Traduit par le Rav Haïm Mellul

Quelques jours avant la fête de Pessa’h 5747 (1987), le Rabbi envoya, en secret, un émissaire au Pakistan musulman. Il précisa qu’il financerait lui-même ce voyage dangereux. Cet émissaire devait disposer de documents attestant qu’il était un commerçant, vendant des tapis et qu’il se rendait au Pakistan pour reconstituer ses stocks. Les autorités pakistanaises lui indiquèrent, quand il sollicita un visa, qu’elles n’étaient pas en mesure d’assurer sa sécurité, mais le Rabbi expliqua qu’il n’y avait pas lieu de s’en affecter.

Le Pakistan compte cent quatre-vingt millions d’habitants. C’est le second pays musulman du monde, par sa taille, après l’Indonésie. C’est aussi l’un des centres du terrorisme. Ben Laden s’y était réfugié, pendant les dernières années de sa vie et les terroristes qui sont à l’origine du massacre, dans le Beth ‘Habad de Bombay, de l’assassinat du Rav Gabriel Holtzberg et de son épouse Rivki, venaient eux-mêmes du Pakistan.

Les terroristes du Pakistan portent aussi la responsabilité de nombreux autres crimes commis dans le monde. Ce sont eux, notamment, qui sont à l’origine de l’assassinat du journaliste juif Daniel Perl.

En 5747 (1987), le Rabbi réalisa une action dans ce pays hostile. C’est elle qui sera décrite ici. Comme c’est souvent le cas, de nombreux détails de ce récit ne nous sont pas encore connus, à ce jour, ou bien ne peuvent être divulgués.

Tout commença un jeudi de 5747 (1987), quelques jours avant la fête de Pessa’h. Le Rav Chalom Dov Ber Hecht transmit à son père, le Rav Yaakov Yehouda, une nouvelle inquiétante. L’un des membres de sa communauté, la synagogue de Forest Hills, venait de recevoir une lettre alarmante du Pakistan.

Celle-ci lui avait été envoyée par son neveu, qui lui indiquait que lui-même et trois cents autres Juifs s’étaient enfuis d’un pays voisin et se trouvaient maintenant à Karachi, au Pakistan, une ville dans laquelle il n’y avait pas un seul Juif. Le neveu demandait donc à son oncle de lui envoyer des Matsot pour être en mesure de célébrer le Séder. Le Rav Yaakov Yehouda Hecht raconte :

« Nous avons aussitôt communiqué cette information au Rabbi et sa réponse fut qu’il fallait trouver quelqu’un, possédant une certaine connaissance des coutumes de cette communauté, qui accepterait de se rendre sur place. Le Rabbi ajouta qu’il financerait lui-même ce voyage, de même que le coût des Matsot ».

Peu après, les Rabbanim Hecht cherchèrent et trouvèrent un jeune élève de la Yechiva qui acceptait de mener à bien cette mission. Le Rav Hecht précise :

« J’ai aussitôt appelé le sénateur Alphonse De Matto afin d’obtenir tous les documents officiels nécessaires à ce voyage au Pakistan ».

L’équipe du sénateur multiplia les appels téléphoniques et tous les documents officiels furent effectivement réunis. Toutes les démarches furent réalisées dans la journée du jeudi et le lendemain, vendredi, le jeune homme devait se présenter au consulat du Pakistan afin d’obtenir un visa d’entrée dans le pays.

Le consulat lui accorda ce visa, mais en précisant aussitôt que les autorités locales ne seraient pas en mesure d’assurer sa sécurité et qu’elles ne pourraient donc pas être tenues pour responsables des dangers auxquels il pourrait être exposé. Le Rav Hecht explique :

« Je me suis aussitôt adressé à Moché ‘Haïmpour, un Juif originaire d’Iran qui avait été très actif pour le sauvetage de milliers d’enfants juifs de son pays, par le Comité pour une bonne éducation, à l’époque de la révolution de Khomeiny. Il s’est aussitôt employé à établir un contact avec ce groupe de réfugiés.

Il a pris contact avec un médecin juif du Pakistan, qui a immédiatement accepté de prendre le groupe en charge, à la fois matériellement et spirituellement. Pour notre part, nous avons acheté quelques kilogrammes de Matsot et du jus de raisin, puisque le vin, comme on le sait, est interdit dans les pays musulmans.

A l’issue du Chabbat, à vingt-trois heures trente, deux jours avant la fête de Pessa’h, notre jeune homme a pris l’avion. Pour qu’il ne puisse être accusé de faire un voyage avec une motivation religieuse et arrêté, ce qu’à D.ieu ne plaise, nous l’avons muni d’un certificat, attestant qu’il était vendeur de tapis et qu’il se rendait au Pakistan pour des raisons professionnelles.

