Le déluge fut « les eaux malveillantes » que le Saint béni soit-Il fit pleuvoir sur la terre. Plus précisément, ces eaux furent de deux sortes. Il y eut, d’une part, celles de : « l’abîme profonde »(1), d’autre part, celles des : « trombes des cieux »(2).

De façon générale, le déluge fait allusion à la : « pluie des soucis » qui s’abattent sur l’homme(3). Chacun possède un « déluge » qui lui est propre, trouble sa quiétude et l’empêche de mener à bien la mission qui lui est confiée ici-bas, le rôle qui lui est imparti, dans ce monde.

Et, de la même façon, il y a aussi deux sortes de tracas, ceux de : « l’abîme profonde », des biens matériels et grossiers, les difficultés pour gagner sa vie, les soucis du quotidien(4), d’une part, ceux des : « trombes des cieux », les préoccupations plus hautes et plus spirituelles, l’étude de la Torah, la pratique des Mitsvot de la manière qui convient(5), d’autre part.

Dans la pratique, on observe qu’il est relativement aisé de surmonter les difficultés matérielles. En effet, l’homme a conscience de leur caractère négatif. Il sait qu’elles l’empêchent de mener à bien ce qui est sa vocation véritable(6).

A l’inverse, les activités communautaires peuvent induire l’homme en erreur. Elles sont effectivement des actions positives et favorables. Comment, dès lors, parvenir à faire la distinction entre les tracas positifs et ceux qui ne sont que des : « eaux malveillantes »(7) ?

Il y a, en fait, un critère simple qui permet de les distinguer. Si ces activités, aussi importantes soient-elles, mettent en cause l’attachement d’un Juif au Saint béni soit-Il, l’empêchent de se consacrer à l’étude de la Torah et à la pratique des Mitsvot telles qu’elles sont définies par le Choul’han Arou’h, elles ne peuvent être que des : « eaux malveillantes »(8).

Comment se préserver de ces eaux malveillantes ? Il faut, pour cela, s’inspirer de la manière dont le Saint béni soit-Il sauva Noa’h du déluge, selon son acceptation la plus simple(9). Il est dit, à ce propos : « Viens dans l’arche »(10).

Le Baal Chem Tov souligne(11) que Téva signifie l’arche, mais aussi le mot. En ce sens, « viens dans l’arche » signifie également que l’on doit s’introduire dans les mots de la Torah et de la prière, s’entourer de saints mots, au point d’en former une arche, au sein de laquelle on est préservé des difficultés du déluge(12).

Quand un Juif ouvre les yeux, le matin, il s’adresse à D.ieu et Lui dit Modé Ani, « Je Te rends grâce »(13), il récite les bénédictions du matin et fait sa prière. Il doit alors s’introduire en les mots qu’il prononce et méditer à leur signification. Puis, quand il étudie la Torah, il s’efforce de se pénétrer de l’enseignement qu’elle lui délivre(14).

Celui qui adopte un tel comportement gravera en son esprit que le Saint béni soit-Il dirige le monde et accorde Sa Providence à tout ce qui s’y passe. Il comprendra ainsi que la clé de la réussite, dans les domaines matériels comme dans les domaines spirituels, passe par l’accomplissement de la Volonté de D.ieu. Elle ne consiste pas à bâtir de multiples raisonnements(15).

Quand un Juif s’introduit dans les mots de la Torah et de la prière, quand il y médite, de toutes ses forces, il en tire la force et la capacité de surmonter toutes les difficultés que le « déluge » place sur son chemin.

Plus précisément, l’Injonction : « Viens dans l’arche » peut elle-même induire en erreur. En effet, un homme peut penser qu’il doit s’enfermer dans son « arche personnelle » et se dire : « J’ai sauvé ma propre personne »(16). C’est pour cette raison qu’après avoir dit à Noa’h : « Viens dans l’arche », le Saint béni soit-Il ajouta aussitôt : « toi, tes fils, ton épouse et les épouses de tes fils »(17). Il faut faire en sorte que d’autres personnes entrent dans l’arche et soient sauvées également.

Il découle de ce qui vient d’être dit un enseignement éternel, pour chaque Juif. Celui qui est pénétré de la conscience que la finalité est d’accomplir la Volonté du Saint béni soit-Il doit encore convaincre les autres Juifs qu’il en est bien ainsi(18), les conduire à une même prise de conscience. C’est uniquement en adoptant cette attitude que l’on peut être : « Noa’h, un homme Tsaddik ».

Discours du Rabbi, Likouteï Si’hot, tome 1, page 5
Traduit par le Rav Haim Mellul

 


Notes

(1) Béréchit 7, 11. Ces eaux remontaient du centre de la terre.
(2) Béréchit 7, 11. Ces eaux tombèrent des cieux.
(3) Tout au long de son existence ici-bas, dans ce monde matériel. Il s’agit, notamment, des difficultés auxquelles un homme est confronté pour gagner sa vie. Malgré cela, le verset affirme que : « les eaux nombreuses ne pourront pas éteindre l’amour ». Tous les tracas de ce monde n’effacent pas l’amour de D.ieu que chaque Juif porte en son cœur.
(4) Selon la formulation de nos maîtres, « enfants, santé et prospérité matérielle ».
(5) Celles-ci supposent un effort de la part de l’homme.
(6) Dès lors, il est vigilant, reste sur ses gardes et il est donc préservé, jusqu’à un certain point, de telles difficultés.
(7) Alors que l’homme peut s’investir en une activité stérile, avec l’impression qu’elle a un apport positif.
(8) Comme le disent nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction : « Qui est le Sage ? Celui qui anticipe l’événement ». Il en résulte que l’on peut émettre un jugement de valeur sur un événement en analysant ce qui en découle.
(9) C’est-à-dire selon le sens simple du verset, celui qui est défini par le commentaire de Rachi.
(10) Béréchit, 1. Le verset dit bien : « viens », non pas : « va ».
(11) On verra, à ce propos, en particulier, le début du discours ‘hassidique intitulé : « Tu feras une fenêtre dans l’arche », prononcé par le Rabbi Rayats en 5695 (1935), de même que les additifs du Kéter Chem Tov, publié aux éditions Kehot, à la page 12.
(12) C’est-à-dire de toutes les activités extérieures à l’étude de la Torah et à la prière.
(13) Avant même de se laver les mains, car sa première pensée est pour D.ieu.
(14) Nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, disent, en effet, que l’on se rend : « de la synagogue à la maison d’étude ». Par la suite, quand il doit affronter les activités de la journée, un Juif est protégé par « l’arche » qu’il a lui-même bâti, par sa prière et par son étude.
(15) C’est ainsi qu’il est dit : « Les pensées sont nombreuses, dans le cœur de l’homme, mais c’est le conseil de l’Eternel qui se réalise ».
(16) Sans ressentir l’obligation de satisfaire les besoins d’autres personnes, tout comme Noa’h ne tenta pas de convaincre ses contemporains de le rejoindre dans l’arche.
(17) Béréchit 6, 18. C’est par eux que l’humanité entière fut rebâtie.
(18) Et, ne pas se contenter de révéler la Présence de D.ieu au sein de ses quatre coudées.

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