Le’h Le’ha – Discours du Rabbi, second jour de la fête de Chavouot 5735-1975 et Pourim 5729-1969
Likouteï Si’hot, tome 15, 3ème Si’ha

Texte traduit par le Rav Haim Mellul

1. On a déjà commenté, à différentes reprises, ce qui est exposé dans plusieurs textes de ‘Hassidout (1), à propos de la différence, concernant Avraham, entre son étude de la Torah et sa pratique des Mitsvot. Nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, précisent (2), en effet, que : «notre père Avraham, âgé, siégeait dans la Yechiva» et ils disent (3) aussi que : «notre père Avraham mit en pratique l’ensemble de la Torah avant qu’elle ne soit donnée». Il en fut de même également pour Its’hak, pour Yaakov, pour ses fils et pour tous les enfants d’Israël, après le don de la Torah.

Ainsi, les Patriarches étudièrent la Torah et mirent en pratique les Mitsvot, avant même le don de la Torah, c’est-à-dire avant d’en recevoir l’Injonction, lorsque : «l’Eternel descendit sur le mont Sinaï. Cela veut dire que, n’ayant pas d’obligation de cette pratique, les Patriarches introduisirent leur propre initiative, leurs forces personnelles (4). Ils ne purent donc atteindre le niveau de la Torah qui transcende les créatures, même les plus hautes et ils se limitèrent à son niveau qui est en relation avec ces créatures, lié à elles et à leurs accomplissements.

Il n’en est pas de même, en revanche, après le don de la Torah. En effet, il y a, désormais, une Injonction divine d’étudier la Torah et de mettre en pratique les Mitsvot. Le Créateur accorde donc les forces nécessaires pour atteindre l’essence de la Torah, plus haute que le monde (5).

C’est la raison pour laquelle le Rambam affirme (6) que : «toutes les précautions que nous prenons, tout ce que nous faisons, à l’heure actuelle, découlent des Injonctions que le Saint béni soit-Il transmit par l’intermédiaire de Moché, notre maître, puisse-t-il reposer en paix, mais non de ce que D.ieu signifia aux prophètes qui le précédèrent. Ainsi, nous ne consommons pas le membre d’un animal vivant, non pas parce que le Saint béni soit-Il l’a interdit à Noa’h, mais bien parce que Moché nous l’a interdit, parce qu’il lui a été demandé, sur le Sinaï, de maintenir cette Interdiction.

De même, nous ne pratiquons pas la circoncision parce que notre père Avraham l’a faite, lui-même ainsi que les personnes de sa maison (7), mais plutôt parce que le Saint béni soit-Il a ordonné de la pratiquer, par l’intermédiaire de Moché, notre maître, comme l’a fait notre père Avraham, puisse-t-il reposer en paix. Il en est de même également pour le nerf sciatique. Nous ne suivons pas, en la matière, l’interdiction émanant de notre père Yaakov, mais bien celle de Moché, notre maître, puisse-t-il reposer en paix.»

En effet, la pratique de la Torah et des Mitsvot, telles qu’elles furent données sur le mont Sinaï, reçoit la force du Créateur, laquelle permet de mettre en évidence l’essence de la Torah. Néanmoins, ce qui vient d’être dit soulève la question suivante. Chaque indication de la Torah, de la même étymologie que Horaa, enseignement (8), précise à un Juif de quelle manière il doit servir D.ieu, y compris après le don de la Torah.

En l’occurrence, quel enseignement tirer du long récit de la manière dont les Patriarches servirent D.ieu, dans la Loi écrite, dans la Loi orale et, avec un très large développement, dans les discours ‘hassidiques ? En effet, ce n’est plus de cette façon que l’on doit étudier la Torah et mettre en pratique les Mitsvot, après le don de la Torah. En outre, «ce qui est passé est passé» (9).

2. Le Ramban (10), commentant la Parchat Le’h Le’ha, explique que la Torah relate, par le détail, «le récit des voyages, du forage des puits et d’autres événements qui arrivèrent aux Patriarches, car tous délivrent un enseignement pour le futur». Le Midrash (11) le précise : «tout ce qui est arrivé aux Patriarches est une indication pour leurs descendants» et il ajoute : «quand un événement survient à un prophète, l’un des Patriarches, on peut en déduire ce qui arrivera à ses descendants. Sache que chaque événement, quand il prolonge celui qui lui ressemble, se réalise effectivement», puis il cite plusieurs applications de ce principe, que l’on découvre chez les prophètes.

