Traduit par le Rav Haim Mellul

« De beaux fruits dans un simple panier »
Likouteï Si’hot, tome 29, page 149

La Parchat Tavo est introduite par la Mitsva des prémices, que l’on apportait dans le Temple en les plaçant dans un panier, ainsi qu’il est dit : « Tu les placeras dans un panier… et le Cohen prendra le panier de ta main ».

De façon générale, ces paniers étaient en osier et ils étaient également remis aux Cohanim. Différentes Hala’hot s’appliquent aux prémices et celles-ci permettent d’établir que le don des paniers aux Cohanim est partie intégrante de la Mitsva des prémices.

On peut voir en cela deux éléments opposés. D’une part, les prémices sont sélectionnées parmi les meilleurs fruits, uniquement parmi les sept espèces par lesquelles on prononce l’éloge d’Erets Israël.

Concernant la qualité de ces fruits, il est dit qu’ils ne peuvent pas être prélevés : « ni parmi les dattes des montagnes, ni parmi les fruits des plaines, mais seulement parmi les dattes des plaines et les fruits des montagnes, parce que ce sont les meilleurs ».

Mais, d’autre part, ces fruits doivent nécessairement être apportés dans un panier d’osier, c’est-à-dire fait d’une matière très simple et bon marché, sans valeur spécifique. Comment expliquer ce paradoxe apparent ?

Les âmes divines descendent ici-bas, dans ce monde matériel et inférieur. Elles s’introduisent dans un corps physique, qui devient leur réceptacle, leur « panier ». Or, ce dernier enferme l’âme et rend plus difficile l’expression du lien qui l’attache au Saint béni soit-Il. Il peut même occulter, dissimuler totalement la volonté véritable de cette âme.

Ceci conduit à reformuler la question précédemment posée : pourquoi les prémices, avec toutes leurs qualités, sont-elles placées dans un panier aussi simple ? Pourquoi une âme pure et noble doit-elle descendre ici-bas, s’introduire dans un corps physique, y rester pendant un certain temps, enfermée, limitée?

La réponse à cette question est la suivante : la descente doit se solder par une élévation. La chute vertigineuse de l’âme au sein d’un corps physique doit la hisser vers les hauteurs. En descendant dans ce monde et en étant confrontée à ses difficultés, l’âme révèle sa nature véritable et, de cette façon, elle peut, par la suite, dépasser le niveau qui était le sien avant sa descente.

L’élévation est obtenue grâce aux Mitsvot qui sont mises en pratique, d’une manière concrète, par l’intermédiaire du corps, du « panier ». En effet, l’âme possédait d’ores et déjà, au préalable, avant sa descente, les sentiments les plus hauts, l’amour et la crainte de D.ieu. Le fait nouveau révélé par sa descente dans le monde matériel est la possibilité qui lui est ainsi accordée de mettre en pratique les Mitsvot d’une manière concrète, physiquement.

 

Onze malédictions
(Discours du Rabbi, Chabbat Parchat Tavo 5733-1973)

Les versets disent : « Maudit l’homme qui fera une image sculptée et une idole de métal… Maudit soit celui qui humilie son père et sa mère… Maudit soit celui qui fait de la concurrence déloyale à son prochain… Maudit soit celui qui égare un aveugle sur le chemin… Maudit soit celui qui fait pencher le jugement… Maudit soit celui qui couche avec l’épouse de son père… Maudit soit celui qui couche avec tout animal… Maudit soit celui qui couche avec sa sœur… Maudit soit celui qui couche avec sa belle-mère… Maudit soit celui qui frappe son prochain en secret… Maudit soit celui qui accepte la corruption. »

Rachi explique : « Le mot ‘maudit’ est répété ici à onze reprises, ce qui correspond aux onze tribus. En revanche, le mot ‘maudit’ n’est pas écrit à propos de Chimeon, car Moché n’avait pas l’intention de le bénir, avant sa mort, quand il bénit les autres tribus. Il ne voulait donc pas le maudire non plus. »

Il nous faut comprendre la comparaison qui est faite ici entre les onze malédictions et les onze tribus. En effet, les traits de caractère et les faiblesses de chaque tribu, appelant à la prudence dans certains domaines, étaient déjà bien connues au préalable. Ainsi :

« Maudit l’homme qui fera une image sculptée et une idole de métal » : correspond à la tribu de Dan, qui allait, par la suite, placer, dans la part d’Erets Israël qui lui avait été donnée en partage, un veau pour l’idolâtrie. C’est pour cela que, commentant le verset :
« Il le poursuivit jusqu’à Dan », Rachi dit : « Là, il s’affaiblit, car il vit que ses enfants
allaient y placer un veau ».

« Maudit celui qui humilie son père et sa mère » : correspond à la tribu d’Acher, duquel il est dit, dans la bénédiction de Yaakov : « Le pain d’Acher est gras et il donnera les mets du roi ». Ses enfants devaient donc avoir une existence d’abondance et d’opulence, dont la conséquence pouvait être une révolte de la jeune génération contre ses parents, comme l’indique la Paracha du « fils indocile et rebelle », dont les parents disent : « ce fils, qui est le nôtre, est indocile et rebelle, il n’écoute pas notre voix, il est glouton et ivrogne ».

