Le commerce et la transformation de la matière
(Discours du Rabbi, Chabbat Vayéchev, 20 Kislev 5717-1956)
1. Commentant le verset: «et Yaakov s’installa dans le pays où avait résidé son père, celui de canaan», le maguid de mézéritch explique que Yaakov était, en fait, retenu dans ce pays, se trouvant lié à sa matérialité. Pourquoi cela? Afin de rassembler les parcelles de sainteté qui se trouvaient dans ses objets matériels et de les élever vers «son Père», vers D.ieu.
Un tel séjour dans le pays constituait, certes, une chute, pour Yaakov. Mais, celle-ci n’était que momentanée et elle lui permit de recevoir une élévation considérable élévation.
C’est pour cela qu’il est ici question de canaan, terme qui, étymologiquement, désigne un commerçant, ainsi qu’il est dit: «il n’y aura plus de commerçant (Kenaani) dans la maison de D.ieu». La pratique commerciale veut que l’on investisse pour réaliser un profit et c’est à ce propos qu’il est dit: «on peut disséminer et rassembler encore plus».
2. Il découle un enseignement de ce qui vient d’être dit.
Un Juif ne doit pas systématiquement rechercher de grandioses réalisations. Son but est de rassembler, de transformer et d’élever les parcelles de sainteté qui se trouvent dans les objets matériels.
Pourquoi doit-il agir de la sorte? il le fera pour «son Père», Qui se trouve dans les cieux. Nos Sages constatent que «les Juifs sont comparés à des abeilles, qui rapportent à leur maître tout ce qu’elles butinent. De même, toutes les actions des Juifs sont consacrées à leur Père Qui se trouve dans les cieux». Ils ne Le servent pas pour en tirer une rétribution, matérielle ou spirituelle. En fait, servir D.ieu est une fin en soi.
comment les Juifs peuvent-ils servir D.ieu de manière désintéressée? ils y parviennent en s’employant à réaliser les objectifs les plus modestes. Et, mon beau- père, le rabbi, souligne que l’intégrité de simples Juifs les relie directement à l’essence de D.ieu. La simplicité de leur service a le même effet.
La soumission à D.ieu est si importante que les Juifs, parce qu’ils la possèdent, sont appelés «les armées de D.ieu». Cette soumission est, précisément, le caractère d’un soldat.Tel est donc le sens du verset: «et Yaakov s’installa dans le pays où avait résidé son père». Afin de découvrir «son Père» Qui se trouve dans les cieux, de Le servir d’une manière désintéressée, il s’installa dans le pays et y réalisa d’humbles travaux, de la manière la plus modeste. De la sorte, il était certain de se départir de tout intérêt personnel et de s’attacher à «son Père».
Telle est la leçon que délivre notre ancêtre Yaakov. Celui-ci avait transformé la matière du monde, s’était rendu à ‘haran, avait gardé le troupeau de Lavan, travaillé très dur, ainsi qu’il est dit: «J’étais exposé à la chaleur, pendant le jour et au froid, durant la nuit. Le sommeil quitta mes yeux». Il cumula l’effort éreintant et la souffrance physique.
L’Admour hazaken voit, dans ce récit, la preuve que l’homme, même s’il ne possède aucun droit sur son propre corps, ne peut pas lui imposer les sévices ou la douleur, puisqu’il appartient à D.ieu et non à lui, n’en conserve pas moins la possibilité de le placer en condition difficile, lorsque cela est nécessaire, par exemple pour gagner de l’argent, ce qui, dans la dimension spirituelle, correspond aux actes assurant la transformation du monde matériel.
Yaakov aurait pu s’insurger: «Pour quelle raison devrais-je me rendre à ‘haran?». Certes, Yaakov et esav ne pouvaient se trouver tous les deux dans un même endroit. Mais, n’était-il pas possible de demander à esav de quitter Beer cheva et de l’envoyer à ‘haran? N’était-il pas préférable que Yaakov reste à Beer cheva, où se trouvait la maison d’étude de chem et ever?