On peut en dire de même, ou plus encore que cela, à propos de la Torah et des Mitsvot des Patriarches, comme l’explique longuement la ‘Hassidout (12). Leur étude de la Torah et leur pratique des Mitsvot furent une préparation, une force accordée pour que cette Torah et ces Mitsvot puissent être données par la suite, sur le mont Sinaï. C’est grâce à cela que les Mitsvot mises en pratique par les Juifs, au moyen d’objets matériels, après le don de la Torah, sont en mesure de révéler la Divinité (13).

Il semble, néanmoins, que cette réponse ne soit pas suffisante. Le récit du service de D.ieu des Patriarches figure dans la Torah, qui est éternelle (14). Il y a donc là, non seulement une information, ou une préparation, comme on l’a dit, mais aussi un enseignement immuable et concret sur la manière de servir D.ieu après le don de la Torah (15).

3. Ce que l’on vient de dire, à propos du service de D.ieu des Patriarches, s’applique aussi à l’exil d’Egypte : quel enseignement peut-on tirer du récit fait par la Torah, à ce propos, pour les Juifs de toutes les époques et de tous les lieux, d’autant que, désormais, aucun exil ne peut être identique à celui de l’Egypte (16) ?

De même, il semble qu’il ne soit pas suffisant d’avancer, à ce propos, l’explication bien connue (17) selon laquelle l’exil d’Egypte fut une entrée en matière au don de la Torah, un «lieu de raffinement» (18), qui apporta l’élévation au monde, afin qu’il soit en mesure de recevoir cette Torah. En effet, il s’agit, en l’occurrence, d’une partie de la Torah et il faut bien en conclure qu’elle est immuable, qu’elle délivre un enseignement concrètement applicable pour toutes les époques, y compris après le don de la Torah.

Cela veut dire simplement que le service de D.ieu des Patriarches ou bien l’exil d’Egypte, tels qu’ils apparaissent dans les récits de la Torah et délivrent un enseignement après que celle-ci ait été donnée, sont effectivement une préparation, comme nous le montrerons. C’est pour cela que la Torah les présente comme une entrée en matière et une préparation au don de la Torah.

4. L’explication de tout cela est la suivante. La différence entre le service de D.ieu des Patriarches et celui des enfants d’Israël pratiquant la Torah et les Mitsvot, après le don de la Torah, est double, à la fois du point de vue de l’homme effectuant ce service et de la révélation céleste. Chez les Patriarches, cette révélation, grâce à leur effort, était orientée du bas vers le haut, ce qui veut dire qu’ils s’élevèrent, qu’ils s’affinèrent et qu’ils furent ainsi, à proprement parler, les réceptacles de la Lumière divine brillant grâce à leurs accomplissements (19).

Il en était de même également du point de vue de la Lumière. Celle-ci était à la mesure des efforts des hommes et elle les éclairait donc à l’évidence. A l’inverse, le service de D.ieu de la Torah et des Mitsvot, par les enfants d’Israël, après le don de la Torah, n’apporte pas à chacun un affinement et une élévation comparables à ce que vécurent les Patriarches (19), qui étaient : «la charrette de la Divinité» (20), totalement soumis à D.ieu. A l’inverse, cette Torah et ces Mitsvot révèlent une Lumière transcendant le monde et qui n’apparaît donc pas pleinement à l’évidence.

La raison en est celle-ci. Avant le don de la Torah, un décret fixait que : «les créatures célestes ne descendront pas vers les créatures terrestres et les créatures terrestres ne s’élèveront pas vers les créatures célestes» (21). Alors, l’aspect de la Divinité qui transcendait le monde ne pouvait pas être révélé ici-bas. Puis, après le don de la Torah, D.ieu : «abrogea le premier décret et dit : les créatures terrestres s’élèveront vers les créatures célestes et les créatures célestes descendront vers les créatures terrestres». C’est ainsi que les créatures inférieures peuvent s’unifier à D.ieu, à un stade dépassant totalement le monde.

Lors du don de la Torah, en revanche, la révélation fut du haut vers le bas, parce que le «bas» n’était pas encore un réceptacle pour la révélation de la lumière (22). Celle-ci ne pouvait donc pas s’y révéler d’une manière évidente.

Comme on le sait, la révélation de Lumière divine obtenue lors du don de la Torah fut éphémère (23). Par la suite, elle fut interrompue et : «quand la corne sonna, ils remontèrent sur la montagne» (24). Pour qu’un Juif soit un réceptacle pour la Lumière du don de la Torah, plus haute que le monde, un effort de sa part est nécessaire (25). C’est de cette façon qu’il peut obtenir la révélation et l’unification éternelle.

