Traduit par le Rav Haim Mellul
(Farbrenguen No 12)

 Education

Dans l’une de ses causeries, le Rabbi Rayats raconte :

« Lorsque j’étais enfant, mon père le Rabbi Rachab m’a enseigné, à plusieurs reprises, la Haggadah de Pessa’h. Il me l’enseignait, à chaque fois, un peu au-dessus de mes capacités, au-delà de ce que je pouvais intégrer.

C’est un grand principe de l’éducation et de l’enseignement. Il ne suffit pas de donner à l’élève ce qu’il peut intégrer. On doit aussi développer ses capacités pour qu’elles lui permettent une intégration plus profonde. »

La Yechiva et les cosaques

La Yechiva Tom’heï Temimim fut fondée durant la semaine du mariage du Rabbi Rayats, qui expliqua ceci, à propos de ses élèves :

« En quoi un élève de la Yechiva Tom’heï Temimim se distingue-t-il d’un simple ‘Hassid ? Le récit suivant permettra de le comprendre. L’épouse du tsar Nicolas de Russie était une proche parente du roi Guillaume de Prusse. Ce dernier invitait souvent le tsar Nicolas chez lui et il l’interrogeait sur la puissance militaire de la Russie.

Dans son esprit, le roi Guillaume imaginait déjà la première guerre mondiale. Et, le tsar Nicolas, qui ne se distinguait pas par sa profonde intelligence, lui révélait tous les secrets sécuritaires de la Russie.

Le roi de Prusse se posait également une autre question, pour concevoir la guerre qu’il préparait contre la Russie. Il désirait comprendre la grande puissance des cosaques. Il demanda à Nicolas :
‘Comment forme-t-on les cosaques ?’.

Le tsar de Russie lui donna alors la réponse suivante, de laquelle découle un profond enseignement :
‘On ne forme pas un cosaque. On naît cosaque.’
Vous devez comprendre ce que je veux dire. »

 Je vous connais

Mendel Kafka, du Maryland, raconte :
« Mon arrière-grand-père, le Rav Moché Binyamin Kaplan, était étudiant à la Yechiva Tom’heï Temimim Loubavitch de Berditchev, en Russie. Le Rabbi Rayats avait demandé au recteur de la Yechiva de lui adresser une photographie de chaque élève.

De nombreux élèves de la Yechiva hésitèrent à donner leur photographie pour qu’elle soit transmise au Rabbi, car les autorités du pays auraient pu les trouver et, de cette façon, découvrir qu’ils se consacraient à l’étude de la Torah, ce qui aurait provoqué une amère punition, pour eux-mêmes et pour leurs parents.

Mon grand-père, en revanche, venait d’une autre ville. Il savait que l’on ne pourrait pas retrouver sa famille et il remit donc immédiatement au recteur de la Yechiva sa photographie, pour qu’il l’envoie au Rabbi Rayats.

Quelques années plus tard, mon arrière-grand-père parvint à quitter l’Union soviétique, la « vallée des larmes ». Il s’installa en Erets Israël et il écrivit une lettre au Rabbi Rayats, qu’il n’avait jamais vu. Il lui demandait, notamment :
‘Comment puis-je m’attacher à vous alors que je n’ai jamais vu votre visage ?’.

Il reçut une réponse du Rabbi Rayats, qui lui écrivit :
‘Pour ma part, je vous connais bien.’
Mon arrière-grand-père ne parvint pas à comprendre le sens de cette phrase. Comment le Rabbi Rayats pouvait-il le connaître et même ‘bien’ le connaître ?