Or, Yaakov ne posa aucune question. Avec soumission, il partit mener à bien la mission qui lui était confiée, celle de transformer la matière du monde. Et cette soumission ne fit nullement obstacle à sa joie et à son entrain, ainsi qu’il est dit: «et Yaakov leva les pieds».
De la sorte, non seulement Yaakov ne subit pas la chute, mais, bien plus, tous ses enfants furent intègres et il put multiplier les accomplissements positifs.
C’est en ce sens que la racine étymologique du terme canaan désigne un commerçant. Car, Yaakov tira un «profit» de cette activité. Il put libérer toutes les parcelles de sainteté enfermées chez Lavan et même chez esav. Bien plus, il attira une lumière céleste autour de ce dernier, grâce à laquelle «il l’embrassa» de tout son coeur.
De fait, Canaan désigne le commerce, au sens physique et, grâce à cette activité, Yaakov devint immensément riche, infiniment plus qu’auparavant.
4. Il y a là un enseignement pour chaque Juif. Il est dit que «Yaakov s’installa dans le pays où avait résidé son père, celui de canaan». Ainsi, «on peut disséminer et rassembler encore plus», de sorte que la chute qui en résulta pour lui fut source de richesse, spirituelle et matérielle à la fois.
Et, il en est ainsi «jusqu’à ce que je rejoigne mon maître, à Séir», car la transformation de la matière du monde, avec soumission et enthousiasme, met en évidence la quintessence de l’âme et révèle le machia’h personnel. C’est ainsi que l’on provoque la venue du machia’h collectif, qui interviendra lorsque «ceux qui apporteront le salut se dresseront sur le mont Sion, pour juger le mont d’esav».
Belle prestance et belle apparence
(Discours du Rabbi, 19 Kislev 5718-1957)
5. Dans la Parchat Vayéchev, la torah nous rapporte que Yossef, le Juste, était «de belle prestance et de belle apparence». De fait, «il se peignait soigneusement les cheveux» et, en conséquence, «l’épouse de son maître posa les yeux sur lui». Par la suite, il fut emprisonné et, là encore, «il réussissait tout ce qu’il entreprenait».
On peut, dans ce récit, distinguer deux parties. La première concerne Yossef, qui était «de belle prestance et de belle apparence». La seconde fait intervenir l’épouse de Putiphar. L’une et l’autre, comme tout ce qui figure dans la torah, délivrent un enseignement éternel pour notre comportement, applicable à notre existence quotidienne.
6. Il est dit que «D.ieu m’ajoute (Yossef) un autre fils». Le tséma’h tsédek en déduit que la mission de Yossef constitue à faire de «l’autre», de celui qui est étranger, un «fils». Il devait donc conduire les hommes vers la techouva.
Comment Yossef fut-il capable d’assumer ce rôle? Parce qu’il était «de belle prestance et de belle apparence». Sa beauté se marquait dans tous les domaines à la fois, dans l’accomplissement des injonctions, dans le respect des interdits. Différents textes établissent, en effet, une relation entre la prestance et les injonctions, d’une part, entre l’apparence et les interdits, d’autre part. Yossef était, en conséquence, capable de convaincre «l’autre» et de le transformer en «fils».
Il y a là un enseignement pour tous, car chacun doit se préoccuper de son prochain et non uniquement de sa propre personne. Pour y parvenir, il faut garder présent à l’esprit le principe suivant: «occupe-toi de toi-même et ensuite des autres». Il faut avoir soi-même «belle prestance et belle apparence» pour être à même de convaincre son prochain.
Cela ne veut pas dire qu’il faille attendre sa propre perfection pour se préoccuper de l’autre. Une telle conception doit être écartée et, quelle que soit sa propre situation, on doit, sans attendre, tenter de convaincre l’autre.
Pour autant, on ne peut pas négliger l’effort que l’on doit réaliser sur sa propre personne. Il faut corriger ses propres défauts et ceci importe non seulement pour soi-même, mais aussi dans sa relation avec son prochain.