5. Ceci nous permettra de comprendre que le service de D.ieu d’Avraham, ou celui des Patriarches, en général, leur pratique de la Torah et des Mitsvot soient une partie de la Torah, un enseignement éternel pour chaque Juif, en toute époque, y compris après le don de la Torah. En effet, pour que la révélation du don de la Torah soit obtenue, qu’elle s’unifie avec le Juif qui l’étudie et qui met en pratique ses Mitsvot, il est nécessaire que celui-ci introduise, au préalable, son propre effort, qui est, de fait, comparable au service de D.ieu des Patriarches.

Quand il fallut se préparer au don de la Torah, dans sa globalité, révéler, au sein de la création, la Divinité et la Torah transcendant le monde, l’effort personnel des créatures afin d’atteindre la perfection devint, au préalable, indispensable. C’est de cette façon que celles-ci mettent en évidence la Lumière qui est en relation avec la création, qui a un rapport avec elle, celle qui résulta du service de D.ieu des Patriarches (26). C’est uniquement après cela que l’on peut révéler, au sein de la création, la Lumière qui transcende le monde (27).

Il en est de même également, d’une manière plus spécifique, pour le service de D.ieu des enfants d’Israël. Pour que la Lumière transcendant la création et se révélant du haut vers le bas, comme on l’a indiqué, apparaisse à l’évidence et s’unifie au Juif qui étudie la Torah, met en pratique les Mitsvot, son effort, sa soumission, l’affinement de sa personnalité doivent, au préalable, atteindre la perfection. C’est de cette façon qu’il peut s’unifier avec le stade de la Divinité et de la Torah qui est à la mesure de la création. Il devient ainsi un réceptacle, susceptible d’obtenir et de dévoiler la Torah du Saint béni soit-Il, telle qu’elle fut donnée sur le mont Sinaï, bien au-delà de la création.

Ceci peut être rapproché de l’enseignement de nos Sages (28), dont la mémoire est une bénédiction, selon lequel : «un homme se consacrera toujours à la Torah et aux Mitsvot, le cas échéant d’une manière intéressée, car c’est de cette façon qu’il parviendra à le faire d’une manière désintéressée». L’emploi du mot : «toujours», dans cette phrase, permet d’établir que l’on ne fait pas allusion ici uniquement à un homme qui n’est pas capable d’agir, d’emblée, de manière désintéressée. C’est, en fait, l’ordre normal, tel qu’il est instauré par la Torah (29), qui est présenté ici. Car, c’est en étudiant la Torah d’une manière intéressée, y compris de la manière la plus intéressée qui soit, qu’un Juif s’unifie à la Torah, non pas telle qu’en elle-même, au-delà du monde, mais en relation avec ce qui la conduit à l’existence dans le monde. Et, c’est précisément là l’objectif de son étude (30).

Telle est donc l’entrée en matière qui permet, par la suite, d’étudier la Torah d’une manière désintéressée, la Torah du Saint béni soit-Il. On peut ainsi s’attacher à D.ieu Lui-même, par l’intermédiaire de Sa Torah (31), à un stade en lequel elle est bien trop haute pour s’introduire dans le monde.

Certes, le don de la Torah introduisit un fait nouveau en chaque niveau de son étude et c’est ainsi qu’il devint possible de révéler le stade de la Torah qui est plus haut que l’existence du monde. Comme le disent nos Sages (32), «quand un érudit de la Torah étudie la Loi écrite, la Loi orale, se consacre à la Torah, le Saint béni soit-Il prend place face à lui, Il étudie la Loi écrite et la Loi orale avec lui». Il en est de même également pour la pratique des Mitsvot.

Certes, avant le don de la Torah, il n’en était pas ainsi. Pour autant, la révélation ainsi obtenue, à l’heure actuelle, reste cachée et, pour qu’elle apparaisse à l’évidence, pour qu’elle s’unifie à l’existence de l’homme qui l’étudie, celui-ci doit connaître l’élévation la plus parfaite, affiner sa propre personnalité, s’unifier à la Torah qui est en relation avec le monde, comme on l’a dit.

