« Tom’hei Temimim » est le nom générique des yéchivot Loubavitch dans le monde. Le nom « Tom’hei Temimim » fut donné par le cinquième Rabbi de Loubavitch, Rabbi Chalom Dov Ber Schneersohn, connu sous l’acronyme « Rabbi Rachab », lors du repas de mariage de son fils, Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, le 15 Eloul 1897

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Le Rabbi Rachab rassembla un comité constitué d’une cinquantaine de ‘hassidim, parmi les plus éminents rabbins et donateurs qui s’étaient réunis à Loubavitch en l’honneur du mariage de son fils.

Le Rabbi ouvrit la séance en annonçant qu’il avait décidé de fonder une yéchiva dans laquelle les jeunes étudiants du Talmud pourraient s’adonner aussi à l’étude de la ‘Hassidout. Le nom de l’institution, «Tom’hei Temimim», de même que le nom désignant ses étudiants, «Temimim», découlent de son projet que les jeunes gens étudient, selon les termes du verset, Torah Temima, la Torah dans sa plénitude, à travers l’association de l’étude de sa partie dite «révélée» – le Talmud et ses commentaires – et de sa partie ésotérique, enseignée dans la ‘Hassidout ‘Habad-Loubavitch.

Deux jours plus tard, le 17 Eloul, le Rabbi Rachab choisit dix-huit jeunes gens pour être les premiers élèves de la yéchiva. Il confia au ‘Hassid Rav Chmouel Gronem Esterman la tâche de les guider dans l’étude de la ‘Hassidout.

L’ordre de mission

Le lendemain fut le mercredi 18 Eloul, jour anniversaire de la naissance de Rabbi Israël Baal Chem Tov – fondateur du mouvement ‘hassidique – et de Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, « l’Admour Hazakène » – fondateur du ‘hassidisme ‘Habad-Loubavitch.

En ce jour faste chez les ‘Hassidim eut lieu dans l’après-midi un repas festif de « Chéva Berakhot » (les sept bénédictions dites en l’honneur du mariage à l’issue du repas), lors duquel le Rabbi Rachab transmit son « ordre de mission » relatif à la fondation de la yéchiva, au nom de ses pères, les Rabbis.

Dans ses mémoires, son fils, Rabbi Yossef Itsh’ak, décrivit cet événement en ces termes :

À deux heures de l’après-midi se tint le repas de Chéva Berakhot. Mon père était particulièrement jovial et déclara :

« Les Juifs du monde entier savent que le quatrième jour [de la Création : le mercredi], les luminaires [célestes] ont été suspendus. Les premier, second et troisième jours, il y avait déjà le jour et la nuit. Cependant, les luminaires ne furent suspendus que le quatrième jour. Aujourd’hui, le ‘haï (18) Eloul, est le jour lumineux de la naissance de l’Admour Hazakène et de notre maître le Baal Chem Tov et, en ce saint jour, je fonde une yéchiva sur l’ordre et avec la bénédiction de mes saints pères, nos Rabbis. Une yéchiva qui produira des élèves empreints de messirout néfèch (abnégation) dans l’étude de la Torah, le service de D.ieu et les voies de la ‘Hassidout ‘Habad. »

Le Rabbi Rachab prononça alors un maamar, un profond exposé de ‘Hassidout commentant l’enseignement des Sages selon lequel « La lumière qui fut créée le premier jour permettait à Adam de voir d’un bout à l’autre de l’univers. »

Le visage lumineux, il dit ensuite:

« Puisse la Présence Divine résider dans l’œuvre de nos mains. Le quatrième jour de la Création, les luminaires célestes furent suspendus. En ce jour de ‘haï Eloul, le saint anniversaire de la naissance de notre maître le Baal Chem Tov il y a 199 ans, en ce début de fonctionnement de la yéchiva  j’allume les luminaires que notre maître le Baal Chem Tov et nos Rabbis nous ont légués afin que s’accomplisse la promesse selon laquelle “Tes sources jailliront à l’extérieur” pour concrétiser la venue du Machia’h. »

L’objectif

C’est dans le but déclaré de faire face aux bouleversements induits par les mentalités « nouvelles » qui avaient commencé à marquer la Russie de la fin du 19ème siècle, que le Rabbi Rachab fondit la yéchiva Loubavitch en 1897, qui donna lieu par la suite au réseau des yéchivot Tom’hei Temimim dans le monde entier.

