Comment canaliser tout ce qui a été appris dans l’enseignement hassidique vers la prière comme il se doit ? Quel est le conseil judicieux pour celui qui étudie et comprend le hassidisme mais n’arrive pas à prier comme l’exige le hassidisme ? Qu’est-ce qui constitue en réalité ce concept noble résumé par les mots « Avodat Hatfila » ? Un entretien fondateur et instructif avec le Machpia, Rav Shneor Zalman Goupine, à l’occasion de l’achèvement de la série de livres « Apprendre à prier ».

Rav Menachem Mendel Michoulovine  / Ki Karov

 

Le Rav Zalman Goupine entre à pas mesurés dans le hall de la Yéchiva, en route pour abreuver son troupeau, ses élèves à la Yéchiva centrale Tom’hei Tmimim de Kfar Habad. Les générations se succèdent rapidement. Les murs de la Yéchiva de Kfar Habad se souviennent encore des arrière-grands-parents des élèves actuels recevant l’enseignement du  Rav Zalman toujours à son poste comme au premier jour, se donnant corps et âme pour que les principes de la hassidout s’ancrent dans l’esprit et le cœur de ses élèves.

Les Yéchivot ‘Habad sont l’endroit où, plus que nulle part ailleurs, on étudie les concepts les plus profonds du hassidisme, qui requièrent une étude longue et assidue, et sont par nature moins connus du grand public. Fidèle à sa mission, le Rav Zalman dans ses cours à ses élèves explique, simplifie, divise et établit, inculquant dans leurs cœurs la reconnaissance intime de l’annihilation de tous les mondes devant D.ieu. Eux, ses élèves, le regardent avec amour et ressentent la véritable délectation qu’il y a dans le service divin, sur la voie sainte tracée par nos maîtres, les Rabbi’s de ‘Habad.

Quand j’étudiais à la Yéchiva, je l’observais, comme les élèves, et m’imprégnais de sa conduite. Une étincelle se cachait dans ses yeux quand il parlait de hassidout. Bien que d’année en année, il enseignait généralement aux nouveaux élèves les mêmes discours et enseignements qu’il avait déjà donnés des dizaines de fois, il ne montrait jamais de signes de lassitude. Je ne l’ai jamais vu répondre mécaniquement, même sur un sujet qu’il maîtrisait. Sa silhouette est un rappel gravé dans les milliers de ses élèves que le hassidisme n’est pas seulement une philosophie sollicitant l’intellect de l’étudiant, mais une vérité divine qui se renforce chez ceux qui la suivent et devient pour eux un élixir de vie.

Quand le Rav Zalman explique les distinctions subtiles dans les discours de nos maîtres, il prononce des paroles d’intellect, mais on sent devant soi un morceau de vie, l’essence même de la vie du Rav lui-même qui, dès son plus jeune âge, a investi son âme dans le service divin et Son amour, se donnant pour étudier assidûment la Torah et en particulier la compréhension des secrets de la Torah, c’est-à-dire l’enseignement hassidique profond et vaste.

Ces dernières décennies, un changement s’est opéré. Les frontières de la Yéchiva ont été franchies et les cours du Rav Goupine, autrefois réservés, se déroulent aujourd’hui dans de nombreuses villes et communautés du public orthodoxe en Israël, attirant de nombreux fidèles. Nos yeux voient comment la promesse « Tes sources se répandront au-dehors » se réalise en ces jours, et l’enseignement hassidique devient le bien de dizaines de milliers d’Israélites désireux de goûter eux-mêmes à l’Arbre de Vie, qui est entièrement bon.

Des dizaines de livres reprenant ses cours sur le hassidisme ont été publiés, parmi lesquels se distingue la série « Apprendre à prier » – les explications hassidiques sur le texte de la prière, qui a connu une grande popularité auprès de ceux qui cherchent à s’approcher du Saint, à étudier et comprendre les concepts de l’enseignement hassidique, et à insuffler de la vie dans le service de la prière, qui est l’un des fondements de la voie ‘Habad.

