Dans l’histoire du mouvement Habad-Loubavitch, certaines figures se distinguent par leur dévouement exceptionnel et leur impact profond. Reb Avraham Pariz (5649-5728 / 1889-1968) est l’une de ces personnalités remarquables. Sa vie, qui s’étend sur près de huit décennies, témoigne d’un engagement inébranlable envers les enseignements hassidiques et d’une loyauté sans faille envers les Rebbeim.
MALGRÉ TOUS LES OBSTACLES
Bien que frêle et de petite stature physique, Reb Avraham était un grand guerrier en esprit. Modeste et discret, il préférait s’asseoir dans un coin plutôt que sur une estrade. Mais tout changeait quand on lui demandait de parler du Rabbi. Alors, il se levait comme un lion ; ses yeux étincelaient et brillaient.
Il exigeait que les jeunes hassidim se dévouent inconditionnellement au Rabbi. En effet, la vie de Reb Avraham Pariz reflète un bitoul complet et une hitkashrout inconditionnelle.
Bobroisk, la ville où Reb Avraham Pariz est né à Pourim en l’année 1889, était l’un des centres les plus importants de la vie juive en Russie et un bastion hassidique influent. Son père était un homme d’affaires, qui n’adhérait pas aux valeurs hassidiques prédominantes dans sa ville natale de Bobroisk.
Cependant, l’atmosphère du hassidisme si présente dans la ville affecta grandement le jeune Avraham et déjà avant sa Bar Mitsvah, il décida de voyager à Loubavitch. Bien que cela signifiait qu’il serait seul et séparé de sa famille, il alla de l’avant, empruntant de l’argent à son oncle pour couvrir les frais de voyage. Il fut accepté à Tomchei T’mimim et devint bientôt attaché corps et âme au Rabbi Rachab.
L’ÉPITOMÉ D’UN TAMIM
Reb Avraham se plongea dans l’étude du Nigleh et du Hassidout. Sa diligence était grandement admirée dans toute la yeshiva et sa conduite hassidique était exemplaire. Il se distinguait également comme un tamim dont la sincérité absolue était évidente dans tout ce qu’il disait ou faisait.
À un moment donné, il faisait partie d’un groupe sélectionné de bahourim qui étudiaient l' »Imrei Bina » du Admour Haemtsai jusqu’à douze heures par jour !
Sa grande soif de Hassidout le poussa une fois à faire quelque chose d’extrême : Le Rabbi Rachab avait écrit des notes sur le Maamar « Peta’h Eliyahou » dans Torah Or, mais n’avait pas permis qu’elles soient transcrites et copiées. Reb Avraham en eut connaissance et son désir d’étudier les explications du Rabbi était immense. Il réussit d’une manière ou d’une autre à mettre la main sur les notes et les transmit à un copiste expert pour les transcrire. Après qu’ils furent copiés avec succès, il les remit à leur place d’origine.
Reb Avraham ne garda pas ces précieux documents pour lui ; il les partagea avec ses camarades T’mimim. Ils essayèrent de garder l’épisode secret mais ne réussirent pas. Le Rabbi précédent (Menahel Po’el de la yeshiva à l’époque) demanda par hasard à un bahour ce qu’il étudiait en Hassidout [- Selon une autre version, c’était en effet le Rabbi Rachab lui-même qui avait posé cette question à un bahour en Yehidout]. Le bahour répondit qu’il étudiait les hagahot du Rabbi sur « Petah Eliyahou ».
Une enquête s’ensuivit et les auteurs furent bientôt découverts. Le copiste et Reb Avraham furent tous deux sanctionnés. Quand le Rabbi Rachab apprit qui était derrière cela, il remarqua : « Tavo alav braha » !
Des années plus tard, lors du Farbrenguen de Chabbat Parachat Bamidbar 5729-1969, le Rabbi dit :
« Avraham Pariz était un vrai yid hassidique qui étudiait le Hassidout et un vrai tamim hassidique. Le Rabbi Rachab a dit de lui ‘Tavo alav Braha’, si seulement d’autres pouvaient « voler » comme lui… »
Le Rabbi conclut que bien que pour la plupart des gens un tel comportement soit inacceptable, quand il est fait par un homme de la stature de Reb Avraham Pariz, cela a tout autre sens.
Outre son étude assidue, Reb Avraham se vit confier des responsabilités supplémentaires. À Tomchei T’mimim, il y avait divers fonds comme le fonds des talmidim, le fonds du courrier et autres. L’un des fonds les plus importants était le fonds pidyon shevouyim qui aidait les bahourim à éviter la conscription dans l’armée et Reb Avraham fut nommé pour le diriger. Il fut également chargé de conseiller les plus jeunes T’mimim.
