Monsieur le Grand Rabbin, Monsieur le Rabbin, Cher ami, Nous avons appris avec une grande tristesse le décès survenu ce matin à Jérusalem du Grand Rabbin René-Samuel Sirat zal, Grand Rabbin de France de 1981 à 1988, ancien Rabbin à Clermont-Ferrand et à Toulouse. Président fondateur de l’Institut universitaire européen Rachi de Troyes, il a œuvré tout au long de sa carrière pour la diffusion de l’hébreu en France. Professeur à l’INALCO, il a dirigé la chaire d’études juives et hébraïques de 1968 à 1996 et a été un acteur important du dialogue interreligieux. Nous savons tous ce qu’il a apporté au judaïsme français en termes de fidélité à la halakha et d’ouverture vers Israël. A titre personnel, j’avais été le voir et avais mesuré combien il tenait à faire reconnaître l’hébreu comme une part du génie français. Il était ma mémoire des grands rabbins Rahamim Naouri zal et Emmanuel Chouchena zal nos maitres et nous conserverons pieusement son souvenir. L’enterrement aura lieu dimanche à Jérusalem. Vous pouvez adresser vos messages de condoléances à l’adresse suivante: [email protected] Que l’Eternel apporte la consolation à la famille endeuillée. Avec mon amitié fidèle. Chabbat chalom Haïm Korsia

 

René-Samuel Sirat, né le 13 novembre 1930 à Bône (l’actuelle Annaba) en Algérie française, rabbin et professeur (notamment de 1968 à 1996 à l’INALCO où il dirige la section d’études hébraïques et juives de 1965 à 1992), devient grand-rabbin de France de 1981 à 1988, puis grand-rabbin au Consistoire central.

René-Samuel Sirat est le fils de Ichoua Sirat et de Oureida Atlan. Ses deux frères ont été assassinés : l’un a été tué par un chauffeur ivre près des Champs-Élysées, et l’autre, Edmond Baruch Sirat, a été tué en janvier 1962, durant la guerre d’Algérie, alors qu’il sortait de la synagogue à Constantine un vendredi soir.

Il a trois enfants – Helène, Gabriel et Annie – de son premier mariage avec Colette Salamon, qu’il a divorcé en 1973. Il s’est remarié avec Nicole Holzmann en 1978. Après sa retraite, il a fait son aliyah à Jérusalem en Israël.

Biographie : En 1952, il est devenu rabbin à Clermont-Ferrand, puis à Toulouse.

René-Samuel Sirat a été nommé co-modérateur de la Conférence mondiale des religions pour la paix. Il a participé à la première rencontre des religions pour la paix à Assise en 1986, aux côtés de Jean-Paul II.

En 1997, il a appelé à l’abolition du scrutin proportionnel plurinominal en Israël.

En 1999, il a participé avec Joseph Ratzinger, futur Benoît XVI, à la création de la Fondation pour la recherche et le dialogue interreligieux et interculturels à Genève, par le Patriarcat œcuménique.

En 2000, il a sollicité l’attention de Bill Clinton pour la création d’une Faculté de la religion du Livre à l’Université France du Maroc.

René-Samuel Sirat est directeur fondateur de la Chaire Unesco « Connaissance réciproque des religions du Livre et enseignement de la paix ».

Il est président fondateur de l’Institut universitaire européen Rachi de Troyes, qu’il a initié avec Robert Galley, maire de Troyes de 1972 à 1995, et auquel il a fait don en 2017, de sa bibliothèque talmudique.

Il soutient le projet Aladin de l’Unesco.

Membre du Consistoire central israélite de France et président d’honneur d’Artisans de Paix depuis sa création en 1994, René-Samuel Sirat préside l’Académie Hillel.

 


Le Grand Rabbin René Sirat et le Rabbi de Loubavitch (au 770 après Maariv – Sivan 1985)



Le Grand Rabbin Sirat sur Akadem (2020)



Le Grand Rabbin Sirat sur Radio Qualita (2018)


 

 


Interview sur le Grand Rabbin Sirat (Le P’tit Hebdo)


 

Comment est née chez vous la vocation de Rabbin et d’éducateur ?

Grand Rabbin René Samuel Sirat : J’ai suis né à Bône, près de Constantine et j’ai été élève au Talmud Torah du Grand Rabbin Rahamim Naouri, z »l. Ce fut un privilège, tous ses élèves lui doivent beaucoup.

En 1945, j’avais alors 15 ans, nous avons appris l’horreur de la Shoah en Europe. Nous savions que les Juifs étaient voués à un triste sort, mais nous n’imaginions pas à quel point. Le Grand Rabbin Naouri m’a convoqué, avec son fils Shaoul et Emmanuel Chouchena. Il nous a fait part du choc qu’a été cette prise de conscience du drame de la Shoah et ce que cela impliquait sur la communauté juive de France. Tout était à reconstruire. Il nous a alors confié une mission : partir étudier à la yeshiva d’Aix-Les-Bains, y passer notre bac puis aller au séminaire rabbinique à Paris. L’objectif qu’il nous avait fixé était de rendre à la communauté juive de France ce qu’elle avait donné aux Juifs d’Algérie, en l’aidant à se remettre sur pied après la Shoah.

