L’enseignement hassidique établit un parallèle significatif entre le nigun de Chamil et l’histoire de Rabbi Elazar-ben-Azaria, deux récits qui éclairent notre compréhension de l’exil et de la délivrance.

Le cas de Rabbi Elazar-ben-Azaria est particulièrement révélateur : nommé prince d’Israël à seulement 18 ans, il reçut miraculeusement l’apparence d’un homme de 70 ans. Ce miracle ne concernait pas uniquement son apparence physique, mais reflétait une maturité spirituelle profonde. Les 70 années évoquées font référence au processus complet de purification de l’âme animale, correspondant aux sept attributs émotionnels (midot), chacun contenant dix aspects.

Rabbi Elazar-ben-Azaria enseignait qu’il fallait mentionner la sortie d’Égypte même pendant la nuit, c’est-à-dire dans les moments d’obscurité spirituelle. Cet enseignement rejoint la métaphore de Chamil : tout comme ce roi des montagnes fut capturé et emprisonné, l’âme divine descend dans les limitations du corps. Cependant, cette descente n’est pas une simple chute mais une opportunité de transformation.

Le rôle du prince d’Israël, incarné par Rabbi Elazar-ben-Azaria, est précisément d’établir un lien entre l’état d’exil (matsav galouti) et la délivrance (gueoula). Cette capacité découle de sa vision spirituelle accomplie, fruit des « 70 ans » de purification. Cette même vision permet de percevoir que l’obscurité apparente de l’exil dissimule une lumière supérieure.

Cette compréhension se reflète dans la pratique du nigun de Chamil, enseigné par le Rabbi aux hassidim. Ce chant sans paroles transcende les limitations du langage et permet de s’élever au-delà de l’influence de l’âme animale. Comme Rabbi Elazar-ben-Azaria qui voyait la lumière dans l’obscurité, le nigun révèle la dimension spirituelle cachée dans les limitations matérielles.

La sagesse de Rabbi Elazar-ben-Azaria trouve un écho particulier dans notre époque, décrite comme le « talon du Machiach ». Bien que cette période puisse sembler spirituellement obscure, elle recèle, comme l’enseignait Rabbi Elazar-ben-Azaria, une lumière particulière qui ne peut être perçue qu’à travers une vision spirituelle affinée.

L’enseignement culmine dans la vision d’une délivrance finale où la lumière infinie (ohr ein sof) touchera l’ensemble de la création, incluant les 70 nations, rappelant ainsi l’universalité des « 70 ans » de Rabbi Elazar-ben-Azaria. Cette transformation ultime de l’obscurité en lumière représente l’accomplissement du but divin dans la création.

Ce double enseignement – celui du nigun de Chamil et celui de Rabbi Elazar-ben-Azaria – nous invite à percevoir les limitations non comme des obstacles mais comme des voies de transformation, nécessitant à la fois la guidance d’un maître éclairé et un engagement personnel profond dans le service divin.