Mon arrière-grand-père saisit le sens de cette énigme de nombreuses années plus tard, quand le Rabbi Rayats quitta ce monde. Son secrétaire lui restitua alors sa photographie et il lui relata ceci :
« De temps à autre, le Rabbi prenait toutes les photographies des élèves de la Yechiva qui étaient en sa possession. Il les regardait, une à une et, pour chacune, il prononçait quelques mots, comme s’il se parlait à lui-même. »

Il y a là un enseignement pour tous ceux qui n’ont jamais vu le Rabbi physiquement. Il est certain que le Rabbi connaît chacun de ses ‘Hassidim, plus encore qu’il les connaît ‘bien’. Puisse D.ieu faire que nous voyons son visage, avec la venue de notre juste Machia’h. »

Plus de doute

Le Rav Chlomo Sternberg, de Crown Heights, raconte :

« Mon grand-père, le Rav Zalman Gourary a été le secrétaire du Rabbi Rayats pendant une courte période. Une fois, le Rabbi lui dit qu’il ne souhaitait pas accorder d’audience, ce jour-là. Peu après, un ‘Hassid arriva et il lui dit qu’il devait absolument rencontrer le Rabbi. C’était, pour lui, une question de vie ou de mort.

Mon grand-père lui demanda ce qui lui arrivait et l’homme répondit que sa foi était chancelante, qu’il avait besoin de l’aide du Rabbi pour la raffermir. Mon grand-père se rendit chez le Rabbi et lui dit qu’un ‘Hassid voulait le voir. Quand le Rabbi Rayats entendit le nom de ce ‘Hassid, il sourit et demanda de le faire entrer.

Le ‘Hassid s’approcha de la porte, observa le Rabbi Rayats pendant un quart de seconde, puis il fit demi-tour et s’éloigna. Mon grand-père, incapable de comprendre son attitude, s’exclama :
‘Sot, tu dis que ta foi est chancelante !’.

L’homme répondit :
‘C’est vrai, je n’ai pas eu la réponse à mes questions. En revanche, je n’ai plus de doute. Quand on voit le Rabbi, la vérité s’illumine et elle transforme la situation’. »

Les larmes du Rabbi

Le fils du Rav Yaakov Edelstein, Rav de Ramat Ha Sharon, raconte :

« Mon père nous a raconté, à de multiples reprises, un récit qui l’a profondément marqué. Il le tenait du Rav ‘Haïm Karp, de Tel Aviv. Mon père et Rav ‘Haïm étudiaient en binôme, à la Yechiva de Poniewecz. Dans sa jeunesse, Rav ‘Haïm Karp était étudiant de la Yechiva Tom’heï Temimim Loubavitch, à Otwock, dans la banlieue de Varsovie, auprès du Rabbi Rayats.

Ceci se passa un soir de Roch Hachana, à l’époque, dans les années trente. Le Rabbi Rayats avait prolongé sa prière pendant un très long moment. Les élèves, parmi lesquels Rav ‘Haïm, avaient achevé leur prière et ils étaient allés prendre le repas de la fête, dans le réfectoire.

A l’issue du repas, les élèves s’en revinrent dans la salle d’étude et ils peinèrent à croire ce qu’ils voyaient. La nappe posée sur le pupitre du Rabbi Rayats était trempée de ses larmes. En outre, sur le sol, ses larmes formaient une véritable flaque.

Rav ‘Haïm Karp expliqua à mon père que ce Roch Hachana ne quittait jamais son esprit. Et, chaque année, quand revenait cette fête, il voyait les larmes du Rabbi devant ses yeux, à proprement parler. Et, mon père relatait toujours ce récit à ses disciples et à ses proches, quand il voulait expliquer ce qu’est la prière de Roch Hachana.

De nombreuses années s’étaient écoulées, mais les larmes n’avaient pas séché. »

 La santé du Rabbi

Le Rav Moché Leïb Rothstein, l’un des ‘Hassidim du Rabbi Rayats, lui rendit compte de sa rencontre, en ‘Hechvan 5702 (1941), avec un groupe de neuf élèves de la Yechiva Tom’heï Temimim de Varsovie, qui avaient été sauvés de l’enfer nazi en fuyant à Shanghai, en Extrême-Orient, où ils avaient obtenu des visas d’immigration au Canada.