Notre conversation avec le Rav Goupine a eu lieu à l’occasion de l’achèvement de la série et de la parution de deux nouveaux volumes sur les prières du Chabbat. Au cours de celle-ci, le Rav Goupine déroule un traité complet et limpide sur les fondements du service de la prière ‘Habad. Comme une myriade de particules formant un superbe puzzle, le Rav Zalman construit soigneusement ses propos, les érige par étapes, et présente au lecteur une toile merveilleuse sur la véritable voie de la prière et du service divin, dont les origines remontent aux collines de l’univers qu’étaient nos saints maîtres. L’entretien est divisé en trois parties…

Notre conversation avec le Rav Goupine a lieu à l’occasion de l’achèvement de la série et de la parution de deux nouveaux volumes sur les prières du Chabbat. Au cours de celle-ci, le Rav Goupine déroule un traité complet et limpide sur les fondements du service de la prière ‘Habad. Comme une myriade de particules formant un superbe puzzle, le Rav Zalman construit soigneusement ses propos, les érige par étapes, et présente au lecteur une toile merveilleuse sur la véritable voie de la prière et du service divin, dont les origines remontent aux collines de l’univers qu’étaient nos saints maîtres. L’entretien est divisé en trois parties. Tout d’abord, nous avons cherché à comprendre les fondements de la perspective hassidique sur la prière comme pilier central du service divin. Ensuite, le Rav Goupine nous a donné un aperçu de quelques exemples d’explications hassidiques insufflant une âme à la prière. Dans la dernière partie, le Rav Goupine trace la voie pour quiconque voudra monter dans l’échelle du service, guidant sur la bonne manière de procéder et soulignant notre capacité à opérer un tournant dans tout ce qui concerne la vie spirituelle de l’âme.

Les débuts de l’élévation

La prière est une « œuvre du cœur ». Ne serait-il donc pas préférable que chacun prie avec ses propres mots ? Il y a une tension constante entre le « texte fixe » et la « prière ». Comment ces deux aspects peuvent-ils coexister ?

C’est une bonne question. La prière est en effet une œuvre du cœur, où chacun exprime ce dont il a besoin. Le texte de la prière a été institué par les Sages, mais la base de la prière est « l’œuvre du cœur ». Ainsi écrit Maïmonide sur le commandement de la prière dans la Torah : « Il est requis qu’une personne loue l’Éternel et prie chaque jour, relate Sa gloire, puis exprime Sa louange et Sa gratitude pour le bien qu’Il lui a accordé, pour enfin formuler ses requêtes selon ses capacités ». Bien avant le « texte fixe », la prière est le cri du cœur.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les Sages ont institué un texte de prière. Mais ils n’avaient certainement pas l’intention de supprimer l’essence même de la prière, qui doit venir du cœur. S’il n’y avait pas de texte de prière ni d’obligation de prier chaque jour, certains n’auraient probablement jamais prié. Mais il est clair qu’après avoir institué un texte, l’œuvre du cœur reste l’essence de la prière.

Dans le texte institué par les Hommes de la Grande Assemblée se trouve tout ce qu’une personne peut avoir besoin de demander. Chaque passage de la prière porte plusieurs interprétations et significations, permettant à chacun d’y trouver ce qui lui convient, et s’accordant certainement avec les intentions expliquées dans la Kabbale et l’intériorité de la Torah. Mais l’essentiel est réellement de s’y connecter, que la prière ne soit pas seulement une récitation extérieure.

Tout Juif pourra probablement s’identifier à ces propos. Demandons à entendre l’apport novateur de Habad dans la voie de la prière.

Quand on dit qu’il faut éveiller le cœur, cela ne signifie pas seulement le cœur physique, mais prier avec l’âme. Nous avons une âme, et elle a ses propres besoins et désirs, et cela aussi est appelé « exprimer ses requêtes » dans la prière.

