extraordinaire ! ». Tous les dimanches et mercredis j’enseignais donc au Talmud Torah dirigé par le Rav ‘Haïm Hillel Azimov, le père du rav Chmouel Azimov.
Je me souviens encore comment le Rav ‘Haïm Hillel Azimov (fondateur et directeur des Talmud-Torah) me demandait chaque fois qu’il me rencontrait « Répète-moi ce que le Rabbi t’a dit à propos des Talmud-Torah»… Pour lui, c’était important et encourageant d’entendre ces Saints mots du Rabbi.
J’ai également demandé au Rabbi s’il était préférable que j’arrête mes études universitaires pour me consacrer à l’étude en Yechiva. Le Rabbi a répondu que je devais poursuivre mes études. Il m’a donné une directive qui m’a profondément marqué: « Ce sera une occasion de montrer aux Juifs de France qu’il est possible de suivre des études universitaires tout en restant un Juif Chomer Torah OuMitsvot! ».
Après cette rencontre avec le Rabbi, j’ai vécu une anecdote intéressante. J’avais un examen très important prévu un samedi, jour du Chabbat. Étant donné ce que le Rabbi m’avait dit, je ne voulais pas passer cet examen. Cependant, je me suis dit que je n’avais rien à perdre en demandant conseil à mon professeur. De manière surprenante, celui-ci m’a répondu : « Je peux vous faire passer l’examen le vendredi, à condition que vous ne le racontiez à personne… »
Lors de cette même Ye’hidout, le Rabbi a souligné l’importance de l’étude de la Torah, en particulier du Choul’han Arou’h et de la ‘Hassidout. En 1973, j’ai eu l’occasion de me rendre chez le Rabbi avec plusieurs membres de notre groupe. C’est le Rav Bentsion Chemtov, beau-père de Rav Chmouël Azimov, qui s’est occupé de nous trouver des endroits pour manger et dormir. À l’époque, les Chlou’him d’outre-mer n’avaient l’autorisation de venir chez le Rabbi qu’une fois tous les deux ans.
Après cette première Ye’hidout, j’ai eu l’opportunité d’avoir une autre rencontre privilégiée avec le Rabbi durant le Tichri. Durant cette rencontre, j’ai demandé au Rabbi si je pouvais suivre des études à la Yechiva de Brunoy. Le Rabbi m’a donné son accord. Ainsi, j’ai étudié durant une année entière à la Yechiva de Brunoy.
Par la suite, je me suis marié. Mon épouse avait également eu la chance de rencontrer le Rabbi en tant que jeune fille et avait reçu plusieurs instructions précieuses.
En 1980, lors de notre voyage pour les fêtes de Tichri, nous sommes passés devant le secrétariat du Rabbi au 770. Le Rav Binyamin Klein m’a appelé et m’a demandé si j’étais venu avec mon épouse. Il est ensuite sorti du bureau du Rabbi pour me remettre une Sidour tamponnée « Asseret Yemei Techouva » avec la signature du Rabbi ! A ma connaissance, seules quatre Sidoourim comme celle-ci ont été distribuées. Il y avait une rumeur selon laquelle le Rabbi en distribuerait à tout le monde, mais cela ne s’est pas concrétisé.
Lors de la fête de Pessa’h en 1974, nous sommes allés chez le Rabbi avec toute la famille. J’ai eu la chance d’entrer en Ye’hidout. Le Rabbi m’a alors dit que je devais continuer mes études pour obtenir un Doctorat. Il m’a donné un argument très puissant : « Cela vous aidera dans la Parnassa et dans ‘Oufaratsta’ ! ». Je me suis souvenu constamment de cet argument tout au long de mes études pour le Doctorat. À cette époque, je travaillais déjà. Pour travailler sur le Doctorat, j’ai suivi des cours deux soirs par semaine pendant cinq ans. J’ai finalement obtenu mon Doctorat et l’ai envoyé au Rabbi, qui m’en a remercié.
Lors de vos voyages en Tichri, avez-vous reçu des instructions particulières du Rabbi ?
Le Rabbi nous demandait de profiter de notre présence à New York pour aller dans les universités locales et raconter la « révolution française » de la vie juive en France. Pour cela, nous nous rendions chez les Chlou’him locaux et racontions les changements et progrès de la vie juive en France, notamment sous l’impulsion du Rabbi. Les personnes que nous rencontrions étaient souvent très impressionnées en entendant ces histoires. C’était donc une mission importante que nous prenions très à cœur et que nous accomplissions avec plaisir.
Quand était la dernière fois que vous avez eu le privilège de parler avec le Rabbi ?
Il me semble que c’était en 1990. Je supervisais alors la modernisation de cent-vingt agences du travail. Ces agences aidaient les français désireux de gérer des entreprises à l’étranger. Dans le cadre de mon travail, je voyageais à New York tous les trois mois environ. Avant l’un de ces voyages, le Rav Chmouël Azimov me demanda de transmettre la maquette de l’école « Beth ‘Haya Mouchka » dont nous planifions à cette époque la construction.
En passant à la distribution des dollars avec la maquette, j’avais trois choses très importantes à demander au Rabbi. Une demande était liée aux autorisations municipales pour la construction de l’école.
Je remis alors la maquette de l’école au Rabbi. Celui-ci me demanda : « Est-ce que cela est pour moi ? ». Je répondis affirmativement. Le Rabbi posa alors la maquette sur le côté et me donna un dollar. Alors que je m’apprêtais à partir, le Rabbi me rappela et me donna trois dollars supplémentaires en me disant : « Pour toutes ces choses, une bonne solution ! ».
En effet, sur les deux autres problèmes que j’avais à lui exposer, j’ai trouvé des solutions qui ont résolu les difficultés de manière inattendue. Ce qui m’intriguait était la réponse inhabituelle du Rabbi : « bonne solution » au lieu de « bonne réussite ». La construction de l’école a été associée à de nombreux problèmes, mais nous avons finalement réussi à les résoudre, même si la construction elle-même a duré plus de dix ans!
Par ailleurs, je tiens à souligner que Mme Bassie Azimov nous avait beaucoup aidé durant cette période difficile. Son aide hors-du-commun a été d’une grande importance et nous a été très bénéfique. Nous sommes profondément reconnaissants de tout ce qu’elle a fait pour nous.