Ces jeunes gens étaient arrivés, en bateau, au port de San Francisco. Là, ils avaient pris le train pour Montréal. Ils avaient fait un arrêt à Chicago, mais n’avaient pas été autorisés à descendre du train. En revanche, les ‘Hassidim de Chicago avaient pu pénétrer dans le train et les saluer. Le Rav Rothstein était parmi eux et, par la suite, il écrivit ceci au Rabbi Rayats :

« Ce matin, nous avons rencontré les élèves à la gare. Je les ai accompagnés pendant quelques arrêts. Ils n’ont pas pu sortir du train, mais les visiteurs ont pu les rencontrer, parler avec eux, sans restriction, être en leur présence. Les Rabbanim et des chefs de famille les ont rencontrés à la gare. A l’évidence, nos élèves avaient la bénédiction de D.ieu et ils ont fait grande impression sur les Rabbanim.

Leur apparence était satisfaisante. Ils étaient bien habillés et il est difficile de décrire leur satisfaction par écrit. Ils portent la barbe, ont un habit long, leur Talith Katan est visible à l’extérieur et ils sanctifient le Nom de D.ieu par leur comportement. »

La réponse du Rabbi Rayats fut la suivante :

« Vous m’avez fait revivre, à proprement parler, par vos propos agréables, qui sont un baume pour ma santé précaire, au-delà de tous les traitements du monde ».

Deux catégories

Le Rabbi Rayats avait un ‘Hassid qui était un grand commerçant. Il résidait à Pétersbourg et multipliait les affaires. Il était, néanmoins, un Juif ‘hassidique. Il avait une fille unique et, quand elle fut en âge de se marier, il chercha pour elle un jeune homme qui était un ‘Hassid sincère. Il était très riche et il se dit qu’il n’aurait aucun mal à trouver un tel jeune homme. Mais, chaque fois qu’une proposition lui était faite, sa fille lui signifiait son manque d’intérêt.

Quand il perdit patience, elle lui dit :
« En fait, je ne veux pas épouser un jeune ‘homme aussi ‘hassidique que ceux-là. Je cherche quelqu’un qui sera également un commerçant, qui connaîtra les domaines du monde et qui aura une ouverture d’esprit. »

Ces propos furent une immense déception pour le père, qui n’imaginait pas ainsi son futur gendre. Dans sa profonde douleur, il se rendit chez le Rabbi Rayats, qui lui accorda aussitôt une audience. Il lui fit part de ses difficultés et lui demanda ce qu’il devait faire. Le Rabbi Rayats lui répondit ceci :

« Qu’a vu votre fille, à la maison ? Comment avez-vous reçu les ‘Hassidim qui venaient vous voir chez vous ? Et, quelle était votre attitude lorsque vous receviez un homme d’affaires à la maison ? Elle a constaté que vous honoriez le second beaucoup plus que le premier. Avec qui veut-elle se marier ? Avec quelqu’un qui appartient à la catégorie que vous honorez le plus !

Or, vous lui proposez maintenant ceux que vous honorez le moins ! De manière naturelle, elle n’est pas d’accord. Ce n’est pas ce qu’elle veut. »

Faire du bien

Une fois, à l’issue d’un repas de fête, le Rabbi Rayats versa du vin de sa coupe de bénédiction à chacun des présents. L’un des ‘Hassidim lui proposa de confier son verre à quelqu’un, afin qu’il distribue le vin à sa place. Le Rabbi Rayats lui répondit :

« Il ne suffit pas de vouloir qu’une personne fasse du bien à une autre. Il faut désirer également faire ce bien soi-même. »

Télégramme

Le Rav Yehouda ‘Hitrik raconte :

« En 5687 (1927), nous habitions à Kharkov, près des parents de mon épouse Keïla, fille du Rav Aharon Tumarkin, qui était le Rav de la ville. C’était un mois après le 12 Tamouz, date à laquelle le Rabbi Rayats avait été libéré des prisons soviétiques. Il s’était installé provisoirement à Malakhovka, un bourg de villégiature proche de Moscou et éloigné des agents du K.G.B. de Leningrad, qui n’avaient pas admis le fait qu’il leur échappe.

Le 12 Mena’hem Av, mon épouse a donné naissance à notre fils aîné et l’accouchement fut particulièrement difficile. La vie de la mère et celle de l’enfant étaient en danger. Je me suis donc rendu à la poste et j’ai adressé un télégramme à mon ami, le Rav Leïb Cohen, qui habitait à Moscou. Je lui ai demandé de se rendre, au plus vite, à Malakhovka et de solliciter la bénédiction du Rabbi Rayats.

