Les esclaves réagissent à un bâton, les personnes libres ont besoin d’inspiration.

De l’abstrait au concret

Dans une petite ville, vivait un rabbin renommé pour ses prêches passionnés sur la nécessité de nourrir les enfants avec chaleur et amour. Sa voix résonnait dans les ruelles étroites, emplissant les cœurs des habitants d’espoir et de bienveillance. Il était aimé et respecté de tous pour sa sagesse et sa générosité.

Pourtant, un jour, alors qu’il venait de terminer les travaux de rénovation de sa maison, le rabbin fut confronté à une scène qui ébranla sa sérénité. Des enfants jouaient insouciants devant chez lui, piétinant le béton fraîchement coulé de l’allée, laissant leurs empreintes indélébiles. La colère monta en lui, et sans réfléchir, il se mit à réprimander les enfants avec sévérité.

Un de ses fidèles, troublé par ce comportement contradictoire, osa lui poser une question : « Rabbin, toi qui consacres ta vie à enseigner la chaleur et l’amour envers les enfants, comment peux-tu parler de cette façon ? » Le rabbin prit une profonde inspiration et répondit avec une pointe de tristesse dans sa voix : « Mon ami, tu dois comprendre. J’aime les enfants dans l’abstrait, dans mes prêches et mes enseignements, mais quand il s’agit du concret, de la réalité quotidienne, parfois je me laisse emporter par mes émotions. »

Le fidèle resta silencieux, méditant sur les paroles du rabbin. Il comprit que l’amour et la bienveillance étaient des idéaux nobles, mais qu’ils étaient parfois difficiles à mettre en pratique dans le tumulte de la vie réelle. Le rabbin, malgré sa sagesse et son dévouement, restait un être humain, avec ses limites et ses faiblesses.

Parler au Rocher

Dans un lointain passé, un événement majeur bouleversa le destin d’une nation. Après quarante ans d’errance dans le désert, le peuple d’Israël, guidé par Moïse, était enfin prêt à entrer dans la Terre promise. Mais une crise surgit, remettant en question leur foi et leur confiance en leur chef.

« Le peuple n’avait pas d’eau », relate l’ancien texte sacré. « Ils se rassemblèrent contre Moïse et Aaron. Le peuple disputa avec Moïse, disant : ‘Pourquoi nous as-tu amenés dans ce désert pour y mourir de soif ? Pourquoi nous avoir fait sortir d’Égypte pour nous conduire dans ce mauvais endroit, sans eau ni nourriture ?' »

Dans leur désespoir, les voix se levèrent contre Moïse et Aaron, exprimant leur colère et leur frustration. Ils ne comprenaient pas pourquoi ils avaient été conduits dans ce désert inhospitalier, où il était impossible de cultiver la terre et de trouver de l’eau pour eux-mêmes et leurs troupeaux.

D.ieu s’adressa à Moïse et lui dit : « Prends ton bâton et rassemble la congrégation, toi et Aaron, ton frère. Parlez au rocher en leur présence pour qu’il donne son eau. Tu feras jaillir de l’eau du rocher et tu donneras à boire à la congrégation et à leur bétail. »

Moïse, fidèle serviteur de D.ieu, obéit à l’ordre divin. Il réunit le peuple devant le rocher et s’adressa à eux d’une voix forte et ferme : « Écoutez-moi, rebelles ! Est-ce de ce rocher que nous pourrons vous faire sortir de l’eau ? »

Mais Moïse, submergé par les tensions et les frustrations accumulées, céda à la colère. Il leva son bâton et frappa le rocher avec force. À sa grande surprise, une abondance d’eau jaillit, étanchant la soif de la congrégation et de leur bétail.

D.ieu, dans Sa sagesse infinie, s’adressa à Moïse et Aaron : « Parce que vous n’avez pas eu foi en Moi pour Me sanctifier aux yeux des enfants d’Israël, vous ne ferez pas entrer cette assemblée dans la Terre que Je leur ai donnée. »

Les questions

La punition infligée à Moïse et Aaron laisse perplexe. En quoi leur acte était-il si grave pour mériter une telle sanction ? Après tout, ils ont obéi à l’ordre de D.ieu et ont réussi à faire jaillir de l’eau du rocher. Pourquoi ont-ils été privés de l’accomplissement de leur rêve d’entrer dans la Terre promise ?

