Yaïr Boro’hov
À l’occasion du 11 Adar, jour de l’Hilloula du Gaon de Rogatchov zatsal, le chercheur sur sa vie, le Rav Yaïr Boro’hov, révèle des annotations du Rabbi sur le livre ‘Tsfonot HaRogatshovi’ et reconstitue une rencontre spéciale lors d’un ‘kos shel bra’ha’ entre le Rabbi et le Rav Moshe Grossberg, auteur du livre.
Aujourd’hui, 11 Adar, marque le jour du décès de Rabbi Yossef Rozin zatsal, connu sous le nom du Gaon de Rogatchov. Comme on le sait, notre Rabbi, le leader de notre génération, était l’un des plus grands penseurs de l’enseignement du Rogatchovi, et s’est même exprimé sur lui-même dans l’une de ses lettres : « Peut-être connaît-il ma méthode [personnelle d’étude]… – selon la voie que le Gaon de Rogatchov a mise en évidence et soulignée. »
Au fil des années, certains se sont consacrés à l’étude de l’enseignement du Gaon et l’ont rendu accessible au public. L’un des premiers et des plus remarquables d’entre eux est le Gaon Rabbi Moshe Grossberg, de mémoire bénie, auteur des livres : « Tsfonot HaRogatshovi », « Tsafnat Paneakh – HaEmek Iyoun » tomes I-II, « Réponses du Gaon de Rogatchov – HaEmek Teshouva ».
Le Rav Grossberg est né en 5679 (1919), a étudié à la Yeshiva Merkaz HaRav et à l’Institut Harry Fischel. Après la création de l’État, il a enseigné au Canada et en Australie. Il a participé à la rédaction des volumes de l’Encyclopédie Talmudique. Il est décédé le 23 Tishrei 5760 (1999).
En 5719 (1959), après l’impression de son livre ‘Tsfonot HaRogatshovi’, le Rabbi a envoyé une lettre au Rav Grossberg. Dans cette lettre, le Rabbi s’exprime sur le Rogatchover avec des expressions très rares, et voici ce qu’écrit le Rabbi :
« …זה מזמן רב היתה תועלת הכי גדולה בפרסום תורתו של הגאון הרגצובי, אשר בצדק י »ל עליו, חד מן קמאי במעוף הסברא שלו לא פחות מאשר בבקיאותו ».
« …Depuis longtemps, il y avait un très grand intérêt à diffuser l’enseignement du Gaon de Rogatchov, dont on peut dire à juste titre qu’il est l’un des grands anciens dans l’envol de son raisonnement, pas moins que dans son érudition ».
Le Rabbi poursuit et se plaint du fait que l’enseignement du Gaon n’est pas connu parmi les étudiants de la Torah :
« וחבל אשר גם עתה עדיין אין ידוע בתוככי לומדי תורה בעיון, הון העצום הגנוז בספריו ובמכתביו מאירות עינים ופותחין דרכים נתיבות ושבילים להבנת עניני תורה… ».
« Et c’est dommage que même maintenant, l’immense trésor caché dans ses livres et ses lettres qui éclairent les yeux et ouvrent des chemins, des voies et des sentiers pour comprendre les sujets de la Torah, ne soit toujours pas connu parmi les étudiants de la Torah qui étudient en profondeur… ».
Le Rabbi ajoute et souligne un point supplémentaire dans l’enseignement du Rogatchover:
« ונקודה מיוחדת, אשר ביטל המחיצה שהעמידו בתורה אחת שלנו בין הענינים שבהלכה לשאר חלקי התורה, נוסף על המחיצה בין הנגלה דתורה והפנימיות דתורה… ».
« Et un point particulier, c’est qu’il a supprimé la barrière qu’on avait établie dans notre Torah unique entre les sujets de la hala’ha et les autres parties de la Torah, en plus de la barrière entre la partie révélée de la Torah et la partie profonde de la Torah… ».
Suite à ces paroles, il convient de mentionner ce que le Rav Grossberg a raconté sur sa rencontre avec le Rabbi : « Lorsque je suis entré une fois chez le Rabbi et que je lui ai apporté mes lettres sur le Rogatchovi (je crois que c’était en 5722/1962), j’ai osé lui dire que l’on ne trouve pas chez les grands d’Israël une combinaison du niglé (la partie révélée) et de la philosophie de la Torah comme chez le Rogatchovi, qui a pour habitude de les combiner au point d’intégrer des concepts philosophiques dans la Torah…
Le Rabbi a réagi en disant : Il y a déjà eu quelqu’un avant le Rogatchover l’Admour le ‘Tsema’h Tsedek’ dans son livre ‘Derekh Mitsvotekha’. J’ai dit au Rabbi : Je n’ai pas vu ce livre du ‘Tsemakh Tsedek’, mais j’ai remarqué ce point dans les sihot (causeries) du Rabbi, où l’on voit la combinaison du niglé et du nistar (révélé et caché). Le Rabbi a répondu : Je porte le nom du ‘Tsema’h Tsedek’ et donc je m’efforce de suivre ses voies. »
Page de titre de ‘Tsfonot HaRogatshovi’ avec le tampon de la bibliothèque du Rabbi, ainsi qu’une page du livre, sur laquelle le Rabbi a fait deux annotations de sa sainte main
Dans le livre ‘HaEmek Iyoun’ tome I du Rav Grossberg, publié en 5738 (1978), figure une longue lettre du Rabbi, contenant des remarques sur des pages du livre qu’il avait envoyées au Rabbi un an auparavant.
Dans sa lettre au Rav Grossberg, le Rabbi écrit :
« ותשואות חן על הנחת רוח מהראי’ הכללית – בההערות וציונים לתורתו של הגאון הרגצבי שמכין להוציא לאור בקרוב ממש, וזכות הרבים מסייעת, וגם להזירוז בכל האפשרי ».
« Et merci pour la satisfaction de la vision générale – dans les notes et références à l’enseignement du Gaon de Rogatchov que vous préparez pour publier très prochainement, et le mérite du public vous aidera, ainsi qu’à accélérer tout ce qui est possible ».
À la fin de la lettre, le Rabbi a écrit de sa sainte main : « Ci-joint – participation à la publication », faisant référence à une somme d’argent que le Rabbi a jointe à la lettre, comme participation aux frais de publication du livre.
Il est intéressant de voir que dans le livre « Tsfonot HaRogatshovi » qui se trouve dans la bibliothèque du Rabbi, il y a des marques de la sainte main du Rabbi dans les marges, où le Rabbi corrige des références aux sources que l’auteur a écrites (ces erreurs ont été corrigées dans la deuxième édition).
Selon la rumeur – dont je n’ai pas pu vérifier la fiabilité – le Rav Grossberg a également rendu visite au Rabbi lors d’une distribution de ‘kos shel bra’ha’ (coupe de bénédiction) une certaine année. Le Rabbi a parlé avec le Rav Grossberg pendant plusieurs minutes (tout en continuant entretemps la distribution du kos shel bra’ha) sur certains sujets écrits dans son livre et a dit (les mots ne sont pas exacts) :
« Je ne suis pas d’accord avec plusieurs sujets et conclusions qu’il a écrits dans son livre. (Ici le Rabbi a élevé sa sainte voix) Il est écrit explicitement le contraire dans les livres du ‘Tsema’h Tsedek’. Et il est mon grand-père, donc je dois prendre son parti. »
Concernant l’une des conclusions du livre, le Rabbi a dit : « Chaque chose chez le Rogatchovi est conforme à ‘sa méthode’, et cette conclusion n’est pas conforme à ‘sa méthode’ dans l’enseignement du Rogatchovi ! »