Plus tard, Israel Jacobson écrirait dans ses mémoires que ce qui distinguait Reb Avraham des autres bahourim plus âgés, et donc l’effet qu’il avait sur lui personnellement, était la sincérité absolue avec laquelle il parlait. Reb Israel attribuait la midat ha’emet de Reb Avraham au fait que Reb Avraham était resté à Loubavitch alors que le reste de sa famille avait émigré en Amérique. Ils le supplièrent de les rejoindre, mais Avraham, âgé de quatorze ans, refusa, insistant sur le fait qu’il appartenait à Loubavitch. Israel Jacobson conclut que l’incroyable sincérité de Reb Avraham devait être une récompense céleste pour avoir résisté à cette grande épreuve.
En 5674-1914, Reb Avraham épousa Rivka Baila, fille de Reb Gershon Feigin de Vitebsk. Le chiddou’h fut conseillé et arrangé par son oncle, le Hassid, Reb Hatche Feigin. Au début, Reb Avraham était sceptique jusqu’à ce que le Rabbi Rachab l’assure en Yehidout qu’il mériterait d’avoir des enfants hassidiques et d’excellents gendres.
Après son mariage, Reb Avraham s’installa près de son beau-père à Vitebsk. La vie de marié ne changea pas Reb Avraham le moins du monde, et il continua à se consacrer à la Torah et à l’Avodat Hashem. Son lien profond avec Loubavitch ne s’estompa pas, et dans la première année de son mariage, Reb Avraham voyagea avec sa femme à Loubavitch pour passer le mois de Tishri avec le Rabbi Rachab.
Reb Avraham continua à voyager vers le Rabbi Rachab même pendant le pic de la guerre civile en Russie qui fut déclenchée par la Première Guerre mondiale. Le voyage était périlleux, mais rien ne dissuada Reb Avraham de passer Tishri avec son Rabbi.
Erets HAKODESH
Le 2 Nissan 5680-1920, le Rabbi Rachab quitta ce monde, laissant les hassidim anéantis.
L’acceptation de la Nessiout par le Rabbi précédent eut lieu à une époque de grandes difficultés pour les Juifs de Russie. Le nouveau gouvernement communiste persécutait sans relâche quiconque osait pratiquer le judaïsme ouvertement et le Rabbi précédent commença immédiatement la lutte pour l’avenir du judaïsme russe.
Peu de Hassidim étaient prêts à abandonner le front de bataille. Tant que le Rabbi précédent était en Russie, la désertion était impensable. Le Rabbi précédent répéta à maintes reprises aux Hassidim que la fuite n’était pas une option. Il y avait cependant des exceptions, où le Rabbi précédent ordonna expressément à certains Hassidim de partir, et Reb Avraham en faisait partie.
En 5686-1926, le Rabbi précédent ordonna à Reb Avraham d’émigrer de Russie. Reb Avraham demanda immédiatement des visas pour Erets Israël, bien que cela le séparerait du Rabbi précédent. Après de grands efforts, il reçut les précieux documents et immigra en Erets Israël avec sa famille.
La première chose que fit Reb Avraham en arrivant en Erets Israël fut de renouveler la connexion avec le Rabbi précédent en Russie.
Reb Avraham établit sa résidence à Petah Tikva, et sa petite maison devint bientôt le lieu de rassemblement non officiel de la petite communauté Anash d’Erets Israël à l’époque.
Un an plus tard, en 1927, la nouvelle amère de l’arrestation du Rabbi précédent parvint aux Hassidim. Reb Avraham commença immédiatement des efforts intensifs pour impliquer diverses personnalités politiques et éminentes dans l’influence de leurs gouvernements pour faire pression sur la Russie afin de libérer le Rabbi précédent. Il se tourna également vers les Hassidim en Amérique avec une demande urgente de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour obtenir la libération du Rabbi précédent.
UN SAC D’OR
Après la libération du Rabbi précédent de prison et la transition réussie à Riga, Reb Avraham fut mis au courant de tout ce que le Rabbi avait vécu. Il échangeait régulièrement des lettres avec Yechezkel (Chatche) Feigin (l’oncle de sa femme), qui servait de secrétaire personnel au Rabbi précédent.
« Nous avons épuisé nos fonds, » écrivait souvent Reb Chatche avec découragement. « Il n’y a rien là. D’énormes prêts sont contractés pour les besoins quotidiens de base, d’autant plus pour de grandes dépenses sont nécessaires pour la santé du Rabbi et ses visites dans diverses stations thermales. »
Reb Avraham désirait aider, mais il n’avait pas de fonds. N’ayant rien à donner, il s’engagea à jeûner des demi-journées pour la santé du Rabbi.