La réponse à ces questions réside dans une subtile analyse du texte et dans une compréhension profonde de la nature humaine. Selon une explication célèbre, attribuée au commentateur Rachi, D.ieu avait ordonné à Moïse de parler au rocher, mais au lieu de cela, Moïse le frappa de son bâton. C’est cette désobéissance qui lui valut la lourde sanction.

Mais cette explication soulève de nouvelles interrogations. Pourquoi Moïse a-t-il succombé à la tentation de frapper le rocher plutôt que de lui parler, comme D.ieu l’avait demandé ? Est-ce si important de communiquer verbalement avec un rocher ? Le résultat aurait été le même, que l’eau jaillisse par la parole ou par le geste !

De plus, pourquoi la punition infligée à Moïse était-elle si sévère, au point de lui refuser l’entrée dans la Terre promise ? La sanction doit être proportionnelle à la faute commise !

D.ieu, dans Sa déclaration, affirme que Moïse et Aaron n’ont pas sanctifié Son nom en frappant le rocher. Mais qu’est-ce que cela signifie exactement ? En quoi leur acte manquait-il de sanctification ?

Enfin, pourquoi Moïse a-t-il dû frapper le rocher deux fois avant que l’eau ne jaillisse en abondance ? Si D.ieu ne voulait pas que l’eau sorte après le premier coup, car cela allait à l’encontre de Sa volonté, pourquoi a-t-Il permis qu’elle coule après le deuxième coup ?

Quarante ans plus tôt

Pour comprendre la signification profonde de cet épisode troublant, il est nécessaire de revenir quarante ans en arrière, peu de temps après l’exode d’Égypte. À cette époque, un incident similaire s’était produit, mais avec une issue différente. D.ieu avait ordonné à Moïse de frapper le rocher pour en faire jaillir de l’eau, et le miracle s’était produit.

L’histoire, telle qu’elle est racontée dans le Livre de l’Exode, relate la plainte du peuple assoiffé : « Il n’y avait pas d’eau pour que le peuple boive. Le peuple disputa avec Moïse, disant : ‘Donne-nous de l’eau à boire !’ Moïse leur dit : ‘Pourquoi disputez-vous avec moi ? Pourquoi mettez-vous D.ieu à l’épreuve ?' »

Dans cette situation, D.ieu avait clairement ordonné à Moïse de frapper le rocher avec son bâton, et l’eau avait jailli pour étancher la soif du peuple. Mais pourquoi, quarante ans plus tard, D.ieu avait-il insisté sur la parole plutôt que sur le geste ? Quelle était la raison de ce changement de directive, si important qu’il en avait scellé le destin de Moïse ?

Un processus d’éducation

Pour répondre à ces questions, il est intéressant de se pencher sur un midrash, une tradition rabbinique, connu sous le nom de Yalkout Shimoni. Ce midrash explique que D.ieu avait donné l’ordre de frapper le rocher dans le passé, lorsque le peuple juif venait de sortir d’Égypte. À ce stade, leur condition était similaire à celle d’un enfant qui nécessite une discipline ferme pour son éducation. Leur âme était encore marquée par l’esclavage, et une approche plus directe était nécessaire pour les guider sur le chemin de la liberté et de la rédemption.

Cependant, quarante ans plus tard, les enfants de cette génération étaient devenus adultes. Ils avaient grandi dans le désert, témoins des miracles et des enseignements de Moïse. Leurs âmes s’étaient élevées, ils avaient mûri spirituellement. Ils étaient prêts à entrer dans la Terre promise en tant que génération nouvelle et éclairée.

C’est pourquoi D.ieu, dans Sa sagesse infinie, demanda à Moïse de parler au rocher cette fois-ci. Il voulait que Moïse utilise les mots pour instruire le rocher et lui enseigner un chapitre de la Torah. Car un rocher, tout comme un être humain, peut être façonné par la parole, la sagesse et l’inspiration.