« Maudit soit celui qui fait de la concurrence déloyale à son prochain » : correspond à la tribu d’Issa’har, duquel il est dit, dans la bénédiction de Yaakov : « Issa’har est un âne ossu qui se couche entre les frontières », c’est-à-dire : « entre les limites ». Cela veut dire qu’il résidait à proximité des frontières des villes. Et, l’on pouvait donc craindre, de sa part, une concurrence déloyale.

« Maudit soit celui qui égare un aveugle sur le chemin » : en l’occurrence, « celui qui est aveugle dans ce domaine, auquel il donne un mauvais conseil », correspond à la tribu de Binyamin, dont de nombreux membres, cinq familles sur dix, périrent au fil de l’épée à cause d’un mauvais conseil qu’ils donnèrent aux enfants d’Israël en chemin. Ainsi, Rachi explique: « Quand Aharon décéda, les colonnes de nuées disparurent et les Cananéens vinrent combattre les enfants d’Israël, qui pensèrent retourner en Egypte. Les fils de Lévi les poursuivirent pour les faire revenir et ils tuèrent sept familles qui, pour la plupart, appartenaient à la tribu de Binyamin ».

« Maudit soit celui qui fait pencher le jugement » : correspond à la tribu de Yehouda, de laquelle devait émaner des juges, en Israël, comme l’indique la bénédiction de Yaakov: « Le sceptre ne quittera pas la tribu de Yehouda et le législateur d’entre ses pieds ».

« Maudit soit celui qui couche avec l’épouse de son père » : correspond à la tribu de Réouven, duquel il est dit : « Réouven alla et il coucha avec Bilha, la servante de son père ». En effet, « il avait troublé sa couche et la Torah le considère comme s’il avait eu une relation avec elle ».

« Maudit soit celui qui couche avec tout animal » : correspond à la tribu de Gad, duquel le verset dit clairement qu’il possédait : « un large troupeau ».

« Maudit soit celui qui couche avec sa sœur » : correspond à la tribu de Naphtali, qui portait ce nom parce que Ra’hel avait dit : « J’ai soutenu les luttes de D.ieu, avec ma sœur ». En d’autres termes, « je me suis associée avec ma sœur ». Il en résulte qu’il y avait, dans cette tribu, une proximité particulière entre les frères et les sœurs, qui pouvait aisément glisser vers des relations immorales.

« Maudit soit celui qui couche avec sa belle-mère » : correspond à la tribu de Yossef, qui fut mis à l’épreuve par les avances de l’épouse de Putiphar, laquelle, par la suite, devint sa belle-mère, quand il épousa sa fille Ossnat.

« Maudit soit celui qui frappe son prochain en secret » : correspond à la tribu de Lévi qui frappa les habitants de Che’hem et les tua, en compagnie de son frère Chimeon. Yaakov dit, à son propos : « Leurs armes sont des instruments de violence », ce qui veut dire que : « cette habileté au crime est une arme dans leurs mains ». En d’autres termes, ils avaient une tendance naturelle à agir de cette façon et ils ne firent que l’exprimer.

« Maudit soit celui qui accepte la corruption » : correspond à la tribu de Zevouloun, dont les membres devaient devenir des commerçants et faire des affaires, comme l’indique la bénédiction de Yaakov, ce qui veut dire que : « Zevouloun s’occupera de négoce ». Ses affaires peuvent le conduire à causer du tort aux autres pour augmenter ses gains.

 

  Retour en Egypte
(Discours du Rabbi, Likouteï Si’hot, tome 19, page 237)

Commentant le verset : « L’Eternel te fera retourner en Egypte dans des bateaux », Rachi explique : « dans des bateaux : sur des navires, en captivité ». Ce commentaire de Rachi soulève les questions suivantes :

Pourquoi Rachi explique-t-il : « dans des bateaux : sur des navires », alors que ce terme est bien connu, puisqu’il apparaît d’ores et déjà dans un verset précédent, sans que Rachi le commente, ce qui veut bien dire que sa signification ne fait pas de doute ?

Pourquoi Rachi réunit-il dans un même commentaire deux explications différentes, d’une part : « bateaux : navires », d’autre part, la façon de retourner en Egypte, « en captivité » ?

L’explication de tout cela est la suivante. Une question se pose ici sur le sens simple du verset : pourquoi la Torah doit-elle préciser que le retour en Egypte s’effectuera dans des bateaux ? Quelle importance peut avoir la manière de ce retour des enfants d’Israël en Egypte?

En conséquence, on aurait pu imaginer qu’il ne s’agisse pas ici de bateaux, mais de peine, comme dans l’expression : « peine et lamentation ». C’est pour écarter cette interprétation que Rachi précise qu’il s’agit bien ici de bateau, selon la signification courante de ce terme.

Pour résoudre cette difficulté sur l’ajout de ce détail par le verset, Rachi ajoute : « en captivité ». Il souligne ainsi qu’il ne s’agit pas, en l’occurrence, d’un simple bateau, mais de celui dans lequel on voyage en état de captivité.

Ainsi, le verset précise que le retour en Egypte s’effectuera sur des bateaux, afin de souligner la dureté des conditions de captivité, à son bord, sous bonne garde, dans un périmètre limité et des bateaux fermés. Une telle forme de captivité est infiniment plus âpre et plus douloureuse qu’un déplacement à pied, dans un espace ouvert.