Car, lorsque quelqu’un a des défauts et ne s’emploie pas à les rectifier, son interlocuteur s’en apercevra inéluctablement et ne se laissera donc pas convaincre. De la sorte, on ne pourra donc pas mener à bien la mission que l’on reçoit envers lui.
En conséquence, chacun doit avoir conscience de l’immense responsabilité qui lui incombe, celle de corriger ses propres défauts. Si on ne le fait pas, on cause du tort non seulement à sa propre personne, mais aussi à tous les autres.
Il faut donc consentir un immense effort pour avoir «belle prestance et belle apparence», car ceci dépasse largement la dimension individuelle et a une incidence communautaire.
7. Il découle, du récit de la femme de Putiphar, l’enseignement suivant.
Nos Sages nous disent qu’en soumettant Yossef à l’épreuve, elle avait une intention pure. Elle savait que des enfants devaient naître à la fois d’elle et de Yossef. Elle fit cependant l’erreur de penser qu’elle devait en être la mère, alors que ce rôle incombait à sa propre fille.
On doit en conclure qu’un événement peut superficiellement, tel qu’il apparaît à nos yeux, prendre une apparence totalement opposée à celle de la sainteté. Malgré cela, il pourra, si on l’envisage plus profondément, être conforme à la Volonté de D.ieu, celle de développer et de renforcer le domaine de la sainteté.
L’Admour hazaken explique, dans le tanya, qu’un Juif qui, au milieu de sa prière, est subitement dérangé par un non-Juif, non seulement ne diminuera pas sa ferveur pour autant, mais, bien plus, la raffermira, précisément du fait de cet événement. Il saura qu’en pareil cas, il se doit de prier de tout son cœur.
Or, on peut s’interroger sur une telle situation. Pourquoi une ferveur accrue dans la prière serait-elle obtenue par la présence d’un non-Juif, dont la volonté délibérée est de troubler cette concentration ?
L’explication est, en fait, la suivante. Toute créature trouve sa source dans le domaine de la sainteté et c’est également le cas pour ce non-Juif qui, en conséquence, sait, ressent profondément qu’il doit apporter son concours à tout ce qui est sacré. Pour autant, il est bien un non-Juif, vivant dans ce monde matériel et c’est à lui qu’il appartient d’intervenir, alors que sa situation est opposée à celle de la sainteté. En conséquence, sa manière d’agir sera à l’opposé de ce qu’elle devrait être, alors que son intention profonde est de venir en aide au domaine de la sainteté, de contribuer à son développement.
Le maguid de mézéritch explique que Lavan poursuivit Yaakov uniquement pour ajouter quelques versets à la torah. C’est la raison pour laquelle une Paracha fait le récit de ce qui se passa alors.
Il en découle un enseignement pour toutes les difficultés, tous les obstacles auxquels on peut être confronté, dans le service de D.ieu. Il est clair qu’à la source, tous ces événements ne s’opposent pas à la sainteté. Bien plus, ils lui viennent en aide. Néanmoins, le recours à ces difficultés leur donnent une apparence opposée à ce qu’elles sont réellement. Profondément, ces obstacles apportent leur contribution à la sainteté et la renforcent.
Celui qui ne se trompe pas lui-même, qui ne commet pas la même erreur que ce non-Juif, qui a conscience qu’une intervention divine ne peut pas être négative, qu’il n’y a pas d’obstacle réel et que tout ce qu’il voit doit lui permettre de renforcer le domaine de la sainteté, ne sera nullement troublé par le voile auquel il sera confronté. Bien au contraire, il tirera de cet événement une force accrue.
Celui qui prendra la ferme résolution qu’il en est ainsi fera disparaître toutes les difficultés, car rien ne résiste à la vérité. Dès lors, il n’y aura plus d’embûches, plus d’obstacles. Il prendra conscience qu’en toute chose se trouve une parcelle de Divinité, que tout ce qui lui arrive doit renforcer le domaine de la sainteté. De cette manière, il transformera l’obstacle et mettra en évidence cette parcelle sacrée. Ainsi, on pourra avoir une perception juste du monde et raffermir le domaine de la sainteté.
