Dor Shahar, 46 ans, est né Ayman Abu Subuh dans la bande de Gaza. Dès son enfance, on lui a appris à haïr les juifs qui, selon son grand-père, avaient pris leurs terres. À la mosquée et à l’école, on encourageait les enfants à tuer des juifs. Pourtant, son père travaillait en Israël depuis 27 ans.

À 12 ans, Dor s’est enfui de chez lui et a trouvé du travail comme gardien de nuit dans un quartier riche. Un soir, un homme religieux juif lui a offert de la nourriture et des vêtements. À l’approche de Pâque juive, Dor lui a dit « Je veux être juif ». L’homme l’a aidé à étudier le judaïsme.

Après s’être converti, Dor s’est senti libéré de toutes ses souffrances passées. Son rêve est la paix et l’amour entre Juifs et Palestiniens. Selon lui, la haine et la division empêchent la présence divine. Lorsqu’il y a l’amour et l’unité, tout est possible.

Je suis rentré à la maison après l’école. En passant la porte, j’ai vu une corde suspendue au plafond, une cuisinière en marche avec le feu allumé. Mon père portait son uniforme du Hamas, un couteau à la main, seuls ses yeux étaient visibles. J’ai vu la mort, le visage des assassinés, des enlevés. La peur. Voir la mort, regarder le visage des meurtriers. Ce visage, je le connais.

Oui, je le connais. Je m’appelle Dor Shahar, j’ai 46 ans, je suis de Rishon Le Zion, anciennement connu sous le nom d’Ayman Abu Subuh de la bande de Gaza, à Khan Younès. Palestinien musulman. La première chose dont je me souviens de mon enfance, c’est quand mon grand-père me disait : « Les juifs ont pris notre terre ».

À la mosquée, chaque vendredi, le cheikh donnait sa leçon : tuez les juifs. C’est le plus grand commandement que de tuer des juifs. Le paradis vous est garanti. Mon père entendait qu’un juif avait été assassiné et je l’entendais dire : « Dieu soit loué » pour le meurtre des juifs. Je trouvais ça bizarre parce qu’il avait travaillé 27 ans en Israël.

À 3 ans, en allant au marché avec ma mère pour m’acheter des bonbons, j’ai vu une tête rouler comme un ballon de basket sur la route. J’ai levé les yeux et j’ai vu des gens sur des poteaux électriques, électrocutés à mort. On appelle ça « coopérer avec Israël ». Ça, je l’ai vu.

À l’école, un prof est entré en costume-cravate. Il avait l’air respectable. Et puis ça a été : « Les juifs sont des meurtriers d’enfants, de femmes, d’hommes et de personnes âgées. Les juifs ont pris la terre de ton grand-père. Tout le pays est la Palestine. » Et tous les élèves de crier : « Allah akbar ! Nous égorgerons les juifs ! » Je ne me sentais pas bien. J’ai demandé à sortir me passer de l’eau sur le visage. On m’a immédiatement giflé.

Je me suis enfui vers la mer. Il y avait une base militaire en mer à Khan Younès. J’allais m’asseoir là-bas. Je rencontrais des soldats avec qui on jouait au foot et qui me donnaient des bonbons. Je prenais les emballages et je courais à la maison. Je disais à mon père : « Apporte-moi ce bonbon, j’aime ça ! » Furieux d’apprendre que c’était des juifs qui me les avaient donnés, il m’a interdit d’en reprendre.

Pourtant, je voyais aussi des juifs d’Israël venir faire leurs courses au marché de Gaza, c’était moins cher qu’en Israël. Ça cliquait bien avec eux. Tous les jours, j’allais m’asseoir près de la base. Puis, à 12 ans et demi, mon père m’a emmené travailler avec lui sur des chantiers. Après 3 mois, un matin, il n’a pas pu me trouver : j’étais parti, très loin. J’ai trouvé du travail comme gardien de nuit dans un quartier de villas.

Un soir, un juif religieux m’a demandé où était mon père. Je lui ai dit que je n’en avais pas. Une demi-heure plus tard, il est revenu avec de la soupe chaude, de la nourriture, des jouets, des vêtements. J’allais le voir tous les soirs pour dîner avec lui. À l’approche de Pâque juive, je lui ai dit : « Je veux être juif ». Quelque chose dans l’âme vous fait reconnaître votre peuple, vos racines.

J’ai commencé à étudier le judaïsme dans une yeshiva. Après 10 mois, on m’a envoyé dans une autre école rabbinale. Mon rêve était de me convertir. Quand je suis entré dans le bain rituel à Jérusalem, ce fut une expérience incroyable. Toute la douleur, les souffrances se sont envolées. On vit une nouvelle vie.

Mon rêve est l’amour entre nous, entre juifs et palestiniens, la paix. Ce qui s’est passé à Gaza ne m’a pas surpris parce que je les connais, mais ça m’a fait terriblement souffrir. La haine et la division empêchent la présence divine. Quand il y a l’amour et l’unité, tout est possible.