Yo’héved, mère de Moïse, d’Aaron et de Myriam, fut, sans conteste, l’une des plus grandes femmes juives de tous les temps. Qu’on y songe un peu : Moïse, qui fit sortir d’Égypte les enfants d’Israël et reçut la Torah sur le Mont Sinaï ; Aaron, qui fut le Grand-Prêtre et le père de tous les Cohanim ; Myriam enfin, qui fut une prophétesse et dont les mérites valurent aux enfants d’Israël d’avoir de l’eau pendant les quarante années que dura leur errance dans le désert ! Quelle mère peut se vanter d’avoir donné le jour à trois enfants si illustres ?
Parlons un peu d’elle et voyons comment et pourquoi elle devint la première des mères en Israël.
La petite-fille de Jacob
Yo’héved était la fille de Lévi, fils de Jacob. Elle naquit juste au moment où Jacob et toute sa maison – qui comprenait aussi Lévi et sa femme – avaient atteint les portes de l’Égypte. C’était en l’an 2238 après la Création. Yo’héved fut la plus jeune parmi les soixante-dix personnes qui composaient la maison de Jacob.
Son père et son grand-père s’occupèrent de son éducation. Nous savons que ce dernier mourut dix-sept ans après son arrivée en Égypte ; elle passa donc dix-sept années en sa compagnie. Elle épousa son neveu Amram, un petit-fils de Lévi.
Quand Yo’héved perdit son père, elle était âgée de 93 à 94 ans. Des douze fils de Jacob, Lévi fut le dernier à mourir. C’était en l’an 2331 ou 2332, qui fut aussi le point de départ des vicissitudes dont allait avoir à souffrir le peuple d’Israël. Les temps étaient troublés, mais l’oppression proprement dite ne commença que trente ans plus tard. C’est alors que le cruel Pharaon ordonna que tous les nouveau-nés mâles des enfants d’Israël fussent mis à mort.
Yo’héved avait pour charge officielle de prendre soin des jeunes mères juives et de leurs nouveau-nés en Égypte. Le penchant très marqué qu’elle avait pour ces derniers ajoutait à l’amour de ce travail pour lequel elle était faite. Elle lui consacrait tout son temps. De plus, sa fille Myriam, bien qu’âgée de cinq ans seulement, faisait de son mieux pour l’aider.
Pharaon manda donc Yo’héved et Myriam et leur signifia qu’il les tenait responsables de l’exécution ponctuelle et précise de son ordre. À ces mots la petite fille releva la tête avec affection et, regardant le roi, agita insolemment l’index devant lui comme pour le mettre en garde. Ce geste inconsidéré lui aurait coûté la vie, n’eût été l’intervention de sa mère. Elle tâcha de minimiser la faute ; que pouvait comprendre une enfant de cinq ans ? Elle plaida tant et si bien que le cruel Pharaon pardonna.
Au péril de sa vie
En quittant le palais, Myriam, inquiète, dit : « Maman, qu’est-ce que nous allons faire ? Tu ne vas pas tuer les petits bébés, n’est-ce pas ? »
– D.ieu m’est témoin, répondit Yo’héved. Notre père Abraham nous a enseigné à aider les gens à vivre, fussent-ils des étrangers. Il a installé des refuges aux carrefours des routes pour que le passant, quel qu’il fût, pût trouver abri et nourriture. Nous allons, au contraire, faire tout ce qui est en notre pouvoir afin que chaque enfant juif ait la vie sauve.
– Mais, s’exclama Myriam, Pharaon nous tuera !
– Eh bien, nous courrons ce risque, même si nous devons le payer de notre vie, dit Yo’héved avec détermination.
À partir de ce jour, la mère et la fille travaillèrent sans relâche. Partout présentes, elles assistaient les jeunes mères juives ; elles ramassaient chez les riches nourriture et layette qu’elles donnaient aux pauvres. Elles étaient infatigables. Leur vaillance ranimait le courage du peuple juif épuisé par les souffrances constantes de l’esclavage. Elles étaient réellement des anges de miséricorde. Aussi D.ieu fut-il bon pour elles et les protégea. Les excuses ne leur firent jamais défaut auprès de Pharaon et leurs vies furent ainsi épargnées.
Mais revenons un peu en arrière. Quand ce cruel décret fut promulgué, Yo’héved et son mari Amram décidèrent de se séparer. « À quoi bon, dirent-ils, fonder une famille si les enfants doivent être jetés à l’eau ? » Mais Myriam dit à son père : « Ce que vous faites là causera plus de mal au peuple juif que Pharaon lui-même. Celui-ci veut détruire les enfants mâles seulement. Tandis que si tous les parents juifs suivent votre exemple – car tu es, après tout, le plus grand et le plus sage de leurs chefs – il n’y aura bientôt plus de peuple juif du tout puisque personne ne voudra plus fonder une famille ! »
La mère du libérateur du peuple juif
Yo’héved et Amram virent que leur petite fille avait raison. « Nous devons faire notre devoir et D.ieu fera le sien », décidèrent-ils. Et ils se remarièrent. Encore une fois Myriam prophétisa : « Je vais avoir un petit frère qui sauvera notre peuple ! » Et encore une fois elle eut rai son. Car bientôt le petit Moïse naquit et toute la maison fut remplie de lumière. Trois ans plus tôt, Aaron était venu au monde ; Myriam avait alors deux ans.