6. On trouve aussi l’équivalent de cela dans l’étude et la compréhension de la Torah, chez chaque Juif. Ainsi, quand on commence à en enseigner les versets à un enfant de cinq ans, qui est au début de son étude, on emploie, à propos de D.ieu, les expressions : «la grande Main», «la Main forte» et son professeur les lui enseigne selon leur sens littéral. Or, malgré toutes les explications que l’on peut lui donner, malgré toute l’abstraction que l’on peut apporter à ces notions, l’enfant continuera à se représenter une main grande et forte, se disant uniquement que celle de D.ieu est beaucoup plus grande et beaucoup plus forte que celle de son professeur, par exemple.

Pourtant, une telle conception heurte les principes fondamentaux de la foi, selon lesquels : «Il n’a pas de corps, ni l’apparence d’un corps». Comment donc la Torah de Vérité peut-elle demander à un enfant ou bien à celui qui est un enfant par le niveau de ses connaissances d’étudier les versets et les mots que l’on doit comprendre selon leur sens littéral (33) ?

Bien plus, cette manière de concevoir son étude a été instaurée par la Torah elle-même. D’abord, on en apprend les versets selon leur sens simple et c’est seulement après cela que l’on en étudie le sens allusif et le sens analytique. Enfin, on a accès aux secrets de la Torah.

7. L’explication de tout cela est, au moins brièvement, la suivante, en fonction de ce qui a déjà été exposé au préalable, à différentes reprises. Quand on enseigne le sens simple du verset à un enfant et qu’il se représente : «la grande Main» et : «la Main forte», par exemple, une main physique, mais plus grande et plus forte que celles qu’il voit d’ordinaire, on ne lui dit pas le contraire de la vérité. En effet, l’enfant comprend lui-même que la main de son professeur ne possède pas la force, le pouvoir, tous les caractères d’un Juif uniquement du fait de sa chair et de ses os. Il sait qu’il en est ainsi grâce à la vitalité qui l’anime, à son âme.

Certes, l’enfant ne sait ce qu’est cette âme et son professeur ne le sait pas non plus. Il comprend, en revanche, qu’elle se manifeste par la vitalité émanant de D.ieu. Il en déduit que : «la grande Main», «la Main forte» et toutes les autres expressions matérielles n’ont pas une connotation physique, mais font allusion à la force morale qu’elles contiennent et qui provient de D.ieu.

Cela veut dire que l’acquisition de chaque notion de la Torah étudiée et comprise par celui qui est un enfant par le niveau de ses connaissances est bien une étude, à part entière, de la Torah de vérité, de la Torah du Saint béni soit-Il. Néanmoins, la conscience que l’on en a est alors réduite et elle prend donc une forme que peut intégrer l’enfant de cinq ans. Puis, selon l’organisation de l’étude qui a été mise en place par la Torah elle-même, elle atteint la compréhension de l’enfant de dix ans, qui commence l’étude de la Michna (34), puis celle de l’enfant de quinze ans, qui entame l’étude de la Guemara. Mais, en réalité, selon une conception plus profonde, D.ieu transcende toute apparence matérielle, comme le montrent, en particulier, les secrets de la Torah.

Il en est de même également à propos de la Torah, pour quiconque l’étudie. Un homme doit le faire, tout d’abord, en fonction de la source de son âme (35). Dès lors, son étude est comparable à celle des Patriarches et elle porte sur la Torah qui est en rapport avec la création. Elle apporte donc la révélation et l’élévation les plus parfaites, auxquelles cet homme peut prétendre, au sein de la création. Puis, par la suite, son étude devient la plus haute qui soit, au-delà de la création et de la source de son âme. C’est alors la Torah telle qu’elle a été donnée sur le mont Sinaï.

8. Pourquoi la préparation à travers le service de D.ieu tel qu’il a été assumé par les Patriarches est-elle indispensable pour atteindre la perfection de sa personnalité, la Divinité et la Torah qui sont en relation avec la création ? Pourquoi fallait-il introduire de cette façon la Torah telle qu’elle fut donnée sur le mont Sinaï, celle qui transcende la création ? Il en est ainsi non seulement du fait de ce qui existe ici-bas, de l’homme qui étudie la Torah, mais aussi à cause de ce qui se passe là-haut, de la Torah elle-même.

La Lumière transcendant la création s’y révèle, au point de s’unifier avec elle, mais elle ne le fait pas intégralement et immédiatement. Dans un premier temps, cette révélation porte uniquement sur un reflet de la Lumière, sur celle qui a subi la contraction du Tsimtsoum. Ce reflet s’introduit au sein de la création. C’est uniquement par la suite que l’essence de la Lumière peut se révéler (36).