Je craignais d’exprimer par écrit ce qui aurait permis d’établir clairement un lien entre le Rabbi et moi. En effet, ceci aurait eu pour conséquence immédiate des poursuites contre moi. Je n’ai donc pas signé ce télégramme. J’ai simplement écrit :
‘Keïla fille de Ra’hel a un accouchement difficile. Bénédiction de miséricorde.’

De fait, le Rav Leïb Cohen a épousé, par la suite, la jeune sœur de mon épouse, la seconde fille du Rav Aharon Tumarkin et il est ainsi devenu mon beau-frère. Il a confié le télégramme à quelqu’un qui se rendait à Malakhovka et celui-ci a remis le télégramme au Rabbi.

Le Rabbi Rayats a pris connaissance du télégramme, il a passé la main sur son front et il a dit :
‘C’est un télégramme de Yehouda ‘Hitrik.’
A cet instant précis est né mon fils Tsvi Hirsch. »

Naissance miraculeuse

Le Rav Chlomo Yehouda Segal, de Jérusalem, descendant en droite ligne de Rabbi Moché, fils de l’Admour Hazaken et son épouse, la Rabbanit Yo’hebed, eurent quelques fils, dans les années qui suivirent leur mariage, puis, pendant une très longue période, la Rabbanit perdait tous les enfants qu’elle portait. Le couple en conçut une peine profonde.

En 5697 (1937), la Rabbanit attendit un enfant, mais les médecins diagnostiquèrent un problème et ils lui dirent qu’elle devait se préparer à le perdre, comme les précédents. Elle adressa alors une lettre au Rabbi Rayats, qu’elle avait rencontré lors de sa visite à Jérusalem, en 5689 (1929). Elle sollicita sa bénédiction pour avoir un enfant en bonne santé.

En réponse, le Rabbi Rayats écrivit une lettre au Rav Chlomo Yehouda Segal, son mari, dans laquelle il accordait sa bénédiction à leur fils aîné, le Rav ‘Haïm Chalom, à l’occasion de sa Bar Mitsva. Puis, il ajouta ceci :

« D.ieu, béni soit-Il, fera que la grossesse de votre épouse se passe bien. La naissance se fera en son temps et elle sera aisée, de la manière qui convient. L’enfant sera en bonne santé. »

C’est ainsi que naquit le Rav Moché Chmouel Shmelké Segal, de Bneï Brak. Par la suite, devenu adulte, il se rendit chez le Rabbi, chef de notre génération, qui lui accorda une audience. Il lui indiqua qu’il était né grâce à une bénédiction de son beau-père et le Rabbi lui répondit :

« A vous s’appliquent les termes du verset : ‘Avant de te créer, dans la matrice, Je te connaissais’. »

Nom céleste

Une fois, le Rabbi Rayats dit :
« Chabbat, viens ici ! »
Nul ne comprit à qui il faisait allusion, jusqu’à ce que le Rabbi Rayats désigne du doigt le jeune homme auquel il faisait allusion.

Le jeune homme s’approcha et le Rabbi Rayats lui indiqua ce qu’il avait à lui dire. Puis, il ajouta ceci :
« Je t’ai appelé Chabbat parce que tu étudies par cœur, actuellement, le traité talmudique Chabbat. Dans les sphères célestes, tu es appelé Chabbat, de ce fait et j’en fais donc de même. »

Par la suite, le Rabbi Rayats dit encore ceci :
« Pour ma part, j’étudie le traité Mena’hot et, dans les sphères célestes, on m’appelle actuellement Mena’hot. »

Silence

Une fois, en 5705 ou 5706 (1945 ou 1946), le Rabbi, chef de notre génération, entra dans la synagogue, se plaça près de la table de lecture de la Torah et il déclara ceci :

« Je reviens de chez mon beau-père, le Rabbi (Rayats) et il m’a demandé de vous transmettre qu’il a eu la visite de son père, le Rabbi (Rachab) et celui-ci lui a posé la question suivante :
‘Comment est-il possible que, dans ta synagogue, on parle pendant la lecture de la Torah ?’. »