Une fois, chevauchant son âne à travers un verger, il tomba sur un sac qui était couché sous un arbre. Il y trouva une quantité importante de pièces d’or, un véritable trésor !
Il commença à se renseigner auprès des passants – peut-être connaissaient-ils le propriétaire du sac, peut-être quelqu’un avait-il remarqué un individu cherchant un sac – mais personne ne put identifier le propriétaire du sac. Ravi d’avoir enfin des moyens financiers, Reb Avraham se dirigea directement vers la banque et déposa toute la somme, pour être virée sur le compte du Rabbi précédent à Riga.
Plus tard, il raconta à sa famille que sa première pensée en trouvant le trésor concernait la crise financière du Rabbi précédent. « J’en ai conclu que Hachem m’avait donné le mérite d’aider le Rabbi, ne serait-ce qu’un peu. Pourtant, je craignais encore que mon cœur ne me persuade de garder une partie du trésor pour moi-même – alors je suis allé directement à la banque sans rentrer chez moi, et j’ai déposé toute la somme sur le compte du Rabbi. »
Il apprit plus tard que cet argent avait servi à couvrir les dépenses pour le mariage du Rabbi et de la Rebbetzin, qui eut lieu à Varsovie le 14 Kislev 5689.
« RABBI, MAAMAD ! »
À l’été 5689, 1929 le Rabbi précédent visita Erets Israël. Avant la visite, Reb Chatche informa Reb Avraham qu’il n’y avait pas assez d’argent pour financer le voyage. D’une manière ou d’une autre, Reb Avraham réussit à rassembler toute la somme d’argent. Le 2 Av 5689, il se rendit à la gare de Lod où le Rabbi précédent devait arriver d’Alexandrie.
Alors que le Rabbi précédent descendait du train, Reb Avraham s’approcha et lui remit toute la somme. Le Rabbi précédent fut surpris : « Avraham qu’est-ce que c’est ? »
« Maamad ! » fut la réponse de Reb Avraham. « Le Maamad est-il collecté en Erets Israël aussi ? » demanda le Rabbi. Mais Reb Avraham n’élabora pas, il répéta simplement deux mots, « Rabbi, Maamad ! »
Ces fonds permirent au Rabbi précédent de voyager à travers Erets Israël d’une manière vraiment digne.
Reb Avraham accompagna le Rabbi précédent tout au long de la visite de deux semaines, sans jamais prendre de pause.
L’anecdote suivante illustre la révérence de Reb Avraham pour le Rabbi :
À l’extérieur de l’hôtel où séjournait le Rabbi précédent à Jérusalem, il y avait deux cireurs de chaussures ; l’un d’eux facturait le double du prix de son collègue.
Chaque soir du séjour à Jérusalem, Reb Avraham attendait que le Rabbi précédent retire ses bottes, qu’il emmenait ensuite pour être nettoyées et polies par le plus cher des deux.
Quand on lui demanda pourquoi il était nécessaire de payer autant pour quelque chose d’aussi trivial, Reb Avraham répondit : « Si l’homme prend plus d’argent, alors il travaillera sûrement plus dur pour faire vraiment briller les bottes. Pour un roi, il est important que même les bottes brillent joliment… »
SUR LES RIVAGES AMÉRICAINS
En l’année 5698, 1938, Reb Avraham fut contraint de voyager en Amérique pour chercher des moyens de subvenir aux besoins de sa famille. En chemin, il fit un détour par Otwock, en Pologne, où se trouvait alors le Rabbi précédent. Pour Reb Avraham, qui n’avait pas vu le Rabbi depuis près de dix ans, cette escale assouvit sa grande nostalgie après près de dix ans de séparation.
