Par le Rav Haim Mellul

 

Le principe talmudique selon lequel : « l’émissaire d’un homme s’identifie à celui qui le délègue » va bien au-delà de son sens simple. Il implique un effort particulier et de nombreuses précautions. C’est de cette façon qu’une proximité véritable s’instaure entre le Rabbi et celui qu’il délègue. Le Rabbi éprouve une affection et un amour profond pour ses émissaires. Il multiplie pour eux les bénédictions, les forces morales. Il accompagne chacun là où s’exerce sa mission. Le souvenir de l’attention que porte le Rabbi à tous les besoins spirituels et matériels de chaque Juif suffit pour inspirer à l’émissaire une passion pour sa mission.

Ce lien unique entre le Rabbi et son émissaire est source de joie et d’énergie morale. En cette génération orpheline, notamment, alors que le monde évolue dans la pénombre, l’abnégation d’un émissaire du Rabbi reste une source d’inspiration et de lumière pour tout son entourage. La relation privilégiée qu’il entretient avec chaque Juif révèle l’étincelle de Divinité au sein du monde matériel.

Le Rabbi a affirmé que la présente époque est la plus propice pour la révélation messianique. Tous les yeux sont tournés vers ceux qui appartiennent à l’armée du Rabbi, déployée sur le monde entier, ceux qui ont pour unique objectif de mener leur mission à bien et de préparer le monde pour la venue du Machia’h. Si les derniers instants de l’exil sont utilisés de la manière qui a été définie par le Rabbi, si chacun sert D.ieu avec joie et inspiration, il ne fait pas de doute que la délivrance sera immédiate, comme le Rabbi en a fait la promesse.

Etre l’émissaire du Rabbi est incontestablement un titre honorifique, un grand mérite, une immense responsabilité, d’incroyables capacités. Comment s’exprime ce principe selon lequel : « l’émissaire d’un homme s’identifie à celui qui le délègue » et comment intervient-il dans les multiples fonctions d’un émissaire du Rabbi ?

Les derniers Sages s’interrogent sur l’application de ce principe. Signifie-t-il que l’action de l’émissaire doit être attribuée à celui qui le mandate ou bien que cet émissaire est une émanation de son maître ? Le Rabbi considère que l’unité entre lui et ses émissaires, est totale. Dans une causerie du 12 Tamouz 5716 (1956), figurant dans le Torat Mena’hem, tome 17, à la page 66, il explique :

Concernant l’application du principe selon lequel : « l’émissaire d’un homme s’identifie à celui qui le délègue », on peut distinguer plusieurs niveaux. Le plus inférieur est celui de l’émissaire qui offre son action concrète, acquittant ainsi celui qui le délègue de son obligation. Le plus haut est celui en lequel l’homme qui délègue agit lui-même par l’intermédiaire des membres du corps d’une autre personne. On connaît les longs développements définissant ces différents niveaux et les preuves qui sont cités, dans tous les sens.

Néanmoins, les ‘Hassidim ne sont pas limités par les conclusions de la partie révélée de la Torah, quand elles n’ont pas d’incidence sur l’action concrète. Il en est ainsi pour l’exégèse de la Torah. Ainsi, Rachi, commentant le traité Avot, donne une interprétation différente de celle figurant dans les Avot de Rabbi Nathan. De même, dans son commentaire de la Torah, il précise qu’il y a des explications de nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, puis il introduit sa propre lecture.

Cela veut dire que, quand il s’agit d’action concrète, « tout l’assemblée, vous aurez une Loi unique » et : « la Hala’ha est tranchée en son sens », selon un seul avis. Il n’en est pas de même, en revanche, dans les domaines spirituels, ou même en ce qui peut avoir une incidence concrète, tant que la Hala’ha n’a pas été tranchée, « l’un et l’autre expriment les Paroles du D.ieu de vie ». Bien plus, la Torah affirme elle-même qu’un fleuve a des affluents, s’étendant vers des directions opposées et : « chaque tribu avance sur son propre chemin ».

Il en est donc de même pour ce qui fait l’objet de notre propos. Quelle que soit la conclusion adoptée par la partie révélée de la Torah, concernant la mission confiée, selon la Hala’ha concrètement applicable, dans les domaines matériels et même grossiers, la mission, dans sa dimension morale et le principe selon lequel : « l’émissaire d’un homme s’identifie à celui qui le délègue » peuvent s’entendre à un stade beaucoup plus haut.

