Par Baila Olidort / lubavitch.com

En 1962, Harvey Swados, romancier et critique social américain, a rendu visite au Rabbi de Loubavitch. Il souhaitait connaître les opinions du Rabbi sur des questions liées à l’Holocauste.

Le récit de cette discussion par Swados, paru dans le New York Times une trentaine d’années plus tard, revêt un intérêt particulier aujourd’hui, alors que l’antisémitisme est à nouveau banalisé dans les rues des grandes villes et sur les campus universitaires à travers le pays.

Il a commencé la conversation en interrogeant le Rabbi sur le comportement des masses allemandes. À la grande surprise du romancier, le Rabbi « n’a fait aucune référence à des abstractions, qu’elles soient théologiques ou philosophiques. Il a plutôt pointé les réalités politiques. »

Swados a demandé au Rabbi s’il était donc de son avis « que la tragédie n’était pas une visitation unique sur le peuple juif, et qu’elle pourrait se reproduire? »

« Morgen in der fruh. Demain matin, » répondit-il sans hésitation. Une déclaration surprenante, peut-être, venant du Rabbi, qui était connu pour son optimisme inébranlable.

Et lorsque Swados a demandé au Rabbi pourquoi il en était si certain, ce dernier « n’a pas parlé de façon mystique, et n’a pas non plus insisté sur le caractère national allemand et sa supposée affinité pour la haine des Juifs.

« Il a plutôt insisté sur l’obéissance des Allemands à l’autorité et leur exécution sans questionnement des ordres – même les plus bestiaux – comme un phénomène culturel-historique qui était le produit de nombreuses générations d’inculcation délibérée. »

Le Rabbi a ensuite retourné les questions vers son visiteur et lui a demandé comment il expliquait « la survie du judaïsme pendant trois millénaires. » En réponse, Swados a évoqué « la force négative de la persécution [qui] a certainement rapproché les gens. » Il n’était pas sûr, dit-il, qu’en l’absence d’une telle persécution, notre judéité ne se désintégrerait pas.

Le critique social avait peut-être mis le doigt sur quelque chose.

Après tout, les Juifs se rassemblent effectivement lorsqu’ils sont menacés. Sous la menace, des Juifs de divers courants s’unissent. Les étudiants viennent chez Habad et dans d’autres lieux juifs. Des personnes qui n’avaient jamais fréquenté des espaces communautaires juifs auparavant cherchent des moyens de donner et de recevoir du soutien. Et cette solidarité est louable.

Mais cela suscite une réflexion : qu’adviendrait-il de la continuité juive si nous n’étions pas isolés par une telle haine ? La persécution est-elle en quelque sorte essentielle au projet de continuité juive ?

Maintenant, alors que les forces négatives se font menaçantes, il est bon de nous rappeler que la vie juive ne naît pas d’une énergie négative, mais plutôt des forces fertiles d’une communauté qui partage un engagement envers nos valeurs historiques, qui tire force, vitalité et joie réelle de notre héritage intellectuel et spirituel.

À présent, la réponse des shluchim de Habad à chaque événement négatif est familière, au point, peut-être, de sembler un cliché. Mais l’augmentation des actes de bonté souligne réellement notre conviction que nous n’avons pas besoin d’être persécutés pour être juifs ; que nous tirons notre force et notre vitalité de la lumière.

Une force négative, insistait le Rabbi dans sa conversation avec M. Swados, ne pourrait absolument pas être la seule réponse à notre continuité.