Pendant cette période, Reb Chatche Feigin envoya plusieurs lettres à Reb Israel Jacobson en Amérique, l’informant de l’arrivée imminente de Reb Avraham et demandant qu’il soit reçu de manière appropriée. Dans une de ces lettres, il écrit :
« Notre estimé collègue et hassid craignant D.ieu, Reb Avraham Pariz, passe quelque temps ici et se rendra bientôt en Amérique selon le conseil du Rabbi. Il est inutile que je vous décrive qui il est, car vous vous souvenez sûrement de lui de vos jours à Tomchei Tmimim. Il n’a pas changé d’un iota depuis… »
Quelques jours plus tard, Reb Chatche écrit dans une autre lettre : « Vendredi, le Rabbi m’a dit : ‘Avraham Pariz part après Chabbat en Amérique et je dois envoyer des salutations spéciales avec lui. Mes salutations sont transmises par le biais de la Hassidout. Ainsi – bien que je ne le prévoyais pas à l’origine – je réciterai un Maamar demain pour qu’Avraham l’emporte avec lui et le répète en Amérique. »
« Et aujourd’hui, le Rabbi m’a dit : ‘Avraham apporte des salutations spéciales de ma part en Amérique. Écrivez à Israel [Jacobson] que je lui demande – l’maan Hashem – que lorsque Avraham arrivera en Amérique, il [Reb Israel] mette une annonce dans les journaux indiquant ce qui suit : Un Tamim qui a étudié à Loubavitch est arrivé en Amérique. En route, il s’est arrêté chez le Rabbi à Otwock qui lui a envoyé des salutations spéciales sous forme d’un Maamar. »
Avant son voyage, Reb Avraham entra en Yehidout pour recevoir la bénédiction du Rabbi. Entre autres choses, le Rabbi précédent lui dit les paroles suivantes :
« Avraham, tu dois savoir ceci : Quand deux personnes de l’autre côté de l’océan se renforcent mutuellement avec un vort hassidique, cela m’apporte littéralement une guérison physique. »
Après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Reb Avraham fut contraint de rester en Amérique, car toutes les sorties auparavant disponibles étaient maintenant fermées. À peu près à cette époque, Reb Chatche lui écrivit une longue lettre et – entre autres choses – le chargea de collecter le « Maamad » auprès des Juifs d’Amérique.
De plus, Reb Avraham relança l’organisation « Lishkas Hafatzas Chasidus » (également connue sous sa forme originale : « Vaad Lehafatzas Da »ch »), par laquelle il diffusait les Maamarim et Sihot qui étaient envoyés de Pologne à l’époque. En effet, jusqu’aux tout derniers jours de sa vie, le travail de diffusion de la Torah du Rabbi devint le centre de son existence.
Après que le Rabbi précédent ait réussi à sortir de Varsovie en flammes, il parla avec Reb Israel Jacobson et lui demanda de transmettre ses bénédictions aux Anash et au judaïsme américain en général. Reb Israel informa Reb Avraham du message du Rabbi, sur quoi Reb Avraham prépara immédiatement une déclaration en yiddish adressée à tous les Juifs d’Amérique, dans laquelle il inclut la bénédiction du Rabbi précédent et la fit publier dans un populaire journal yiddish américain.
‘L’AMÉRIQUE N’EST PAS DIFFÉRENTE’
L’arrivée du Rabbi précédent aux États-Unis en 5700, 1940, généra un nouveau chapitre pour Reb Avraham. Son Hitkashrout grandit à pas de géant, et les liens d’amour qui le liaient au Rabbi se renforcèrent encore. En retour, le Rabbi précédent le favorisa d’une relation profondément personnelle et paternelle.
Dans une lettre, le Rabbi précédent lui écrit ce qui suit : « L’étrange habitude de ne pas manger et dormir régulièrement est très défavorable à mes yeux, et je vous informe que cette conduite me cause une grande détresse. Je vous supplie et vous mets en garde de résoudre la question, et dorénavant de dormir et manger aux heures et de la manière désignées pour les gens normaux. Que Hashem renforce votre santé, physiquement et spirituellement, et vous accorde une parnassa en abondance. »
Le Rabbi précédent lui permit également de copier et de diffuser les Maamarim et Sihot prononcés lors des Farbrenguens. Après que le Rabbi précédent ait écrit le Maamar à la main, il le transmettait à Reb Avraham, soit personnellement soit via un mazkir. Reb Avraham le copiait ensuite sur la machine à stencil, après quoi il le publiait et le distribuait sous les auspices de « Lishkas Hafotzas Chassidus ».
À propos des efforts de Reb Avraham à cet égard, le Rabbi dit dans une Siha le Chabbat Parachat Bechalach 5724 : « Avraham Pariz a un zehout spécial. Le Sefer HaMaamarim 5701 qui a été publié récemment provient directement de ses copies. S’il ne l’avait pas fait – il n’y aurait aucun moyen d’imprimer ces Maamarim. »
L’APPEL À LA PRÉPARATION
En 5701, 1941, le Rabbi précédent commença à publier le périodique Hakria V’hakdousha, décrit par le Rabbi précédent comme « une colonne de feu illuminant les chemins obscurs des laïcs ordinaires… » (Igrot Kodesh vol. 5, p. 359).
