Rabba Bar Bar Hana était le petit- fils de Hana, le frère de ‘Hiya. Il se rendit en Eretz Israël et devint le disciple de Rabbi Yo’hanane dont il transmit les enseignements. Apparemment, il ne fut pas très estimé dans ce pays car Rabbi Chimone ben Lakish ne lui faisait pas l’honneur de s’adresser à lui en public. Après un assez long séjour, il retourna en Babylonie, à Soura et Pumbedita. Là il refusa au début d’assister aux cours de Rabbi Yehouda ben Yé’hezkel mais finit par devenir son ami. Celui-ci le consultait pour des questions de hala’ha. Rabbi Yehouda et son disciple Rabba Bar Bar Hana rendirent une fois visite à Rabba qui était malade pour lui soumettre une question de hala’ha. Soudain un prêtre zoroastrien apparut et éteignit la lampe car on était un jour d’Ormuzd où les Juifs n’avaient pas le droit d’avoir du feu dans leurs maisons. Peiné, Rabba s’exclama : « Oh D.ieu, laisse-nous vivre sous Ta protection ou, au moins, sous celle des enfants d’Esaü (les Romains) !».
Rabba souhaita introduire dans le rituel de prière la récitation du Décalogue mais Rabbi ‘Hisda l’en dissuada.

Rabba Bar Bar Hana raconta ses observations de ses voyages en Eretz Israël mais aussi en mer.
Rabba Bar Bar ‘Hana raconte :
« Un jour, alors que nous marchions dans le désert, un commerçant arabe nous accompagna et proposa : Je vais vous montrer les (gens qui sont) morts (pendant les 40 ans d’errance du peuple juif) dans le désert (du Sinaï). Je suis allé avec lui et je les ai vus : leurs visages resplendissaient et semblaient joyeux comme ceux des gens qui se sont enivrés. Ils étaient étendus comme s’ils dormaient, sur le dos. L’un d’entre eux était couché avec la hanche redressée : un commerçant arabe sur un chameau, brandissant en l’air une épée passa sous lui sans le toucher. J’ai coupé un coin de son Talit mais les animaux que nous chevauchions furent incapables de bouger. L’Arabe m’avertit : Est-ce que tu lui as pris quelque chose ? Rends-le lui ! Nous avons une tradition que, si on leur prend quelque chose, on ne peut plus avancer ! Je suis allé remettre le coin du Talit et nous sommes partis. Quand j’ai raconté cela aux Sages, ils ont rit de moi : quiconque s’appelle Abba est un sot ! Et quiconque s’appelle Bar Bar Hana est un idiot. Puis ils m’ont demandé : Pourquoi as-tu coupé le coin du Talit ? Tu voulais résoudre la discussion entre Beth Chamaï et Beth Hillel (à propos des Tsitsits) ? Il aurait suffi de compter les fils et les nœuds ! »

L’enseignement du Rabbi (Rechimot 48)

Voici comment le Rabbi explique cette histoire, pratiquement incompréhensible sans la Hassidout…

Dans le désert, les Juifs sont morts par la faute des explorateurs. Ils avaient reçu la Torah au mont Sinaï, ils avaient appris les enseignements de Moché Rabeinou etc., leurs âmes provenaient du monde de la pensée, qui est bien éloigné du monde de l’action concrète. Ils souhaitaient rester dans un monde, qui serait rempli de Torah et de spiritualité : la nourriture tombait du ciel, l’eau provenait du puits de Myriam, leurs habits étaient lavés par les nuées de gloire…Ils n’étaient pas dérangés par les tracas quotidiens : le gagne-pain, la bassesse de notre monde, «le monde de l’action». Ils voulaient rester dans un monde spirituel, dégagé et séparé des soucis bassement matériels.

Or D.ieu ne nous a pas fait sortir d’Égypte et donné la Torah pour cela ! D.ieu désire que nous transformions le monde matériel grâce à la Torah et ainsi construire pour D.ieu une demeure ici-bas.

Le commerçant arabe a voulu lui montrer : ces gens ont voulu vivre dans le désert. Un de ses guides arabes connaissait si bien le désert qu’il lui montra le Mont Sinaï, l’endroit où Kora’h fut englouti et d’où émanaient les cris : «Moché est vérité et sa Torah est vérité mais nous sommes des menteurs».

Il vit les corps nombreux des Juifs morts dans le désert ainsi que l’endroit où la terre et le ciel se touchent presque et il put ainsi observer la rotation des sphères célestes autour de la terre pendant 24 heures, séparés du monde ; c’est pour cela qu’ils apparaissent comme ivres, comme des ivrognes déconnectés du monde réel.

Ils en étaient arrivés au point que leur visage était tourné vers le ciel. Ils étaient intensément tournés vers la spiritualité, ils ne voulaient pas s’en détacher et affronter les défis du monde matériel. L’un d’entre eux avait même la hanche redressée : la hanche représente la part inférieure de l’homme. Il était parvenu à un niveau très élevé.

Le « commerçant » représente le fait de transformer la matière. Il déplace la marchandise d’une personne à une autre. C’est le travail du Juif : transformer la matière que D.ieu met à sa portée dans ce monde matériel et la déplacer dans le monde spirituel.

Il chevauchait un chameau : le chameau représente l’animal raffiné et discret, que le «commerçant spirituel» a réussi à élever. Celui-ci tenait une « Roma’h », une épée : la valeur numérique de « Roma’h » est 248, représentant les 248 mots du Chema Israël, donc le don de soi dans le service de D.ieu dans ce monde ci.

Avec toute ses qualités, il n’a pas réussi à touché la hanche du mort du désert,  il n’est pas parvenu au niveau le plus bas des morts du désert – tant leur niveau spirituel était extraordinaire.

À ce moment-là, Rabba Bar Bar Hana a voulu retourner en Israël : avec la force de ces gens-là, qui n’avaient pas de lien avec le monde de l’action et, pour cela, il a cru bon de prendre un morceau de leur habit. A ce moment, il ne pouvait plus avancer : comme nous le savons, la Torah appelle l’homme « marcheur » tandis que les anges, contrairement à l’homme, sont appelés « ceux qui se tiennent debout » puisqu’ils restent statiques, toujours dans la même niveau spirituelle – même dans leur progression.

En prenant cet habit, il se détachait du monde de l’action et ne pouvait pas continuer à « marcher », à véritablement progresser comme un homme de ce monde.

Ce n’est que lorsque Rabba Bar Bar Hana a rendu l’habit , qu’il a pu sortir du désert pour retourner dans son endroit, dans le monde de l’action pour le raffiner.

Bien que la génération du désert ait atteint un niveau très élevé, ces gens sont restés dans le désert et n’ont pas pu « avancer », n’ont pas pu transformer le monde.

Nous, avec nos modestes forces et avec notre niveau spirituel bien inférieur au leur, nous pouvons remplir cette tâche et améliorer ainsi le monde pour en faire une demeure pour D.ieu et ainsi faire venir le Machiah, maintenant.