Ceux qui viendront encore

Le prêtre d’un village en Russie ressentit une lassitude et décida de partir en vacances en août. Il chercha quelqu’un pour le remplacer dans la cellule de confession, jusqu’à ce qu’une idée géniale lui vint à l’esprit : proposer le poste au rabbin du village. Ainsi, les membres de sa communauté attendraient avec impatience son retour et ne s’attacheraient pas à son remplaçant. Le rabbin accepta, à condition que les gens viennent chez lui, afin qu’il n’ait pas à entrer dans leur église.

Un dimanche matin, le voleur du village entra chez le rabbin et demanda le pardon pour avoir cédé à sa tentation et cambriolé une bijouterie. Le rabbin demanda : « Combien le prêtre prend-il pour une telle réparation? », et le voleur répondit : « Cent roubles ». « Et combien de fois par an vous arrive-t-il de demander une telle réparation ? », demanda le rabbin, et le voleur répondit : « Dix ». « Dans ce cas, » dit le rabbin, « j’ai une affaire pour vous. Achetez-moi une « carte de pardon » pour dix vols, et je vous la vendrai à un prix spécial de sept cents roubles seulement ». Le voleur accepta avec joie, tout comme les autres pécheurs du village. Ils étaient tous ravis de conclure des affaires et des actes de pardon avec le rabbin.

La mois passa et le prêtre retourna au travail, et à sa grande surprise, personne ne vint se confesser. Tous les criminels bien connus avaient disparu. Il appela le voleur pour une discussion, et ce dernier lui parla des affaires excellentes que le rabbin lui avait proposées. Le prêtre furieux se précipita chez le rabbin et cria : « Qui vous a mis de telles idées en tête ?! ».

« C’est simple », expliqua le rabbin calmement. « C’est exactement la différence entre nous. Vous pensez au péché isolé qui s’est produit. Je pense à l’avenir, aux péchés qui viendront encore »…

Encore un mois d’Elloul, encore une fois, nous nous lèverons tôt le matin et implorerons le pardon pour nos péchés et chanterons de tout notre cœur : « Nous avons péché devant Toi, prends pitié de nous ». Mais dans la même mesure, il est probable que ce seront les mêmes péchés pour lesquels nous avons demandé pardon l’année dernière. Chaque année, nous nous retrouvons dans la même situation, regrettant les mêmes échecs : la même médisance, la même jalousie et haine, et malheureusement, la même addiction aux désirs du cœur.

Et la question est : comment arrêter la routine et trouver un vrai chemin vers le changement ? Comment faire en sorte que l’année prochaine soit meilleure que les précédentes ? Comment résoudre une fois pour toutes nos dilemmes spirituels ? Comment rendre la repentance différente ?

« Je vous l’ai dit » ?!

Pour cela, nous examinerons le fondement des fondements du repentir, en examinant un dialogue fascinant entre les fils de Yaakov Avinou, les tribus sacrées.

Ils entrèrent en Égypte avec innocence pour chercher de la nourriture, voulant seulement nourrir leur vieux père et le sauver de la famine en terre d’Israël. Mais le dirigeant égyptien (Yossef) précipita sur eux et les maltraita. Il les arrêta brutalement et leur imposa une grave accusation d’espionnage contre l’Égypte. Il les emprisonna pendant trois jours, et lorsqu’il les libéra, il déclara que Chimon resterait en prison comme garantie pour qu’ils reviennent avec leur frère cadet.