Toujours dévoué au Rabbi, Reb Avraham se consacra à cette tâche sacrée. Il recruta un petit groupe de bahourim et ensemble, dans le sous-sol de la maison de Reb Elye Simpson, ils préparèrent les publications pour la distribution. La plupart du travail était fait secrètement.
Des années plus tard, Reb Avraham se rappela ce que le Rabbi Nassi Doreinu lui avait dit à l’époque, concernant la publication de « Hakria V’hakdusha » :
« Si nous avons réussi à faire bouger le monde – à savoir, le he’elem v’hester, les contradicteurs – avec ces publications, alors nous pouvons être certains que nous avons réussi. Mais si toute la chose n’a fait bouger personne dans aucune direction, alors nous avons perdu la bataille dès le départ… »
L’ALTER L’GEULA !
Alors que Klal Israel se remettait des souffrances de l’Holocauste, le Rabbi précédent publia un Kol Koreh (déclaration) à tout le peuple juif, dont l’en-tête était une phrase inventée par le Rabbi précédent : « L’Alter L’Teshuva, L’Alter L’geulah » (Repentance immédiate [mène à] la Rédemption immédiate). Le Rabbi précédent sentait que les temps tumultueux que traversaient les Juifs n’étaient qu’une partie des dernières étapes avant l’arrivée du Machia’h.
Le Rabbi précédent publia quatre Kol Koreh sous cet en-tête dans le périodique Hakria V’hakdusha, dans les journaux yiddish, et dans d’innombrables lettres et proclamations, appelant la nation juive à se rapprocher du judaïsme, amenant ainsi Machia’h d’autant plus tôt.
Reb Avraham, pour qui l’accomplissement des souhaits du Rabbi était sa seule et unique aspiration, se mit à publier le message du Rabbi avec une ferveur passionnée.
Outre l’affichage d’annonces déclarant « L’Altar L’Teshuva – L’Altar L’Geula » dans les wagons de métro et autres lieux publics, Reb Avraham écrivit de nombreuses lettres à des amis et connaissances exigeant qu’ils intériorisent les paroles du Rabbi et répandent l’appel partout à leur portée.
Dans une de ces lettres, après avoir cité abondamment des Sihot et des lettres du Rabbi précédent, ainsi que des extraits des Kol Koreh et de Hakria V’hakdusha, il écrit :
« …Quand j’observe tous les événements qui se produisent dans le monde, et quand je lis les mots imprimés dans le Hakria V’hakdusha, je vois comment le tonnerre et les éclairs du Matan Torah sortent vers le monde moderne ».
« Le monde d’aujourd’hui est moderne et donc le tonnerre et les éclairs sont d’une telle manière, jusqu’à ce qu’un cri jaillisse ‘Na’aseh Venishma – nous ferons et nous entendrons !’ Cette image est juste devant mes yeux… Vous devez savoir que dans un autre instant, un Juif se lèvera avec des capacités divines, et par lui viendra l’éradication ultime d’Amalek pour toujours. »
L’AMBASSADEUR DU RABBI
Les années passèrent, et en 5709, 1949, il fut temps pour Reb Avraham de retourner en Erets Israël. À cette époque, un grand groupe de familles Anash réussit à quitter la Russie, beaucoup d’entre elles se dirigeant vers Erets Israël. Principalement pour elles, le Rabbi précédent avait établi le village de « Kfar Habad » cette année-là.
Le Rabbi précédent convoqua Reb Avraham et le désigna pour servir de Chalia’h personnel pour apporter un Sefer Torah spécial à Kfar Habad. De plus, il nomma Reb Avraham représentant de Merkos L’Inyonei Chinuch en Erets Israël. Le Rabbi précédent envoya des lettres en Erets Israël informant Anash du nouveau poste de Reb Avraham, demandant qu’il soit assisté dans tout ce qui était nécessaire pour accomplir sa tâche sacrée.
Avant que Reb Avraham ne quitte les États-Unis, on lui demanda de visiter l’appartement du Rabbi précédent. Là, il reçut de nombreux cadeaux uniques, parmi lesquels un chapeau et six chemises qui avaient été portés par le Rabbi précédent, ainsi qu’un ensemble coûteux d’argenterie.
Juste avant d’embarquer pour son voyage, Reb Avraham entra une dernière fois dans la chambre du Rabbi précédent. Le Rabbi lui dit : « Vous devriez réussir à vraiment faire de la terre une ‘Erets Hakodesh’. » Le Rabbi lui donna ensuite dix-huit shekels avec lesquels acheter et distribuer du mashke au nom du Rabbi.
Ainsi, Reb Avraham – alors déjà âgé de 60 ans – retourna en Erets Israël au mois d’Iyar 5709, 1949. Vingt autres années d’activité intensive et productive l’attendaient.
