Pour vraiment comprendre Pourim, il faut saisir l’ordre précis de ses Mitsvot. Contrairement aux apparences, cette fête de « désordre » obéit à une séquence spirituelle profonde qui commence par l’intellect et culmine dans l’émotion. Le Rav Shraga Nathan Dahan nous révèle comment l’âme divine utilise d’abord notre cerveau pour nous guider vers la joie authentique.
Rav Shraga Nathan Dahan
À Pourim, nous sommes tenus d’accomplir plusieurs Mitsvot : donner la charité aux pauvres (matanot la’évionim), offrir des plats de nourriture à notre entourage (mishloach manot), lire la Meguila et organiser un festin (mishteh). Je voudrais m’attarder particulièrement sur ces actes de donner – la nourriture à autrui et la charité aux nécessiteux.
Ces Mitsvot comportent une particularité : on ne peut pas donner autant qu’on veut, il existe un taux minimal précis. Je dois donner à deux pauvres, et concernant les plats de nourriture, je dois en offrir à au moins une personne. Pourquoi ces lois stipulent-elles un minimum ?
En réalité, c’est parce que ces Mitsvot sont accomplies avec notre cerveau. Pourim possède un règlement précis, un ordre établi. On dit souvent que Pourim est une fête de désordre, d' »ad lo yada » (jusqu’à ne plus savoir distinguer), où tout est « balagane » (désordre) et où tout le monde est excité. Non ! Il existe un ordre très précis à Pourim.
Laissez-moi vous expliquer quelque chose de fascinant. Nous avons souvent envie de faire des choses, mais d’où viennent ces envies ? L’envie naît dans le cœur – j’ai envie d’un bon steak, j’ai envie de boire un jus. Après que cette envie se manifeste, je commence à réfléchir avec mon cerveau et j’essaie de la rationaliser.
Cela provient de l’âme animale (nefesh habehamit), qui est située dans le cœur, plus précisément dans la chaleur du sang qui circule dans la partie gauche du cœur. Cette énergie influence nos désirs et envoie également du sang au cerveau, qui comprend qu’il doit trouver des raisonnements pour justifier nos envies.
À l’inverse, l’âme divine (nefesh ha’elokit) fonctionne différemment. Elle est installée dans notre cerveau et raisonne différemment. Elle ne part pas de l’envie, mais du besoin. Qu’est-ce qui est nécessaire ? De quoi le monde a-t-il besoin ? Comment puis-je faire avancer le monde ? Après avoir réfléchi à une idée que nous devrions réaliser, l’âme divine, depuis le cerveau, envoie des ordres au cœur pour qu’il s’active et désire accomplir ces actions raisonnées. C’est alors que nous pouvons réaliser ces choses avec beaucoup de joie – le cœur fonctionne, mais sous la direction du cerveau.
Cet ordre des choses est essentiel, et c’est ce que nous enseigne la fête de Pourim. Nous commençons par la lecture de la Meguila. Si l’on examine l’histoire de la Meguila, elle raconte comment un peuple voulait anéantir le peuple juif, mais n’a finalement pas réussi – un scénario qui s’est répété maintes fois dans notre histoire.
Ce qui rend Pourim unique, c’est qu’il s’agit du seul événement où un décret visait l’annihilation de tout le peuple juif en un seul jour. Ce décret a été annulé, mais l’enseignement va plus loin. Des miracles se produisent quotidiennement – prenons-nous le temps de les observer et d’exprimer notre gratitude ? Parfois, nous attribuons les événements au hasard, mais il existe une Providence divine précise derrière chaque chose.
« Megilat Esther » signifie non seulement « le rouleau d’Esther », mais aussi « dévoiler les secrets » (Esther étant lié au mot « seter », secret). Lorsque nous lisons la Meguila, nous devons utiliser notre cerveau pour discerner la Providence divine dans l’histoire de la Meguila et dans notre vie quotidienne. C’est alors que nous découvrons que la Meguila est imprégnée de Providence divine, que chaque événement suit un ordre précis.
Une fois cette compréhension acquise, la joie s’installe naturellement et le cœur commence à fonctionner. Ensuite, nous partageons des plats avec notre entourage et organisons le festin. Maintenant que notre cerveau a fonctionné et que nous avons compris pourquoi nous devons nous réjouir, nous pouvons exprimer les sentiments du cœur – une joie sans limite.
Cet ordre est crucial, car quelle différence y aurait-il sinon entre celui qui boit du vin lors du festin de Pourim et celui qui s’enivre dans un bistrot jusqu’à perdre ses moyens ? Lors du mishteh, nous buvons du vin parce que nous avons d’abord compris pourquoi nous le faisons – c’est le cerveau qui nous a fait raisonner et comprendre les secrets de Pourim. Cette compréhension nous amène ensuite à une joie sans limite, mais nous savons qu’elle provient de l’âme divine.
Celui qui accomplit les pratiques de Pourim sans respecter cet ordre nécessaire n’a rien compris. Il faut d’abord faire fonctionner notre cerveau, puis notre cœur.