8. On peut ainsi comprendre l’affirmation de nos Sages selon laquelle la femme de Putiphar avait une bonne intention.
Car, il est deux manières de considérer le voile. On peut lutter contre lui, c’est-à- dire le considérer comme une difficulté objective et réunir toutes ses forces pour le faire disparaître. Mais, on peut aussi, et c’est là une intervention bien plus agréable, avoir conscience que cet obstacle, dans sa dimension profonde, appartient au domaine de la sainteté. Dans ce dernier cas, il devient possible de mettre en évidence cette appartenance et, précisément grâce au voile qui s’interpose ainsi, de raffermir les forces sacrées.
L’importance de l’éducation
(Discours du Rabbi, veille du troisième jour de ‘Hanouka 5714-1953)
9. La fête de ‘Hanouka présente deux aspects opposés :
A) Les livres sacrés précisent que ‘Hanouka est de la même étymologie que ‘Hinou’h, l’éducation. Au sens le plus littéral, ‘Hanouka signifie inauguration et désigne donc celle de l’autel, celle du Temple, qui introduisit une période nouvelle. C’est alors que recommença le service de D.ieu dans le Sanctuaire, en général, par l’autel et le chandelier, en particulier, ce qui est bien une forme d’éducation.
B) Le miracle intervient par une fiole d’huile portant le sceau du Grand Prêtre que l’on trouva, à ‘Hanouka. Or, selon la hala’ha, on aurait pu allumer le chandelier avec de l’huile impure. En effet, disent nos Sages, «la notion d’impureté est repoussée pour tout ce qui est public». Malgré cela, D.ieu fit un miracle, par amour pour le peuple d’israël, de sorte que non seulement le début de l’accomplissement de cette mitsva, mais bien l’ensemble de sa pratique, soit réalisé de la manière la plus parfaite, sans aucun compromis, pas même lorsque le choul’han Arou’h le permet.
Ces constatations nous délivrent un enseignement. Lorsqu’il s’agit d’un acte lié à la sainteté, il faut, d’emblée, depuis le début de «l’éducation», que tout soit fait de la manière la plus parfaite et la plus intègre.
10. Ce qui vient d’être dit s’applique, en particulier, à l’éducation des enfants. Depuis leur plus jeune âge, on doit leur montrer la pratique juive la plus pure, sans compromis et sans permission.
Si l’on souhaite qu’ils puissent conserver ces valeurs par la suite, on ne peut attendre l’âge de leur maturité intellectuelle pour leur expliquer que le simple fait de marcher dans la rue est un combat, qu’il ne faut pas s’affecter des nombreuses difficultés auxquelles on peut y être confronté, qu’il faut faire don de sa propre personne. Si l’on désire qu’ils soient alors en mesure de surmonter les épreuves, il faut leur donner une bonne éducation, dès leur plus jeune âge.
C’est pour cette raison que les Sages d’israël ont fait porter tous leurs efforts sur l’éducation des enfants, afin que celle-ci soit la plus parfaite possible.
Ils ont lutté pour chaque détail, on refusé tout compromis, même pour ce qui semblait de moindre importance. Ils savaient, en effet, que les années au cours desquelles un enfant reçoit son éducation conditionne tout le reste de son existence. Ils étaient conscients qu’il fallait leur insuffler des forces, leur fournir des armes, afin que celles-ci leur permettent d’assumer tous les combats qu’ils seraient appelés à mener, sur le chemin de la vie.
L’homme est comparé à un arbre, ainsi qu’il est dit : «car l’homme est tel l’arbre du champ».
Si l’on taille une fente dans le tronc d’un arbre parvenu à maturité, celle-ci se limitera à l’endroit où elle a été pratiquée et ne le dépassera pas. S’il s’agit, en revanche, d’un plant que l’on s’apprête à mettre en terre, la forme définitive du tronc sera profondément modifiée, du fait de cette fente.
