Un homme rentre fatigué à la maison, et c’est juste à ce moment-là que sa femme lui demande quelque chose. Une voix lui dit « J’ai travaillé toute la journée, je veux me reposer », mais une autre voix dit « Et alors, elle aussi a travaillé toute la journée », et une troisième voix soutient que s’il répond à sa demande, demain elle lui en demandera plus. Puis viennent les enfants, comment faut-il les éduquer ? Un enfant entre à la maison et jette son sac dans un coin, faut-il le réprimander ou non ? Après tout, le pauvre enfant lui aussi a durement travaillé toute la journée. Mais si on ne lui fait pas de remarque, il risque de développer de la paresse. Que veut le Saint Béni Soit-Il de moi ? Oh, comme c’est difficile.
Le Baal Shem Tov disait que dans le futur, le Saint Béni Soit-Il punira le mauvais penchant. Le mauvais penchant demandera « Pourquoi je mérite cela ? Je n’ai fait qu’accomplir ma tâche ». Mais le Saint Béni Soit-Il lui répondra : « C’est vrai que je t’ai chargé de tenter l’homme, mais je ne t’ai jamais dit de mentir et de lui faire croire qu’une transgression est une mitsva ». Et c’est ce que le mauvais penchant nous fait, il amène l’homme à penser que s’il crie maintenant sur son enfant, c’est une mitsva d’éducation, alors qu’en réalité c’est une transgression.
On est une fois venu demander au « Bnei Yissakhar » de signer un ‘herem (excommunication) contre quelqu’un, mais il a catégoriquement refusé. On lui a dit : Voilà, d’autres plus grands que toi ont signé, alors quel est ton problème ? Et il a donné une réponse très forte : « Quand le Saint Béni Soit-Il a demandé à Abraham notre père de sacrifier son fils Isaac, Il est venu à lui en personne : ‘Et D.ieu éprouva Abraham et lui dit… Prends ton fils…’. Mais à la fin, quand le Saint Béni Soit-Il a dit ‘N’étends pas ta main sur le jeune homme’, c’est un ange qui l’a dit. Pourquoi au début c’était le Saint Béni Soit-Il et à la fin un ange ? Car pour laisser un homme en vie, un ange suffit, mais pour égorger quelqu’un – même un ange ne suffit pas, il faut le Saint Béni Soit-Il en personne ».
Quand tu dis un mot déplacé au sujet d’une autre personne, sache que ça peut l’achever.
J’ai vu cela une fois concrètement. J’avais une parente qui, avec son frère, étaient les deux seuls survivants de la Shoah de toute leur famille. Elle n’avait pas d’enfants, et mon père allait lui rendre visite à chaque fête. Une fois, mon père est allé chez elle pendant Hol Hamoed Pessah. Elle lui a servi un tcholent avec un « kishke » spécial Cachère pour Pessah. C’était une experte en cuisine, et un kishke Cachère pour Pessah est considéré comme une grande expertise. Après le repas, quand nous sommes sortis, ma mère a dit à mon père : « Comment as-tu mangé ce kishke ? Tu n’as pas vu qu’il y avait des fils ? ». À l’époque, les fils de couture étaient enduits d’amidon, et il était possible que l’amidon contenu dans les fils ne soit pas Cachère pour Pessah et que mon père ait mangé du Hamets ! Mon père a répondu : « En vérité, je l’ai vu. Mais j’ai fait le calcul – des fils de couture qui contiennent peut-être de l’amidon qui n’est peut-être pas Cachère pour Pessah, c’est un raffinement dont on n’est pas sûr de devoir s’en soucier. Mais cette sévérité ne compte pas face à une parole dure que je dirais à ma tante. Il vaut mieux être sévère pour ne pas faire rougir quelqu’un que de ne pas manger d’amidon des fils ».
Savez-vous quel est le principal problème ? Que la plupart des gens sont stricts dans les Mitsvot entre l’homme et D.ieu et sont prêts à être indulgents dans les Mitsvot entre l’homme et son prochain. Et pourquoi cela ? Voici une réponse tellement vraie qu’elle est dure à entendre : quand un homme est strict avec son prochain, prend soin de chacun, fait attention à respecter tout le monde, cela n’ajoute pas à son ego, il devient « annulé dans la réalité ». Mais si un homme est principalement strict entre l’homme et D.ieu, c’est alors qu’il en ressort avec un plus grand ego : « Ouah, je suis tellement strict ».