Pendant trois mois, Yo’héved cacha Moïse pour le soustraire aux investigations que les officiers de Pharaon avaient entreprises. Mais bientôt leurs recherches se firent plus rigoureuses ; les mailles se resserraient. Ils se mirent à fouiller l’une après l’autre les maisons juives. À tout moment Moïse pouvait être découvert. Alors, plutôt que de le perdre, Yo’héved se résolut à le confier à D.ieu. Elle fit une petite caisse en jonc, l’enduisit de bitume pour la rendre imperméable, y plaça Moïse et la posa avec sa précieuse charge sur l’eau du Nil parmi les roseaux en priant D.ieu de sauver son fils.
Sitôt qu’elle accomplit son geste, les astrologues de Pharaon crurent que l’enfant qui était destiné à devenir le champion du peuple d’Israël avait été noyé. Il n’était donc plus nécessaire de continuel à jeter à l’eau les nouveaux nés mâles. « Qu’ils vivent, dirent-ils, et qu’ils multiplient le nombre des esclaves de Pharaon. »
Vous savez ce qui arriva après au petit Moïse et de quelle manière il fui sauvé par la fille du roi, Bithya. Myriam guettait, cachée non loin de là. Voyant l’intérêt dont son frère était l’objet de la part de la princesse, elle s’enhardit et approcha. Le bébé pleurait et refusait énergiquement le sein de la nourrice égyptienne à laquelle on avait fait appel. Alors, sans révéler à la fille du Pharaon qui elle était, Myriam lui dit : « Veux-tu que j’aille te chercher une nourrice juive pour l’allaiter ? » « Va », répondit la princesse apitoyée. Myriam courut appeler Yo’héved. C’est ainsi que Moïse fut nourri par sa propre mère sans que personne, en dehors de la petite fille, ne le sût ou même le soupçonnât.
Vous pouvez facilement imaginer les soins dont Yo’héved entoura son petit Moïse. Quand il fut en âge de le comprendre et d’en garder le secret, elle lui dit qu’elle était sa mère. Elle lui apprit à être brave et à risquer sa vie pour sauver ses frères, tout comme elle et Myriam n’avaient cessé de le faire. C’est dans cette atmosphère tonifiante que grandit Moïse pour devenir un grand homme, le plus grand qui ait jamais existé. Et la toute première fois qu’il courut à l’aide de ses frères, il risqua sa vie pour sauver un Juif comme lui des mains d’un cruel contremaître.
Yo’héved, Yehoudiah, la Juive
Yo’héved était également connue sous deux autres noms. Au commencement du livre de l’Exode (Chémot) elle est appelée Chifrah, ce qui veut dire « Belle ». Elle était ainsi nommée à cause des enfants qu’elle rendait beaux et sains grâce aux soins attentifs qu’elle savait leur donner. Dans le livre des Chroniques (Divrei HaYamim) elle est appelée Yehoudiah, la Juive, parce qu’elle risquait sa vie pour sauver son peuple.
Le grand Sage Rabbi Yéhouda HaNassi (qui réunit et arrangea la Loi Orale dans les Six Ordres de la Michnah), parlant de Yo’héved, dit : « Il y eut une femme Juive qui fut la mère de 600 000 enfants. » Et il précise que c’est de Yo’héved qu’il veut parler, elle qui avait donné le jour à Moïse, lequel valait individuellement ce que valait tout le peuple d’Israël qui sortit d’Égypte.
Les Juifs d’Italie avaient l’habitude d’entonner un hymne en l’honneur de Yo’héved le jour de Simhat Torah. Ils chantaient ses louanges le jour de réjouissance consacré à la Torah parce qu’elle fut la mère de Moïse qui reçut de D.ieu cette Torah pour notre peuple.
Yo’héved vécut assez pour voir sa fille Myriam conduire toutes les femmes juives à la louange de l’Éternel après la traversée de la Mer Rouge, ainsi que pour voir ses deux fils Moïse et Aaron recevoir, le premier la couronne de la royauté, et le second celle de Grand-Prêtre. Combien grande fut la joie qui lui vint de ses enfants ! Puissent toutes les mères juives lui ressembler.
par Nissan Mindel
Extrait du mensuel « Conversations avec les jeunes ».