11. Il en va de même pour ce qui est de l’éducation.
Un homme d’âge moyen qui, ayant déjà vécu la moitié de son existence, décide d’adopter certains compromis, modifiera son comportement uniquement pour les années qui lui restent à vivre. En pareil cas, il aura au moins eu une vie sans compromis pendant une quarantaine d’années. Puis, il trébuchera, pour une année par exemple. Mais, les quarante ans positifs qu’il a vécu sauront le ramener vers le droit chemin et lui faire retrouver la plénitude.
A l’opposé, lorsque l’on éduque la jeune génération avec des compromis, on lui retire toute chaleur, toute intégrité, dans la pratique du Judaïsme, pour toute la vie. La fente et le défaut ainsi pratiqués dans les âmes constituent des Juifs spirituellement infirmes.
12. Certes, il est dit que «même s’il a commis une faute, il garde le titre d’israël». Néanmoins, la Guemara, au traité Sanhédrin, s’adressant à certaines personnes, leur dit : «tu es difforme, dans ce monde», sans pour autant remettre en cause leur place dans le monde futur. Pour autant, nous devons former, dans ce monde, une jeune génération de Juifs forts moralement et donc aussi physiquement, capables de conquérir ce monde, non seulement pour eux-mêmes, en bâtissant un Sanctuaire pour D.ieu dans la part qui leur en est confiée, mais aussi pour la génération d’âge moyen et celle qui a déjà un âge avancé.
13. Certains détails paraissent de moindre importance, semblent comparables à des pointes de cheveu. Or, de telles pointes de cheveu peuvent être une manifestation du mauvais penchant, selon l’expression suivante de la Guemara : «Aux impies, la transgression paraît n’être qu’une pointe de cheveu».
Comment un Juif peut-il devenir un impie, ce qu’à D.ieu ne plaise ? Sa volonté n’est-elle pas de se conformer à celle de D.ieu ? comment peut-il être conduit à agir à l’encontre de Ses commandements, au point d’être qualifié d’impie ?
En fait, la faute est concevable uniquement lorsqu’elle semble être une pointe de cheveu, un acte insignifiant. Bien plus, il peut parfois en être réellement ainsi et, pour autant, cet acte insignifiant sera déterminant, fera que l’homme soit un Juste, inscrit et scellé pour le monde futur, ou un impie, qui sera perdu pour ce monde. A la base, la différence entre les deux situations est une simple pointe de cheveu.
Et, à celui qui n’a pas suffisamment de force et de discernement pour déterminer le détail qui est la pierre d’angle de toute sa personnalité, notre époque, qui introduit la clarification dans tous les domaines, offre un critère de distinction, qui est le suivant.
On peut constater que le domaine opposé à la sainteté est prêt à perdre des millions, de nombreux hommes, à s’endetter, plutôt que de consentir à la moindre concession. Or, une telle attitude va à l’encontre de toute logique et elle doit donc nous délivrer un enseignement. Nous devons refuser le compromis, concernant ce que l’on veut nous faire passer pour un simple détail.
De fait, nos Sages disent que l’on doit donner sa vie plutôt que de changer la couleur de ses lacets, si cette pratique est un moyen de combattre le Judaïsme. Telle est la pointe de cheveu qui, à terme, remet en cause la base même de la Judéité.
14. Il est aussi un autre moyen de démontrer l’importance de cette pointe de cheveu. Nos Sages constatent que le malheur commença par la flatterie entre les hommes ou, selon une autre version, la flatterie des impies, qui conduit à tomber dans leurs mains. Une formulation apparaît dans la Guemara et l’autre dans le eïn Yaakov.
