Chaque fête possède ses particularités et Pessa’h ne fait pas exception à la règle. Il en va tout spécialement de la sorte quand le premier jour de Pessa’h tombe Chabbat, comme c’est le cas cette année.

 

La Guemara stipule (Roch Hachana 29b) que nous ne sonnons pas du Choffar lorsque Roch Hachana tombe Chabbat car « tout le monde est obligé de sonner le Choffar mais tous ne savent pas comment… Il a [donc] été interdit [de sonner du Choffar quand Roch Hachana tombe Chabbat] car il [celui qui ignore la manière de sonner le Choffar] risque de l’apporter [le Choffar] chez un expert pour apprendre [comment le faire sonner]. Et ce faisant, il le portera quatre coudées dans le domaine public, transgressant par là-même un interdit de la Torah. »

Les Sages s’interrogent : selon le raisonnement qui précède, il devrait également y avoir un décret interdisant de manger de la Matsa et du Maror, de boire les quatre coupes de vins et de réciter la Haggada, quand le premier jour de Pessa’h est Chabbat ! En effet, il y a bien plus de lois détaillées concernant les commandements de Pessa’h que ceux du Choffar, et il ne fait aucun doute que nous devrions craindre qu’une personne non versée dans ces lois apporte ces aliments de Pessa’h chez un expert, traversant le domaine public, le Chabbat.

Certains répondent que des hommes érudits dans ces lois se déplaçaient, à Pessa’h, et se rendaient chez ceux qui n’étaient pas familiers avec ces lois pour diriger leur Séder et réciter pour eux la Haggada. Ainsi, il n’y avait aucune inquiétude que des personnes ignorantes se rendent chez un expert et portent, par inadvertance, dans le domaine public, car c’est l’expert qui se rendait chez elles.

Mais cette réponse nous laisse perplexes. Il est évident que certains étaient gênés de reconnaître qu’ils ne connaissaient pas ces lois, auquel cas, aucun expert ne se rendait chez eux. Subsistait donc toujours le risque qu’ils se rendent subrepticement chez l’un de ces Sages pour apprendre les lois… et donc en arrivent à porter le Chabbat.

En outre, une autre question est soulevée dans de nombreux discours ‘hassidiques. Pourquoi, en fait, nos Sages mettent-ils de côté un commandement positif de la Torah : celui de sonner le Choffar, simplement à cause de la possibilité que quelqu’un en vienne à transgresser le Chabbat ?

La conclusion de ces discours est que lorsque Roch Hachana tombe Chabbat, il n’est pas nécessaire que l’on sonne du Choffar, car tout ce qui est accompli (depuis la destruction du Beth Hamikdach, le Saint Temple de Jérusalem) par la sonnerie du Choffar se fait tout seul, par le jour du Chabbat en lui-même.

Mais cela demande également à être éclairci. Dans la loi juive, il y a un principe absolu selon lequel, dans certaines situations, nos Sages peuvent effectivement mettre de côté quelque chose de la Torah. Pourquoi donc la question se pose-t-elle (Pourquoi ont-ils mis de côté…) ?

L’explication en est la suivante : dans Son infinie Bonté, D.ieu renouvelle constamment la création. Le but et l’intention de ce renouvellement perpétuel s’accomplissent grâce à l’interaction du Peuple juif et de la Torah, les Juifs observant les commandements dont la Torah les a missionnés.

Puisque tout le but de la création est de permettre au Peuple juif de pouvoir observer la Torah, il est donc inconcevable que quelque chose qui existe dans la création vienne empêcher un Juif d’accomplir le commandement requis par D.ieu.

Si, comme on le pensait à l’origine, il existe réellement une obligation de sonner du Choffar à Roch Hachana, le Chabbat, rien ne peut venir justifier une annulation de ce commandement sous prétexte que « peut-être il portera. » Si c’était le cas, cela reviendrait à dire que D.ieu a créé le monde de telle manière qu’il peut être impossible d’accomplir la Mitsva du Choffar lorsque Roch Hachana tombe Chabbat !

Mais étant donné que nos Sages acceptent malgré tout la possibilité qu’ « il le portera », comme justification pour statuer que lorsque Roch Hachana tombe Chabbat, on ne souffle pas du Choffar, force nous est donc de conclure, dit la ‘Hassidout, que lorsqu’une telle situation se présente, nous n’avons pas besoin de sonner le Choffar, car ce qui est accompli d’ordinaire par ce son l’est alors par le Chabbat lui-même.

Nous devons donc comprendre que la raison de ce type de décret ne s’applique pas à Pessa’h qui tombe Chabbat. Ce que l’on parvient à accomplir en mangeant la Matsa et le Maror, en buvant les quatre coupes de vin et en récitant la Haggada est unique et ne peut donc être accompli par le jour du Chabbat lui-même. Il faut ainsi observer ces commandements même lorsque Pessa’h tombe Chabbat.

Cela souligne, en outre, une autre caractéristique de Pessa’h : sa sainteté est telle que durant cette fête, nous ne devons pas nous soucier du risque que quelqu’un puisse, par inadvertance, pécher et « porter ». La sainteté de Pessa’h elle-même assure une juste observance du Chabbat. La Sidra de la semaine