Dès son arrivée, Reb Avraham commença à travailler sur les deux aspects principaux de sa Chli’hout : Premièrement, renforcer la Torah et le judaïsme en général et les institutions Habad en particulier. Et deuxièmement, son travail associé à la diffusion des nombreuses publications de Kehos dans tous les coins du pays.
Le 4 Tammuz, juste après le retour de Reb Avraham en Erets Israël, le Rabbi Nessi Doreinu lui envoya une lettre sur du papier à en-tête de Machne Yisrael, ajoutant le mot « ShaDa »R » à ses titres habituels :
« La lettre concernant son arrivée en toute sécurité a été reçue. Sûrement dorénavant, il n’écrira pas ses lettres de façon sommaire. Vraiment, plus elles sont détaillées, plus le travail peut être loué et glorifié ! » Le Rabbi termine avec une bénédiction pour que tout s’exprime dans une action réelle et tangible.
Peu de temps après, le 26 Av, le Rabbi précédent lui écrit ce qui suit : « Sûrement il a déjà reçu la lettre de Merkos L’inyonei Chinuch, détaillant les diverses activités dans lesquelles il doit s’impliquer. Il devrait cesser de s’inquiéter de son inaptitude à parler – comme il l’imagine – et se concentrer plutôt sur la prononciation de paroles sincères qui inspirent tous ceux qui les entendent à accomplir leur Chli’hout personnelle dans l’étude de la Torah, l’observance des Mitsvot avec yirat shamayim et middot tovot. » Le Rabbi précédent conclut avec de nombreuses bénédictions concernant ses affaires publiques et privées.
DOR HASHVI’I
Après la Histalkout du Rabbi précédent le 10 Shevat 5710, 1950, Reb Avraham fut parmi les premiers Hassidim qui supplièrent le Rabbi d’accepter la Nessiout.
« Rabosai, » annonça Reb Avraham lors d’un rassemblement d’Anash à Tel Aviv pendant les jours de Shiva, « nous avons un Rabbi. Der Rebbe zol zein gezunt ! J’ai travaillé avec lui dans une pièce pendant près de dix ans, avec mon bureau juste à côté du sien. En vérité, je ne travaillais pas du tout parce que je l’observais attentivement tout le temps pour voir ce qu’il faisait, et je vous dis qu’il se dissimule. Ich zog aych az er iz der Rebbe – Je vous dis à tous, il est le Rabbi ! »
Reb Avraham faisait référence à la période des années 5700, 1940 lorsqu’il travaillait dans la pièce du Rabbi pendant quelques heures par semaine sur les Maamarim et Sihot du Rabbi précédent qu’il recevait régulièrement pour être copiés et distribués. Alors, le Rabbi donnait à Reb Avraham des directives claires sur la façon dont les Maamarim et Sihot de son beau-père devaient être transcrits et comment les publier.
Outre ses efforts pour amener la Nessiout du Rabbi, Reb Avraham travaillait également à publier les Sihot du Rabbi partout.
Au cours de l’année 5710, 1950, sous la direction de Reb Yoel Kahan, le ‘Vaad Lehafotzas Sihot’ fut établi dans le but d’imprimer et de diffuser les Sihot que le Rabbi prononçait lors des Farbrenguens et d’autres occasions tout au long de l’année. À un certain moment, Reb Yoel commença à envoyer des Sihot à Reb Avraham pour distribution dans toute Erets Israël. Ainsi Reb Avraham commença à se consacrer à la diffusion des Sihot du Rabbi, par le biais desquelles il rapprocha de nombreuses personnes du Rabbi.
Peu de temps après avoir officiellement accepté la Nessiout le 10 Chevat 5711, 1951, le Rabbi chargea Reb Avraham de superviser et d’inspecter tous les différents Mosdot Habad en Erets Israël. Ces Mosdot comprenaient les Yechivot Tomchei T’mimim à Lod et Kfar Habad, Agudas Chasidei Habad, le « Reshet Oholei Yosef Yitzchak » (les institutions éducatives gérées par Loubavitch pour la jeunesse israélienne), et bien d’autres.
L’importance de ce poste est évidente dans les nombreuses lettres que le Rabbi envoya à Reb Avraham. Dans celles-ci, le Rabbi lui demandait de participer à chaque réunion des directeurs de chaque mosad respectif, suivie de l’écriture au Rabbi d’un rapport détaillé et d’une analyse de tout ce qui avait été discuté et déterminé lors de ces réunions.