Ce moment les brisa. Soudainement, tout leur revint. Soudain, ils comprirent qu’ils devraient à nouveau rentrer chez eux sans un frère et à nouveau raconter à leur père des histoires sur ce qui lui était arrivé et où il était. La blessure qui avait été dormante pendant vingt-deux ans se rouvrit, et pour la première fois, ils reparlèrent de cette nuit terrible. Ils se dirent l’un à l’autre : « Mais nous sommes coupables envers notre frère, car nous avons vu l’angoisse de son âme lorsqu’il nous suppliait, et nous n’avons pas écouté, c’est pourquoi cette détresse nous est venue. »

Puis quelque chose d’étrange se produisit. Réouven, l’aîné des frères, fit quelque chose qui ressemblait à jeter du sel sur les blessures, pour ne pas dire, D.ieu nous en préserve, danser sur le sang. Au lieu de se comporter avec la responsabilité d’un frère aîné et de poser une main réconfortante sur l’épaule, il fit apparemment le contraire. « Réouven leur répondit, en disant : Ne vous ai-je pas dit de ne pas pécher contre l’enfant, et vous n’avez pas écouté ? Et voilà, son sang est exigé. » Et en bref : « Je vous l’avais dit ! », je vous avais prévenus que c’était ce qui allait arriver…

Et la question se pose : il n’y a rien de plus inapproprié et de plus dégradant que de dire « je t’avais prévenu », surtout lorsqu’une personne est prise au dépourvu et en temps de crise. Tout le monde connaît ces situations. La famille se dépêche d’arriver à temps pour le mariage d’un proche, mais après tout le stress, ils finissent par être en retard, tout le monde est énervé et déçu, et puis le donneur de leçons se lève et dit : « Je vous avais dit que c’était ce qui allait arriver ! Qui a besoin de toutes ces coiffures ? »…

Qu’est-ce qui pousse Réouven à agir ainsi ? Est-ce vraiment le moment de leur faire la morale et de dire « Je vous l’avais dit » ?!

N’offensez point !

Le Rabbi de Loubavitch propose une explication profonde pour la conversation entre les frères, qui nous donne le fondement premier et nécessaire pour faire Téchouva (repentance).

Dans le cri des frères se cache une vérité simple : ils ne prennent pas de responsabilité. Ils ne se blâment pas eux-mêmes pour ce qui est arrivé, mais continuent à blâmer Yossef pour ce qu’ils lui ont fait. « Mais nous sommes coupables, » disent-ils, mais de quoi ? « Nous avons vu la détresse de son âme quand il nous suppliait, et nous ne l’avons pas écouté. » Pas parce qu’ils l’ont blessé, mais parce qu’ils ne l’ont pas pris en pitié et ne l’ont pas sauvé malgré tout, bien qu’il l’ai mérité.

Ils n’ont pas exprimé de regret pour l’acte lui-même de verser du sang innocent et avoir presque tué leur frère innocent. Ils croyaient encore que la responsabilité était sur les épaules de Yossef. C’est lui qui les a poussés à bout, c’est lui qui a rapporté sur eux à Yaakov et a provoqué sa colère contre eux – et cela, ils ont pensé, ne leur laissait pas d’autre choix. Personne n’aurait pu se contrôler face à la tension que Yossef créait à la maison.

Et contre cela s’est levé Réouven. Il a dit : « N’ai-je pas dit de ne pas pécher contre l’enfant, et vous n’avez pas écouté. » Je vous ai dit dès le départ que vous péchiez dans toute votre pensée, j’ai soutenu dès le début qu’il vous était interdit d’être à la fois juges et plaignants. Réouven ne veut pas humilier ses frères, mais leur apprendre comment commencer à se repentir. Avant tout, il leur dit, vous devez prendre la responsabilité de ce qui s’est passé et cesser de vous échapper et de trouver des excuses, des apologies, et d’autres coupables.

Réouven lui-même est un exemple de prise de responsabilité comme une porte à la Téchouva. Comme le dit le Midrash : « Réouven a commencé la Téchouva en premier » – car Réouven est le premier personnage de l’histoire à prendre la responsabilité. Il est le premier à ne blâmer personne pour son péché, seulement lui-même. Il a profané le lit de son père, et de sa propre initiative, il s’est tourné et a dirigé les flèches contre lui-même. Et c’est la condition de base pour la Téchouva.

