Dans la tradition juive, la prière est souvent comparée à l’offrande de sacrifices, chaque mot prononcé étant comme une offrande sur l’autel du cœur. Cette analogie s’étend au concept mystique du « bûcher », où les forces opposées à la sainteté sont consumées par le feu divin. L’enseignement que nous allons explorer approfondit cette idée en examinant comment le royaume d’Edom, symbolisant les forces qui s’opposent à Israël, s’élève paradoxalement vers les plus hauts niveaux spirituels, seulement pour être finalement consumé par l’intensité de la lumière divine.

הִוא הָעֹלָה עַל מוֹקְדָה עַל הַמִּזְבֵּחַ

« C’est l’holocauste sur le bûcher, sur l’autel »

 

(Cours du Rav Meir David Bergman sur le livre « Lilmod Ei’h Lehitpalel », page 260)

 

Le verset (dans le Sidour – prière de Cha’harit) « C’est l’holocauste sur le bûcher sur l’autel »  (Lévitique chapitre 6, verset 2) est interprété par nos Sages comme faisant référence au royaume d’Edom qui s’élève lui-même. Le royaume d’Edom s’élève, il tire sa force, et c’est pourquoi il est jugé par le feu sur le bûcher. L’holocauste est entièrement consumé par le feu, symbolisant le royaume d’Edom qui tire sa force mais finit par être consumé par le feu.

Un autre midrash raconte que D.ieu a montré à Jacob que l’ange d’Edom s’élève de plus en plus haut. Jacob s’inquiéta, pensant que peut-être il n’aurait jamais de descente (et dominerait toujours Israël). Mais D.ieu le rassura en disant : « Ne crains pas, Jacob mon serviteur. Même s’il s’élève et s’assoit près de moi, je le ferai descendre de là. » Comme il est dit : « Si tu t’élèves comme l’aigle », faisant référence à Edom qui s’élève comme l’aigle, l’oiseau qui vole le plus haut, « de là je te ferai descendre, dit l’Éternel ». Jacob fut alors rassuré, comprenant qu’à la fin, le royaume d’Edom tomberait et la rédemption viendrait pour Israël.

Il faut comprendre pourquoi Jacob s’inquiétait qu’Ésaü ait aussi une ascension. Jacob comprenait que si Ésaü avait une ascension, cela signifiait que sa propre voie n’était pas complète. Mais D.ieu lui dit que non, sa voie était la seule et unique voie, et que le royaume d’Edom finirait par tomber.

Le midrash explique que puisque le royaume d’Edom s’élève très haut, jusqu’à « s’asseoir près de moi », c’est précisément de là que viendra sa chute, qui sera finale et éternelle. Plus l’élévation est haute, plus grande sera la chute. C’est le sens de « sur le bûcher sur l’autel » – D.ieu le fera monter sur le bûcher et il sera consumé par le feu.

Comment le royaume d’Edom a-t-il la possibilité de s’élever si haut, jusqu’à « s’asseoir près de D.ieu ». Et d’autre part, une fois qu’il a réussi à s’élever si haut, pourquoi sa chute viendrait-elle précisément de ce haut niveau ?

L’explication est que ces paroles du midrash traitent du niveau de la couronne (Keter), qui est au-dessus des sept attributs divins (Sefirot).

Dans la couronne (Keter), il y a une révélation divine très élevée, où il n’y a pas de distinction entre le bien et le mal, entre la sainteté et l’impureté. C’est pourquoi Edom, dans son effronterie, peut s’élever et s’approcher de ce niveau, car à ce niveau il n’y a pas de différence entre le bien et le mal.

La particularité du niveau de la couronne (Keter) est qu’il est englobant (Makif), comme une maison qui englobe tous les types de personnes sans distinction, qu’elles soient grandes ou petites, sages ou sottes. Tous peuvent y entrer et y habiter. C’est différent d’un vêtement qui, bien qu’il entoure (Makif) aussi la personne, est taillé selon ses mesures et varie d’une personne à l’autre (Makif Hkarov).

Ainsi, le niveau de la couronne (Keter) permet à tous d’y accéder, sans distinction entre le juste et le méchant, entre le Juif et le non-Juif. C’est pourquoi Edom peut tirer sa vitalité du niveau de Keter, car à ce niveau il n’y a pas de différence entre le bien et le mal.

Cependant, il y a une limite. Edom ne tire sa vitalité que de l’extériorité de l’englobant (Hitsoniout Hmakif) . Dans l’intériorité de l’englobant (Pnimiout Hamakif), il y a une préférence décisive pour la Torah, les Mitsvot et les bonnes actions d’Israël. Car D.ieu désire l’annulation de soi et non l’affirmation de soi. Edom représente l’affirmation de soi, l’arrogance, tandis que Jacob représente l’annulation de soi, l’humilité.

C’est pourquoi, lorsqu’Edom s’approche de ce niveau intérieur (Pnimiout Hamakif), D.ieu le rejette et le fait tomber. C’est le sens du verset « J’ai aimé Jacob et j’ai haï Ésaü ». D.ieu aime Jacob car il représente l’annulation de soi, tandis qu’Il hait Ésaü qui représente l’affirmation de soi.

La chute d’Edom se réalise par la « puissance de l’Ancien » (Gevourah de-Atik). Cette puissance n’est pas une puissance de restriction (Gevourah) comme dans les autres attributs divins, mais une « intensification » de la bonté. Quand cette bonté intense se révèle, l’existence d’Edom, qui est fondamentalement l’arrogance et la mort, s’annule complètement.

Le royaume d’Edom s’élève et tire sa force de cette élévation, mais il sera finalement jugé par « le feu sur le bûcher ». « L’holocauste est entièrement consumé par le feu », symbolisant le royaume d’Edom qui finira par être consumé par le feu.