On a pu constater, ces dernières années, que tous ceux qui s’étaient auparavant engagés sur la voie des concessions et pensaient pouvoir attirer les jeunes de cette façon, présumant que ceux qui étaient déjà pratiquants le resteraient, ont, de cette façon, causé leur perte. Bien plus, ils ont affaibli ceux qui, se trouvant sous leur influence, respectaient auparavant les mitsvot.
A l’opposé, ceux qui, il y a dix, quinze ou vingt ans, ont rejeté toute concession, en particulier dans le domaine de l’éducation ont connu la réussite.
15. On peut renforcer la bonne éducation en observant ceux qui s’y consacrent, physiquement et moralement, de même que ceux qui participent financièrement à cette activité.
De fait, on pourrait leur objecter : «ecoutez donc, pourquoi vous obstiner vous à faire des dons à une Yechiva, formant des personnes sans activité fixe, qui ne partagent pas les valeurs de ce monde ? L’un porte la barbe et l’autre, un vêtement long. Comprenez-vous que vous apportez ainsi votre contribution à la formation de personnes qui, parvenues à l’âge de la vie active, ne sauront rien faire ?».
Il faut donc trouver en soi la fermeté de ne pas s’affecter, face à de telles attaques, bien au contraire, d’en tirer l’enseignement. Si l’on subit tant de pressions pour abandonner cette pratique, c’est la preuve de sa véracité, du fait qu’elle est bien de nature à sauver le peuple juif.
En pareil cas, non seulement on ne diminuera pas son œuvre, morale, physique, financière, ou les trois à la fois, dans le domaine éducatif, mais, bien au contraire, on l’intensifiera, à l’avenir.
C’est donc de cette façon que l’on renforcera la jeune génération. En effet, certains peuvent interroger les jeunes : «Vos amis reçoivent également une éducation juive, mais ne recherchent pas tant de perfectionnisme, d’intégrité. Pourquoi donc devriez vous en faire plus que les autres ?».
Ils pourront alors répondre: «Voici un commerçant qui soutient notre démarche, voilà un donateur qui nous encourage, voici un rav qui nous vient en aide, voilà un vieil homme ou une vieille femme qui sont avec nous». Ils se trouveront ainsi confortés, soutiendront plus aisément les épreuves qu’ils doivent affronter.
Il faut, avant tout, féliciter les enseignants de ces jeunes, qui ne s’affectent pas des difficultés, poursuivent leur action positive dans le domaine éducatif, les responsables qui n’épargnent pas leurs moyens moraux, physiques et financiers, font don de tout ce qu’ils peuvent. De cette façon, ils pourront, le moment venu, dépasser leurs moyens pour maintenir l’éducation la plus pure, avec une crainte de D.ieu intègre.
16. Lorsque l’on met en pratique les termes du verset : «Eduque l’enfant selon sa voie», c’est-à-dire, sans compromis, on met en pratique le message de ‘Hanouka, rejetant un allégement de la ‘hala’ha, même s’il est autorisé. Dès lors, on est en droit de dire que l’on attend un miracle, car on souhaite un Sanctuaire pur, un chandelier pur, de l’huile pur, afin de produire une clarté qui sera pure également.
A l’époque, D.ieu accorda effectivement son aide et tous les ennemis furent placés dans les mains de ceux qui se consacrent à la torah. On inaugura donc le Temple avec des lumières qui brillent encore, à l’heure actuelle, même quand le soleil se couche, même lorsqu’à l’extérieur, il fait de plus en plus sombre. Les foyers juifs restent alors lumineux et, chaque nuit, on y allume des lumières, en nombre croissant.
Tout comme D.ieu fit «des miracles, pour nos ancêtres, en ces jours-là», il en fera de même pour nous et nous pouvons avoir la certitude que, très bientôt et de nos jours, nous aurons le mérite d’assister à la descente ici-bas du Temple, pur et déjà prêt, là-haut. Il suffit, pour cela, de préparer un endroit où il pourra se poser.