De plus, Reb Avraham était tenu d’offrir sa propre opinion détaillée sur la question. Lors de ses fréquentes visites dans les divers Mosdot partout en Erets Israël, Reb Avraham apportait avec lui un nouvel esprit et une nouvelle perspective.
Par-dessus tout, Reb Avraham chérissait le Reshet et tous ceux qui y travaillaient : « Ce sont les Mosdot du Rabbi, les gens du Rabbi ! », déclarait-il. En vérité, l’existence même du Reshet peut être créditée à Reb Avraham.
Reb Meir Blizinsky raconta une fois :
Quand la hora’ah du Rabbi concernant la nécessité d’établir le Reshet fut reçue en Erets Israël, une réunion comprenant tous les askanim Habad fut organisée dans la shul Loubavitch de Tel Aviv. De nombreux Hassidim les plus éminents et distingués étaient présents.
L’un des organisateurs ouvrit la réunion en disant que l’appel du Rabbi à établir des écoles dans tout le pays dépassait leurs capacités. « Si le Rabbi nous ordonnait de sauter du troisième étage au sol, nous le ferions sans hésitation, » argumenta-t-il, « mais maintenant le Rabbi nous demande de sauter du sol au troisième étage. Pour cela, même le Messirout Nefesh est inutile… »
Reb Avraham, qui jusque-là était assis tranquillement dans le coin, se leva soudainement de sa place. « Comment pouvez-vous dire une telle chose ?! » gronda-t-il. « Si le Rabbi l’exige de nous, c’est notre obligation de l’exécuter ! Vous, Reb Meir [Blizinsky], êtes-vous prêt à rejoindre le Vaad ? Reb Zushe [Wilmovsky], êtes-vous prêt à être membre du Vaad ? Vous, Reb Dovid [Chanzin] – êtes-vous prêt à rejoindre en tant que membre ? » C’est ainsi que le Vaad Hanholas Hareshet fut établi.
LES CHLOUHIM DU RABBI ! »
En l’année 5716, 1956, cinq étudiants du Beth Sefer L’Malacha à Kfar Habad furent assassinés par des terroristes arabes qui s’infiltrèrent dans le village alors qu’ils priaient Minha dans le bâtiment de l’école. La tragédie ébranla les résidents de Kfar Habad et beaucoup – terrifiés de ce que l’avenir leur réservait – voulaient partir. Il semblait que le village fondé par le Rabbi précédent était sur le point de s’effondrer.
En réponse à la crise, le Rabbi appela à une expansion supplémentaire de Kfar Habad et envoya de nombreuses lettres de réconfort et d’encouragement.
Dans le cadre des efforts énergiques du Rabbi pour restaurer l’assurance des Hassidim, une délégation de bahourim fut envoyée en Erets Israël pour servir de Chlouhim personnels du Rabbi, apportant encouragement et nouvelle énergie au pays en général et aux Hassidim en particulier.
Reb Avraham sentit que la visite à venir devrait avoir un impact bouleversant sur tout Erets Israël. Il décida qu’une Kabalat Panim royale devait être organisée pour les Chlouhim à leur arrivée à l’aéroport, et tous les Hassidim, sans exception, devaient se lever pour recevoir les Chlouhim du Rabbi d’une manière des plus appropriées pour eux.
Reb Avraham écrivit au Rabbi ses plans. Il reçut une réponse de Mazkirut dix jours plus tard : « Sa proposition concernant la Kabalat Panim pour les Chlouhim du Rabbi est très appropriée. Sûrement une Kabalat Panim sera organisée conformément à sa suggestion, avec Anash. »
La publication « Bitaon Habad » d’Eloul 5716 décrit un peu ce qui s’est passé ce matin-là :
« Le tarmac grouille de monde, la foule est immense. Toutes les Yechivot et institutions Habad, Anash et les supporters de Loubavitch, y compris hommes, femmes et enfants, sont arrivés de tout le pays. Ils viennent de Haïfa, B’nei Brak, Petah Tikva et Rishon Letzion. Encore plus de bus transportent des gens de Kfar Habad, Jérusalem, Tel Aviv et Lod. Un air d’attente est palpable et tous tendent le cou pour apercevoir l’avion amenant les Chlouhim du Rabbi… »
LA PROCLAMATION
Le Hitkashrout de Reb Avraham était unique : Non seulement dans sa profondeur, mais aussi dans la manière dont il l’exprimait. Il est bien connu que dès le début de la Nessiout du Rabbi, Reb Avraham considérait le Rabbi comme Machia’h. À chaque Farbrenguen hassidique auquel il participait, il parlait du Rabbi de cette manière et exhortait ses pairs à faire de même.
