C’était, pour ainsi dire, à peine hier. Nous étions dans un autre monde, une autre forme de temps. C’était le mois de Tichri et nous passions de fête en fête avec la joie et l’assurance des bonheurs innombrables.

Et puis, presque brutalement, nous sommes revenus sur terre. Dans les synagogues, le récit de la création a de nouveau retenti, le cycle de la Torah a recommencé.

Pourtant, ce n’était pas là encore un vrai départ. Quelques jours plus tôt, nous dansions pour Sim’hat Torah et tout cela était encore en nous jusqu’au Chabbat suivant. Nous étions encore comme portés par les expériences du mois écoulé. Puis une nouvelle semaine s’est ouverte et la Torah nous y raconte l’histoire de Noé.

Elle nous dit la vie et la fin d’un monde qui n’entend plus la voix du spirituel, ne sait plus voir la Présence Divine et qui en oublie les règles élémentaires de la morale humaine.

Elle nous rapporte l’histoire de ces hommes qui ne croient plus qu’en eux-mêmes et en leur propre puissance et dont, en conséquence, ne subsiste que le rapide souvenir transmis par la Torah. Décidément, un tel retour à une réalité matérielle pesante est bien difficile.

La question s’impose à chacun : comment effectuer le passage ? Peut-on conserver les acquis des fêtes quand la grisaille du quotidien semble l’emporter peu à peu ? Le judaïsme ne croit pas au caractère inévitable des choses, pas plus qu’à l’existence d’obstacles infranchissables. Au contraire, tout peut être transformé, tout peut devenir la source d’un élan nouveau.

Alors que l’année commence pleinement, il importe d’en être conscient : nous sommes de retour dans les conditions habituelles afin d’y faire entrer une inspiration, comme un souffle qui les entraînerait vers un niveau plus haut.

Car c’est là que réside la mission de la créature : faire de ce monde le lieu digne d’être la demeure du Créateur. Avec la nouvelle année, ce n’est pas qu’un numéro qui a changé sur les calendriers, c’est une force infinie qui est descendue en nous. Il nous revient de lui donner expression.

Demain sera différent, parce que nous l’aurons ressenti et voulu. Le peuple juif est porteur d’une vision et d’un espoir, beaucoup plus que d’un rêve. Voici venu le temps de le concrétiser.