Que veut l’âme ? Elle n’a pas besoin de pain et de lait. Elle veut s’éveiller, se rapprocher du Tout-Puissant et Le servir avec joie. Mais pour « prier » avec cela, pour éveiller l’âme, pour que cela nous importe, il faut d’abord se connecter à l’âme.

Quand quelqu’un manque de choses matérielles, il n’a pas besoin d’une excitation particulière pour ressentir et exprimer ses besoins. Mais pour ressentir la soif spirituelle de l’âme, il faut étudier des choses qui éveillent l’âme et ouvrent le cœur.

Sais-tu ce que signifie le mot « prier » ? Il y a prier et il y a réciter. Réciter, c’est accomplir l’action de parler. prier, c’est une parole qui vient d’elle-même, comme par ricochet. Quand quelque chose pèse sur le cœur, la parole sort d’elle-même sans y prêter attention. Je ne vise pas à dire tel ou tel mot, quelque chose me brûle intérieurement et s’exprime par la parole. A quoi ressemble notre prière ? Si elle consiste à exécuter techniquement une action verbale, cela s’appelle réciter. Tandis que prier, c’est quand le cœur veut quelque chose, il veut des choses liées à l’âme, et la parole vient naturellement. Comment y parvenir sans étudier la ‘Hassidout ?

La soif spirituelle peut s’éveiller de diverses manières. On peut par exemple chanter une mélodie et éveiller l’âme. Qu’apporte de plus la prière à travers l’étude de la ‘Hassidout ?

Éveiller une soif spirituelle ? Ce n’est pas suffisant. Une personne peut ressentir qu’elle a soif, que son âme veut quelque chose, mais elle ne sait pas quoi. Pour vraiment prier, comprendre ce que l’âme recherche et s’y connecter, il faut étudier les explications de la ‘Hassidout.

Donc l’essentiel est l’étude de la ‘Hassidout. Alors pourquoi s’efforcer dans l »Avodat Hatefila » ?

Une personne peut imaginer une expérience qui lui procurerait de la délectation, comme un copieux festin ou un magnifique palais avec une vue époustouflante. Elle peut entendre des explications sur à quel point c’est merveilleux et comment c’est, mais au final, tant que ce n’est qu’une imagination, elle n’a pas atteint la chose elle-même. Tu as beaucoup entendu parler de nourriture, mais tu n’as rien goûté.

Nous étudions la Torah, la ‘Hassidout, et nous nous rapprochons du Tout-Puissant, mais cela reste une compréhension intellectuelle. Après tout cela, nous restons affamés car nous n’avons pas touché l’essentiel lui-même, et c’est ce que permet la prière.

Dans son énumération des 613 Mitsvot,  Rabbenou Saadia Gaon ne compte pas la prière parmi les 248 Mitsvot positives, et l’Admour Hazaken explique merveilleusement son point de vue. À travers ses paroles, nous apprenons un principe merveilleux sur l’importance de l »Avodat Hatefila ». Le Admour Hazaken écrit que celui qui pense que la prière n’est pas d’origine Torah n’a jamais vu la lumière de sa vie. Mais qu’en est-il ?

On sait que les 248 Mitsvot correspondent aux 248 membres du corps humain énumérés dans le traité Ohalot (1:8). Mais l’un des éléments les plus importants du corps, la colonne vertébrale qui soutient le corps, n’est pas mentionné par la Mishna. Est-ce parce que la colonne vertébrale n’est pas assez importante ? Ce serait insensé de le penser. Au contraire, chaque membre a une fonction spécifique, tandis que la colonne vertébrale soutient tous les membres et appartient donc à l’ensemble du corps, c’est pourquoi elle n’est pas comptée avec les membres spécifiques.