Il estimait que tout comme le Rabbi avait fermement refusé d’accepter la Nessiout de 5710 jusqu’au 10 Chevat 5711, et ne l’avait fait qu’après qu’un grand nombre d’Anash du monde entier aient envoyé des kisvei Hitkashrout dans lesquels ils exprimaient leur bitoul et Hitkashrout totaux – il en était de même pour le couronnement du Rabbi en tant que Machia’h. Si Anash le demandait, et demandait au Rabbi de se révéler comme Machia’h Tzidkeinu, il se conformerait en effet.
Cette conviction – couplée à son désir ardent de connecter chaque Juif au Rabbi – amena Reb Avraham, en 1965, à publier une proclamation déclarant le Rabbi comme Machia’h Tsidkeinu, où il exhortait chaque Juif à écrire au Rabbi pour ses propres besoins personnels. Pendant le mois de Sivan, Reb Avraham s’occupa de distribuer ces proclamations dans tout le pays. Le 21 Sivan, la proclamation fut également imprimée dans un journal israélien populaire.
Le Rabbi fut bientôt informé de toute l’histoire et ordonna à Mazkirout d’envoyer rapidement un câble à Reb Avraham, lui commandant de cesser immédiatement les distributions. Le télégramme, envoyé le 24 Sivan, se lit comme suit :
« Nous avons été choqués par sa lettre. Veuillez cesser de diffuser la lettre et l’annonce et collecter et envoyer le reste, jusqu’au dernier, à Mazkirout. Veuillez rapporter immédiatement l’exécution de cette hora’a. Mazkirout. »
Reb Avraham n’hésita pas et exécuta immédiatement la directive du Rabbi. Il collecta chaque papier, le faisant avec le même feu et la même énergie avec lesquels il les avait distribués.
DERNIERS JOURS
Le 9 Av 5728, 1968, Reb Avraham visita Maarat Hamahpela à Hébron. En rentrant chez lui, il s’effondra de fatigue. Le médecin qui fut appelé d’urgence à son chevet révéla que sa maladie était grave et que ses jours étaient comptés. Reb Avraham fut immédiatement transféré à l’hôpital.
Pendant un mois et demi complet, il souffrit immensément, mais jamais un soupir ne s’échappa de ses lèvres. Bien que Reb Avraham endurât de grandes souffrances, il refusa d’en informer le Rabbi pour ne pas le contrarier de quelque manière que ce soit. Même dans ses derniers jours, Reb Avraham était actif dans « Ufaratzta », mettant les Tefilines avec les autres patients de son service.
La veille de Chabbat Selihot, le 20 Elul, l’état de Reb Avraham s’aggrava et il perdit connaissance. Un télégramme fut immédiatement envoyé à New York pour informer le Rabbi de la situation. De plus, Reb Shmuel Levitin s’approcha du Rabbi pendant le Farbrenguen du Chabbat et demanda une bénédiction, mais le Rabbi ne répondit pas. C’était alors déjà Motzaei Chabbat en Erets Israël, et à cette même heure où les Juifs se rassemblaient dans les shuls pour réciter dans la liturgie des Selichot les mots « Ovad chossid min ha’aretz » – Reb Avraham rendit son âme à son Créateur.
Voici un extrait de la publication « Bitaon Habad », imprimée après le décès de Reb Avraham :
« Il est pratiquement impossible de tenter d’écrire sur un personnage de la stature de Reb Avraham, mais comment ne pas écrire sur un individu aussi remarquable auquel peu pourraient être comparés ; sur le hassid dont tout l’être aspirait à l’arrivée de la Rédemption finale…
« Il n’y avait rien au monde qui puisse arrêter Reb Avraham dans sa poursuite de l’accomplissement des souhaits du Rabbi. Avec une passion ardente et une énergie indescriptible, il travaillait sans relâche pour la Hafotzas Hachassidus même quand cela impliquait de grandes difficultés, et tout cela malgré son grand âge.
« Avec le décès du éminent Hassid, Reb Avraham Pariz, une personnalité incroyable a été arrachée de notre milieu, un individu dont la figure se tiendra devant nos yeux pendant de nombreuses années à venir. »
En conclusion, nous citons ici le Hayom Yom du 21 Elul, le jour du décès de Reb Avraham :
« Notre premier père, Avraham, pour son avoda avec Messirout Nefesh pour faire largement connaître Hashem parmi toute l’humanité, mérita de léguer à ses descendants une foi pure en Hashem et sa Torah. Par conséquent, chaque homme et femme juifs a le pouvoir et la force d’offrir sa vie pour la sainte Torah ».