Par le Rav Yaacov Abergel

Avec un certain recul je réalise pour l’avoir vécu l’enseignement du Rabbi selon lequel on doit « aimer un Juif que l’on ne connait pas ». C’était tard dans la nuit, je me levais pour ouvrir la porte à mon épouse qui revenait d’une Hitvaadout à Kfar ‘Habad. Son visage était lumineux et souriant, et lorsque je lui demandai des détails de cette soirée dont la douce lumière reflétait sur son visage elle me tendit son téléphone et me fit voir une vidéo qu’elle avait filmée. Je regardai quelques extraits et tomba en arrêt en écoutant parler Mme Haya Nisselevitch qui disait avec une détermination et une force peu commune que « les femmes françaises n’avaient pas fait l’Alya par peur de l’antisémitisme. Elles n’avaient pas fui la France par peur d’affronter tout ce qui peut être un obstacle à une vie basée sur la Torah et les Mitsvoth. Non, ce n’était pas pour cela, elles étaient venues en Israël pour insuffler à la Terre, l’esprit de la Révolution française dans le domaine de la sainteté selon les directives et les enseignements du Rabbi ».

Je fus impressionné par ces propos. Peut-être que pour certains ils se fondaient dans la richesse du discours de Mme Nisselevitch mais à mes yeux ils avaient quelque chose de nouveau. Ils exprimaient un attachement au Rabbi particulier. Les paroles du Rabbi suivaient un chemin qui les menait à des pensées des paroles et des actions concrètes. Ces paroles ne restaient pas enfouies dans les livres ni dans l’esprit de Mme Nisselevitch qui les avait entendues. Le Rabbi les avait exprimées et elle les exprimaient à son tour à toutes les femmes présentes en éveillant dans leurs cœurs le désir de la Délivrance et du dévoilement du Machia’h.

Aussi, quelle ne fut pas ma surprise en apprenant que le Rav Eliézer Nisselevitch et son épouse « Mora-‘Haya » se trouvaient à présent chez ma mère qui les recevait pour la nuit à Jérusalem. Le lendemain je me rendais avec mon épouse à leur rencontre. C’était la première fois que je rencontrai le Rav Eliézer.

Avec une certaine crainte de me trouver en présence de tels Chlou’him du Rabbi je dis timidement bonjour en entrant dans la pièce où se trouvaient le Rav Eliézer, son épouse et leur fils qui était venu leur rendre visite. Quand il me vit le Rav Eliezer s’approcha de moi, m’embrassa, me prit les mains et commença à chanter et à danser avec moi. Tout en dansant je regardai son visage et commençai à peindre mentalement son portrait. Le portrait d’un ‘Hassid du Rabbi qui chante et qui danse au petit matin avec un juif qu’il voit pour la première fois. Difficile de ne pas penser au Baal Chem Tov qui nous enseigne « d’aimer un Juif que l’on ne connait pas » ou de ne pas penser au chapitre 32 du Livre du Tanya de l’Admour Hazaken dans lequel il est dit que du fait que l’Essence de l’âme de chaque Juif est enracinée dans l’Essence divine nous sommes tous des frères. En fait, qu’il s’agisse d’un Niggun ou d’une danse, ou des deux à la fois, ils vous emportent vers la Délivrance, vers la vie véritable.

L’Admour Hazaken définit le chant comme la plume du cœur et le Rabbi Rachab écrit que « chaque serrure a une clé qui lui est propre, mais un serrurier possède un passe-partout qui lui permet d’ouvrir toutes les portes, le chant est ce passe-partout ».

Le Rav Eliézer possédait ce passe-partout qui ouvre les portes. Toutes les portes. Il doit certainement tenir cela de ses parents, de son attachement au Rabbi et à l’évidence de son étude de la ‘Hassidout et de la tradition des ‘Hassidim ‘Habad.

Peu après, j’exprimais à son épouse ma surprise et ma satisfaction pour avoir entendu les propos qu’elle avait tenu la veille et à cela elle me répondit : « évidemment ! »

Insuffler l’esprit de la Révolution française dans le domaine de la sainteté en Israël était pour elle une évidence, une réalité que l’on devait faire exister à tout moment de notre vie. Quand il entendit la réponse de son épouse le Rav Eliézer éclata d’un rire que je n’oublierais jamais. C’était un rire qui était rempli de toute la reconnaissance et de toute l’admiration qu’il avait pour son épouse.

En une seule rencontre le Rav Eliézer m’ouvrit de nouvelles portes, et quelques années plus tard lors du Kinous-ha-Chlou’him, lorsque je le rencontrais une seconde fois, il m’en ouvrit d’autres encore. Pendant la nuit de Chabbat je me trouvais attablé parmi tous les Chlou’him dans une immense salle. Lorsque je le vis s’approcher de moi vers la fin du repas. Il me proposa de l’accompagner à un Farbrenguen avec son fils qui était avec lui.

Sans hésitations je me levai et nous nous rendîmes au Farbrenguen. Après avoir quitté le Farbrenguen, nous avons marché assez longtemps ensemble dans les rues de Crown-Heights. Je ne me souviens plus à présent de tout ce qu’il m’a dit. Je ne me souviens que de l’impression qu’il me faisait. Je garde l’image de son bras qui prit le mien et le garda tout en marchant et tout en me parlant.

Il y a une seule chose dont je me souviens, une chose qu’il m’a dite peu avant de me quitter. Il m’a dit que je devais toujours m’asseoir au Farbrenguen et que de cette façon mes enfants se marieraient sans difficultés aucune. C’est la dernière chose que j’ai entendu de lui. Mais je suis certain que toutes les paroles qu’il m’a dites, toutes ces paroles que je suis incapable de retransmettre à présent vivent en moi et m’influencent jusqu’à aujourd’hui, car comme l’a dit le Rabbi : ‘les paroles dites avec le cœur pénètrent dans le cœur et y font leur effet’.