De même, chaque Mitsva a un contenu particulier qui lui est propre, mais la prière est comme la colonne vertébrale. Elle sous-tend la vie spirituelle et apporte lumière et vitalité à toutes les Mitsvot. C’est d’elle que dépend le sentiment de connexion au Tout-Puissant dans toutes nos autres actions tout au long de la journée. Sans prier, on peut accomplir une Mitsva avec toutes les minuties et les coutumes, mais lorsqu’on s’engage dans l »Avodat Hatefila », on commence à ressentir « Celui qui exprime le vœu », Celui qui a ordonné les Mitsvot, au sein même de la Mitsva. C’est l’intériorité de toutes les autres composantes dans la connexion avec le Tout-Puissant.

Dans le ‘Hayom Yom’, il est dit que « le commencement de la chute » spirituelle survient quand il y a une carence dans l »Avodat Hatefila ». On perd la vitalité dans le service divin, et finalement même l’accomplissement des Mitsvot se fait de manière automatique, sans vitalité. Et si c’est le côté négatif, il est certain que si un Juif veut se renforcer dans l’ensemble du service divin, les prémices de l’élévation passent par la prière et la préparation à son accomplissement comme il se doit.

Étudier et prier

Quel était l’objectif principal de votre travail sur ces livres ?

« Il y a ici des explications sur les versets de la prière à partir de l’enseignement hassidique », dit brièvement le Rav Goupine. « Quand on les étudie et qu’on y réfléchit pendant la prière, la prière devient quelque chose de différent et d’élevé. »

Là où le père est bref, le fils peut s’étendre. « Ces livres sont un morceau de la vie de mon père », nous dit ensuite le Rav Shimon Goupine, l’éditeur effectif des livres de son père.

« Mon père a l’habitude de dire : quand la vache mange de l’herbe, elle n’a pas l’intention de produire du lait dans son corps. Son intention est de manger, et le lait est produit naturellement. Un bon enseignant n’est pas celui qui étudie pour donner un cours, mais celui dont les paroles de Torah découlent de lui-même. Et dans notre cas : ces explications ne sont pas nées dans l’intention de publier un livre ou une série de livres, mon père n’avait pas cette pensée. Mon père s’est consacré toute sa vie à l »Avodat Hatefila », et les explications publiées dans cette série sont avant tout les concepts avec lesquels il a prié pendant des années. Il ne pensait pas que cela se retrouverait dans un livre imprimé, il priait simplement. Mais au fil des ans, on lui a demandé de donner des cours sur la prière, et par la suite est née l’initiative de coucher ces enseignements par écrit, puis de les imprimer. Mais pour ma part, je sens que ces livres englobent l’œuvre de service divin de mon père ».

« Un Juif qui souhaite être exposé directement à la Hassidout et goûter à la profondeur et à la richesse spirituelle qu’elle renferme, ces livres lui présenteront les choses de manière accessible et dans un langage fluide. L’étude des dissertations à la source requiert souvent une dextérité et une compréhension préalables du style de la Hassidout. Ce n’est pas facile pour quelqu’un qui n’y est pas encore habitué. D’un autre côté, même après avoir été retravaillés, ces livres sont ce qu’il y a de plus proche de l’étude à partir de la source originale. »

Pourrions-nous avoir un brillant exemple de la lumière hassidique qui peut éveiller nos cœurs dans la prière, tiré d’une des explications du livre ?

Au début de la prière, dans « Hodou », on mentionne sept fois une demande de délivrance au Tout-Puissant. Quel en est le contenu ? Il y a la délivrance matérielle, que chacun comprend, mais le hassidisme explique différemment le concept de délivrance.

Quand un Juif fait un véritable examen de son état spirituel, il trouvera qu’en réalité, il n’est pas certain de mériter que le Tout-Puissant accomplisse son désir. Particulièrement lorsqu’il sait que « même les cieux ne sont pas purs à Ses yeux », et que pour le Tout-Puissant, tout est comme rien et néant, quelle force a-t-il pour S’adresser et demander pour lui-même et ses besoins ?

Cependant, il y a plusieurs formes de relation entre le Tout-Puissant et le monde. Du point de vue de la conduite régulière et de l’émanation des mondes, un jugement et un calcul sont faits avec chaque créature pour déterminer si elle mérite de recevoir une influence d’en-haut. Et de cette manière, quand un Juif ne se ment pas à lui-même, il ne trouve en effet aucun moyen de se tenir debout et de demander au Tout-Puissant ce qu’il désire.

