Par Gérard Touaty

Sommes-nous en droit d’exiger de D.ieu la délivrance ? De prime abord, il est clair que cette démarche peut traduire une forme d’insolence de notre part : devons nous dicter à D.ieu une certaine façon de gérer le monde et l’histoire ? Mieux encore : si D.ieu nous a exilés, n’est ce pas à Lui, en toute logique, de nous faire quitter l’exil ?

Il existe, pour ces questions, de nombreuses réponses, mais l’une d’entre elles, relayée par le Rabbi, a retenu notre attention parce qu’elle vient donner au peuple juif un rôle actif dans le déclenchement de la délivrance.

La parachath Béaaloté’ha nous rapporte le fait, tout à fait exceptionnel, de Pessa’h chéni, le « second Pessa’h ». Si la Thora véhicule un message porteur d’espoir, c’est sans doute au travers de cette loi que l’on peut le lire le plus aisément. Le texte nous relate que des hommes n’avaient pu accomplir, comme il se doit, le rituel du sacrifice de l’agneau de Pessa’h, du fait d’une impureté. Cette situation qui, à leurs yeux, était insupportable, les amena à porter leur cas devant Moché (1). « …Pourquoi serions nous privés d’offrir ce sacrifice… » lui dirent-ils. Moché consulta D.ieu qui donna gain de cause à ces hommes (2) : « …Un homme qui sera impur ou qui se trouvera sur un chemin éloigné (au temps de Pessa’h) pourra offrir ce sacrifice un mois plus tard… ».

Nous avons ici un cas tout à fait singulier. La mitzva du « second Pessa’h » ne fut pas, à l’origine, donnée par D.ieu mais fut initiée par les hommes et malgré cela, elle est comptabilisée comme l’une des 613 mitzvoth de la Thora ! Cela nous livre un message essentiel : si un homme ressent un profond manque spirituel, il est en droit de se tourner vers D.ieu pour réclamer ce qui lui fait défaut. Il en est de même pour la délivrance messianique : si un homme ressent, au plus profond de son être, la détresse qu’il a à rester en exil, sans le Temple, sans la Présence divine, et sans la plénitude du judaïsme, il ne fait aucun doute qu’il est en droit d’exiger du Créateur, la venue immédiate du Machia’h, à l’instar des hommes de Pessa’h chéni. Bien plus, ces hommes n’avaient rien à se reprocher. Leur impureté n’était pas une faute. Ils auraient pu, de ce fait, se résigner et accepter leur condition ! Mais non seulement, ils vécurent cette situation comme un manque inacceptable mais de plus, réclamèrent une seconde chance qui devint une mitzva pour tout le peuple juif ! Si cette réclamation devint une mitzva, c’est l’indice qu’elle était justifiée.

Allons plus loin. Lorsque D.ieu énonça la loi du Pessa’h chéni, il donna deux détails : « Un homme qui sera impur ou qui se trouvera sur un chemin éloigné (au temps de Pessa’h) pourra offrir ce sacrifice un mois plus tard… ». Les termes de « impur » et « chemin éloigné » doivent être compris sur un plan spirituel : en temps d’exil, le peuple juif est sur un chemin éloigné (de sa terre). De plus, la perte du Temple l’a rendu impur dans son esprit, au point qu’il ne peut comprendre, comme il se doit, la sagesse de la Thora. L’ampleur de ce manque est donc considérable puisque c’est l’identité même du peuple juif qui est en faillite ! Or, si pour une seule mitzva manquante (le sacrifice du premier Pessa’h), D.ieu répondit positivement à la demande de quelques hommes, combien plus devrait-il en être pour la demande de tout le peuple juif qui souffre de la perte de plus de 400 mitzvoth que l’on ne peut accomplir aujourd’hui du fait de la perte du Temple et de l’absence de la Présence divine !

Notes
(1) Bamidbar, chap. 9, verset 7
(2) Bamidbar, chap. 9, verset 10