Le nom de l’institution reflète la volonté de son fondateur : ne pas se contenter d’enseigner et d’éduquer, mais également purifier et raffiner le caractère (les « midoth »), renforcer la volonté, élever l’âme. Créer un homme intègre, sans fracture interne et sans dispersion de soi : un « Tamim ».

Cette époque fut marquée par la fondation de nombreuses yéchivot célèbres : Slobodka, Mir, Slotsk et Telz. L’étude de la Torah se structura alors en de grands centres d’étude qui se développèrent en Lituanie et constitua le grand réservoir d’érudits qui allait alimenter le peuple juif en rabbins.

La yéchiva Tom’hei Temimim fut à la fois semblable aux yéchivot lithuaniennes, et différente d’elles.

Elle leur ressembla, car elle adopta la méthode analytique de l’étude talmudique en vigueur en Lituanie.

Elle s’en distingua cependant de plusieurs manières.

Dans l’optique du rabbi Rachab, la yéchiva Tom’hei Temimim constitue une citadelle dont le rôle est de protéger non seulement ses propres élèves, mais toute la région, toute la communauté et jusqu’au peuple juif tout entier. C’est pourquoi ses élèves devaient être prêts à mener tous les combats pour protéger la religion juive, jusqu’au sacrifice suprême s’il le fallait.

Pour être apte à remplir cette mission, les élèves devaient être unis par une discipline intérieure, attachés les uns aux autres, et tous ensemble attachés à leur maître, le Rabbi.

En 5661 (1901), cinq ans après la fondation de la yéchiva, le Rabbi Rachab convoqua les élèves avec leurs enseignants et leur dit :

« Je contracte avec vous une alliance, avec les élèves de la yéchiva Tom’hei Temimim qui étudient aujourd’hui dans toutes ses classes, et avec tous les élèves qui y étudieront à l’avenir. Avec ceux ici présents et avec ceux qui ne sont pas encore là, je contracte une alliance de coopération dans le dévouement absolu à l’étude de la Torah empreinte de crainte de D.ieu et le travail du cœur (la prière), sans renoncements ni concessions, le jugement de la Torah sera souverain. »

En 1903, les élèves de la yéchiva essaimaient déjà dans la région et créaient des annexes de la yéchiva Tom’hei Temimim centrale. Quelques années plus tard, on trouvait des branches de Tom’hei Temimim dans toutes les régions de Russie et jusque dans des endroits reculés comme la Géorgie, l’Ouzbékistan et l’Asie Mineure russe.

Depuis sa fondation, le fils et futur successeur du Rabbi Rachab, Rabbi Yossef Its’hak, en fut le directeur. Il supervisait l’intégralité du déroulement des études et de la vie des élèves. Investi en cela par son père, l’esprit qu’il insuffla dans le fonctionnement des yéchivot leur permit de se développer en quantité et en qualité.

L’esprit

Comme nous l’avons dit, là où les autres yéchivot avaient pour objectif d’enseigner et, tout au plus, d’éduquer, les yéchivot Tom’hei Temimim eurent comme objectif de former des élèves à même de mener tous les combats pour la Torah et la foi juive, afin de protéger le peuple juif des dangers qui le menaçaient à l’époque de leur fondation et, plus encore, des dangers ultérieurs que les Rabbis de Loubavitch avaient pressentis.

Une autre qualité caractérise l’enseignement de Tom’hei Temimim : l’abolition de la séparation entre l’érudition (« lomdout ») et la piété (« ‘hassidout »). Dans l’optique de la ‘Hassidout ‘Habad-Loubavitch, ce sont là deux faces d’une même médaille. Plus encore, ‘Habad fit entrer la piété dans l’étude, de sorte que celle-ci ne soit pas seulement une construction intellectuelle, mais qu’elle soit également empreinte de sentiment. De même, elle fit pénétrer l’étude dans la piété, de sorte que le ‘Hassidisme n’est pas uniquement un esprit et un mode de vie, mais un enseignement structuré et intelligible, profond tout autant que rationnel.

L’étude de la ‘Hassidout est devenue une discipline requérant, à l’image de l’étude du Talmud, réflexion, approfondissement, remise en question, intuition et analyse. Se démarquant en cela de l’étude du Moussar (la morale juive), la ‘Hassidout s’enseigne en cours sur texte, donnant lieu a des débats comparables à ceux qui émaillent l’étude d’ouvrages halakhiques tels que le « Ktsot Ha’hochène ».