Il en est de même également pour la Torah qui transcende la création. Avant que celle-ci ne soit donnée, par le Saint béni soit-Il, sur le mont Sinaï, elle n’avait aucune commune mesure avec le monde et seul un reflet limité en fut donc révélé, par les Patriarches, celui de la Torah qui est en relation avec la création, à sa mesure.

C’est également ce qui se passa après le don de la Torah, avant la révélation à chaque Juif de la Torah du Saint béni soit-Il, plus haute que le monde. Il fut alors nécessaire de mettre en évidence, au préalable, la Torah qui est en relation avec la création. C’est uniquement après cela que l’on peut percevoir son stade qui la transcende.

C’est ainsi que l’on étudie les quatre paliers d’interprétation, son sens simple, son sens allusif, son sens analytique et son sens ésotérique, l’un découlant de l’autre, le sens simple du sens allusif, le sens allusif du sens analytique et le sens analytique du sens ésotérique (37).

9. Mais, la manière d’étudier la Torah et de servir D.ieu qui vient d’être décrite n’est pas encore une préparation suffisante pour recevoir la Torah du Saint béni soit-Il, transcendant la création. Le service de D.ieu de l’exil d’Egypte fut nécessaire également, comme il fut vécu, la première fois. Après la Torah, les Mitsvot et le service de D.ieu des Patriarches, il fallut encore vivre l’exil d’Egypte afin de se préparer au don de la Torah.

La raison en est la suivante. La Torah, telle qu’elle fut donnée sur le mont Sinaï, était beaucoup plus haute que le monde. Il n’était donc pas suffisant que les créatures atteignent la perfection par leur propre effort et qu’elles s’unifient avec le stade de la Torah qui est en relation avec la création. En effet, toute créature est insignifiante, face au Créateur. Il est donc nécessaire, en outre, que la créature soit modifiée, que son action soit effectivement celle de l’exil d’Egypte. C’est précisément de cette façon que se révèle la Torah du Saint béni soit-Il.

Comme le dit le verset (38), l’exil d’Egypte fut : «avec le mortier et avec les briques, avec tous les travaux du champ qu’on leur imposa avec âpreté». Le Zohar en explique (39) l’équivalent dans l’étude de la Torah : «le mortier, c’est le raisonnement a fortiori, les briques, c’est l’éclaircissement de la Hala’ha». De façon générale, l’âpre esclavage consiste à confier les travaux des femmes aux hommes (39*), un accomplissement et un effort qui va à l’encontre de leur nature et de leurs habitudes. Et, c’est précisément de cette façon que les créatures parviennent à la soumission, à l’affinement de leur personnalité, afin de pouvoir intégrer la Torah du Saint béni soit-Il, qui est plus haute que le monde (40).

10. Tout ce qui vient d’être dit nous permettra de comprendre un récit, en apparence surprenant, du Tséma’h Tsédek. Celui-ci, encore jeune, fut appelé, une fois, par l’Admour Hazaken, qui lui fit part de son désir de lui donner la connaissance de la Torah en cadeau. Mais, le Tséma’h Tsédek refusa, expliquant qu’il voulait acquérir la Torah par son propre effort. Puis, de nombreuses années plus tard, après qu’il ait largement développé sa sagesse (41), il affirma être contrarié de ne pas avoir accepté la proposition de l’Admour Hazaken, car il aurait pu appliquer son effort à ce qu’il lui donnait et son étude aurait alors été encore plus haute. En effet, la Torah n’a pas de fin et pas de limite.

On pourrait se poser, à ce propos, la question suivante : quel raisonnement fit-il au début et quel autre raisonnement, à la fin ? Il est difficile d’admettre, alors que sa situation lui permettait de recevoir, de l’Admour Hazaken, la connaissance de la Torah, que le Tséma’h Tsédek n’ait pas compris un raisonnement aussi simple, alors qu’il était déjà un Grand de la Torah.

On peut donc penser que l’explication de tout cela est la suivante. Il ne faut pas penser que le Tséma’h Tsédek regretta son précédent refus de recevoir la connaissance de la Torah en cadeau. En fait, quand l’Admour Hazaken voulut lui offrir ce cadeau, il ressentit que l’effort, qui est une préparation nécessaire à la Torah, lui manquait encore. Il devait donc fournir celui qui lui permettrait d’intégrer une telle proposition. Il en déduisit qu’il n’était pas encore un réceptacle, susceptible d’intégrer la connaissance de la Torah que l’Admour Hazaken voulait lui donner en cadeau.

