Objet de nombreuses spéculations et rumeurs à travers le monde, le laboratoire P4 de Wuhan pose aujourd’hui question, alors que l’épidémie de Covid-19 bat son plein. À quoi sert-il exactement ? Quel a été le rôle de la France dans sa création ? Pourquoi et comment a-t-il vu le jour ? Pourquoi est-il controversé ? Tentative de réponses.

Comment est né ce laboratoire de virologie ?

7e ville la plus peuplée de Chine avec 11 millions d’habitants, Wuhan fut jadis – en partie – une concession française, de 1896 à 1943. La coopération franco-chinoise ne s’est ensuite jamais arrêtée, notamment dans le domaine médical. Ainsi, fin 2004, quelques mois après l’épidémie de SRAS qui a durement frappé la Chine, le président français de l’époque, Jacques Chirac, décide de s’associer à son homologue chinois pour lutter contre les maladies infectieuses émergentes. Dans la foulée naîtra l’idée de construire à Wuhan, main dans la main, un laboratoire de type 4. Après quelques résistances – le SGDSN (Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale) redoutait notamment qu’un P4 puisse se transformer en arsenal biologique -, un comité de pilotage, dirigé par le Lyonnais Alain Mérieux et le docteur chinois Chen Zhu, est créé en 2008. En 2015, après 5 ans de travaux, le laboratoire de virologie voit le jour. Mais Alain Mérieux quitte la coprésidence de la Commission mixte.

La France a-t-elle participé aux travaux ?

Une quinzaine de PME françaises ont participé à la construction du laboratoire, mais l’essentiel des travaux ont été effectués par des entreprises chinoises, moyennant 40 millions d’euros. « Ces labos P4, c’est vraiment de la technologie de top niveau, comparable à celle des sous-marins nucléaires français pour ce qui est de l’étanchéité de certaines pièces », indique Antoine Izambard à France Culture. La laboratoire de Wuhan se situe « au bout d’une route à 6 voies », indique l’auteur du livre « France-Chine, les liaisons dangereuses », et comprend « un immense immeuble en briques rouges en construction, (destiné à accueillir 250 chercheurs en résidence), un autre hautement sécurisé que l’on prendrait pour une prison (un bunker de 4 étages avec 4 labos étanches), et un dernier blanc et rectangulaire sur lequel est écrit « Wuhan Institute of Virology » ».

Que signifie la classification P4 ?

P4 signifie « pathogène de classe 4 », ce qui veut dire que le laboratoire est susceptible d’abriter des agents pathogènes de haute dangerosité, avec un taux de mortalité très élevé en cas d’infection, l’absence de vaccin protecteur, l’absence de traitement médical efficace, et la transmission possible par aérosols. Il existe une trentaine de ces structures dans le monde, dont certaines sont labellisées par l’OMS.

Comment la France a-t-elle perdu peu à peu le contrôle ?

Le 23 février 2017, l’ex-Premier ministre Bernard Cazeneuve et la ministre de la Santé Marisol Touraine annonçaient la venue de 50 chercheurs français en résidence au P4 pendant cinq ans. La France voulait reprendre la main sur le labo et apporter une expertise technique, notamment pour améliorer le niveau de bio-sécurité de l’institut. Ces chercheurs français ne viendront jamais, et selon le Washington Post, en janvier 2018, des membres de l’ambassade américaine visitent les locaux et alertent les USA de l’insuffisance des mesures de sécurité prises dans ce laboratoire où l’on étudie les Coronavirus issus de chauves-souris. Peu à peu, contrairement aux promesses initiales, les Chinois ont donc travaillé sans regard extérieur de chercheurs français. Entre la démission d’Alain Mérieux en 2015, et la non venue des 50 chercheurs français en 2017, la coopération entre les deux pays s’est lentement étiolée.

Pourquoi ce laboratoire intrigue aujourd’hui la planète ?

Selon Fox News, le « patient zéro » à l’origine de l’épidémie pourrait être un employé de l’institut, contaminé, qui aurait ensuite diffusé sans le vouloir le virus dans Wuhan. Un chroniqueur du Washington Post a quant à lui exhumé des notes de la CIA datant de 2018 qui mettaient en doute le niveau de sécurité du laboratoire. Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a annoncé « mener une enquête exhaustive”. Par ailleurs, si le P4 a fermé officiellement ses portes le 23 janvier, lorsque le confinement a démarré à Wuhan, Radio France indique qu’à la mi-mars, un essai de vaccin a eu lieu dans le laboratoire en partenariat avec une société de biotechnologie chinoise. Un virus a d’abord été inoculé à des singes, avant d’être inactivé puis injecté à des personnels volontaires de l’institut.