Une autre nouveauté de Tom’hei Temimim fut d’exiger une connaissance large de toute la Torah Orale (en plus, bien sûr, de la Torah Écrite) qui soit vécue et ressentie comme une partie du service de D.ieu, avec ferveur et attachement à D.ieu.

Ainsi, à Tom’hei Temimim, chaque chose possède sa place mais il n’y a pas de fossé entre la prière et l’étude, entre l’étude et la ferveur, entre un cours de Choul’hane Aroukh et le chant des Nigounim. ‘Habad constitue le pont qui relie l’étude analytique et rationnelle avec la chaleur du cœur et l’élévation de l’âme.

La méthode

Ce faisant, il existait un risque que le cœur voile la pensée et que la ferveur brouille la logique. En effet, l’étude de la Halakha (la loi) exige une réflexion claire et précise pour mener à bien une analyse détachée et objective. Comment cette démarche pouvait-elle se concilier avec l’approche ‘hassidique qui semble lui être opposée ?

Les fondateurs de la yéchiva Tom’hei Temimim furent conscients de ce risque et le prévinrent. C’est ainsi qu’ils choisirent précisément la méthode d’étude analytique en vigueur dans les yéchivot lithuaniennes : affronter la problématique du texte, en chercher le sens véritable, étudier de manière approfondie l’approche des Sages du Talmud sur un sujet et chercher à percer leurs intentions et leur esprit. D’un autre côté, rejeter toute discussion stérile, toute polémique inutile qui s’écarte de la recherche de la vérité.

Cet effacement total conjugué avec la recherche de la plénitude, caractéristique de ‘Habad-Loubavitch, a permis aux élèves de Tom’hei Temimim de ne pas tomber dans le piège des « éclairs de génie » sans aboutissement, des intuitions fallacieuses et des constructions intellectuelles hasardeuses, car dénuées des bases logiques d’un esprit honnête et rigoureux.

Ces principes ont guidé le déroulement des études à Tom’hei Temimim, sous la surveillance vigilante de ses fondateurs. Voici ce qu’écrivait le Rabbi Rachab dans le Kountress Ets ‘Haïm publié en 5664 (1904), adressé aux élèves :

L’essentiel est de s’approfondir dans chaque sujet. Ainsi, chaque sentence des Sages, chacun de leurs arguments, ne doivent pas être considérés comme se résumant à la compréhension superficielle que l’on peut en avoir, car ils recèlent de profondeurs redoublées et exigent de grands efforts, des efforts intellectuels et physiques, ainsi qu’un esprit droit et un engagement résolu, et, plus que tout, de n’aspirer à rien d’autre qu’à la vérité.

Lorsque vous aurez achevé l’étude d’un sujet et que la discussion du Talmud vous apparaîtra claire et ordonnée, vous vous approfondirez sur le thème général de la discussion, puis vous l’analyserez de façon rigoureuse et vérifierez si chaque point de détail est conforme à l’ensemble.

Vous serez particulièrement méticuleux dans votre approche du commentaire de Rachi […] Un pilpoul (débat) menant à la vérité ne peut se faire que si l’on connaît au préalable la Halakha de façon claire et structurée. C’est seulement à cette condition que ceux que D.ieu a dotés d’un esprit puissant et large pourront débattre du sujet, car alors le débat sera fondé et construit, de sorte qu’il puisse donner lieu à l’établissement de la Halakha. [Là où elle n’avait pas encore été explicitée. NdT]

L’étude chez ‘Habad ne s’écarte pas uniquement des débats qui ne sont pas fondés sur la vérité et qui n’y mènent pas, mais rejette aussi l’étude superficielle, la simple accumulation de connaissances sans en comprendre le sens. Autant que l’étude des différents sujets elle-même, leur intégration à la fois intellectuelle et émotionnelle est considérée comme fondamentale. Il y avait certes des cours dédiés à augmenter les connaissances générales dans le Talmud (« guirsa »), mais l’essentiel était les cours d’analyse et d’approfondissement (« iyoun »), comme dans les yéchivot lithuaniennes.

Et d’un autre côté, l’approche ‘hassidique a permis de se garder d’un rapport aux enseignements de la Torah exclusivement intellectuel, dont le risque est de perdre de vue qu’ils sont ancrés dans le réel.

Les ‘Hassidim ‘Habad pensent que, si l’homme est voué à découvrir de nouvelles profondeurs dans la Torah, la Torah est amenée à révéler d’autant plus dans l’homme qui l’étudie. De là découle l’objectif de ne pas se contenter de la connaissance, mais de s’attacher à la mettre en pratique, aussi bien dans le domaine de la loi juive (« halakha ») que dans celui de l’intégrité du comportement (« ‘hassidout »).