Par la suite, il fournit aussi l’effort de la Torah et il ressentit qu’il était, désormais, un réceptacle pour ce cadeau de Torah, que celui-ci lui permettrait d’obtenir la révélation de ce qui transcendait son effort. On peut penser qu’une telle entrée en matière pour le service de D.ieu et pour l’effort de la Torah est comparable à l’exil d’Egypte, qui fut la préparation du don de la Torah.

Notes

(1) Selon, notamment, les discours ‘hassidiques intitulés : «Souviens-toi», de 5654, «Tout le peuple», de 5678, «Observe», de 5689, à sa conclusion, dans le Séfer Ha Maamarim 5710, à la page 280 et «Tout le peuple», de 5706. Sur ce sujet, dans sa généralité et concernant les notions qui seront exposées par la suite, on consultera le Séfer Ara’him ‘Habad, tome 1, à l’article : «Patriarches» et les références qui y sont indiquées.

(2) Traité Yoma 28b.

(3) Traité Kiddouchin 82a. Commentaire de Rachi sur les versets Toledot 26, 5, à propos d’Avraham, Toledot 26, 12 et 27, 3, à propos d’Its’hak et Vaychla’h 32, 5, à propos de Yaakov.

(4) On verra le commentaire de Rachi, au début de la Parchat Noa’h, au paragraphe : «D.ieu», qui dit : «En revanche, Avraham se renforçait et il avançait dans sa droiture, par lui-même». Toutefois, Rachi le met en opposition avec Noa’h.

(5) On verra les références qui sont citées dans la note 1, faisant la preuve que la créature, par elle-même, ne peut atteindre un niveau plus haut que celui de sa source et de son origine. Nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, affirment, dans le traité Yoma 31a, que la source d’Etam était plus haute que l’esplanade du Temple de vingt-trois coudées, mesurées à partir du Mikwé du grand Prêtre.

(6) Selon le commentaire de la Michna, à la fin du chapitre 7 du traité ‘Houlin.

(7) Le Rambam écrit que : «il pratiqua sa propre circoncision et celle des membres de sa maison». En revanche, il ne dit pas, par exemple, que le Saint béni soit-Il ordonna à Avraham de se circoncire, bien que cette Injonction figure dans les versets Le’h Le’ha 17 et suivants. On peut penser, bien qu’au prix d’une difficulté, qu’il souligne ainsi que la force du Créateur, au sein des Mitsvot, se révèle uniquement en celles qui furent données après le don de la Torah. Il n’en fut pas de même, en revanche, avant le don de la Torah, y compris lorsqu’une Injonction spécifique fut bien énoncée. Par rapport aux Mitsvot d’après le don de la Torah, néanmoins, cela est comme si : «il s’était circoncis de lui-même, car il n’y avait pas, en cet acte, la force du Créateur, transcendant la création». Et, il poursuit : «non pas que le Saint béni soit-Il ait ordonné cela aux prophètes qui le précédèrent». On consultera aussi ce qu’il dit à propos du membre d’un animal vivant : «le Saint béni soit-Il l’a interdit à Noa’h». Néanmoins, il s’agit bien là d’une interdiction qui s’applique, de la même façon, à tous les descendants de Noa’h, mais ce point ne sera pas développé ici. On verra aussi, notamment, le Likouteï Si’hot, tome 5, à la page 89, dans la note 25.

(8) Zohar, tome 3, à la page 53b. Gour Aryé, au début de la Parchat Béréchit, citant le Radak et l’on verra, à ce propos, le Zohar, tome 3, à la page 152a.

(9) On verra le Torat ‘Haïm, Parchat Le’h Le’ha, à la page 85b, notamment au début du chapitre 34, au chapitre 29 et au début du chapitre 36, mais, à cette référence, la question et la réponse sont, en fait, les suivantes : «Pourquoi Moché rédigea-t-il tout d’abord le livre de Béréchit ?… Pourquoi celui-ci précède-t-il les principes fondamentaux de la Torah ?… Et, comment expliquer la longueur ?…».

(10) Au verset 12, 6 et l’on consultera aussi les versets 12, 10 et 14, 1, Toledot 26, 1 et Vaychla’h 32, 4.

(11) On verra le Midrash Tan’houma, Parchat Le’h Le’ha, au chapitre 9 et le Midrash Béréchit Rabba, chapitre 40, au paragraphe 6.

(12) On verra, en particulier, le Torat ‘Haïm, Parchat Le’h Le’ha, à partir de la page 83c, Parchat ‘Hayé Sarah, à partir de la page 135a, au chapitre 29, à la page 127a, au chapitre 34, le Or Ha Torah, début de la Parchat Le’h Le’ha, à partir de la page 72b et à partir de la page 1075a.