Malheureusement, Moïse, dans sa frustration et son attachement à la génération précédente, n’a pas suivi les nouvelles directives. Il a succombé à ses émotions et a frappé le rocher avec son bâton, utilisant l’ancienne méthode plutôt que de se tourner vers l’enseignement et la persuasion verbale.

Les conséquences de cette désobéissance furent graves. D.ieu reprocha à Moïse et Aaron de ne pas avoir eu foi en Lui, de ne pas avoir sanctifié Son nom devant le peuple. La sanction était donc proportionnelle à l’importance de l’événement et de l’enseignement qu’il représentait. Moïse, en tant que guide spirituel et leader de la nation, devait être exemplaire dans son obéissance à la volonté divine.

Deux types de pierres

Une autre dimension intéressante de cette histoire réside dans la distinction entre les deux termes utilisés pour décrire le rocher. Dans le premier incident, le mot hébreu utilisé est « tzour », qui désigne un rocher dur et solide à la fois à l’extérieur et à l’intérieur. Dans le deuxième incident, le terme utilisé est « Selah », qui désigne un rocher dur à l’extérieur mais renfermant de l’eau ou de l’humidité à l’intérieur.

Cette distinction symbolique met en évidence la nature de l’évolution de la génération. Au début de leur voyage, ils étaient comparables à un rocher solide et insensible, nécessitant d’être frappé pour libérer les eaux intérieures. Mais après quarante ans dans le désert, ils étaient devenus comme un rocher pierreux à l’extérieur mais contenant des richesses intérieures. Ils étaient prêts à être éduqués et inspirés par la parole plutôt que par la force.

Comprendre la génération

Cette histoire met en lumière l’importance pour les dirigeants, les parents et les éducateurs de comprendre les besoins et les évolutions des générations. Ce qui fonctionne pour une génération peut ne pas être approprié pour la suivante. La discipline par la force peut être nécessaire à un moment donné, mais à un autre moment, il faut privilégier l’enseignement et l’inspiration verbale.

Il est crucial de reconnaître que chaque génération a ses propres défis et ses propres besoins. Les personnes libres, comme les rochers qui contiennent de l’eau, ne réagissent pas à la force brute, mais à la parole qui instruit, qui éclaire et qui persuade. Il est essentiel d’établir une relation de confiance, de compréhension et de respect mutuel avec ceux que l’on guide ou éduque.

Moïse, dans son attachement profond à la génération précédente, a commis une erreur. Il n’a pas su saisir la nouvelle réalité et adapter sa méthode de leadership. Sa sanction n’était pas une punition, mais plutôt une conséquence de sa loyauté envers la génération qu’il avait libérée de l’esclavage et accompagnée dans le désert pendant quarante ans.

Leçon à retenir

Cette histoire biblique nous enseigne qu’il est essentiel de comprendre les évolutions et les besoins des différentes générations. Les méthodes éducatives et de leadership doivent s’adapter en fonction de la maturité et du développement des individus. Frapper le rocher peut être approprié dans certaines circonstances, mais parler au rocher, instruire et inspirer, peut être plus efficace dans d’autres situations.

Il est également crucial de reconnaître que chaque individu possède un potentiel intérieur, même s’il peut sembler dur et insensible à première vue. En utilisant les mots justes, en transmettant la sagesse et l’amour, nous pouvons aider à libérer les richesses intérieures et à éveiller les âmes assoiffées.

Cette leçon s’applique non seulement aux leaders et aux éducateurs, mais également à tous les individus dans leurs interactions quotidiennes. Nous devons apprendre à comprendre les autres, à écouter attentivement et à choisir nos mots avec soin. En utilisant la parole de manière bienveillante et inspirante, nous pouvons créer des liens plus profonds, promouvoir la croissance et la compréhension mutuelle.

L’histoire de Moïse et du rocher nous rappelle que la communication, l’éducation et l’inspiration sont des outils puissants pour transformer les situations et les individus. En comprenant les besoins spécifiques de chaque génération et en adaptant nos approches, nous pouvons favoriser la croissance, la sagesse et la rédemption. Arutz Sheva