Une blague triste dit que la formule de confession est formulée au pluriel : « Nous avons péché, nous avons trahi, » et non au singulier : « J’ai péché, j’ai trahi » – afin qu’à la fin, nous puissions pointer le doigt accusateur vers « les autres ». Tout le monde est coupable – sauf moi. Ils sont les pécheurs, mais moi, je suis toujours bien…

Tout dépend seulement de moi.

Cette prise de conscience est l’essence de la repentance (Téchouva).

Le Rambam parle longuement du sujet du « libre arbitre », et choisit de le faire précisément au milieu des lois de la repentance (Hil’hot Téchouva). Il explique qu’à chaque personne est donné le libre arbitre d’être un juste comme Moché notre maître ou un méchant comme Yeravam ben Névat.

Ceci est bien sûr un fait très étrange : après tout, le sujet du « libre arbitre » concerne toutes les Mitsvot, pas seulement le commandement de la repentance. En fait, tout le concept des Mitsvot est basé sur l’hypothèse qu’une personne a le choix de quoi faire et quoi ne pas faire. Ce sujet ne devrait-il pas apparaître au début du livre « Mishné Torah » ? Pourquoi est-il lié à la repentance ?

Et la réponse : la perception du libre arbitre est l’essence de la repentance. Sans elle, il n’y a pas de Téchouva. Lorsqu’un Juif se repent, il doit d’abord comprendre qu’il a fait ce qu’il a fait avec un libre arbitre total. Il avait toutes les forces et possibilités de se contrôler et d’éviter le péché, et donc la transgression est imputée uniquement à lui. Ce n’est qu’à partir de cette compréhension, de l’acceptation totale de la responsabilité, qu’il peut vraiment revenir en repentance, avec la compréhension complète : aussi, tout dépend maintenant de moi. S’il décide seulement d’arrêter tout et de se réparer, il aura toutes les forces pour le faire.

Prenons donc la responsabilité de nous-mêmes, sachons comprendre que nous avons toutes les forces pour surmonter les défis spirituels et les réparer, et ainsi nous mériterons la rédemption complète très bientôt.

Le Rav Yonatan Sacks, ancien grand rabbin de Grande-Bretagne, est l’une des voix juives les plus influentes dans le monde. Le Rav Sacks a souvent parlé du moment qui l’a fait ce qu’il est.

Il était alors un jeune étudiant qui avait terminé ses études de philosophie à l’Université de Cambridge et ressentait une confusion dans sa foi. Les professeurs là-bas étaient les plus grands athées du monde, et rien n’était clair ni convaincant.

Des amis lui ont conseillé de se rendre en Amérique pour consulter de grands Rabbanim. Le jeune étudiant a rencontré de grands penseurs religieux, mais il sentait que les questions urgentes n’étaient pas résolues. Jusqu’à ce qu’il ait une réunion avec le Rabbi de Loubavitch.

Il était déjà habitué à poser des questions et attendre des réponses, mais le Rabbi l’a surpris. Il a interrompu ses questions et a changé la nature de la conversation. Soudain, le Rabbi a commencé à lui poser des questions : « Combien d’étudiants juifs étudient à Cambridge ? Que savent-ils de leur judaïsme ? Que faites-vous pour qu’ils en sachent plus ? ».

Le Rav Sacks était abasourdi. Selon lui, « J’ai fait ce que les gens font dans ce cas. Ils répondent par des réponses compliquées pour continuer à ne rien faire »… Il a répondu au Rabbi que « dans la situation où je me trouve, je ne suis pas libre de me concentrer sur de telles tâches ».

Mais le Rabbi l’a interrompu à nouveau et a dit : « Vous ne vous trouvez pas dans cette situation. Vous vous êtes mis dans cette situation, et comme vous y êtes entré, vous pouvez en sortir et choisir d’entrer dans une autre »…