(13) On verra aussi le Likouteï Si’hot, tome 1, à la page 41, tome 3, à la page 758, tome 5, à partir de la page 79 et à partir de la page 88.

(14) Tanya, au chapitre 17. Kountrass A’haron, au paragraphe intitulé : «pour comprendre le détail des Hala’hot», à la page 160a.

(15) Selon le sens simple du verset, ceci est expliqué dans le commentaire de Rachi, au début de la Parchat Béréchit, qui donne une explication pour tous les versets suivants, jusqu’à : «ce mois-ci» et l’on verra, sur ce point, les commentateurs de Rachi, à cette même référence et le Likouteï Si’hot, tome 5, dans la première causerie de la Parchat Béréchit. On notera que, d’après plusieurs commentateurs, la question de Rachi porte sur les récits de la Torah, qu’en outre, on peut penser, d’après son explication, «Il fait connaître à Son peuple, la puissance de Ses actions, car si les autres nations disent…». Cela veut dire que, selon le sens simple du verset également, ce qui appartient à la Torah doit délivrer un enseignement éternel, s’appliquant en toutes les époques. Et, l’on verra aussi le Likouteï Si’hot, à la même référence, dans la note 6.

(16) On verra le Guevourat Hachem, du Maharal, au chapitre 61, le Zohar, tome 2, à la page 40a, le discours ‘hassidique intitulé : «comme aux jours de ta sortie d’Egypte», de 5708, au début du chapitre 12, le Likouteï Si’hot, tome 5, à la page 177 et l’on consultera également le Likouteï Si’hot, tome 18, Parchat Masseï, de 5737, au paragraphe 3.

(17) On verra, notamment, le Torah Or, à partir de la page 74a.

(18) Vaét’hanan 4, 20.

(19) On verra la discours ‘hassidique intitulé : «Souviens-toi», de 5665, au chapitre 10 et celui de 5654. On consultera aussi le Tanya, au chapitre 47 et le Torah Or, à la page 23c.

(20) Midrash Béréchit Rabba, chapitre 47, au paragraphe 6, chapitre 82, au paragraphe 6, de même que le Tanya, au chapitre 23.

(21) Midrash Chemot Rabba, chapitre 12, au paragraphe 3. Midrash Tan’houma, Parchat Vaéra, au chapitre 15.

(22) Likouteï Torah, Parchat Reéh, à la page 28b, fin du discours ‘hassidique intitulé : «Et, Il descendit», de 5643, discours ‘hassidique intitulé : «Souviens-toi», précédemment cité, discours ‘hassidique intitulé : «Rabbi Yochoua Ben Lévi enseigne», de 5698, au chapitre 8, séquence de discours ‘hassidiques de 5666, à la page 353, séquence de discours ‘hassidiques de 5672, tome 2, à partir de la page 930.

(23) On verra le Tanya, au chapitre 36.

(24) Dans un premier temps, les versets Yethro 19, 12-13 disent : «quiconque touchera la montagne mourra», car, comme le dit le verset 20 : «l’Eternel descendit sur le mont Sinaï».

(25) On verra le discours ‘hassidique intitulé : «Et, Il descendit», précédemment cité, qui dit que : «la finalité de tout cela est la soumission de la matière devant le néant, grâce à l’effort. Lors du don de la Torah, cette soumission se révéla d’elle-même, sans que les hommes en prennent l’initiative.»

(26) Ceci ne contredit pas ce qui est expliqué dans les discours ‘hassidiques intitulés : «Tout le peuple», de 5678 et : «L’odeur de tes huiles», de 5707, au chapitre 7, le fait que la descente des âmes des Patriarches dans ce monde avait pour but d’obtenir la révélation de D.ieu au sein de la matière, non pas de transformer les mondes. Cette révélation est nécessaire pour que la transformation soit possible par la suite, au même titre que la Lumière, dans un premier temps, avait pour objet de révéler l’Essence de D.ieu, alors que, par la suite, elle brilla dans le but d’éclairer les mondes. On peut penser qu’il en est ainsi pour ce qui concerne la révélation dans le monde, celle qui s’introduit dans les objets matériels. Certes, le service de D.ieu des Patriarches n’eut pas cet effet, mais il n’en fut pas de même, en revanche, pour la révélation qui leur fut accordée, à titre personnel.