Cela veut dire que celui qui confie le mandat effectue lui-même le voyage, mais il le fait selon les termes du verset : « elle envoya sa servante », de sorte que : « sa main s’allongea de nombreuses coudées », d’une centaine de coudées, ainsi qu’il est dit : « Je vous conduirai la tête haute ». Et, ces cent coudées tirèrent Moché, notre maître de l’eau. Or, « le premier libérateur sera le dernier libérateur ».

C’est précisément le sens de ce voyage. Tous effectuent le voyage avec celui qui est délégué, mais ils le font de telle façon que leur main s’allonge et ils sont eux-mêmes totalement présents, en cet allongement. De cette façon, ils ont eux-mêmes le mérite de se trouver en cet endroit.

Il y a ici des personnes effectuant un tel voyage et un dixième les rejoindra en chemin. Ils vont effectuer une mission au nom de toute la communauté, plusieurs dizaines de Juifs qui se consacrent à la Torah et aux Mitsvot. Ils emportent avec eux la Lumière et le Luminaire. De la sorte, non seulement ils repoussent l’obscurité, mais, en outre, ils la transforment en lumière.

 

Le lien entre le Rabbi et son émissaire n’est pas une simple source d’énergie et de capacité. C’est, en réalité, l’identité profonde de cet émissaire, bien qu’un effort particulier soit nécessaire pour s’en pénétrer et l’intégrer à son existence quotidienne. C’est ce que le Rabbi explique, dans une causerie du Chabbat Parchat Chemini 5718 (1958), figurant dans le Torat Mena’hem, tome 22, à la page 295 :

De fait, quand est-il possible de déléguer quelqu’un ? Précisément lorsque son attachement à celui qui le délègue est sincère. En revanche, quand il commence à mener sa propre réflexion… Même s’il admet le principe de ce voyage, il n’y aura là qu’un raisonnement personnel, faisant la preuve d’un manque d’attachement.

Il est alors inconcevable de l’envoyer, car lorsque manque l’attachement à Moché, Son serviteur, l’attachement à D.ieu manque aussi et il est, dès lors, impossible de déterminer s’il saura exercer une influence positive sur son entourage. Peut-être le contraire sera-t-il vrai, ce qu’à D.ieu ne plaise. Non seulement il n’aura pas d’influence, mais, bien plus, il sera lui-même influencé par son entourage.

Lorsqu’il est attaché au Rabbi de la manière qui convient, il n’y a pas de risque, car il est également attaché là-haut. Selon le dicton bien connu, quand on est attaché là-haut, on ne tombe pas en bas ». Cela veut dire que, même s’il sert D.ieu d’une façon qui pourrait justifier une chute vers le bas, il est certain, malgré cela, qu’il ne tombera pas et qu’il ne glissera pas, car il est attaché là-haut.

En pareil cas, ce n’est pas lui qui avance sur le chemin, c’est celui qui le mandate, comme si sa main s’allongeait pour faire venir le sauveur d’Israël. A l’inverse, en l’absence de cet attachement, le risque que l’on a dit existe effectivement.

Pour appartenir aux soldats de la maison de David, il est nécessaire que l’attachement soit parfait. Bien entendu, un attachement purement verbal n’est en aucune façon suffisant, ainsi qu’il est dit : « Il le séduisent par leur bouche, mais, par leur langue, ils lui mentent et leur cœur n’est pas en accord avec lui. Ils ne sont pas fidèles à son alliance ». Or, cette alliance est précisément l’attachement.

Il est donc indispensable que l’attachement soit effectif, car c’est avant tout l’action concrète qui importe. Par la suite, on peut également parler. En revanche, se contenter de la parole ne permet pas de s’acquitter de son obligation.

 

La mission confiée conditionne pleinement l’existence de celui à qui elle revient et qui l’assume pleinement. Le Rabbi lui-même l’établit clairement, notamment dans la causerie du Chabbat Parchat Vayakhel 5741 (1981) :

Il doit savoir qu’il est l’émissaire du Rabbi, que cette mission est sa raison d’être, que : « l’émissaire d’un homme s’identifie à celui qui le délègue ». Sa mission peut être définie par l’identification entre l’existence de celui qui est délégué et de celui qui le délègue.

Ainsi, sa tête, son cœur, tous ses deux cent quarante-huit membres et ses trois cent soixante-cinq artères deviennent l’existence du Rabbi qui le délègue et il lui appartient d’atteindre l’objectif de la mission qui lui est confiée.

