Discours du Rabbi, Likoutei Si’hot, tome 2, page 299 –
Traduit par le Rav Haïm Mellul
La Parchat Kedochim énonce l’Injonction qui est : « un grand principe de la Torah »(1), celle de l’amour du prochain, ainsi qu’il est dit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». C’est la clé de toute la Torah(2).
Quelle est la manière précise de mettre en pratique cette Mitsve ? Les Grands de la ‘Hassidout ont défini trois formes d’amour du prochain, dans sa dimension profonde. Toutes permettent d’établir la valeur intrinsèque de chaque Juif, qui qu’il soit.
Le Baal Chem Tov souligne l’importance d’aimer également les Juifs les plus simples(4). Il précise que ces personnes, mettant en pratique les Mitsvot avec candeur, possèdent une qualité que n’ont pas les érudits de la Torah(5).
Dans l’un de ses enseignements, commentant l’affirmation de la Guemara(6) selon laquelle les Tefilines du Saint béni soit-II sont les enfants d’Israël, Le Baal Chem Tov expliqua que les personnes simples sont les Tefilines du bras, ceux de l’action(7), alors que les érudits sont les Tefilines de la tête, correspondant à la compréhension et à la connaissance.
L’ordre établi veut que l’on mette les Tefilines du bras avant ceux de la tête, car ceux qui se distinguent par leur action concrète ont la préséance sur les érudits de la Torah. Et, l’on observe ici de quelle manière il faut considérer l’amour du prochain, y compris envers les personnes simples, qui ne possèdent pas la qualité de la connaissance et du savoir. Ils n’en sont pas moins de bons Juifs, intègres et craignant D.ieu, même s’ils sont des personnes simples.
Le Maguid de Mézéritch, successeur du Baal Chem Tov, développa la signification de cette Mitsva. Il convoqua, une fois, l’un de ses disciples les plus proches et lui dit : « Ecoute ce que l’on enseigne maintenant dans la maison d’étude céleste : l’amour du prochain consiste à aimer un impie avéré de la même façon qu’un Tsaddik parfait »(8).
Il y a là l’expression la plus merveilleuse de l’amour de son prochain ! Il faut aimer non seulement le Juif le plus simple, mais aussi un impie avéré ! Bien plus, il est nécessaire de l’aimer autant qu’un Tsaddik parfait !
Le Maguid de Mézéritch révéla ainsi la quintessence profonde de la personnalité, que chaque Juif possède, en son for intérieur. Quand on la met en évidence, on peut constater que l’impie avéré n’est pas différent du Tsaddik parfait(9).
Cependant, un tel amour reste mesuré, limité et, de fait, demander de : « aimer de la même façon » (10) revient effectivement à établir une différence entre les Juifs, tout en affirmant, malgré cela, la nécessité de tous les aimer.
L’Admour Hazaken, auteur du Tanya, précise cette notion. Il écrit, dans son livre(11), que l’amour du prochain doit dépasser toutes les limites, être un amour fraternel, un sentiment qui est implanté au plus profond de son être.
L’Admour Hazaken affirme que l’Injonction : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » doit être interprétée au sens le plus littéral. Tout comme un homme aime sa propre personne, d’une manière toujours identique, même s’il est conscient de ne pas être parfait, d’avoir des défauts, car : « l’amour-propre recouvre toutes les fautes »(12), il doit, de la même façon, aimer chaque Juif, d’un amour profond qui dépasse toutes les contingences.
Comment parvenir à ressentir un amour aussi profond envers chaque Juif ? La ‘Hassidout donne la réponse à cette question(13). Tout d’abord, elle affirme que l’amour du prochain est un corollaire de l’amour de D.ieu.
En effet, chaque Juif aime le Saint béni soit-II et cet amour est implanté au plus profond de son être, car : « vous êtes des fils pour l’Eternel votre D.ieu »(14). Il doit donc aimer chaque Juif, car, quand on aime quelqu’un, on aime aussi ceux qu’il aime (15).
En outre et à une dimension plus profonde, en la source de l’âme, tous les enfants d’Israël ne forment qu’une seule et même entité, une «parcelle de Divinité céleste véritable »(16). L’amour du prochain n’est donc pas un sentiment que l’on éprouve envers une autre personne. Il est bien l’amour de sa propre personne, d’une partie de son être. C’est la source de cet amour du prochain. (17).
NOTES
(1) Selon le commentaire de Rachi sur le verset Kedochim 19, 18, basé sur le Torat Cohanim. Rachi précise que l’auteur de cet enseignement est Rabbi Akiva.
(2) Kedochim 19, 18. D’après la formulation de Hillel l’ancien : « ne fais pas à ton prochain ce que tu ne souhaites pas qu’il te fasse ».
(3) En d’autres termes, comment parvenir à aimer son prochain autant que l’on aime sa propre personne ? Le texte rapporte trois réponses à cette question, celle du Baal Chem Tov, celle du Maguid de Mézéritch et celle de l’Admour Hazaken.
(4) Ceux qui ne présentent aucun trait de caractère justifiant un tel amour.
(5) Et, c’est cette qualité qui conduit à les aimer.
(6) Dans le traité Bera’hot 6a. Ainsi, le Saint béni soit-Il a un amour profond pour chaque Juif, comme celui qui embrasse ses Tefilines avec amour, quand il les met et quand il les enlève.
(7) Nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, disent que : « l’acte est essentiel ». Or, cette qualité de l’action concrète est possédée, plus particulièrement, par les personnes simples, qui ne se distinguent pas par leur compréhension profonde.
(8) Selon le Sefer Ha Si’hot du Rabbi Rayats, été 5700 (1940), à la page 116. Il est pourtant bien clair que cet « impie avéré » ne se distingue pas par son intégrité et sa crainte de D.ieu.
(9) C’est pour cette raison que l’un et l’autre doivent être aimés de la même façon.
(10) Ce qui sous-entend que cela pourrait ne pas être le cas, qu’il faudrait aimer l’un plus que l’autre.
(11) On verra, à ce propos, le chapitre 32 du Tanya. Il s’agit donc de s’élever au-dessus de toutes les considérations, de ne pas rechercher les qualités, de ne pas même envisager la différence entre les Juifs.
(12) Michlé 10, 12. C’est pour cette raison qu’un homme n’est pas objectif, quand il parle de lui-même. Il minimise systématiquement ses défauts et grossit ses qualités. Il doit donc en faire de même pour son prochain.
(13) On consultera, sur ce point, en particulier, les Iguerot Kodech du Rabbi Rayats, tome 3, à la page 425.
(14) Devarim 14, 1. Et, il est clair qu’un Père aime tous Ses enfants de la même manière.
(15) C’est assurément là la forme la plus haute de l’amour.
(16) D’après l’expression du chapitre 2 du Tanya. Chaque Juif possède cette âme divine et, selon l’expression du Tanya, « nous avons tous un même Père ».
(17) Et, c’est de cette manière qu’il peut être : « comme toi-même ».