(27) On verra, à ce propos, le Likouteï Si’hot, tome 5, à partir de la page 159, concernant la pratique des sept Mitsvot des descendants de Noa’h, avant le don de la Torah. On verra aussi le Likouteï Si’hot, tome 15, à partir de la page 96.

(28) Traité Pessa’him 50b et références indiquées.

(29) On verra le commentaire de la Michna, du Rambam, au traité Sanhédrin, chapitre ‘Hélek, au paragraphe : «le cinquième groupe», de même que le Michné Torah, du Rambam, à la fin des lois de la Techouva.

(30) De même, l’étude dans le but de mettre en pratique n’est pas non plus la perfection de l’étude désintéressée. En fait, elle doit être : «pour grandir la Torah et la parer», selon l’expression du traité ‘Houlin 66b.

(31) Tanya, au chapitre 5, d’après le Péri Ets ‘Haïm. Plus précisément, une telle étude est qualifiée de : «appliquée à sa propre personne», selon, notamment, le Sidour de l’Admour Hazaken, commentaires du mariage, à la page 128a, le discours ‘hassidique intitulé : «Rabbi Akiva dit», de 5667, dans la séquence de discours ‘hassidiques de 5666, à la page 385. On verra aussi le Séfer Ha Si’hot, Torat Chalom, à la page 19 et le Baït ‘Hadach, Ora’h ‘Haïm, au chapitre 47, au paragraphe : «il est écrit qu’il a dit».

(32) Tana Dveï Elyahou Rabba, au début du chapitre 18 et, de même, Yalkout Chimeoni E’ha, au paragraphe 1034.

(33) Bien entendu, cela n’est pas lié à ce qu’écrit le Rambam, dans ses lois de la Techouva, chapitre 3, au paragraphe 7, à propos d’un hérétique. En effet, on définit comme tel celui qui comprend la connaissance et la possède, ce qui n’est pas le cas d’un enfant. C’est aussi ce que veut dire le Rabad, à la même référence, quand il constate : «ils eurent cette pensée en fonction de ce qu’ils virent dans les versets, plus que dans les Midrashim». On consultera aussi le Kessef Michné, à la même référence, citant les Ikarim. En, outre, le Rabad dit aussi : «De nombreux Sages, plus grands et meilleurs que lui, ont également suivi cette pensée, en fonction de ce qu’ils ont vu dans les versets». Cela veut dire que, même si D.ieu Lui-même n’a pas de corps et pas de forme, Il peut aussi prendre l’apparence d’un corps, car Il est tout Puissant et rien ne Lui est impossible. C’est ainsi que certains avis ont compris le Tsimtsoum, la contraction de la Lumière divine, selon le sens littéral de ce terme et l’on verra, à ce propos, le Chaar Ha I’houd Ve Ha Emouna, au chapitre 7, à partir de la page 83a, affirmant que ces Sages étaient de véritables détenteurs de la Kabbala. L’Admour Hazaken indique uniquement que : «ils ont fait une erreur et se sont trompés en s’approfondissant sur les écrits du Ari Zal», mais ils adoptèrent une telle conception du fait de leur foi en D.ieu, Qui est tout Puissant, Auquel rien n’est impossible. En tout état de cause, ce point ne sera pas développé ici. On consultera aussi, notamment, le Emounot Ve Déot de Rabbi Saadia Gaon, second discours, à la fin du chapitre 9 et le Torat Chalom, à la fin du chapitre 16.

(34) Traité Avot, à la fin du chapitre 5.

(35) On verra ce qu’écrit l’Admour Hazaken, d’une manière concrètement applicable, dans ses lois de l’étude de la Torah, au chapitre 1, paragraphe 4.

(36) On consultera le discours ‘hassidique intitulé : «Viens, mon Bien Aimé», de 5689.

(37) Selon l’avis du Ets ‘Haïm, qui est cité au début du Naguid Ou Metsavé et dans le Nahar Chalom, à la fin de l’introduction du Re’hovot Ha Nahar. En revanche, d’après celui du Michnat ‘Hassidim, traité : «obligation des âmes», chapitre 1, au paragraphe 2, le sens analytique est lié au monde de Yetsira et il en découle le sens allusif, de Brya.

(38) Chemot 1, 14.

(39) Zohar, tome 3, à la page 153a.

(39*) Traité Sotta 11b.

(40) On verra aussi le Likouteï Si’hot, tome 15, aux pages 328 et 329.

(41) Selon les termes de l’introduction des fils de l’auteur au Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, à propos de l’Admour Hazaken lui-même.