DISPARITION – Détenteur de l’art de transmettre, Adin Steinsaltz a fondé de nombreuses écoles, donné des conférences dans le monde entier et écrit des milliers de pages sur le judaïsme et la judaïté. Il est mort à Jérusalem à 83 ans.

 

lefigaro.fr

Rav Adin envisageait le judaïsme comme une totalité enserrant des dimensions apparemment incompatibles : la minutie légaliste et l’envolée prophétique, l’adhésion inconditionnelle du croyant et le questionnement subtil du philosophe.

Rav Adin envisageait le judaïsme comme une totalité enserrant des dimensions apparemment incompatibles : la minutie légaliste et l’envolée prophétique, l’adhésion inconditionnelle du croyant et le questionnement subtil du philosophe. Capture Youtube/AlephSociety

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages traduits en français, notamment dans la collection «Spiritualités vivantes» chez Albin Michel, le rabbin Adin Steinsaltz est mort vendredi 7 août à Jérusalem, où il était né en 1937 à Katamon, un quartier populaire du sud-ouest de la Ville Sainte. Mondialement reconnu grâce à ses travaux de diffusion du judaïsme, notamment ses traductions commentées du Talmud en hébreu moderne, en anglais et en français, Adin Even Israël Steinsaltz avait publié une soixantaine d’ouvrages couvrant de nombreux aspects du savoir juif : la prière, les fêtes, la Cabbale, le Talmud, la pensée hassidique. Détenteur de l’art précieux, difficile et rare de transmettre, Rav Adin, ainsi que l’appelaient affectueusement ses nombreux disciples en Israël, en France et partout dans le monde, a fondé de nombreuses écoles et institutions, donné des conférences sans nombre dans le monde entier et écrit des milliers de pages depuis son entrée dans la carrière, à la fin des années 1950 à Jérusalem. Assumant ses prises de position audacieuses et ses idées inspirées, il envisageait le judaïsme comme une totalité enserrant des dimensions apparemment incompatibles : la minutie légaliste et l’envolée prophétique, l’adhésion inconditionnelle du croyant et le questionnement subtil du philosophe.

Il ne lui déplaisait pas de défendre et d’illustrer le judaïsme comme un art de vivre, l’univers mystérieux de sa mystique comme une échelle vers le ciel et ses commandements, les Mitsvot, comme une sorte de stylisation permettant de relier l’homme à son Créateur. «Étudier la Torah et s’engager dans tout ce qu’elle implique est une manière de s’unir à la volonté divine, à ce que l’on pourrait appeler le rêve de Dieu : l’existence du monde et de l’homme», écrivait-il. Pour découvrir la pensée de cet esprit aux curiosités infinies qui écrivait dans une langue claire et belle, les lecteurs français pourront notamment se reporter à Introduction au Talmud (Albin Michel, 2002), Les Juifs et leur Avenir (Albin Michel, 2008) et Laisse mon peuple apprendre (Cerf, 2018).

Une longue route d’homme et le portrait d’un sage se dessine à travers ces ouvrages. Né dans une famille communiste, de parents juifs polonais émigrés en Palestine au milieu des années 1920, Adin Steinsaltz avait en effet étudié les sciences à l’Université hébraïque de Jérusalem, aux grandes heures du matérialisme historique, avant de «revenir en Techouvah» et de faire «retour» à la foi juive dont étaient imprégnés ses ancêtres polonais. «Avant même d’avoir été créé, l’homme a été doté de la possibilité de changer le cours de sa vie, expliquait-il dans La Rose aux treize pétales (Albin Michel, 1989), une introduction au judaïsme de grand intérêt. [La Techouvah] constitue ainsi, dans un certain sens, la plus haute expression de la liberté humaine et comme une sorte de concrétisation humaine du divin. Au plan de la liberté, la Techouvah manifeste que l’homme peut se dégager à la fois de son passé et de la causalité quasi-mécanique qui semble le conduire sur un chemin sans retour, où ”une faute entraîne une autre faute”.»

La vie cesse alors d’être la proie d’une fatalité déchaînée pour devenir un combat à l’issue victorieuse : le judaïsme apporte ce message qui enchantait Emmanuel Lévinas.