Il existe pour rapprocher tous les Juifs de la Torah, y compris les nourrissons, ceux qui viennent de naître.

 

Bien plus, le Rabbi souligne qu’il accompagne personnellement ceux qui assument la mission qu’il confie, comme on l’a indiqué. Il prend ainsi lui-même en charge les difficultés auxquelles ceux-ci pourraient être confrontés. De la sorte, l’objectif à atteindre peut être leur seule et unique préoccupation. Dans une causerie prononcée le 12 Tamouz 5710 (1950), figurant dans le Torat Mena’hem, tome 1, à la page 138, le Rabbi explique :

Tous ceux qui prennent part à une mission confiée par le Merkaz Le Inyaneï ‘Hinou’h doivent savoir que le Rabbi les accompagne. Je ne veux pas dire uniquement une partie du Rabbi, car l’essence ne se segmente pas. Je dis que le Rabbi, dans sa totalité, accompagne chacun.

Il faut donc avoir conscience de l’immense responsabilité qui en découle. D’une part, on dérange le Rabbi, si l’on peut s’exprimer ainsi, en faisant en sorte d’être accompagné par lui, en tout endroit où l’on se rend. D’autre part, on doit avoir conscience que, lorsque le Rabbi accompagne quelqu’un, il surveille personnellement chacun de ses mouvements, il vérifie ses efforts pour mener à bien la mission qui lui est confiée. Il est alors nécessaire d’assumer cette mission, de la meilleure façon qui soit.

 

Le Rabbi montre également que la relation entre le Rabbi et son émissaire transcende le temps et l’espace. Elle existe en chaque époque, quelles que soient les conditions. Dans une causerie de la veille de Sim’hat Torah 5727 (1966), figurant dans le Torat Mena’hem, tome 48, à la page 140, le Rabbi explique :

Certains étaient au service de mon beau-père et maître, le Rabbi, de son vivant dans ce monde, l’un dans un domaine, le second dans un autre domaine. Et, ils voudraient bien pouvoir continuer à le faire, à l’heure actuelle.

Or, c’est précisément en assumant la mission confiée par le Rabbi que l’on se met à son service. Le Rabbi est alors présent dans chaque endroit où l’on se trouve, y compris dans un pays lointain, dès lors que l’on y mène à bien cette mission confiée par le Rabbi.

Or, « ceci ne t’est pas inaccessible… ce n’est pas dans le ciel ». Bien au contraire, « la chose est proche de toi… pour la faire », d’une manière concrète. Il peut en être ainsi pour chacun, le Rabbi peut se trouver avec chacun. Il est possible de voir le Rabbi, en état d’éveil et, de cette façon, de voir également nos maîtres et chefs.

 

Le Rabbi explique que le voile de la spiritualité peut occulter la parcelle de Divinité que chacun porte en lui. Ainsi, après que le Rabbi ait quitté ce monde, le 10 Chevat 5710 (1950), le doute a pu se faire jour : y a-t-il lieu de poursuivre l’action ? En fait, ce sont alors les émissaires qui poursuivent l’action de celui qui les délègue et, par leur intermédiaire, le Rabbi est alors encore présent. Dans une causerie du 12 Tamouz 5711 (1951), figurant dans le Torat Mena’hem, tome 3, à la page 214, le Rabbi explique :

Moché, notre maître, voulut que : « tout soit accompli par mon intermédiaire » et il en est de même pour celui qui est l’équivalent de Moché, en chaque génération. Néanmoins, du point de vue du corps, selon la perception des yeux de chair, la matérialité et la grossièreté du monde, on pourrait penser qu’il y a eu un changement, un affaiblissement, en la matière.

On connaît, en effet, le récit des disciples du Baal Chem Tov, auxquels on expliqua que la présence du corps peut avoir pour effet de remettre en cause le maître, ce qu’à D.ieu ne plaise. Combien plus est-ce donc le cas, en la matière, car on ne peut comparer ce qui est : « accompli par mon intermédiaire », après le 10 Chevat 5710, à ce qui l’était avant cela, quand il était encore physiquement présent dans ce monde.

C’est à ce propos que la précision suivante nous est donnée : il n’y a là qu’une épreuve ! Une épreuve est un voile, une occultation, un obstacle, une barrière. Bien plus, la parcelle de sainteté que renferme cette épreuve n’éclaire pas. Il fait donc obscur, au point que la situation elle-même semble être devenue mauvaise.