L’éducation dispensée à Tom’hei Temimim était individuelle, basée sur les aptitudes personnelles de chaque élève. Les « Machpiim », maîtres en l’art de comprendre l’âme humaine, savaient trouver et révéler chez l’élève les capacités et lui donnaient un programme pour les développer dans le sens ‘hassidique. Ils considéraient chaque individu avec autant d’égard que la communauté tout entière, parce que chaque individu peut – et doit – avoir une influence sur la communauté tout entière.

Telle est l’origine de la chaleur, la ferveur et l’abnégation qui caractérisent l’enseignement de la Torah dans les yéchivot Loubavitch, depuis la Russie soviétique qui leur menait une guerre ouverte, jusqu’aux grandes métropoles occidentales bercées de matérialisme, en passant par les villages arides d’Afrique du Nord

Les temps difficiles

Pendant les années noires de la Première Guerre mondiale, les ‘Hassidim ‘Habad continuèrent à fonder des branches de la yéchiva Tom’hei Temimim dans différentes villes. Ceci se poursuivit après la prise de pouvoir par les bolcheviques en 1917. Bientôt, la sinistre « Yevsektsya », la section juive du parti communiste qui s’était donné comme objectif de détruire la religion juive en Russie, se mit à persécuter les yéchivot, notamment au moyen d’espions juifs. Les ‘Hassidim entrèrent alors dans la clandestinité, et continuèrent de faire fonctionner les yéchivot existantes et à en fonder d’autres, dont les lieux étaient tenus secrets.

En ce temps-là, le « Joint » américain eut à cœur de soutenir les yéchivot Tom’hei Temimim dans leur détresse, allouant, à l’initiative du Dr I. Rosen, 50 000 $ annuels aux institutions religieuses dirigées par le Rabbi de Loubavitch, ce qui était, pour l’époque, une somme considérable.

Lorsque Rabbi Chalom Dov Ber Schneerson quitta ce monde en 1920, son fils Rabbi Yossef Its’hak (le Rabbi précédent) lui succéda, à une époque où la Yévsektsya déployait tous ses efforts pour combattre le Judaïsme. Sous sa direction, l’entreprise éducative Loubavitch s’amplifia et s’étendit à toutes les couches de la communauté juive, y compris les Juifs les plus éloignés de l’étude de la Torah et de la pratique et ajoutant à l’enseignement du Talmud aux adolescents, l’éducation des jeunes enfants.

Rabbi Yossef Its’hak et ses ‘Hassidim fondirent des dizaines de « ‘Heders » clandestins, dont les maîtres étaient les plus âgés des élèves des yéchivot. L’étude se faisait souvent dans des caves, ou dans des entrepôts. Les maîtres et les élèves préféraient risquer la prison, le Goulag ou même leur vie, plutôt que de se soumettre. Et le gouvernement bolchevique le savait. Grâce à leurs efforts, les sept années de 1920 à 1927 furent, contre toute attente, des années prospères pour l’éducation juive en Russie.

En 1927, cependant, les chefs de la Yevsektsya décidèrent qu’il fallait éradiquer totalement et définitivement l’éducation religieuse en Russie. Ils savaient que Rabbi Yossef Its’hak était à la tête de cette entreprise et firent transmettre à la police secrète du régime, la G.P.U. (pron. Gué-pé-ou), qu’il se livrait à des activités « contre-révolutionnaires ». C’est ainsi que Rabbi Yossef Its’hak fut arrêté et condamné à la peine capitale. Il y eut cependant un grand miracle, révélé aux yeux du monde entier, lorsque les mêmes personnes qui l’avaient arrêté furent contraintes de le libérer. Rabbi Yossef Its’hak dut alors quitter la Russie pour la Lettonie, la Pologne, puis, dix ans plus tard, l’Amérique. Tout en établissant de nouvelles branches de Tom’hei Temimim en Europe et en Amérique, il continua à diriger de l’extérieur le réseau clandestin d’URSS qui poursuivit son travail jusqu’à la chute du régime communiste totalitaire.

Tom’hei Temimim aujourd’hui

Aujourd’hui, des dizaines de branches de Tom’hei Temimim dans le monde entier enseignent le Talmud et la ‘Hassidout et forment les futurs émissaires du Rabbi.