Mes parents ont d’abord eu du mal à accepter l’idée de laisser partir si loin leur petit dernier. Mais le Grand Rabbin Naouri a su se montrer convaincant.

Vous avez donc suivi la mission qui vous avait été confiée.

Oui, après avoir obtenu notre bac, nous avons tous les trois intégré le séminaire rabbinique et avons entamé une carrière de rabbin. Pour ma part, j’ai été d’abord nommé à Toulouse où j’ai exercé entre 1950 et 1956 avant de rejoindre la capitale où je suis devenu directeur de l’enseignement religieux.

En effet, on peut dire que vous êtes un rabbin mais surtout un enseignant ?

Le métier d’enseignant est, à mon sens, le plus beau métier. J’en ai donc fait parallèlement à mes fonctions religieuses, une de mes activités principales. J’ai commencé par étudier la littérature à la Sorbonne. Puis lorsqu’André Neher a obtenu la création d’une chaire de langue et littérature hébraïques, j’ai préparé avec lui une licence, une maitrise et un doctorat.

Ensuite, avec le Professeur Neher, nous avons fondé le centre de formation des étudiants juifs afin de leur donner au-delà des fondamentaux spirituels, une culture juive : histoire, sociologie, littérature comparée. Lorsqu’André Neher a fait son alya, j’ai pris la tête de ce centre.

J’ai également été professeur à l’INALCO, poste que j’ai continué à occuper lorsque j’étais Grand Rabbin de France. J’ai beaucoup œuvré, pendant ces années, pour que l’hébreu obtienne un statut identique aux autres langues vivantes enseignées dans les écoles et universités françaises. J’ai obtenu auprès du ministère de l’éducation la création du CAPES et de l’agrégation d’hébreu. J’en ai même été président du jury.

Alors que vous êtes Grand Rabbin de France, en 1986, vous participez à la première rencontre des religions pour la paix, à Assise, avec le Pape Jean-Paul II. Ce rapprochement inter-religieux, avec les Chrétiens mais aussi les Musulmans, vous est cher. Pourquoi ?

La situation des Juifs et d’Israël me préoccupent au plus haut point. Ce rapprochement inter-religieux entre dans ce souci. En effet, dans un contexte où Israël est décrié, où la haine se développe, il est, à mes yeux, l’un des meilleurs moyens pour développer la fraternité et calmer le jeu. Ce n’est qu’ainsi que nous parviendrons à créer une vie de paix, de bonheur et de joie pour tous.

Vous sentez-vous suivi dans cette opinion?

Il s’agit d’un domaine où on ne peut pas forcer la main. A la base de cette vision du monde, se trouve la volonté des hommes. Cela doit être un élan du cœur. En Israël et en France, on trouve des Rabbins qui poursuivent ce chemin et on peut dire qu’à leur échelle, il rencontre un certain succès. Au niveau des fidèles des différentes communautés aussi, sur le terrain, on peut constater le développement de ce dialogue qui ne peut qu’être positif pour nous tous.

Pour ma part, les liens que j’ai noués à l’époque où j’étais en activité, ne se sont jamais défaits. L’arabe étant ma langue maternelle, j’entretenais des relations avec les dignitaires du monde musulman. Il y quelques jours, j’ai reçu les vœux du Prince Hassan, qui était vice-roi de Jordanie. Je suis aussi resté ami avec Jean-Paul II. J’ai fait partie des Rabbins qui l’ont accompagné au Kotel.

Avec le recul que vous avez aujourd’hui, pensez-vous que ce dialogue a porté ses fruits?

Nous sommes encore, malheureusement, dans une période de guerre et de haine. Mais je suis convaincu que Dieu nous enverra le bonheur suprême, c’est-à-dire, la paix. Je reste optimiste.

Quel lien aviez-vous avec Israël avant votre alya?

Déjà en Algérie, j’appartenais au Bné Akiva et je militais pour Israël. Je l’ai toujours porté dans mes pensées et dans mes actes lorsque j’exerçais mes différentes fonctions. Mon fils Gabriel a voulu faire sa bar mitsva au Kotel. A la fin de la cérémonie, il nous a annoncé qu’il ne rentrerait pas en France. Ses deux sœurs l’ont suivi peu de temps après. Pour ma part, j’avais des responsabilités et dès que j’ai pris ma retraite, après 62 ans de vie rabbinique en France, nous nous sommes installés à Jérusalem avec mon épouse.

Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris que vous étiez le lauréat 2019 du prix israélien pour l’éducation toranique en Diaspora ?

J’ai été surpris et très ému. Cela fait maintenant plusieurs années que j’ai cessé toutes mes activités, je ne m’y attendais plus. C’est un grand honneur pour moi.

Quel message souhaiteriez-vous transmettre à la communauté juive aujourd’hui et aux futures générations ?

J’espère que les contacts entre les communautés juives de Diaspora et celle d’Israël continueront à se développer ainsi que les contacts entre les religions. Je prie pour que Dieu nous envoie le Machiah qui nous apportera la paix et la fraternité totales.

Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay 

 

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