« Va immédiatement dans le ghetto de Kaunas et sauve la vie de Rabbi Morde’haï Feigrimanski», dit le personnage dans le rêve. Antol se réveilla sous le choc. Une sueur froide inonda son visage. C’était son père, déjà décédé, qui était soudainement apparu dans son rêve avec cette étrange instruction.

Antol était un Juif vivant à Kaunas, la deuxième plus grande ville de Lituanie. Avant la guerre, la population juive représentait un quart des habitants de la ville, et la vie juive y foisonnait.

Cependant, certains Juifs tentaient de s’intégrer parmi la population locale au détriment de leur judéité. Antol en faisait partie. Il s’était converti, avait épousé une non-Juive et vivait en tant que non-Juif. Lorsque la persécution des Juifs commença, Antol se sentait en sécurité. Il avait ainsi échappé aux nazis et personne ne savait qu’il était juif.

Au début, il rejeta le rêve. Ce n’est qu’un faux rêve, se dit-il. Mais son père ne le laissa pas tranquille. Nuit après nuit, il apparut dans ses rêves, répétant la même demande – aller sauver Rabbi Morde’haï Feigrimanski du ghetto.

Rabbi Morde’haï Feigrimanski était une figure exemplaire dans la ville…

Une nuit, Antol eut un échange animé avec son père dans le rêve. « Comment vais-je faire ?! », s’exclama-t-il. « Vais-je aller au ghetto et demander à voir Rabbi Morde’haï ? Ma vie serait en danger ! »

« Tout ce que tu as à faire », répondit le père dans le rêve, « c’est d’aller maintenant à la clôture du ghetto. Le premier Juif que tu rencontreras sera Rabbi Morde’haï. » Le père ne s’arrêta pas là et décrivit à son fils la voie prévue pour le sauvetage grâce à laquelle il pourrait sauver Rabbi Morde’haï.

Antol s’éveilla ébranlé de son rêve. Cette fois, il comprit que c’était sérieux. Il s’habilla et se rendit vers le ghetto.

Arrivé à la clôture, il remarqua la silhouette d’un vieil homme. « Tu es Rabbi Morde’haï Feigrimanski ? », demanda-t-il à voix basse à l’homme de l’autre côté de la clôture. « En effet, c’est moi », répondit le Rabbi Morde’haï…

Le récit continue en décrivant comment Antol aide Rabbi Morde’haï Feigrimanski à s’échapper du ghetto via un tunnel et l’amène chez lui. Mais le Rabbi est choqué d’apprendre qu’Antol vit avec une femme non juive. Il insiste pour quitter la maison, malgré les supplications d’Antol qui implore son pardon. Après un délai d’un jour, Antol finit par se résoudre à se séparer de sa femme. À la surprise générale, elle ne le dénonce pas aux nazis. Antol et le Rabbi restent cachés un an jusqu’à la fin de la guerre.

Sous l’influence du Rabbi Morde’haï Feigrimanski, Antol retourne au judaïsme. Il devient un Baal Teshouva complet, émigre aux États-Unis et y raconte le miracle de son sauvetage.

Après la Shoah, Rabbi Morde’haï Feigrimanski émigre à Bagneux en banlieue parisienne où il enseigne la Torah à des élèves. Malheureusement, il ne vivra pas longtemps et décède en 1950 à l’âge de 47 ans. Sa dépouille est ramenée en Israël pour y être enterrée à Bnei Brak.