Certes, tout cela se produit lorsque le Tout-Puissant « descend » en quelque sorte de Son niveau et accorde une relation aux mondes. À l’inverse, au niveau du « Keter » (la Couronne), indiquant le Tout-Puissant tel qu’Il est par Lui-même, étant suprême et élevé au-dessus de la conduite des mondes, alors les créatures n’occupent aucune place et leurs actions – bonnes ou mauvaises – n’ont aucun effet.

La ‘Hassidout explique ainsi les paroles du Midrash (Béréshit Rabba) : « La terre était alors tohou vavohou » – ce sont les actions des méchants, « Et D.ieu dit : ‘Que la lumière soit' » – ce sont les actions des justes, « mais Je ne sais pas en laquelle Il désire, de celles-ci ou de celles-là. Puisqu’il est écrit : ‘Et D.ieu vit que la lumière était bonne’, c’est donc dans les actions des justes qu’Il désire, et non dans celles des méchants. »

À première vue, les paroles du Midrash sont très obscures. Quelle place y a-t-il pour le doute sur les actions que D.ieu désire ? Comment peut-on concevoir que D.ieu puisse désirer, que D.ieu préserve, les actions des méchants ? Mais c’est du point de vue du niveau du « Keter » – le Tout-Puissant tel qu’Il est élevé au-dessus des mondes, et donc les actions des hommes n’ont pas de signification. C’est aussi l’explication de l’existence des ennemis d’Israël et de toutes les nations qui se rebellent contre Son règne. Puisque les actes de l’homme ne sont pas pris en compte à ce niveau, ils peuvent aussi recevoir l’influence et la vie, à tel point qu' »Il ne sait pas en laquelle Il désire ».

Mais même de ce niveau, le Juif ne peut pas demander pour lui-même, puisqu’il n’a pas la certitude de recevoir l’influence d’en-haut, car il n’a aucune supériorité sur ceux qui transgressent Sa volonté.

Cependant, après tout cela – explique la ‘Hassidout – il y a l’aspect intérieur du Tout-Puissant, appelé « l’intériorité de Keter » et « l’intériorité de l’Environnant ». En effet, il s’agit du niveau de l’Infini, où les créatures n’ont pas d’importance par elles-mêmes, mais le Tout-Puissant de Son côté choisit précisément les âmes d’Israël qui possèdent la force de l’abnégation envers le Divin, et c’est donc à elles spécifiquement qu’Il transmet cette délivrance pour laquelle nous prions dans le « Hodou ».

Ainsi, pour éveiller en quelque sorte « l’intériorité » du Tout-Puissant, afin qu’il soit révélé que Son intention véritable est précisément envers les âmes d’Israël, il incombe aussi à la personne qui prie d’éveiller son propre intérieur, pour que l’éveil vienne de l’essence même de l’âme. C’est un grand travail, et pour se connecter à tout cela, il faut étudier et comprendre ce qu’est « l’ordre de l’émanation », ce qu’est le mode d’influence limité du Tout-Puissant et la différence entre l’Infini et le Fini, et alors on comprend le contenu de la demande au Tout-Puissant.

Bien sûr, nous avons brièvement abordé un sujet qui contient de nombreux autres détails nécessitant des explications. « Donne à un sage et il deviendra plus sage encore. » Mais si quelqu’un étudie ces choses, il comprendra ce qu’il veut dire dans le « Hodou Lhachem ».

L’heure du combat

Pourriez-vous nous partager par qui avez-vous été influencé pour le service de la prière ?