Le Rav Hecht poursuit son récit :

« Le jeune homme parvint à Karachi et la police de la frontière lui demanda s’il avait quelque chose à déclarer. Il répondit par la négative. Le policier lui demanda d’ouvrir ses valises. Il en fit sortir une Matsa et il l’observa, à la lumière,

comme s’il voulait faire ce qui y était caché. A l’issue d’une inspection scrupuleuse, on lui rendit la Matsa et les valises. Il y avait là, à proprement parler, un miracle !

Le jeune homme sortit de l’aéroport et il fut surpris de constater qu’aucun des réfugiés n’était venu à sa rencontre. Par la suite, il apprit qu’il y avait eu une confusion et qu’ils l’attendaient dans un autre endroit. Le jeune homme, quittant l’aéroport, vit un hôtel portant un nom américain et il y loua une chambre. Tout de suite après cela, il partit à la recherche des trois cents réfugiés.

Il découvrit ainsi, que, par peur de la population locale, ces réfugiés s’étaient installés dans des cabanes délabrées, en retrait de la ville. Le jeune homme rencontra le médecin juif et il lui remit les médicaments qu’il avait apportés avec lui, de New York, pour lui permettre de soigner ces réfugiés. Ce médecin le conduisit lui-même chez les réfugiés. Ceux-ci furent très émus, en le voyant et ils s’écrièrent : ‘C’est le prophète Elie !’. »

Le Rav Hecht poursuit son récit :

« La chambre louée par le jeune homme, à l’hôtel, était au huitième étage. Il se dit que, s’il montait par l’escalier, plutôt que par l’ascenseur, pendant les jours de fête, il éveillerait l’attention et pourrait mettre sa vie en danger, ce qu’à D.ieu ne plaise. Il expliqua donc à la réception de l’hôtel qu’il avait un ami logeant au deuxième étage et qu’il aimerait se rapprocher de lui. Sa demande fut satisfaite.

Par la suite, le jeune homme se rendit au marché, il acheta des fruits et des légumes. A l’approche de la fête, il donna des Matsot aux réfugiés qui organisaient leur Seder à part. En effet, il était inenvisageable d’organiser un Séder collectif pour trois cents personnes.

Le jeune homme réunit une trentaine de personnes dans sa chambre d’hôtel, il donna à chacun une Haggadah et le Séder fut célébré, conformément à la Hala’ha et aux coutumes de la communauté de laquelle ces réfugiés étaient originaires. Quand ils se mirent à chanter, il leur sembla qu’ils étaient dans un autre monde. Leur enthousiasme leur fit complètement oublier la situation dans laquelle ils se trouvaient ».

Le Rav Hecht conclut son récit :

« Le matin, ils firent la prière dans la chambre d’hôtel et il est dommage qu’ils n’aient pas disposé d’un Séfer Torah. Le soir eut lieu le second Seder et le lendemain, de nouveau la prière du matin, à l’issue de laquelle tous se mirent à danser. Le premier jour de ‘Hol Ha Moéd, le jeune homme quitta Karachi, accompagné par les réfugiés, qui avaient réellement le sentiment d’être en présence du prophète Elie.

Pour conclure, il s’agissait, en l’occurrence, d’un pays musulman, connu pour son hostilité aux Juifs. Or, quelques centaines de Juifs y étaient réfugiés, venant également d’un pays hostile aux Juifs. Ils se trouvaient dans un endroit où il n’y avait pas de communauté locale et tout ceci se passait quatre ou cinq jours avant la fête de Pessa’h.

Un jeune homme se déclara alors prêt à risquer sa vie pour leur apporter de la Matsa Chemoura, pour célébrer le Seder avec eux. Nous sommes même parvenus à contourner la loi américaine interdisant aux citoyens de ce pays de se rendre au Pakistan. Tout cela s’est fait en deux jours. Le jeune homme a effectué le voyage, il est arrivé en paix et il est reparti en paix.

Il y a là un véritable miracle et ce récit doit figurer dans l’histoire juive comme le miracle du Pakistan, pendant la fête de Pessa’h 5747. Il faut remercier le Rabbi, pour lequel chaque Juif est précieux, y compris celui qui est isolé, à l’extrémité du monde.

Faisant fi de toutes les difficultés, le Rabbi envoie un émissaire particulier, avec de la Matsa Chemoura, afin que ces Juifs puissent célébrer le Seder de Pessa’h et goûter ‘le temps de notre liberté’. »

 L’action du Rabbi de Loubavitch en terre d’Islam Récits et témoignages – Editions du Beth Loubavitch