Les enfants juifs, ceux qui sont d’âge moyen et ceux qui sont d’un âge avancé, illumineront ce Temple et le monde qui l’environne, non seulement par la clarté intrinsèque à chaque mitsva, mais aussi par la lumière la plus pure et la plus sainte. Dès lors, la Présence de D.ieu résidera, à proprement parler, ici-bas et ce monde matériel, qui, jusqu’ici, était grossier ou, tout au moins, matériel sera un Sanctuaire dans lequel D.ieu résidera pleinement.
Mission de l’âme
(Discours du Rabbi, 19 Kislev 5717-1956)
1. La Parchat Vayéchev commence par la description du rêve de Yossef, «nous formions des bottes dans le champ… Puis, vos bottes se sont inclinées et prosternées devant la mienne».
C’est par ce rêve que commença la descente en egypte, pays dans lequel les enfants d’israël durent subir l’exil. Or, la finalité de cet exil est exprimée par le verset:
«ils seront ensuite libérés avec une grande richesse». Puis, «lorsque tu feras sortir ce peuple d’egypte, vous servirez D.ieu sur cette montagne».
C’est tout cela qui commença par «nous formions des bottes dans le champ… Puis, vos bottes se sont inclinées et prosternées devant la mienne». Ces bottes permirent donc de réaliser la finalité de l’exil d’egypte, c’est-à-dire l’obtention d’une grande richesse et le don de la Torah.
2. Tous les exils portent le nom de l’egypte, comme le soulignent nos Sages. C’est en particulier vrai pour ce dernier exil, car il est dit de la délivrance future, qui nous en libérera: «comme aux jours de ta sortie d’egypte, Je leur montrerai des merveilles».
Ce qui concerne l’exil d’egypte s’applique donc, de la même façon, à la présente période. Pour réaliser la finalité de cet exil et le conduire à son terme, il faut «former des bottes» et obtenir que celles-ci «se prosternent devant la mienne».
La ‘hassidout qualifie également d’exil d’egypte la descente de l’âme à l’intérieur du corps physique. Celle-ci constitue, pour elle, une chute vertigineuse, «d’une cime élevée vers une fosse profonde», dans les limites et les obstacles qu’évoque l’egypte. Et, une telle descente doit se solder par une immense élévation, «avec une grande richesse».
Pour que l’âme mène à bien la mission qui lui est confiée lorsqu’elle s’introduit dans un corps, elle doit donc adopter la même attitude, «former des bottes dans le champ». Bien plus, tout cela n’est pas encore suffisant et elle doit, en outre, obtenir que «vos bottes s’inclinent et se prosternent devant la mienne».
3. Que signifie, dans le domaine du service de D.ieu, «former des bottes dans le champ»?
tout d’abord, une telle activité ne se déroule pas à la maison, dans le domaine privé, mais dans le champ. Là, on prend des épis, séparés les uns des autres, on les cueille, les détachant de leur racine, on les rassemble et l’on en forme une botte, que l’on peut, par la suite, introduire à la maison.
L’âme qui descend ici-bas se trouve dans un «domaine public», dans le lieu de la séparation. C’est à ce propos qu’il est dit: «Faisons l’homme à notre image», au pluriel et nos Sages disent, à ce propos: «c’est bien un pluriel qui doit être employé ici et tant pis pour celui qui, de ce fait, sera induit en erreur».
Se trouvant dans le «champ» et dans le «domaine public», l’âme doit faire usage d’objets matériels et grossiers, distincts les uns des autres. C’est pour cela qu’elle parvient dans ce monde. Car, elle-même n’a besoin d’aucune élévation. Elle descend donc ici-bas pour l’apporter au corps, à l’âme animale et à la part du monde qui lui est confiée.
elle doit donc «cueillir» ces objets matériels, les séparer de leur racine, c’est-à- dire de leur grossièreté, les lier tous ensemble, afin de les consacrer à D.ieu.