Ce phénomène a une autre explication – la rigueur et la sévérité viennent de la puissance et du jugement, tandis que les Mitsvot entre l’homme et son prochain sont basées sur la bonté. Être strict dans les affaires de bonté, c’est une contradiction. La rigueur concerne les affaires de puissance, et c’est pourquoi on ne « connecte » pas d’être rigoureux en bonté, ce n’est pas le même mouvement dans l’âme. Cette hypothèse n’est bien sûr pas précise, on peut certainement être rigoureux et méticuleux en bonté, par exemple : penser à ce que l’autre ressent suite à ma bonté.
Le Rabbi Rayats a institué deux règles pour « Chabbat Mevarhim » : « Réciter tout le livre des Psaumes tôt le matin. Jour de ‘Hitvaadout’ (rassemblement ‘hassidique) ». Il n’est pas dit « jour de récitation de tous les Psaumes », mais il est dit « jour de Hitvaadout ». C’est censé être une journée entière de Hitvaadout. En pratique, la plupart des Hassidim sont plus stricts sur la récitation des Psaumes, stricts entre l’homme et D.ieu. Mais faire une Hitvaadout, c’est entre l’homme et son prochain, et les gens n’en voient pas la nécessité.
Par le passé, les gens parlaient durement les uns aux autres pendant les Hitvaadout, dans le cadre d’un réveil général, jusqu’à ce que le Rabbi Rayats y mette fin. Il a écrit une lettre aux ‘hassidim dans laquelle il a raconté : « J’étais à l’hôpital et on m’a fait une piqûre. Avant de me faire la piqûre, on m’a nettoyé l’endroit avec un désinfectant. J’ai demandé pourquoi, et on m’a dit que c’était pour éliminer les microbes. ‘Même si le médicament t’aide, si des microbes entrent, ils peuvent nuire plus que le médicament ne t’aidera’. J’ai pensé en moi-même quelle leçon on pouvait en tirer dans le service divin, et la leçon est que parfois, il faut donner à quelqu’un une piqûre-réprimande, mais si avec cette piqûre s’infiltre une saleté, un petit microbe comme la colère, un ton élevé ou irrespectueux – cela gâchera plus que ce que cela n’aidera ».
Je me souviens que quand j’étais enfant, un Chabbat, quelqu’un a frappé à la porte de notre maison et a dit qu’il avait entendu dire qu’ici on pouvait manger le repas de Chabbat. Il marchait dans la rue et avait demandé, et on l’avait orienté vers nous. C’était un Américain qui parlait anglais, et mon père, qui savait très peu l’anglais, a surtout communiqué avec lui par l’affection et un visage lumineux. Après le repas, mon père l’a raccompagné dehors et quand il est revenu il m’a raconté : « Tu sais ce que cet homme vient de me raconter ? Quand il était un jeune homme en Amérique, son père l’a une fois réprimandé et lui a crié dessus pour une question liée à l’observance des Mitsvot, et depuis il a une haine pour tout le judaïsme et les Juifs observants. Il a fui son père et a fui le judaïsme, il ne peut pas supporter d’être en leur présence ! Il m’a dit : ‘Sache qu’en m’accueillant ainsi, avec un visage lumineux, je reviens sur toute cette haine' ».
Voyez à quel point c’est sensible. C’est courant qu’un père fasse des remarques à son fils, il est sûr que c’est son rôle. Et pourtant, ce fils a fui de toutes ses forces. Et mon père, qui ne connaissait même pas la langue, a changé toute cette réalité grâce à l’affection.
Une fois, quelqu’un m’a demandé comment savoir quand parler durement et quand parler doucement. Je ne savais pas quoi répondre. Mais après un certain temps, nous avons étudié un maamar de l’Admour Hazaken et j’y ai trouvé la réponse. Dans le « Siddour avec Daat ‘Elyon », il est écrit : d’Abraham est sorti Ismaël, et d’Isaac est sorti Ésaü. Qu’est-ce que cela signifie ? Que du ‘Hessed de Sainteté peut sortir du ‘Hessed de Kelipah, et de la Guevoura de Sainteté peut sortir de la Guevoura de Kelipah, comme Ésaü dont il est dit « Tu vivras par ton épée ». Où le problème est-il le plus grand? L’Admour Hazaken explique que du ‘Hessed, on peut revenir, mais de la Guevoura, c’est beaucoup plus difficile.
Comment cela se manifeste-t-il dans notre génération ? Si tu as un doute sur le fait de gâter davantage tes enfants, de leur parler doucement, ou au contraire, d’être strict et de ne pas leur donner ce qu’ils veulent pour qu’ils ne soient pas trop gâtés, il y a une logique dans les deux sens. L’Admour Hazaken dit que du ‘Hessed, on peut revenir, de la Guevoura, non. Si tu as poussé un cri inutile, ils s’en souviendront toute leur vie. Et si tu leur as fait un plaisir inutile ? Et alors, s’ils s’en souviennent toute leur vie ? Ce problème peut toujours être corrigé.