Malgré cela, écrit mon beau-père et maître, le Rabbi, dans ce discours ‘hassidique, la force nous est accordée de prendre conscience de la vérité, de comprendre qu’il s’agit uniquement d’une épreuve.

Et, le Rabbi explique que c’est précisément là la supériorité de ce dernier exil, par rapport à celui de l’Egypte. Il est dit, en effet, à propos de l’Egypte, que : « ils n’écoutèrent pas Moché à cause de leur esprit étroit et de l’âpre labeur. Dans ce dernier exil, en revanche, la puissance et la détermination nécessaires pour comprendre la vérité, pour avoir conscience qu’il s’agit uniquement d’une épreuve, sont accordées à chacun. Cette situation ne doit donc pas faire obstacle au service de D.ieu.

Il en est de même également pour ce qui fait l’objet de notre propos. On a conscience qu’il n’y a là qu’un voile, qu’une occultation, qu’un obstacle, qu’une barrière. Néanmoins, il est encore nécessaire de : « entendre Moché », de s’en remettre à celui qui est l’équivalent de Moché en notre génération, mon beau-père et maître, le Rabbi, exactement comme on le faisait au préalable.

Bien plus, il faut tirer de cette épreuve une force accrue pour mettre en éveil sa soumission profonde, mais aussi, parce que cela n’est pas suffisant, sa ferme détermination. De la sorte, on ne s’affectera de rien, on assumera la mission qui nous a été confiée et on la mènera à bien. Puisqu’on le demande, il est certain que l’on a la force de ne pas s’affecter, d’accomplir et de réussir tout ce que le Rabbi attendait de nous.

Même si les accomplissements ne sont pas ce qu’ils auraient été, s’ils avaient été accomplis par le Rabbi lui-même, malgré cela, « l’émissaire d’un homme s’identifie à celui qui le délègue ». En outre, la mission peut être assumée de la manière la plus haute, au-delà même de la définition d’une telle mission. De la sorte, on n’est plus uniquement un émissaire, mais, à proprement parler, celui qui délègue.

 

Certains manifestent leur volonté de ne pas être des émissaires du Rabbi, parce que ceci aurait pour conséquence de les séparer physiquement de lui. Mais, en réalité, l’inverse est vrai. Le Rabbi accompagne ceux qu’il délègue. Un ‘Hassid comprend qu’il en est bien ainsi, au sens le plus littéral. Dans une causerie prononcée le Chabbat ‘Hol Ha Moéd Soukkot 5728 (1967), figurant dans le Torat Mena’hem, tome 51, à la page 34, le Rabbi explique, à ce sujet :

D’aucuns refusent le principe de recevoir une mission, parce qu’ils ne peuvent pas envisager de se séparer du Rabbi. En fait, la vérité est la suivante. Le Rabbi accompagne ceux qui prennent part à cette mission. S’ils étaient de véritables ‘Hassidim, il serait bien évident pour eux qu’il en est effectivement ainsi.

 

Grâce à son attachement à celui qui le délègue, l’émissaire du Rabbi reçoit, notamment, toutes les forces nécessaires pour mener à bien ce qui est sa mission essentielle, selon l’affirmation du Rabbi lui-même, la révélation de notre juste Machia’h, lors de la délivrance véritable et complète. Dans une causerie figurant dans le Séfer Itvaadouyot 5752 (1991), tome 1, à la page 296, le Rabbi explique, notamment :

La force de recevoir une telle mission émane, de façon générale, de la première mission qui est présentée par la Torah, celle qu’Avraham confia à Eliézer, le mariage de Its’hak et de Rivka. Lors de cette première mission, Avraham, celui qui déléguait, donna « tout ce qu’il possédait », car c’est uniquement de cette façon que la mission pouvait être menée à bien. Chaque détail devait être pénétré de cette union entre Its’hak et Rivka.

Il en est donc de même, chaque fois qu’un Juif reçoit la mission de servir son Créateur. Celui Qui le délègue, le Saint béni soit-Il lui accorde alors toutes les forces émanant de Son Essence, « tout ce qu’Il possède », si l’on peut s’exprimer ainsi pour que l’âme et le corps s’unissent, dans ce monde matériel.

De cette façon, chaque détail, jusqu’au plus infime, du service de D.ieu du peuple d’Israël, peut être pénétré d’un point unique, le plus central, qui est la finalité ultime, la révélation de notre juste Machia’h, qui marquera la perfection de la mission, l’union totale entre le Saint béni soit-Il et le monde.