4. Parvenu à ce stade, on n’a fait que «former des bottes» et l’on ne peut nullement se contenter d’un tel résultat. Il faut encore que «vos bottes s’inclinent et se prosternent devant la mienne».
il ne suffit pas, quand on se trouve dans le champ, de se libérer de la grossièreté de la matière. Il faut encore conduire les bottes à la maison. En d’autres termes, on ne peut se contenter d’avoir retiré à ces objets l’apparence physique qu’ils avaient auparavant. On doit en faire des réceptacles, des sanctuaires pour le Divin.
cela ne veut pas dire qu’il faille rechercher le contact systématique avec la matière. Mais, lorsque l’on adopte une activité matérielle, parce que l’on se trouve dans ce monde, on peut, malgré cela, être totalement soumis à D.ieu, au point de perdre toute volonté propre, tout comme la charrette se soumet à celui qui en tient les rênes. Ainsi, ces objets matériels peuvent devenir un Sanctuaire pour D.ieu.
C’est donc en ce sens que «vos bottes s’inclinent et se prosternent devant la mienne», celle de Yossef, adoptant sa manière de servir D.ieu. L’action de Yossef consista à «entrer à la maison». Non seulement, il fit disparaître la grossièreté de la matière, mais, bien plus, il en fit un foyer, dans lequel il est possible de résider,
«pour faire son travail», c’est-à-dire, en l’occurrence, «pour examiner les livres de comptes».
Yossef dirigeait alors la maison de Putiphar, en egypte. Or, c’est précisément là qu’il reçut l’apparition de son père. Puis, il l’obtint encore une fois alors qu’il était le vice-roi. Et, c’est de cette manière qu’il put bâtir la demeure de D.ieu.
5. C’est en agissant de la sorte que l’on peut atteindre les deux objectifs assignés à l’âme qui descend ici-bas.
cette âme doit entrer en contact avec les objets matériels et grossiers, minéraux, végétaux, animaux, les confondre à sa chair et à son sang en les consommant, puis en faire usage pour servir D.ieu. C’est de cette manière que ces minéraux, végétaux et animaux deviennent un réceptacle pour la Divinité.
Il convient donc de procéder de la manière suivante :
A) il faut d’abord «former des bottes dans le champ», déraciner les épis de leur source, de leur état d’origine. Car, dans un premier temps, il est impossible d’établir si celui qui les a fait pousser est un Juif ou non. Pour effectuer le service de D.ieu, il faut donc les arracher de l’endroit où ils se forment.
B) Puis, ces bottes «se prosternent devant la mienne». Dès lors, disparaît la botte elle-même, qui avait rassemblé tous les épis en une seule et même entité, dans un but unique. Elle n’apparaît plus et seule règne la soumission. On constitue, de la sorte, un réceptacle pour la Divinité, en perdant toute volonté propre, en n’étant que le vase qui contient la lumière.
C’est de cette façon qu’il faut interpréter le mouvement de ces bottes, qui se prosternent. L’âme de Yossef émanait du monde spirituel d’Atsilout. S’employant à former des bottes, ce qui évoque bien la soumission la plus totale, tout en demeurant dans les stades les plus bas de la création, Assya, Yetsira ou même Brya, Yossef put obtenir que celles-ci «se prosternent devant la mienne» et assurer leur élévation, jusque dans le monde d’Atsilout, duquel il est dit que D.ieu s’y unifie pleinement avec les Lumières comme avec leurs réceptacles.
6. En conséquence, lorsque plusieurs Juifs s’unissent dans un même but, lié à la torah et aux mitsvot, ils obtiennent la possibilité de faire disparaître leur personnalité propre.
De fait, tel est le but d’une telle union, dans laquelle chacun renonce à ses intérêts personnels pour se consacrer à ceux de la collectivité. C’est ainsi que, parvenant à un degré plus ou moins important de cohésion, tous ne forment qu’une seule et même entité.
Néanmoins, tout cela ne suffit pas encore et l’on ne peut savoir ce qui en résultera. Il faut, en effet, soumettre aussi le dénominateur commun à tous ceux qui se sont unis pour une cause qui les dépasse, de sorte que les bottes «se prosternent devant la mienne».