La figure centrale qui m’a influencé sur ce sujet était le Rav Shlomo ‘Haim Kesselman, de mémoire bénie (le Mashpia de la Yéchiva Tom’hei Tmimim jusqu’à son décès en 1971). Il en parlait sans cesse. Les élèves abrités sous son ombre recevaient profondément ces enseignements. Il inculquait la reconnaissance que sans prier selon les instructions de la Hassidout, tout ce qu’on étudie – que ce soit dans le Nigla (partie exotérique de la Torah) ou la Hassidout – est comme le squelette d’un bâtiment. Tout tient debout, les murs, les pièces, mais la maison n’a pas d’âme. Ce n’est pas une maison vivante. Rav Shlomo ‘Haim montrait lui-même l’exemple vivant et brillant de cela, et le transmettait à ses nombreux élèves.

Rav Shlomo ‘Haim s’occupait aussi de la guidance pratique et instruisait les jeunes gens sur la manière de prier. L’une de ses instructions était de choisir le passage de la prière qui parle le plus à votre cœur, dont vous connaissez déjà le contenu, et dans ce passage ne pas vous contenter de l’explication littérale des mots, mais de réfléchir sur le contenu expliqué selon la Hassidout. Cela peut être dans la bénédiction « Ahavat Olam Ahavtanou », dans « Ashrey Yoshvey Veteikha » ou dans tout autre passage, et de répéter cela pendant deux semaines consécutives. Même pour le reste de la prière, il faut prier avec l’explication des mots, et alors forcément on dit la prière lentement, et on passe plus de temps et on investit sa réflexion sur le passage choisi pour la méditation.

Dans l’espoir que ces paroles éveilleront le lecteur à prier plus sérieusement, comment devrait-il s’y prendre dans l’ordre correct ?

Il y a bien sûr beaucoup de niveaux dans cela. Premièrement, il y a la notion d' »Omdim Leitpalel » – se tenir prêt pour prier. Une personne doit se détacher de ce qui précédait, et se mettre dans un état d’esprit nouveau. Il va de soi que si on aborde la prière juste après une conversation futile, cela ne fonctionnera pas.

Le Mashpia Rav Mendel Futerfass décrivait trois étapes dans le service divin : la première étape est simplement d’énoncer les mots correctement, que chaque mot soit correctement prononcé. Rav Mendel avait une approche très pratique, et c’est pourquoi il jugeait bon de donner aussi ce type d’instructions, car il y en a pour qui c’est déjà un travail hors du commun. L’étape suivante est de comprendre la signification des mots qu’on dit dans la prière, ce qui est bien sûr beaucoup plus élevé. À la troisième étape, on médite sur les explications de la Hassidout à l’intérieur des passages de la prière, et à ce stade il y a des niveaux sans fin.

Bien sûr, il n’est pas utile de charger toute la prière d’explications, car il n’y a pas de fin et « trop embrasser nuit ». On commence par un psaume dans la prière, ou deux. Et comme je l’ai mentionné plus tôt de la part de Rav Shlomo ‘Haim, quand on aborde l’étape de prier avec une méditation de la Hassidout, on choisit un passage auquel on se sent proche, et dans ce passage on ne se contente pas seulement de l’explication littérale des mots mais on médite sur le contenu du passage tel qu’expliqué par la Hassidout, tandis que pour le reste de la prière on prie avec l’explication des mots seulement.

Après s’être entraîné à cela pendant environ deux semaines, il devient plus facile de s’attarder sur ce passage, et on peut poursuivre avec un autre passage. Quand on s’engage dans la méditation, il arrive parfois qu’au milieu de la prière, et même dans les passages principaux du Chema et de l’Amida, on n’ait déjà plus la force de se concentrer beaucoup, mais ce n’est pas grave. Vous avez déjà « prié » auparavant. Le sentiment d’avoir manqué quelque chose et la frustration de ne pas avoir accompagné toute la prière d’une méditation approfondie viennent parfois de la recherche de la perfection, ce qui n’est pas la voie de la Hassidout.