Notre génération est bien plus sensible que les autres générations. Pas seulement la génération – j’ai remarqué que chaque année, les gens deviennent plus sensibles. Plus la sensibilité augmente, plus la délicatesse doit augmenter. Et pas seulement envers les enfants, nous les adultes en avons aussi besoin.
J’ai entendu une fois au nom d’un grand Juif que la chose la plus importante dans l’éducation est que les enfants se sentent bien avec eux-mêmes à la maison. Tout le reste vient de soi. C’est pourquoi il dit aux parents de ne pas parler aux enfants de l’observance des Mitsvot, mais juste de s’assurer que leurs enfants se sentent bien et aimés. Il donne l’exemple de sa sœur qui a seize enfants, tous érudits en Torah. Les parents n’ont jamais éduqué, ils ont juste veillé à ce que les enfants se sentent bien à la maison. Mais si l’enfant ne se sent pas bien à la maison, c’est juste une raison pour lui de faire l’inverse. Il en reste une cicatrice à vie.
Le « travail de tri » est un grand travail de séparation du bien et du mal, et il est pertinent partout et pour chacun. Nos Sages ont dit « Fais-toi un maître », afin que si tu as des doutes, tu ailles les clarifier et tries le bien du mal qui y est mélangé. Quand une personne arrive à la synagogue, fixe des temps pour étudier la Torah ou rentre à la maison – à chaque étape l’attendent des « triages », c’est-à-dire des situations complexes mêlées de bien et de mal, et il lui incombe d’y faire face correctement. Quand on affronte des pensées étrangères pendant la prière ou qu’on se retient de bavarder à la synagogue, c’est un travail de tri. Quand on arrive à l’étude – il y a toutes sortes d’opinions erronées, il y a des questions. Quand on élimine les opinions stupides et qu’on résout les questions, c’est un travail de tri. Ensuite, on part travailler, et là aussi il y a des tris. Il y a toutes sortes d’idées sur la façon de gagner plus d’argent, mais il faut trier le comportement qui sera honnête, selon la Torah. Et après tout cela, on rentre fatigué à la maison, et avec sa femme et ses enfants se créent des divergences d’opinion et des situations complexes – et nous avons le privilège de remplir notre mission et de trier encore et encore, à tout moment, le bien du mal, la lumière des ténèbres.
Le Rav Haïm Shalom Deutsch (né le 23 Tishri 5705, 10 octobre 1944) est un Mashpia ‘Habad, Rosh Kollel du « Kollel Avrekhim Tzemah Tzedek » dans la vieille ville de Jérusalem, Rosh Metivta à la Yechiva Torat Emet à Jérusalem et Mashpia de la communauté Maayanei Israël.
Il est né à Jérusalem du Rav Yossef Eliyahou Deutsch, Rosh Yechiva d’Anshei Maamad à Jérusalem, et de Myriam Deutsch, 6e génération descendante du Rabbi Shneour Zalman de Liadi. Il a étudié aux Yechivot Etz ‘Haïm, Torat Emet et à la Yechiva de Ponevitch. À cette période, il a commencé à se rapprocher du ‘hassidisme ‘Habad et s’est rendu pour écouter le Rav Shlomo ‘Haïm Kesselman, Mashpia à la Yechiva Tomkhei Tmimim de Kfar ‘Habad. Par la suite, il est allé étudier dans cette Yechiva.
Il a épousé Esther Lea, la fille du Rav Asher Zev Werner. Après son mariage, il a étudié au Kollel dirigé par le Rav Zalman Ne’hemia Goldberg. Il a officié comme Rosh Metivta à la Yechiva Tomkhei Tmimim de Kiryat Gat, Rosh Metivta à la Yechiva Karlin-Lelov et plus encore. Il a également dirigé un institut d’études en vue de l’ordination rabbinique qu’il a fondé. Il est Rosh Kollel à la synagogue Tzemah Tzedek dans la vieille ville de Jérusalem. Dans le cadre du Kollel, il a édité le recueil « Yagdil Torah » et les livres « Commentaires et explications sur le Choul’han Aroukh de l’Admour Hazaken ».
Lors des réunions ‘hassidiques qu’il tient, il traite beaucoup de l’âme et des émotions humaines. Il s’implique aussi dans le rapprochement de la jeunesse ‘Haredi décrochée.