« Sans prier, on peut accomplir une Mitsva avec toutes ses minuties, mais quand on s’engage dans l »Avodat Hatefila », on commence à ressentir ‘Celui qui exprime le vœu’, Celui qui a ordonné les Mitsvot. C’est l’intériorité de toute la connexion avec le Tout-Puissant. »

Car c’est proche

Il y a de nombreux Juifs qui étudient la Hassidout et veulent investir dans la prière, mais dans les faits, ils n’y arrivent pas. Le problème est qu’on ne sait pas comment relier l’étude à la prière.

Dans le Zohar sacré, il est dit au sujet de la prière : « L’heure de la prière est l’heure du combat ». L’explication simple est que pour prier, il faut combattre toutes les perturbations de la prière – avec l’âme animale qui interfère avec des pensées étrangères (« Qui est cette âme animale ? C’est nous-mêmes »), avec la faim et la fatigue, et c’est un combat très difficile. Cependant, selon cette explication, le combat est pour la prière, mais il n’est pas question que la prière elle-même soit un combat.

Cependant, dans la Hassidout, les choses sont expliquées de manière plus profonde, selon laquelle la prière elle-même est effectivement un combat. Pourquoi ? Parce qu’au moment de l’étude de la Hassidout, avant la prière, on s’occupe de la compréhension des concepts divins abstraits en eux-mêmes – et comme on le sait, il y a une abondance d’explications dans la Hassidout qui élargissent l’esprit sur la divinité et il y a en eux une grande richesse conceptuelle. Mais au moment d’expliquer le concept, c’est encore loin de la personne et il n’y a pas de combat sur cela. Mais le but de la prière, comme mentionné, est de se connecter et de s’identifier pleinement avec ce que la personne a compris auparavant d’un point de vue intellectuel, et c’est là-dessus qu’un grand combat est livré. Il n’est pas du tout facile de transformer ces concepts en quelque chose que le cœur approuve et vit.

Il faut souligner : certains pensent à tort que le travail de la méditation dans la prière signifie de repenser à ce qu’ils ont appris auparavant dans la Hassidout. Ce n’est pas exact. La révision et le résumé des choses doivent faire partie de l’étude elle-même. Par exemple, pendant la prière, on ne s’occupe pas de l’explication du « pouvoir de l’Actif dans le passif » (la vitalité divine qui crée et anime chaque détail de la création), mais du pouvoir de l’Actif lui-même. Ce n’est pas le moment de réfléchir à l’explication des choses, aux preuves qui obligent à ce que ce soit effectivement ainsi, mais dans la prière, nous nous plaçons face à la chose elle-même. Est-ce que je m’identifie au fait que le Tout-Puissant anime chaque détail du monde à chaque instant, y compris cette table sur laquelle nous parlons ? Est-ce ainsi que je me rapporte à mon environnement ? Quand j’examine si c’est une réalité pour moi, je suis « projeté » dans les choses et elles m’emmènent ailleurs.

C’est à cela qu’on appelle un véritable combat. C’est un affrontement face à face, mais c’est aussi un signe de notre rapprochement avec le sujet – le mot « krav » (combat) vient de « karov » (proche). Lorsqu’on s’occupe de la compréhension intellectuelle des choses pendant l’étude, elles restent éloignées de la personne, mais au moment de la prière, on s’efforce de s’identifier aux choses et c’est ce qui nous rapproche.

Alors la réflexion pendant la prière est : est-ce que ma conduite correspond à la compréhension du « pouvoir de l’Actif dans le passif » ? Non. C’est déjà l’étape suivante – le résultat pratique. À la première étape, je dois reconnaître avec mon intellect et « intégrer » qu’il y a une force divine qui crée et anime tout. C’est la vérité véritable, et le fait que je ne le voie pas de mes yeux de chair n’est pas un problème du tout. Pour l’instant, peu importe quel sera le résultat et le changement dans ma conduite qui en découlera, c’est déjà l’étape suivante.

Et pourtant, il semble que même quand on investit cet effort, tout le monde n’y arrive pas.

La raison en est que la personne aborde la prière sans savoir ce qu’elle s’apprête à faire maintenant. Que comptes-tu faire dans cette prière ? Dire les mots ? Réfléchir sur le sens des mots ? Réfléchir aussi aux explications de la Hassidout ? Ce n’est pas encore la prière.
Dans la prière, on ne cherche pas l’intellect, mais l’essence de l’intellect. Dans les discours du Rabbi Rayatz, de mémoire bénie, il explique cela ainsi : comme on le sait, il y a trois aspects dans la connaissance de toute chose – le connaisseur, la connaissance et le connu. Prenons l’exemple de celui qui étudie la sagesse de l’astrologie. Le « connaisseur » est la personne qui étudie la sagesse, la « connaissance » est la sagesse apprise, et le « connu » est les sphères célestes et les constellations elles-mêmes.

Et pour revenir à l’étude de la Hassidout : quand on étudie le « pouvoir de l’Actif dans le passif », c’est la « connaissance ». Qu’est-ce que le « connu » ici ? C’est le pouvoir de l’Actif dans le passif lui-même. Et c’est ce que je recherche dans la prière, le voir d’un point de vue intellectuel. Cela demande des efforts, cela prend du temps, et c’est différent de l’étude.

Il y a une histoire connue sur un Juif simple, des ‘hassidim du Admour Hazaken, qui a prié pendant quarante ans avec un bref concept qu’il avait entendu du Rabbi : « Zakhor veshammor bedibour e’had neemrou » – c’est-à-dire que dans chaque parole, on doit se rappeler et garder « l’Un ». On peut comprendre qu’il n’y a pas ici de « compréhension intellectuelle » à méditer pendant quarante ans, mais il priait avec l’essence de ce concept, et son travail était d’adopter cette perspective dans chaque fibre de son âme.

L’œuvre perpétuelle

Vers la fin, le Rav Goupine parle de son propre chef des élèves qui, dans leur jeunesse, s’étaient investis dans l »Avodat Hatefila », mais avec les années, on ne perçoit plus la même sérieux et le même investissement de leur part :

Comme mentionné, la prière à son niveau simple est l’expression de nos besoins. On prie pour un manque. Certes, dans la Hassidout, on explique que l’essence de la prière est la connexion avec D.ieu, mais au niveau simple, la prière vient comme une requête pour les manques de l’homme.

On peut relier cela à notre sujet. En général, ceux qui commencent à s’occuper de la prière dans leur jeunesse pensent qu’ainsi ils atteindront une certaine plénitude, et c’est pour cette raison qu’au fil des années, cela s’affaiblit en eux jusqu’à potentiellement cesser complètement. En revanche, si on prie avec un sentiment de nécessité – qu’on ne peut faire autrement – et en particulier pour celui qui persévère dans l’étude de la Hassidout, ce qui le dérange encore plus que les choses ne « s’attachent » pas bien à son âme et il comprend qu’on ne peut pas se passer de la prière avec la méditation appropriée – alors il réussit à persévérer également dans un investissement correct dans l »Avodat Hatefila ».

 

Le Rav Shneor Zalman Goupine est né en 1945, il a grandi en Russie puis sa famille a émigré en Israël en 1949 pour s’installer à Kfar ‘Habad.
– Il a étudié auprès du Rav Chelomo ‘Haim Kesselman et a fait partie du groupe d’étudiants (« Kvoutza ») auprès du Rabbi de Loubavitch à New York.
– Nommé Mashpia (guide spirituel) à la yeshiva Tomkhei Temmimim de Kfar ‘Habad en 1976, puis Mashpia Rachi (principal) après le décès du Rav Fouterfass en 1995.
– Connu pour sa profonde connaissance de la Hassidout et son talent d’orateur/enseignant.
– A publié plus de 20 livres d’enseignements ‘hassidiques tirés de ses cours, dont la série « Apprendre à prier » expliquant la prière selon la Hassidout.
– Donne de nombreux cours et discours ‘hassidiques à travers Israël, notamment au centre Mayanei Yisrael à Jérusalem.